Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE XII.

Charité ou zèle pour la conversion des pécheurs.


Sévérité de Lidwine envers certains coupables. - Elle confond un visiteur mal intentionné. - Fausse dévote qu'elle dévoile. - Oui, Prince, pleurez ! - Les dangers d'une mauvaise liaison. - Une facile pénitence qui devient dure et salutaire.


Du reste, ce zèle de Lidwine s'animait toujours d'une sainte liberté. Elle reprenait les pécheurs avec l'indépendance d'un apôtre ; elle allait même parfois jusqu'à châtier sévèrement ceux qui venaient à elle dans quelque coupable pensée. Un jour, il lui arriva un receveur des deniers publics, un homme orgueilleux, cupide surtout et fort avare, mais qu'elle n'avait jamais vu et ne connaissait d'aucune façon. Il venait dans l'unique but de l'embarrasser par d'insidieuses questions ; il amenait même plusieurs personnes auxquelles il avait dit : « Vous verrez ! C'est moi qui me charge de vous montrer ce que c'est que cette fille dont on s'émerveille tant. En deux ou trois questions, je veux la confondre !» « Lidwine, lui dit-il, répondez-moi. Si Jésus-Christ se montrait à vos yeux caché dans l'hostie que l'on expose sur l'autel, et qu'en même temps il vous apparût, d'un autre côté, venant à vous sous sa forme naturelle, dites-moi, auquel des deux présenteriez-vous vos adorations ? »

La vierge se tut ; on vit même des larmes couler de ses yeux. Puis enfin, avec une imposante dignité : « Bien des fois, dit-elle, on m'a fait pour me tenter toute espèce de questions ; mais je ne me souviens pas d'en avoir jamais entendu d'aussi pénible que celle qui vient de sortir de la bouche de cet homme de cuivre et d'argent ! » Ce fut comme un coup de foudre. Tous ces visiteurs, épouvantés devant cette fille dont ils savaient ne pouvoir être connus et qui cependant dévoilait si bien et la profession et le hideux vice et la coupable intention de celui d'entre eux qui avait parlé, tous, honteux et confus, sans rien dire, s'en allèrent précipitamment ; le malheureux receveur s'était hâté de donner l'exemple.

Cette sévérité de notre sainte atteignit une autre fois certaine fille qui depuis quelque temps paraissait fréquemment chez elle. Avec une habileté qui en eût imposé aux plus clairvoyants, elle se donnait de grands airs de dévotion, ne parlait que piété, affichait la vertu la plus austère. Bref, elle visait à gagner l'affection soit de la pieuse malade, soit des personnes qui l'entouraient. Mais Lidwine avait lu dans son âme ; elle y avait découvert avec épouvante une affreuse dépravation. D'abord elle prit patience, se borna à des prières, à des conseils. Puis, n'avançant rien, entrevoyant des pièges et redoutant une funeste contagion pour les jeunes personnes dont elle était comme la mère, elle se décida à en finir. Un jour donc que cette fille se vantait plus audacieusement que jamais et de piété et de vertu : « Ainsi, lui dit Lidwine,vous êtes dévote, du moins vous le dites ? - Mais oui, je dois en convenir ; vous, Lidwine, ne le pensez-vous pas aussi ? - Moi ? reprit la sainte. Eh bien ! Si vous tenez à le savoir, moi je pense que vingt-cinq dévotes comme vous pourraient danser à leur aise sur la pointe d'une aiguille !» Le coup avait porté. La coupable fille se leva et disparut. « Ah ! mon Dieu ! qu'avez-vous fait ? s'écria tout émue une des jeunes personnes présentes ; qu'avez vous dit ? Pourquoi diffamez-vous ainsi cette pieuse fille ? Mais c'est un scandale que vous nous donnez ! - Laissez, laissez-la s'en aller, répondit la vierge ; Dieu sait ce qu'elle est ! Quant à sa piété, si vous en voulez un échantillon, allez la trouver, cette dévote prétendue. Entre elle et vous, reprochez-lui seulement un léger défaut que vous aurez surpris ; j'accepte l'épreuve. Oui, j'y consens, dites qu'elle est vraiment dévote, si elle vous écoute, humble et patiente. Mais si au premier mot elle prend feu ; si vous la voyez se dresser devant vous, comme une lionne que le chasseur a blessée, encore une fois, non, ne me parlez plus de ce vase de dévotion ; ce n'est qu'un vase vide et fêlé !» Ce qui fut dit fut fait. On tenait à justifier la pauvre innocente ; dès le lendemain, on courut chez elle. Mais on revint bientôt. « Eh bien ? demanda la vierge. - Vous aviez raison, Lidwine ; un mot, un seul et le plus petit mot a suffi. Ah ! si vous l'aviez vue ! Ce n'était pas une femme, mais une panthère. Du premier coup la pierre de touche avait changé l'ange de vertu en un démon déchaîné.» A quelque temps de là, on vint dire à Lidwine que cette fille était misérablement morte. Aussitôt elle se mit en devoir de prier pour elle. Mais son bon ange lui apparut. « Cessez, lui dit-il, d'inutiles prières. Cette âme est tombée pour jamais dans l'abîme creusé pour le vice et l'hypocrisie ! »
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Laetitia
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Lidwine n'usait pas de cette liberté de correction à l'égard seulement des humbles et des petits ; les grands eux-mêmes, les personnages les plus illustres n'étaient pas traités avec plus de ménagement, quand le bien de leur âme l'exigeait. Un prince étranger, célèbre dans les fastes de l'époque, était un jour près d'elle. Le désir d'entretenir la sainte sur de graves embarras de conscience l'avait amené. Mais quand il avait fallu en venir à l'ouverture qu'il s'était promise, le courage lui avait manqué. Il louvoyait, tombait dans le vague, se perdait en longs discours. « Prince, dit enfin Lidwine, arrivez au fait. Vous me parlez bien de certaines fautes légères, mais il y a d'autres misères dans votre âme.» Et elle mit elle-même le doigt sur la plaie. « Vous avez, Prince, commis telle et telle énorme faute ; vous êtes un effrayant coupable !» La glace était rompue ; le prince se mit à verser des torrents de larmes. « Oui, pleurez, pleurez des larmes de sang. Surtout, Prince, faites une franche et humble confession; commencez, dès aujourd'hui, une solennelle réparation. Puis, ayez confiance ! Vos larmes toucheront le grand roi devant qui vous n'êtes que poussière ; le repentir vous donnera la paix; la pénitence vous relèvera dans la gloire ! Allez donc et ne l'oubliez jamais : si vous ne sauvez votre âme, à quoi vous servira la couronne que vous portez ?» Et le prince s'en alla sincèrement converti. Dieu lui avait fait une grande grâce. A peine rentré dans ses états, il mourut !

