E. Masson - Mal in Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
b) Le mal de la peine. — Textes :
Sum. theol.,
Ia-IIæ, q. LXXXVII. On peut consulter aussi les deux questions
XII et
XIII du
Suppl. consacrées à la
Satisfactio.
La raison de peine consiste en une sorte de revanche juste et nécessaire prise par l'ordre que la faute avait troublé contre le désordre qui est l'essence même de la coulpe. Il suit que toute coulpe entraîne nécessairement et fatalement l'obligation à la peine. « Tout ce qui est contenu sous un certain ordre forme une sorte de tout par rapport au principe de cet ordre. Il suit de là que tout ce qui s'élève contre un certain ordre, doit être déprimé par cet ordre même, ou par le principe de cet ordre. Le péché étant un acte désordonné, il est manifeste que quiconque pèche agit contre un certain ordre. Par suite, il faudra qu'il soit déprimé par cet ordre (contre lequel il agit). Cette
dépression est cela même qui constitue la peine. » (
Ia-IIæ, q.) LXXXVII, a. 1.)
a. Sujet de la peine. — Textes :
Sum. theol.,
Ia, q. XLVIII, a. 5 ;
De malo,
q. I, a. 4 ;
Solution. — Le mal de la coulpe consistant dans l'opération, le sujet de la peine ne sera pas cette opération mauvaise elle-même, mais le sujet de l'opération, celui qui agit.
Culpa est malum ipsius actionis, pœna autem est malum agentis. (
De malo,
q. I, a. 4.)
b. Sa nature. — Textes : Les mêmes que précédemment ; y ajouter
De malo,
q. I, a. 5.
Solution. — Bien que l'opération ne soit pas le sujet de la peine, la dépression qu'est la peine devra cependant l'atteindre. Aussi consiste-t-elle dans la soustraction des biens nécessaires à l'opération : biens de l'âme, biens du corps, biens extérieurs ;
Malum pœnæ est privatio ejus quo voluntas potest uti quocumque modo ad bonam operationem ... Multi pœnas non comprehendunt nisi corporales, vel quæ afflictionem sensui ingerunt ... sed etiam privatio gratiæ et gloriæ pœnæ quædam sunt ... Ipsa autem substractio boni increati, vel cujuscumque alterius ab eo qui indignus est, rationem pœnæ habet. (
De malo,
q. I, a. 5.)
c. Sa cause. — Textes : Ajouter aux textes précédents :
Sum. theol.,
Ia-IIæ, q. LXXXVII, a. 1.
Solution : — α) La cause de la peine est le principe de l'ordre violé (celui- qui impose la fin et l'ordre de l'opération à la fin). Or, « il est trois ordres sous lesquels la volonté humaine se trouve contenue : l'ordre de la raison, l'ordre de ceux qui gouvernent extérieurement, enfin l'ordre universel du gouvernement divin. Chacun de ces ordres est troublé par le péché, car celui qui pèche agit et contre la raison, et contre la loi humaine, et contre la loi divine. Il
encourt donc une triple peine : l'une de la part de lui-même, c'est le remords de la conscience, l'autre des hommes, la troisième de Dieu ». (
Ia-IIæ, q. LXXXVII, a. 1.) Mais de même que la coulpe est en définitive, l'insubordination de l'opération au principe suprême qui impose la fin dernière, de même la cause de la peine est en définitive, Dieu, principe dernier de l'ordre violé.
Deus est auctor pœnæ (
De malo,
q. I, a. 5), sans préjudice d'ailleurs du droit de l'homme, car « la peine juste peut être infligée et par Dieu et par l'homme ». (
Ia-IIæ, ibid.)
β) Le péché n'est donc pas directement la cause de la peine, il l'est cependant au sens de
disposition. « Il est une chose que le péché cause directement, c'est de constituer l'homme digne de peine. » (
Ibid. )
d. Son effet. — Textes : les mêmes que plus haut.
Solution. — α) la cause subjective du péché est la volonté défaillante ; la peine devra donc atteindre là. Effectivement, il est de l'essence de la peine qu'elle soit contraire à la volonté ; elle a pour effet de
contrarier la volonté de l'opérateur.
Est de ratione pœnæ quod voluntati repugnet, (
De malo q. I, a. 4) ;
ut sit contraria voluntati (
Ia-IIæ, q. XLVI, a. 6 ;
q. LXXXVII a. 6.)
Differt pœna a culpa per hoc quod est secundum voluntatem et contra voluntatem esse. (
De malo,
q. I, a. 4.)
β) Tous les maux qui atteignent l'opérateur, lors même qu'ils ne siégeraient pas dans la volonté, ne l'atteignent qu'en fonction de la volonté.
γ) Cette opposition ou contrariété peut être ou à la volonté actuelle, ou à la volonté simplement habituelle, ou enfin à l'inclination naturelle de la volonté. (
De malo,
q. 1, a. 4.) — D'où : Incommoda vel damna quæ quis nesciens patitur, licet non sint contra voluntatem actualem sunt tamen contra voluntatem naturalem vel habitualem, ut dictum est. (
Ibid., ad 11.)
e. Son but. — Textes :
Sum. theol.,
Ia-IIæ, q. LXXXVII, a 1 et
6 ;
IIa-lIæ, q. LXI, a. 4.
α) L'acte du péché rend l'homme obligé à la peine, en tant qu'il constitue une transgression de l'ordre de la justice divine, ordre auquel l'homme ne revient que par la réparation de la peine qui ramène l'égalité de la justice ; en ce sens que celui qui a plus accordé à sa volonté qu'il ne le devait, doit, selon l'ordre de la justice divine, souffrir, de gré ou de force, quelque chose qui soit contre ce qu'il voudrait. (
Ia-IIæ, q. LXXXVII, a. 6.) Le but de la peine est donc essentiellement de compenser par cette contrariété la contrariété dont la volonté de l'agent s'est rendue coupable à l'égard du Principe ordonnateur, en se révoltant contre lui et contre la fin légitime imposée par lui.
β) Il existe des buts accessoires de la peine, que signale saint Thomas, (
ibid., ad 3) : le rétablissement de l'ordre de la justice violé par le péché, la guérison des puissances de l'âme, volonté et autres facultés que la coulpe précédente avait désordonnées ; l'éloignement et la réparation du scandale causé, « les peines sont encore requises pour rétablir l'égalité de la justice et pour éloigner le scandale des autres, afin qu'ils soient édifiés par la peine comme ils avaient été scandalisés par la faute ».
Pour une exposition plus complète, voir articles :
Péché,
Pénitence,
Satisfaction.