Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIIIe dimanche après la Pentecôte

[Laetitia]

Vous voyez, mes frères, quelle raison de craindre porte avec elle une foi stérile en de si grands mystères.

Au dernier jugement, pourrons-nous alléguer une seule excuse de notre irréligion et de notre négligence, nous qui, excités de tant de manières à la piété, aurons passé toute notre vie dans le péché et l'injustice, semblables à des infidèles qui ne connaissent pas notre sainte religion ? Mais mes paroles ne peuvent que vous avertir du péril ; aucune éloquence ne saurait en montrer la grandeur.

La foi oisive et morte, outre qu'elle ne donne à celui qui la possède ni la vie ni le salut, est encore exposée à s'éteindre et à perdre sa lumière. C'est ce que l'Apôtre indique clairement lorsque, recommandant à son disciple Timothée la pureté de la bonne conscience, il ajoute que « ceux qui la repoussent ont fait naufrage en la foi, » Tim. II, 19. Voilà pourquoi le démon pousse toujours au péché, pour déraciner, s'il le peut, la foi elle-même. « Anéantissez, anéantissez en elle jusqu'au fondement. » Exinanite, exinanite usque ad fundamentum in ea, Ps. CXXXVI, 7. Car le fondement de toutes les vertus et de toute la vie chrétienne, c'est la foi, que le démon, avec la permission de Dieu, s'efforce de renverser. Voici comment le prophète Isaïe (ch. XXX, 14 ) en décrit la ruine : « Elle se brise avec effort en mille morceaux, sans qu'il en reste seulement un têt pour y mettre un charbon pris au foyer, ou pour puiser un peu d'eau dans une fosse. » En effet, la foi disparue, il ne reste plus rien dans l'homme de la divine semence qui pouvait le sauver de la mort éternelle et l'exciter à la piété et à la justice. Or, la foi s'en va d'ordinaire quand on résiste avec opiniâtreté à sa lumière et à ses avertissements secrets. On voit alors ces chrétiens infidèles en venir à ce point de folie, qu'ils nient la divine Providence, ou tombent dans quelque autre erreur qui leur permette de vivre à leur guise : tels sont les hérétiques de nos jours qui, ne voulant entendre parler que de la foi seule, et supprimant les mérites des bonnes œuvres, s'abandonnent sans frein à tous les débordements.

Adressons donc des actions de grâce au Seigneur Jésus, auteur et consommateur de notre foi ; louons-le avec un zèle infatigable de nous avoir préservé de tout contact avec ces hommes corrompus, et en même temps appliquons-nous à conserver la foi et la pureté de conscience, nous laissant conduire par ses avertissements et guider par sa lumière, obéissant à tout ce qu'elle commande, redoutant ce dont elle nous menace, aimant ce qu'elle propose à notre amour et les biens qu'elle nous promet, les espérant, les désirant et les recherchant avec toute l'ardeur et la générosité dont nous sommes capables. Daigne nous accorder ces biens célestes et éternels le Seigneur Jésus, qui est béni aux siècles des siècles ! Ainsi soit-il.