Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le IXe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le IXe dimanche après la Pentecôte

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IV.


Nous pouvons donc, à tous ces hommes aveugles qui s'endurcissent dans leur péché, adresser les paroles de notre Seigneur : « Si vous aviez connu, vous aussi, » etc. Car l'âme coupable, dit saint Grégoire, adonnée aux choses présentes, plongée dans les voluptés terrestres, se cache à elle-même les maux qui l'attendent, et ferme les yeux sur des châtiments qui troubleraient sa joie actuelle. Ce qui suit ne lui convient pas moins : « Des jours viendront pour toi, où tes ennemis t'environneront de tranchées. » Quels sont ces ennemis, sinon les démons acharnés à notre perte, qui, à l'approche de la mort, environnent l'âme du méchant, et lui mettent sous les yeux tous les crimes de sa vie passée dans lesquels ils l'ont fait tomber, pour le porter au désespoir ? En ce moment l'esprit de fornication lui représente, comme de hideux fantômes, toutes les taches, toutes les souillures de sa vie, toutes les pensées mauvaises, tous les désirs, toutes les actions honteuses. En ce moment l'esprit d'avarice lui rappelle ses rapines, ses fraudes, ses vols, ses procès injustes. En ce moment l'esprit de dispute et de discorde lui met sous les yeux ses haines, ses jalousies, ses colères, ses détractions, ses désirs de vengeance ; l'esprit d'orgueil, son ambition, son faste, son arrogance, ses dédains, pour lesquels le malheureux pécheur n'a offert à Dieu aucune satisfaction. C'est ainsi qu'ils environnent et assiègent son lit de mort. Et non-seulement ils l'environnent, mais ils le « pressent» et le mettent dans l'angoisse au sujet de son salut et du sort qui le menace. L'infortuné se voit déjà au pied du tribunal du souverain Juge, d'un Juge incorruptible, que les présents ne peuvent gagner, que les artifices ne peuvent tromper, que les prières ne peuvent fléchir. Il se voit placé sur la limite du temps et de l'éternité, du temps qui est fini, de l'éternité dont l'abîme sans fond s'ouvre devant lui, sans savoir le sort qui lui est réservé. Quelle inquiétude alors, quel tremblement, quelles angoisses, quel regret de sa vie passée ! « Ah ! s'écrie saint Grégoire, pensons combien sera terrible pour nous cette heure de la mort ! Quelle appréhension ! quelle épouvante ! quel oubli de la félicité antérieure ! Quelle crainte du souverain Juge ! Quel plaisir pouvons-nous trouver aux choses présentes, quand tout passe, excepté ce qui nous attend, quand ce que l'homme recherche est fini pour toujours, et que commence ce qui ne finit jamais ?
Lorsque l'âme sort du corps, les esprits malins revendiquent leurs œuvres ; ils réclament le pécheur qui a suivi leurs inspirations, pour l'entraîner avec eux au milieu des tourments. »

Puisqu'il en est ainsi, mes frères, puisque cette fin nous attend tous, et que nul, parmi les enfants d'Adam, ne saurait se soustraire à ce terrible combat, puisque le dernier jour de notre vie doit décider de notre vie tout entière, que dis-je ? de notre éternité, qu'avons-nous autre chose à faire, à penser, que de nous trouver prêts et armés pour ce moment redoutable ? Car toute la vie du chrétien ne doit être qu'une continuelle préparation à la mort. C'est ce que le Sauveur nous apprend, lorsqu'il nous exhorte par tant de paraboles à veiller toujours, parce que nous avons ni le jour ni l'heure où il viendra, et qu'en ce moment sera rendue une sentence qui décidera, non d'un héritage, non de quelque bien temporel, mais de la vie ou de la mort éternelle.
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le IXe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

C'est donc, mes frères, la chose du monde la plus étrange, la plus incompréhensible, que des chrétiens qui croient ces vérités d'une foi très-ferme, qui savent que ce dernier moment viendra pour eux, comme il vient pour tous, restent néanmoins dans une sécurité parfaite et n'ont aucun souci, aucune inquiétude du danger qu'ils courent. Une comparaison vous fera comprendre leur folie et leur aveuglement.

