Extraits tirés de DE L'OBÉISSANCE ET SOUMISSION QUI EST DUE À N. S. P. LE PAPE EN CE QUI REGARDE LES CHOSES DE LA FOI, par Messire Louis ABELLY Évêque de Rodez (1654)
(...) saint Augustin, sur le psaume 108, dit que saint Pierre, à raison de la primauté de son apostolat, représentait toute l'Église. « Petrus apostolus, propter apostolatus sui primatum, totius Ecclesiae gerebat figurata generalitate personam. " (Aug. in Psal. 108)
Et, en effet, Jésus-Christ ayant imposé à
ce saint apôtre le nom de Cephas,
c'est-à-dire (comme l'explique saint Optât, évêque
d'Afrique, le prenant selon les termes de la langue
grecque) l'ayant constitué chef de tous les apôtres,
et par conséquent de toute son Église, tout ainsi
que les sens du corps humain sont par excellence
dans le chef, de même ce chef mystique comprenait
en quelque façon et contenait en soi tout le reste de
l'Église.
Or, comme cette qualité de chef de l'Eglise n'est pas
demeurée seulement en la personne de saint Pierre,
mais a été transmise à tous ses successeurs en la chaire
apostolique (comme il sera plus amplement expliqué
ci-après), aussi nous pouvons avec inférer de là que
quiconque manque à la révérence et soumission envers
ce chef de l'Église, pèche contre le respect et l'obéissance
qu'il doit à toute l'Eglise, et que ce péché est d'autant plus
grave que par celui-ci il blesse l'Église en sa principale et
plus noble partie.
(...)
Nous avons sur ce sujet un exemple remarquable de la piété des plus illustres prélats
de France, assemblés au concile de Tours en l'an 849, à l'occasion des vexations qu'un
seigneur de Bretagne appelé Nomenoye, usurpateur de la souveraineté de cette province,
faisait à quelques Églises, et principalement pour raison du mépris qu'il avait fait paraître
envers le Pape Léon IV, lequel ayant envoyé vers lui un légat avec des lettres de Sa Sain-
teté, pour tâcher de le réduire à son devoir, ce seigneur ne voulut voir les lettres ni le légat,
craignant la fulmination de quelque anathème contre sa personne. Ces prélats donc, au nombre
de vingt-deux assemblés dans la ville de Tours, envoyèrent une lettre monitoire à Nomenoye,
dont nous avons mis ici quelques extraits :
"Dieu a permis, disent ces prélats à cet usurpateur,
par un secret mais toutefois juste jugement, que
vous fussiez le maître de votre province, dans le
gouvernement de laquelle vous pouvez connaître
comment vous vous êtes comporté par le témoignage de
votre propre conscience et par les plaintes
amères de plusieurs Églises et de toutes
sortes de personnes nobles et roturières,
riches et pauvres, veuves et orphelins, que
vous avez affligés et tourmentés par votre
damnable convoitise et horrible cruauté.
Et ensuite, après lui avoir représenté tous
les sacrilèges, profanations, rapines, violences,
adultères et autres excès qu'il avait
commis, ils ajoutent ces paroles :
"Tous ces crimes étaient bien suffisants
pour vous perdre, mais, pour comble de
tous les autres maux par vous faits, vous
avez ajouté une insolence téméraire, par
laquelle vous avez blessé toute la chrétienté,
lorsque vous avez méprisé celui qui tient la
place de l'apôtre saint Pierre, auquel Dieu a
donné la primauté dans toute l'étendue du
monde.
"Ne vous flattez point dans vos crimes,
mais sachez que si vous ne désistez de suivre
les méchants conseils qu'on vous donne et les
mouvements de vos passions injustes, et
si vous n'écoutez avec humilité les avertissements
du Saint-Siège et les remontrances que nous vous
faisons, ni la foi , ni les actions de
piété, ni toutes les autres bonnes œuvres que
vous pussiez faire ne vous serviront de rien
pour votre salut.