Vers le même temps, il y avait à Schiedam une femme qui menait une déplorable vie. Jeune, riche, libre de tout frein et en outre passionnée pour le plaisir, non-seulement elle s'était jetée dans les désordres les plus criants, mais à force de festins, de fêtes, elle attirait chez elle et semblait prendre à tâche de pervertir le plus d'âmes possible. Lidwine avait d'abord essayé de mettre un terme à tant de scandales en ramenant au bien celle qui les donnait. Avertissements, tendres prières, menaces même de la justice de Dieu, elle n'avait rien épargné. Mais c'était une âme de boue. Menaces, prières, rien n'avait pu la toucher. La sainte fille avait compris que le seul bien qui lui restât à faire c'était d'arracher à cette malheureuse autant de victimes qu'elle pourrait, et elle s'était vouée à cette œuvre.

Or, parmi les convives de la femme de scandale, il s'en trouvait un que son rang et son caractère, que quelques services même recommandaient plus spécialement à l'affectueuse sollicitude de notre sainte. Un jour, elle le fit venir. « Seigneur, lui dit-elle avec émotion, je veux vous supplier de rompre avec cette femme qui vous perd. Votre dignité, l'honneur de votre réputation, tout vous en fait un devoir ; mais surtout, ayez pitié de votre âme en péril. Vous voyez bien que votre vie, exemplaire autrefois, est à présent un scandale ; vous sentez bien qu'avec une telle vie vous amassez sur votre tête les charbons de la colère de Dieu. Oh ! promettez-moi de ne plus revoir cette malheureuse et criminelle femme !» Le pécheur promit tout. Mais à peine sorti de là, il courut chez sa complice pour s'amuser, et il s'amusa, Dieu sait combien, de tout ce que la vierge lui avait dit ! Ce fut, tout le reste du jour, une gaîté folle, un feu roulant de joyeux rires et de spirituels bons mots.

Malheureusement le Ciel ne riait pas. Deux ou trois jours plus tard, au beau milieu d'une fête, cette femme mourut. « Madame une telle est morte ! Vint dire à Lidwine le personnage que nous connaissons. Mon Dieu ! qu'est-elle bien devenue ? - Tenez-vous à le savoir ? reprit la sainte. - Comment ? Est-ce que vous pourriez, sur son sort éternel, me donner quelque lumière ? – Je puis mieux que cela ; je puis vous la montrer elle-même, si vous le désirez. - Vraiment ? Mais je ne demande pas mieux ! - Eh bien ! vous la verrez. Dieu est bon et tout-puissant ; pour votre salut, je vais lui demander cette grâce. » Et à peine, il était rentré chez lui, qu'il eut une vision, une vision terrible. C'était l'enfer avec ses horreurs qui s'ouvrait à ses pieds, sous ses yeux. « Regarde bien ! » lui dit une puissance surhumaine. Alors, au fond de l'abîme, à travers les flammes qui tourbillonnaient, au milieu d'une légion d'anges affreux, il reconnut, en proie à d'inénarrables tortures, la femme même qu'il pleurait. Impossible de décrire l'épouvante dont ce spectacle le remplit. La vision avait depuis longtemps disparu, qu'il était encore là, pâle, une froide sueur au front et ses genoux s'entrechoquant dans sa terreur !

