Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

III.


Il y a encore une autre circonstance à considérer dans ce bienfait de la création, dont le Seigneur avait consacré la mémoire par la loi du sabbat. Nous savons, en effet, que cet univers, la plus grande, la meilleure, la plus belle, la plus parfaite, la plus admirable chose qu'il soit donné à nos yeux de contempler ici-bas, est l'œuvre de la toute-puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu.
Mais en faveur de qui ce grand architecte a-t-il exécuté une œuvre si belle et si merveilleuse ? Nous l'avons dit souvent ailleurs, Dieu n'a point créé pour lui-même, n'ayant besoin de rien ; ni pour les anges, êtres incorporels à qui cet univers matériel est inutile ; ni enfin pour les brutes, qui, dépourvues de raison, ne peuvent ni connaître leur Créateur, ni lui rendre grâces pour ses bienfaits. Il ne reste que l'homme pour qui ce grand ouvrage ait pu être fait ; et ce qui prouve qu'il en est ainsi, c'est que toutes les créatures de ce bas monde servent à l'utilité de l'homme. Si donc c'est pour l'usage et l'agrément de l'homme que Dieu a créé l'univers, l'homme lui-même, à qui il a bâti un palais si magnifique, pour quelle fin, je vous le demande, l'a-t-il créé ? Est-ce pour jouer ? Pour rester oisif ? Pour satisfaire ses inclinations ? Pour se livrer aux plaisirs ? Pour passer le temps à manier des cartes ? Pour planter des vignes et des oliviers ? Pour faire la guerre à ses voisins ? Pour écumer les mers avec des flottes armées ? Un insensé lui-même, s'il a conservé une lueur de raison, ne le soutiendrait pas ; il comprendrait qu'une créature si noble que l'homme a été faite pour une fin meilleure et plus haute.

Quelle est donc cette fin ? C'est qu'instruit par le spectacle de tout ce qui l'entoure, il reconnaisse Dieu comme son Créateur et son très-bon Père, qu'il l'aime, qu'il obéisse à ses commandements, et que, lui rendant grâces pour ses nombreux bienfaits, il se rende digne d'en recevoir de plus grands encore. Telle était la fin vraiment digne et du grand ouvrier et du noble ouvrage qui porte l'empreinte de la ressemblance divine : la création pour l'homme, et l'homme pour le Créateur.

Ainsi, toutes les fois que l'homme est occupé à servir Dieu ou à chanter ses louanges, il remplit sa fonction, il accomplit la fin pour laquelle lui-même a été placé en ce monde, et ce monde a été fait en sa faveur. Toutes les fois qu'il néglige ce devoir pour se livrer tout entier aux passions charnelles, alors il consume en vain sa vie, il abuse et se rend indigne de la soumission qu'il trouve dans toutes les créatures; alors il devient un fripon et un voleur qui reçoit le salaire de son maître sans remplir la tâche qui lui est assignée.

Voilà ce que nous enseignent tout ensemble la foi et la raison.

(à suivre)
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Qu'y a-t-il donc de plus indigne, de plus injuste, de plus monstrueux, que ce que nous avons partout sous les yeux, savoir une multitude innombrable d'hommes qui ont oublié le bienfait de la création, qui ne se demandent jamais pourquoi Dieu les a mis sur la terre ou à quelle fin il les a destinés, et qui, négligeant la pratique des bonnes œuvres, consument leur vie entière à manier des cartes, à se plonger dans l'orgie, à pratiquer le dol et la fraude, à amasser des richesses par tous les moyens, justes ou injustes ? Pour bien comprendre l'indignité d'une pareille conduite, représentez-vous un roi très-puissant qui a destiné l'un de ses fils au ministère ecclésiastique. Pour cela, il l'envoie dans une académie s'instruire des sciences théologiques et canoniques ; mais auparavant il lui a fait bâtir, avec une royale magnificence, un vaste palais, dont le splendide ameublement répond à la beauté de l'architecture ; tout auprès se trouve un parc charmant, qu'arrosent des ruisseaux frais et limpides : c'est là que le jeune prince, après les fatigues de l'étude, viendra se récréer. Si ce prince, une fois établi dans le palais, au lieu de fréquenter les classes, de s'occuper de livres et d'études, passait tout son temps à jouer aux cartes, à chasser, à nourrir des chevaux et des chiens, n'aurait-on pas lieu d'être étonné, affligé d'une pareille conduite ? Mais lorsque le père viendrait à l'apprendre, quelle douleur et quelle confusion de voir ses projets renversés et toutes ses dépenses devenues inutiles ! Tous nous condamnons hautement la conduite de ce fils.