Si un roi puissant apprenait qu'un autre roi non moins puissant rassemblait une armée nombreuse pour lui faire une guerre acharnée et le dépouiller de ses États, que ferait, je vous le demande, le premier de ces deux rois ? J'entends chacun de vous me répondre qu'avec non moins d'ardeur et de zèle il s'empressera de réparer ses forteresses, de se procurer des armes, d'enrôler des cavaliers, des soldats et des capitaines, et cela sans que lui et ses ministres prennent de repos ni le jour ni la nuit ; car il faut non-seulement qu'ils repoussent une injuste agression, mais encore qu'ils s'emparent des États et des trésors de l’agresseur. Leur ardeur sera donc excitée par un double aiguillon, l'ambition et le besoin de se défendre, afin de ne pas tomber entre les mains d'un ennemi qui leur ravirait, avec le trône, la vie et la liberté. Voilà la conduite que le simple bon sens inspirerait à ce souverain. Or, mes frères, éclairés du flambeau de la foi, nous savons qu’un danger bien plus terrible nous menace à l'heure de la mort et du jugement, et que, si nous arrivons à cette heure bien préparés et les mains pleines de bonnes œuvres, nous obtiendrons la couronne du royaume céleste, et nous échapperons aux flammes éternelles de l'enfer ; si nous succombons, au contraire, nous perdrons ce royaume éternel, et nous serons précipités pour toujours dans d'éternels supplices. Dès lors qu'avons-nous à faire en cette vie, quel doit être l'objet de nos pensées et de nos veilles, si ce n'est de nous efforcer d'arriver bien préparés à ce moment redoutable ? Qui ne voit que cette conduite est la seule sage ? Qui oserait tenir un autre langage ? Où est l'homme raisonnable que ce raisonnement ne convaincrait pas ? Et qui de vous ne comprend en même temps combien sont aveugles ceux qui ne voient pas le danger qui les menace, ou qui, le voyant, n'en ont pas le moindre souci ? Remarquez encore que les circonstances sont loin d'être les mêmes de part et d'autre. Dans le premier cas, il ne s'agit que de la perte d'un trône terrestre, que l'on quitte avec la vie ; mais dans le second, il s'agit d'un trône céleste, que son heureux possesseur doit occuper pendant toute l'éternité. Autant donc le ciel l'emporte sur la terre, autant l'éternité est au-dessus de ce qui passe comme l'ombre, autant les intérêts engagés dans notre cause l'emportent sur ceux du roi dont nous avons parlé. Qui donc, mes frères, nous a aveuglés à ce point ? Qui a étendu sur les yeux de notre âme des ténèbres assez épaisses pour l'empêcher d'apercevoir des vérités si claires ? Est-il besoin d'autres preuves pour nous convaincre qu'il y a dans le monde des princes de ténèbres, des tentateurs et des séducteurs, dont les illusions obscurcissent tellement notre intelligence, que nous ne voyons plus en pleine lumière, et dont les suggestions sont si puissantes pour nous porter au mal, que nous embrassons ce que notre jugement et notre raison condamnent. Telle est leur funeste influence que, si parfois notre âme est convaincue par quelque raisonnement semblable à celui que vous venez d'entendre, sans pouvoir résister à la force de la vérité, ils tiennent néanmoins la volonté captive dans les liens des affections déréglées, en sorte que le malheureux pécheur, qui sait, qui voit, qui croit, qui comprend ce qui pourrait le sauver, aime mieux se précipiter à sa perte.

Donc, mes frères, que tout homme de bon sens qui a son salut à cœur et qui voit des yeux de la foi la grandeur de ce danger, envisage sa vie comme une veille incessante, comme une perpétuelle préparation à la mort ; qu'il ait sans cesse la mort devant les yeux; et, selon l'expression de saint Jean Climaque, qu'il s’unisse à elle par le lien d'une indissoluble union, qu'il prenne ses repas avec elle, qu'il l'appréhende toute la vie, afin qu'un jour il l'affronte sans crainte. Plus on l'aura redoutée quand elle était encore loin, moins on craindra en sa présence. Heureux l'homme qui garde toujours une sainte frayeur ! La meilleure préparation à la mort, c'est de régler chaque jour nos pensées, nos paroles, nos actions, comme si nous devions ce jour-là être traduit au tribunal du souverain Juge. « Celui-là, dit encore saint Jean Climaque, ne passe pas pieusement la journée, qui ne la regarde pas comme la dernière de sa vie. »

Daigne nous en faire la grâce notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et le Fils aux siècles des siècles. Ainsi soit-il
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