Mais ce que c'est que la faiblesse ou la passion humaine ! Et combien l’Évangile a dit vrai quand il a dit que le pécheur qui refuse de croire Moïse et les prophètes ne croirait pas davantage celui qui pour venir le prêcher ressusciterait d'entre les morts ! Cet homme, un moment ébranlé, se rassura bientôt. Sa première frayeur passée, il se dit qu'il avait été la dupe de son imagination, que cette vision n'était qu'une illusion des sens, qu'une hallucination, et il finit par croire qu'il n'y avait rien de mieux à faire que d'en rire ; c'était du moins ce qui arrangeait le mieux ses passions. Dieu cependant daigna l'avertir encore. Deux fois il fut réduit à un état cruel de souffrances dont Lidwine, deux fois par ses prières, obtint qu'il guérît. Mais les passions reprenant toujours l'empire, Dieu enfin frappa le grand coup ; une terrible maladie survint. Aussitôt le pécheur envoya de nouveau prier la vierge. « Allez lui dire, répondit la sainte, qu'il y a trop longtemps qu'il abuse des bontés de Dieu. Pendant que je l'ai pu, j'ai retenu la sentence qui planait sur sa tête ; mais je n'ai plus ce pouvoir. Cette fois, c'est la mort ; il ne se relèvera pas. Dites-lui qu'il ne nous reste plus, à moi qu'à prier Dieu de lui faire miséricorde et à lui qu'à s'en rendre digne par un souverain repentir. » Et il mourut, heureux s'il répara, en ce moment suprême, les lamentables suites d'une mauvaise liaison.
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Laetitia
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Une autre fois, elle obtint près d'un pécheur plus misérable encore, et d'une manière étrange, un succès aussi merveilleux qu'inespéré. C'était un homme dépravé, se livrant sans honte aux plus révoltants désordres, semant partout le scandale. Et il y avait longtemps que le curé de Schiedam, désolé de tant de dérèglements, le poursuivait pour le ramener à Dieu, le conjurait de penser à son âme, s'efforçait surtout de le décider à commencer par une confession. Mais à tout, l'obstiné pécheur ne répondait le plus souvent que par des railleries et parfois par de terribles colères. Il lui arriva pourtant de répéter qu'au fond il ne serait pas fâché de se confesser, mais qu'il n'y avait pas de prêtre sur terre à qui il osât avouer ses crimes ; qu'il voulait se confesser à Lidwine, rien qu'à Lidwine, c'est-à-dire qu'il voulait qu'entre un prêtre et lui ce fût la vierge qui lui servît d'interprète. Était-ce sérieux ? Était-ce une coupable plaisanterie encore ? Toujours est-il qu'il arrive un jour chez elle, et en dépit de l'énergique résistance qu'elle lui oppose, il lui fait le récit complet des turpitudes de sa vie. « Et je veux, ajoute-t-il, que vous fassiez à votre confesseur l'accusation de toutes les iniquités que je viens de vous révéler; je le veux, entendez-vous ? - Eh bien! Soit ! dit enfin la sainte, mais à une condition.- Laquelle ? – A la condition que je vous imposerai une pénitence. – C'est juste, Lidwine, et quelle pénitence me donnerez-vous ? - Avant que je vous le dise, répondez-moi. Me promettez-vous de faire celle que je vous prescrirai ? - Je vous le promets. - Quelle qu'elle soit ? - Oui, quelle qu'elle puisse être. - Et vous la ferez sérieusement dans tous ses détails ? - Je m'y engage sur l'honneur. - Eh bien ! écoutez : vous êtes, je n'ai pas besoin de vous le dire, effroyablement coupable; Dieu est bon, mais il est juste , et vous avez accumulé contre lui les plus odieux outrages. Or, pour tant de crimes, voici la pénitence que je vous impose : Ce soir, quand vous vous mettrez au lit, couchez-vous sur le dos et restez ainsi pendant la nuit, mais pendant la nuit tout entière, sans faire absolument aucun mouvement ni à gauche, ni à droite, sans changer un seul instant de position. » Le pécheur se mit à rire. « Ah! vous riez ? Je parle sérieusement ; faites ce que je vous prescris, j'y tiens ! » - Je vous le jure, Lidwine, je vous obéirai. d'autant plus volontiers qu'en vérité, c'est bien la pénitence la plus facile et la plus douce qu'on ait jamais donnée. » Et le soir étant venu, il se coucha, prit la posture indiquée, s'appliquant à éviter tout mouvement; mais il ne put dormir. Bientôt même, cette position lui devint intolérable, au point qu'il lui sembla n'avoir jamais passé une si affreuse nuit. En même temps, les pensées les plus graves se présentaient à son esprit. « Un jour, se disait-il, oui, bon gré, malgré, un jour viendra où je serai, comme à présent, étendu sur un lit, plus raide encore et plus immobile, car ce sera la froide immobilité de la mort ! Et on emportera mon cadavre en terre et tout sera fini ! Richesses, plaisirs, tout aura disparu ! Il ne restera que des vertus ou des crimes !. Ah! Des crimes j'en ai tant commis ! Et alors ? Alors – j'ai beau rire et me moquer - ce sera le jugement de ce Dieu juste dont j'ai tant méprisé la bonté ! alors, pour moi, ce sera l'enfer ! alors, au lieu d'un lit de plumes comme celui où je me trouve en ce moment si mal, j'aurai un lit de feu ! au lieu d'une nuit de malaise, j'aurai une éternité sans fin, une éternité d'épouvantables supplices ! » Le souvenir aussi de Lidwine lui revint. « Misérable que je suis ! s'écria-t-il; moi, un abominable pécheur, j'ose me plaindre quand cet ange de vertu ne se plaint pas ! Et encore, qu'est-ce que ma pénitence auprès de sa pénitence ? Qu'est-ce que cette immobilité de quelques heures, en bonne santé, sur le meilleur des lits et dont néanmoins je souffre si cruellement, auprès de cette immobilité effrayante, absolue, qui depuis tant d'années se prolonge pour la sainte de Dieu, sur une misérable paille, au milieu des plus atroces tortures et quand tout son corps n'est qu'une horrible plaie : » Ces réflexions le convertirent. Le lendemain même, il se présenta à un prêtre, fit lui-même sa confession, changea dès ce moment de conduite et vécut désormais en pénitent et en saint.