Eh bien, mes frères, le roi du ciel a, pour l'usage de l'homme, construit ce vaste palais de l'univers, il l'a orné avec luxe et magnificence, il a parsemé le ciel d'astres étincelants, paré la terre de plantes et d'herbes de toutes sortes, de fleuves et de ruisseaux qui l'arrosent, et de mille autres biens, afin que l'homme, ayant reçu de Dieu toutes ces richesses, consacre sa vie entière au service de son Créateur et de son tendre Père : et voici qu'oublieux d'une obligation si sacrée qui devait passer avant toutes les autres, l'homme n'en prend nul souci et ne pense pas même à la remplir ! Il ne se demande ni par qui, ni pour quelle fin il a été créé ! Il passe sa vie dans un perpétuel oubli de Dieu et de ses commandements, et se conduit comme s'il n'était né que pour le jeu, pour le plaisir, pour le repos, pour l'argent ! Quoi de plus indigne, de plus injuste et de plus monstrueux ? Malheureux, c'est donc en vain, du moins en ce qui te concerne, que tu as été créé, en vain que le soleil t'éclaire, en vain que la terre te donne ses produits, en vain que la mer te fournit tes aliments, en vain et sans que tu le mérites, que toute créature se met à ton service, puisque tu refuses d'obéir au Créateur de l'univers, et que tu l'offenses par tes crimes.
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Qui ne reconnaîtrait ici l'influence du démon, qui enveloppe l'esprit de l'homme de ténèbres épaisses pour l'empêcher, au milieu des bienfaits divins qui l'environnent, de penser à son Créateur et de lui témoigner sa gratitude, le rendant en cela semblable au troupeau qui reste muet quand on le conduit à la crèche ou à la pâture ? Et que parlé-je de troupeau ? La stupidité de ces hommes est plus grande encore, au témoignage même du Seigneur : « Le bœuf, dit-il, connaît celui à qui il appartient; et l'âne, la crèche de son maître ; mais Israël ne m'a point connu, et mon peuple a été sans entendement. » Cognovit bos possessorem suum, et asinus præsepe domini sui : Israel autem me non cognovit, et populus meus non intellexit, Isai. 1, 3.

Ainsi la fin pour laquelle le Seigneur a créé le monde fait voir clairement quelle est la perversité de ces hommes qui, ne tenant aucun compte des desseins de Dieu, se mettent tout entiers au service, non de leur Créateur, mais du démon. Les esprits bienheureux eux-mêmes ne pourraient concevoir ni exprimer l'indignité d'une telle conduite. Prions donc le Seigneur de nous ouvrir les yeux et de nous donner l'intelligence, afin que, comprenant au moins en partie la grandeur de ses bienfaits, nous l'aimions de tout notre cour, nous l'ayons toujours en vue, nous lui soyons toujours reconnaissants de ce qu'il a fait pour nous, nous obéissions à ses commandements, et nous préférions perdre la vie et tout ce qui nous est le plus cher ici-bas, plutôt que de blesser par la plus légère faute son infinie majesté. Animés de ces sentiments et de ces saintes dispositions, nous mériterons de recevoir sa grâce dans la vie présente, et de partager sa gloire dans la vie future. Ainsi soit-il.
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