Par cette lettre sinodale ces illustres prélats font assez connaître l'obligation très-étroite qu'ont tous les chrétiens
d'entendre la voix du souverain pasteur et de lui obéir ; qu'on ne saurait mépriser son autorité sans offenser toute l'Église; que c'est en vain que ceux qui ne veulent avec sincérité de cœur se soumettre au Saint-Siège apostolique font des aumônes, des jeûnes et autres actions de piété, puisque dans cet état de rébellion toutes ces actions ne leur servent de rien pour mériter le salut, et que s'ils ne se remettent promptement dans les termes de leur devoir, ils sont dans un très-grand péril de damnation éternelle, comme il arriva au malheureux Nomenoye, lequel, ayant persévéré en sa contumace contre le Souverain Pontife et n'ayant voulu déférer aux remontrances de ces sages et charitables prélats, porta peu de temps après la peine de son orgueil et de sa désobéissance.
(...)
Mais ce qui fait voir encore plus clairement l'étroite obligation que tous les chrétiens ont de se soumettre à N. S. P. le Pape en ce qui concerne les choses de la foi, c'est qu'une des marques plus assurées pour discerner les catholiques d'avec les hérétiques, a toujours été sa communion avec le Saint-Siège apostolique; de telle sorte que, comme a dit saint Ambroise, rapporté au concile de Bénévent, celui qui se désunit d'avec l'Église romaine doit être vraiment tenu pour hérétique.
Et le très-illustre Yves, évêque de Chartres, écrivant à Richer, archevêque de Sens, dit que contredire aux jugements et décrets du Saint-Siège apostolique, c'est encourir la note infâme d'hérésie. « Sedis Apostolicae judiciis et constitutionibus obviare plane est hereticae pravitatis notam incurrere. » (Ivo, Carnot, ep., 81.)
(...)
Et c'est pour cette raison que les hérésiarques ont toujours tâché de se tenir en apparence dans la communion de l'Église romaine, et ont souvent essayé de surprendre les Pontifes romains par leurs trompeuses soumissions, qu'ils feignaient de rendre à leurs décrets, ne se voulant déclarer séparés de lui sinon lorsqu'ils en ont été malgré eux retranchés par le glaive de l'excommunication, et ordinairement, sous ce faux prétexte de soumission qu'ils feignaient extérieurement envers le Pape, ils ont séduit un grand nombre de personnes crédules ; et ces loups ont fait un plus dangereux ravage dans l'Église de Jésus-Christ, étant ainsi couverts de la peau de brebis, que quand, ayant été obligés de la quitter, ils ont paru tels qu'ils étaient en vérité.
C'est pourquoi les Souverains Pontifes ont toujours eu un très-grand soin de les chasser de leur bercail et de les dépouiller de ces fausses marques, afin qu'un chacun des fidèles s'en donnât de garde.
Au sujet de quoi saint Prosper fait une remarque digne de considération, qui est que l'hérétique Célestius, après plusieurs condamnations de ses erreurs faites par les Souverains Pontifes, étant venu à Rome se jeter aux pieds du pape Célestin et se plaindre qu'on avait condamné sa doctrine sans l'avoir suffisamment examinée, demandant qu'il plût à sa sainteté lui donner derechef audience, et protestant de se soumettre à tout ce qu'il lui plairait d'ordonner après qu'il aurait été entendu à loisir, ce saint Pape, voyant la fourbe de cet hérétique qui tâchait de reprendre la peau de brebis et rentrer dans le bercail pour séduire et perdre les âmes, ne le voulut point écouter, mais commanda qu'il fût chassé. Tenant cette maxime très-salutaire qu'à l'égard de ceux qui ont été juridiquement condamnés par le Saint-Siège, il ne faut plus d'enquête ni d'audience, mais que le seul remède qui leur reste est la pénitence, que l'Église comme une bonne mère ne leur refuse jamais, pourvu qu'avec un cœur humble et contrit ils reconnaissent leurs erreurs et qu'ils tâchent de réparer le tort et le dommage qu'ils ont causés dans les âmes.
(DE L'OBÉISSANCE ET SOUMISSION QUI EST DUE À N. S. P. LE PAPE EN CE QUI REGARDE LES CHOSES DE LA FOI, par Messire Louis ABELLY Évêque de Rodez (1654) pp. 58-66)