Ainsi toujours, de toute manière,à tout prix, il fallait à Lidwine le salut des âmes. Son zèle ne se lassait pas. Du milieu de tant de cruelles douleurs dont l'activité ne se ralentissait jamais, ce n'étaient pas des heures, c'étaient des journées entières qu'elle consacrait à tous ces visiteurs qui l'obsédaient, les écoutant, répondant à leurs doutes, leur prodiguant les conseils, les avertissements, les supplications, les pressant avec d'autant plus d'amour qu'ils étaient parfois plus misérables et plus pécheurs. « Ah! vous vous tuez, lui disait-on en la réprimandant après ces audiences qui l'exténuaient, et en vérité pour des gens qui souvent n'en valent guère la peine ! - Que dites-vous ? s'écriait-elle; mais Jésus-Christ, pour l'âme du dernier des hommes, n'a-t-il pas donné sa gloire, son sang, sa vie ? Et vous comptez mes quelques fatigues ? Et vous voudriez que je ne fisse rien ? Oh! laissez-moi, comme lui, pour lui, aimer un peu, et au besoin aimer sans mesure ceux qu'il a tant aimés, car le véritable amour, l'excellente et divine charité, c'est toujours le salut des pécheurs. »

Avec une foi plus vive, nous comprendrions mieux qu'il y a un immense mérite à ramener un pécheur, à préserver une âme d'un péché mortel, ne fût-ce même que d'un péché véniel, et nous aurions plus de zèle !
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VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE XIII.

L'Eucharistie.


La source de tout amour. - Un nouveau curé. - Il a des préventions. - J'ai dit non, et c'est non ! - Plus de communion. - Ah ! si je tenais la clef du tabernacle ! - La cloche. - Le saint viatique. - Toujours inflexible !


Sans doute on l'a déjà compris, cet amour ardent de Lidwine pour les pauvres et pour les pécheurs avait son principe dans un autre amour plus élevé, plus saint ; il n'était que le rayonnement de l'amour même de Dieu, de cet amour suprême, infini, centre et foyer en dehors duquel il n'y a que les froids calculs de l'égoïsme ou de l'orgueil, mais aux ardeurs duquel viennent s'allumer toutes les vertus et s'embraser tous les dévouements, comme au soleil s'allument et s'embrasent tous les plus beaux astres qui resplendissent à la voûte des cieux.

Lidwine aimait les pauvres et les pécheurs, et elle les aimait jusqu'à leur venir en aide du fond même de son incessante agonie, parce que soit dans les pauvres, soit dans les pécheurs, c'était l'image de Dieu, c'était Dieu lui-même qu'elle voyait, c'est-à-dire parce qu'elle aimait Dieu en tout, partout et toujours de toutes les puissances de son âme.

Or, un tel amour, nous ne voulons, nous ne pouvons pas le circonscrire dans les étroites bornes d'un chapitre. C'est l'ensemble lui-même des vertus de notre vierge, c'est sa vie tout entière qui forme la démonstration et compose l'histoire magnifique de cet immense amour dont son cœur brûlait pour Dieu.

Mais il y a, dans l'adorable économie de notre religion, un dogme qui d'un seul trait nous donne la mesure, en même temps que la raison, et de notre amour pour Dieu et de l'amour de notre Dieu pour nous; c'est la divine Eucharistie ! Aimez l'Eucharistie, et vous avez l'amour. Et plus vous aimez l'Eucharistie vraiment, ardemment, plus vous avez l'amour, tout l'amour, l'amour élevé à sa plus haute puissance de fécondité et de dévouement. Pourrait-il n'en être pas ainsi ? Comment ne pas aimer jusqu'à l'héroïsme de l'abnégation, quand nous comprenons bien que nous portons en nous Dieu lui-même, Dieu réellement, substantiellement, le Dieu saint et si bon qui aime, lui, jusqu'à s'anéantir, jusqu'à s'unir à notre misère et nous identifier avec lui ? De quoi pouvons-nous n'être pas capables quand nous sentons notre cœur enivré battre de toutes les inspirations de la Divinité présente ? Que peut nous coûter la patience ? Que peut nous coûter la bonté, le pardon, le dévouement, alors que nous avons communié avec la Patience et le Pardon, alors que nous ne sommes plus qu'un avec le Dévouement , avec la Sainteté , c'est-à-dire avec Dieu ?

Ainsi, Lidwine comprenait l'Eucharistie ; c'est par cet usage intelligent, le seul vrai, de la divine Eucharistie, qu'elle s'élevait à tant de perfection, ou ce qui est la même chose, à un si grand amour de Dieu. Un moment donc, pour mesurer cet amour, fixons nos regards sur sa tendre dévotion envers ce Sacrement de l'amour infini.

Dans les premiers temps de sa maladie, à raison des préoccupations auxquelles nous l'avons vue en proie, Lidwine ne communiait qu'à d'assez rares intervalles. Mais quand ses souffrances augmentèrent, quand surtout, au foyer de la méditation, l'amour de la passion du Sauveur s'alluma dans son âme, elle aima bien vite aussi le Sacrement qui a été établi pour en perpétuer la mémoire. Alors elle demanda, elle obtint la faveur de communier plus souvent, de communier au moins à toutes les principales fêtes. Bientôt même la communion lui devint si douce, elle y trouva tant de ravissantes délices, que l'attente de quelques jours, d'un seul jour, semblait à ses désirs amoureux comme une longue attente de bien des années.

Mais elle devait, en ce point, comme en tous les autres, être rudement éprouvée, et nous arrivons à une époque de sa vie où se passèrent quelques faits qui, outre cette épreuve, résument mieux que tout ce que nous pourrions dire, l'état de son âme par rapport à l'Eucharistie.
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Nous l'avons remarqué chemin faisant, Lidwine n'avait rencontré jusque-là que des prêtres animés de cet esprit de Dieu qui caractérise les saints prêtres. Elle avait toujours trouvé en eux du zèle, de la science, de la piété et cette douce bonté de cœur qui rend si efficace leur consolant ministère. Mais à l'époque dont nous parlons, arriva un nouveau curé à Schiedam. Ce fut un changement complet. C'était un homme rude, sévère, d'un zèle brusque, peu éclairé, surtout d'une désolante sécheresse de cœur. En outre, il arrivait à Schiedam avec les préventions les plus fâcheuses à l'égard de Lidwine. Il ne croyait point à son état surnaturel.Ses premières visites, ce qu'il vit, ces douleurs étranges, cette inimitable patience, rien ne l'ébranla. Douleurs, patience, abstinence totale d'aliments, à ses yeux, toutes ces merveilles n'étaient qu'une hypocrisie ayant pour but d'en imposer, qu'une comédie plus ou moins habilement jouée, et qu'il se promettait bien de dévoiler un jour.

En vérité, ce nouveau curé semblait placé là tout exprès pour contrister notre sainte. Nous verrons qu'il y était providentiellement envoyé pour faire mieux encore, c'est-à-dire pour faire ressortir, plus que personne, par son incrédulité soupçonneuse, l'authenticité de l'état surnaturel et merveilleux de la pieuse
crucifiée.

On le pense bien, Lidwine n'avait pas tardé à lui demander humblement, en fait de communion, la permission de garder son pieux usage. Il refusa sèchement. Mais ne voyant là peut-être qu'une épreuve, plus tard, elle revint à la charge. Même refus. Cependant les fêtes succédaient aux fêtes, et toujours point de communion. Désolée, elle essaya une troisième fois de le fléchir. « Encore ? s'écria-t-il d'une voix presque terrible. Que signifie enfin cette dévotion étrange qui veut communier plus souvent que tout le monde ? Eh bien ! entendez-vous ? J'ai dit non et c'est non ! » La pauvre fille se tut. En elle s'accomplissait la parole du prophète : Les enfants ont demandé du pain, et il n'y avait personne pour leur en rompre !

Mais son chagrin fut immense, inconsolable, d'autant plus inconsolable, que de jour en jour s'irritait davantage la divine faim qui la dévorait. Une fois même, le trop dur pasteur, entrant chez elle, la trouva toute baignée de larmes. « Qu'est-ce encore que ces larmes, demanda-t-il ? -Ah! mon Père, répondit la douce vierge, si je tenais dans mes mains la clef du tabernacle comme vous la tenez dans les vôtres, et si en même temps je vous voyais pressé par la faim comme j'en suis pressée moi-même, oh ! non, bien sûr, je ne vous refuserais pas le pain de vie comme vous me le refusez ! O bien-aimé père de mon âme, ayez pitié de votre malheureuse enfant ! Je ne suis plus qu'une horrible plaie, donnez-moi Celui qui console ! Je ne puis plus manger le pain matériel, donnez-moi l'éternel pain qui vivifie les cœurs ! Les vers eux-mêmes, même dans mon corps, trouvent bien leur nourriture, donnez-moi ma nourriture, à moi. Ah ! ma nourriture, mon bonheur, ma vie, c'est Jésus-Christ, Jésus-Christ dont j'ai faim, Jésus-Christ dont je ne puis plus me passer ; oh ! donnez-moi Jésus-Christ, ô mon pasteur, ô mon père !» Un rocher eût été amolli ; ce cœur de bronze ne le fut point ; comme auparavant, la sainte fille resta condamnée au supplice qui lui arrachait un cri si déchirant !
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Et qui pourrait dire les angoisses de son amoureux martyre ? angoisses que chaque solennité, que chaque fête qui passait rendait si poignantes ! Il n'y avait pas jusqu'à la cloche de l'église paroissiale qui n'eût mission, en quelque sorte, de lui en renouveler les tortures. Oh ! quand cette cloche, chaque matin, au moment solennel de la consécration, annonçait par ses tintements à la foule éparse dans la rue ou dans les champs, qu'une fois encore Dieu était descendu sur la terre et habitait parmi les hommes, on voyait le visage de Lidwine aussitôt s'enflammer ; de grosses larmes coulaient sur ses joues ; son cœur battait à rompre sa poitrine; elle semblait vouloir s'élancer ! C'était bien autre chose, quand c'était le Saint-Sacrement lui-même, quand c'était le divin Viatique qu'on portait à quelque mourant. Cette clochette qui retentissait dans la rue, comme en disant à chacun : « A genoux ! C'est Dieu qui passe devant vous !» Cette voix de la clochette lui disait, à elle : « Le bien-aimé de ton cœur, Celui qui seul est ta vie, il est là, presque à ta porte ; il n'est qu'à deux pas de toi ! » Oh ! Alors, elle souffrait comme ne souffrirait pas l'affamé à qui on laisserait voir du pain sans lui permettre de s'en rassasier ! On crut plus d'une fois, en semblable occasion, qu'elle allait expirer de douleur.

Mais au moins, et autant qu'elle le pouvait, à défaut de la communion sacramentelle, Lidwine apaisait sa pieuse faim par la communion du cœur. Son Jésus, au moins par un incessant souvenir, par des désirs ardents, elle savait encore le trouver. Avec son amour de feu, elle le voyait, pour ainsi dire, elle lui parlait comme s'il eût été présent ; à son esprit, elle unissait son esprit, à ses douleurs toutes ses douleurs ; c'était une seule volonté, un seul cœur, une seule vie ; c'était une communion intime. Qu'elle était heureuse aussi quand, près de son lit, quand bien près d'elle s'approchait quelqu'un qui venait de recevoir le Sauveur en son âme ! Les prêtres surtout excitaient sa pieuse envie. Tous les jours offrir le divin sacrifice et tous les jours communier, c'était à ses yeux l'incomparable bonheur. « Mon Dieu ! s'écriait-elle souvent, donnez-moi quelque part aux mérites des prêtres qui célèbrent aujourd'hui, soit ici à Schiedam, soit sur tous les autels du monde ! » Souvent encore, pour donner un autre cours à sa piété, elle parlait à ceux qui l'entouraient de Celui qu'elle aimait tant. « Ah! vous êtes bien heureux, leur disait-elle, vous qui assistez à la sainte messe, car vous assistez à la passion même du Sauveur ! L'église, l'autel, c'est le calvaire; mais l'hostie, c'est Jésus-Christ lui-même qui de nouveau s'immole. Alors le ciel s'ouvre, les anges descendent et se prosternent pour adorer ; vous qui êtes là, que ne devez-vous pas sentir ? Et quand vous communiez. Ah ! recevoir Celui qui fortifie la faiblesse, glorifie le repentir et divinise la vertu ; recevoir le divin Fils de la Vierge toute pure, le Roi des rois, le Saint des saints qui nous assimile à lui ! mais c'est la félicité suprême, c'est déjà le ciel ici-bas ! De quel bonheur de piété et d'amour ne devez-vous pas être alors enivrés ? »

Cependant Lidwine n'avait pas renoncé à tout espoir de toucher enfin son pasteur. A l'approche d'une grande solennité, elle fit près de lui, pour avoir la communion, une nouvelle tentative. Ce fut encore sans succès. Elle alla jusqu'à essayer l'intervention d'amis, même de personnages influents. Amitié,intervention, tout fut stérile. Elle se tourna vers Dieu, elle pria avec des larmes de ferveur. Mais Dieu lui-même parut ne pas entendre sa prière ; le pasteur plus que jamais se montra inflexible ; le tabernacle ne s'ouvrit point pour la pauvre crucifiée.

Et dans son abandon, chaque jour, bien souvent dans le jour, on l'entendait s'écrier avec un accent lamentable : « Ah! qui donc me donnera le pain de la véritable vie ? Maintenant que mon père m'a délaissée, qui donc soutiendra mon âme qui tombe en langueur ? A moi, pauvre abandonnée, qui donc me rendra la douce présence de mon doux Jésus, loin de qui je ne puis plus vivre ?

Avec une vraie piété, on souffre, on ne se plaint pas et on aime toujours !
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VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE XIV.

L'Eucharistie (suite).


Moyen que le curé de Shiedam imagine pour déjouer ce qu'il appelle une supercherie. - Lidwine fait une nouvelle tentative. - Une hostie non consacrée lui est présentée, - mais son ange lui annonce qu'elle va être consolée. - Jésus-Christ lui apparaît. - Le Sauveur en croix. - Les stigmates. - Le vieux Pierre écoute à la porte. - L'Hostie miraculeuse. - Que me voulez-vous ? - Perplexité et communion. - Cruelle allocution à la porte de Lidwine. - Une émeute. - L'évêque arrive. - Terreurs du curé. - La vierge prend généreusement sa défense.


Ainsi se passèrent plusieurs mois, tristement, avec la lenteur des siècles, au milieu des larmes du plus amer chagrin.

De son côté le pasteur, loin de s'adoucir, non-seulement devenait de plus en plus intraitable, mais roulait dans son esprit de sinistres pensées.

Nous l'avons dit, il ne croyait pas à l'état surnaturel de Lidwine. Cette croix, ces maladies, cette étrange résignation, surtout cette abstinence absolue d'aliments, toutes ces merveilles, si évidentes qu'elles fussent, n'étaient à ses yeux qu'une supercherie, et depuis longtemps il se creusait la tête pour trouver enfin le moyen de la confondre.

Or, un jour, il lui vint une idée lumineuse. « Cette fille, se dit-il, a pris pour base de son imposture l'abstinence de tout aliment. A l'en croire, toute nourriture, si légère qu'elle soit, lui est absolument impossible, et pour ajouter à ce mensonge le prestige du merveilleux, il n'y a, répète-t-on partout, que la sainte hostie que son estomac puisse accepter. Mais alors, si je lui donnais, en communion, une hostie non consacrée. Ah ! oui, c'est cela ! l'épreuve serait infaillible. Oui, attendons la première occasion ; nous verrons bien cette fois ! » Et il crut avoir une inspiration. C'en était une en vérité, mais une inspiration de Satan qui se servait à son insu de ses préventions passionnées pour le pousser au mal ; car, donner en communion une hostie non consacrée, c'est faire adorer comme Dieu un simple morceau de pain; c'est une horrible idolâtrie ! Le malheureux curé n'y réfléchissait pas.

Dieu cependant voulut fortifier sa servante contre une telle épreuve. Un ange apparut à Lidwine : « Ma sœur, lui dit-il, voilà qu'un nouvel orage gronde sur ta tête ; sous prétexte de communion, ton pasteur va encore te contrister; mais sois sans frayeur; Dieu protège la vérité et il est avec toi ! »

Sur ces entrefaites, arrive la Nativité de la sainte Vierge, 8 septembre. C'était pour la pieuse malade une trop forte tentation. Comme tant d'autres fois, elle envoie supplier son pasteur de lui accorder en ce beau jour le bonheur de recevoir Jésus-Christ. Celui-ci n'attendait qu'une pareille occasion. Aussi il a l'air un instant de se faire prier, puis il cède, va, confesse la sainte, revient à l'église et là il prend, et en grande solennité il emporte une hostie non consacrée. Hélas ! tout ce peuple qui se prosterne et se met à le suivre fait, sans le savoir, acte d'idolâtrie, grâce à cet homme ignorant ou tristement passionné !

Cependant Lidwine attendait dans tout le recueillement, dans toute l'immense joie de son âme. Enfin elle va posséder son Dieu !... Et le curé arrive, l'hostie est présentée, la vierge la reçoit sur ses lèvres.... Tout à coup ses traits s'altèrent, tous ses membres se contractent, un vomissement survient, l'hostie est violemment rejetée !
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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Alors on vit pâlir le malheureux prêtre, il chancela. Était-ce conscience de sa faute ou trop vive émotion devant cette preuve écrasante de l'état surhumain de la sainte malade, ou bien n'était-ce que simple frayeur de voir son coupable stratagème dévoilé ? Toutefois son trouble ne dura point. Se ravisant bientôt et reprenant toute son audace : « Misérable femme ! s'écria-t-il, comment ! vous osez jeter à terre le corps du Seigneur ? - Son corps ? reprit vivement la sainte ; non, mon Père, non, non, ce n'est pas le corps du Seigneur mon Dieu que je rejette ! c'est du pain, ce n'est pas autre chose que du pain, vous dis-je ! Ah ! le divin Corps de mon Seigneur Jésus-Christ, je le connais, jamais je ne m'y trompe, car je le reçois sans difficulté et avec délices; mais le pain matériel dont se nourrissent les hommes, il m'est impossible de le prendre, il soulève tout mon être, et voilà pourquoi ce vil pain que vous m'avez donné quand je vous demandais mon Sauveur et mon Dieu, bon gré, mal gré il m'a fallu le rejeter ! » Puis l'indigne pasteur s'en alla ; s'il n'était pas changé, au moins il était confondu.

Mais ce qu'il est impossible de dire, c'est l'immense impression de douleur que produisit sur Lidwine ce cruel expédient du curé de Schiedam. Aussitôt qu'elle fut seule, son cœur déborda ; ses larmes coulèrent comme par torrents ; ce fut une incomparable désolation qui dura bien des jours. Avoir cru toucher au bonheur ! avoir espéré enfin tenir son Jésus tant aimé ! et à la place de toute cette céleste félicité n'avoir trouvé qu'une atroce déception. C'était trop pour un cœur comme le sien ! Et de plus, cette espérance même qu'elle avait vu luire, cette joie qu'elle avait commencé à goûter et qu'avait brisée si cruellement cette sorte de dérision sanglante, cette espérance et cette joie n'avaient fait qu'irriter à l'infini la divine faim de son âme. « Ah ! Disait-elle, j'ai entrevu mon Jésus ! Je l'attendais, il était si bon ! Je le veux ! il me le faut ! Je ne veux plus m'en passer ! O malheureuse que je suis ! Être réduite à ne pouvoir plus l'espérer, à me faire même un devoir de ne jamais plus le demander pour ne plus l'exposer à quelque nouvel outrage ! »

Trois mois se passèrent,depuis la Nativité, dans ce lamentable état. D'ailleurs l'incorrigible pasteur n'avait plus reparu. Une autre fête arriva, la fête du huit décembre, l'Immaculée Conception de Marie. Encore une fête chère à la piété ; encore un beau jour ! Lidwine le vit se lever; elle ne vit point venir son Jésus... il fallait bien s'y résigner ! Mais comme elle pleura ! comme elle sentit se ranimer toutes ses divines tristesses.

Cependant, c'était en ce jour même de l'Immaculée Conception que ses prières devaient être exaucées et que Dieu, dans sa bonté, avait résolu de lui donner de surabondantes consolations.

Ce même jour en effet, alors qu'elle était comme noyée dans ses larmes, l'ange qu'elle avait vu avant la Nativité revint à elle tout resplendissant de lumière.
« Ma sœur Lidwine, lui dit le céleste envoyé, cesse de pleurer. Voilà que tu vas être dédommagée de tous les chagrins que t'a causés ton pasteur. J'ai mission de te l'annoncer : le Bien-aimé de ton âme va se montrer à toi; tu le verras de tes yeux ; de sa divine main, il guérira les plaies de ton cœur. » Et l'ange remonta aux cieux ; Lidwine resta seule, mais éblouie, mais tout enivrée de reconnaissance et de joie.
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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Bientôt, néanmoins, son premier transport étant passé, elle se souvint de son curé et prit le parti de l'envoyer chercher. Elle avait besoin de tout lui dire ; elle pensait qu'il était de l'intérêt de la vérité qu'il fût bien averti à l'avance. L'apparition de l'ange, ses douces paroles, sa promesse, elle lui raconta tout ; elle ne voulait pas qu'il pût attribuer plus tard à quelque trompeuse illusion la merveilleuse faveur qu'elle attendait. Vaine précaution ! Le curé se moqua de tout. Des éclats de rire et des railleries, elle n'eut pas d'autre réponse.

Le soir vint. Lidwine venait de renvoyer toute consolée une pauvre mère accourue près d'elle pour l'intéresser à la guérison de son enfant. Seule, libre, elle avait repris, selon son habitude,ses exercices de piété, elle priait. Tout à coup, vers les huit heures, il se fit dans sa chambre une prodigieuse clarté. Ce fut au point qu'au dehors on crut à un incendie : frères, parents, voisins, tous, pour l'éteindre, accoururent en se précipitant. « Soyez tranquilles, leur dit la sainte ; vous voyez qu'il n'y a ici ni incendie, ni danger d'incendie ; vous pouvez sans crainte vous retirer, laissez moi seule,je vous prie, et fermez la porte. » Ils se retirèrent, mais ce prodige les avait remplis d'effroi.

Or, quelques instants plus tard, toujours au milieu de cette lumière qui ruisselait dans sa chambre et l'éclairait comme l'eût fait le soleil, la vierge vit son bon ange, éblouissant de splendeur, s'approcher d'elle, la toucher légèrement et rendre ainsi à son corps, pour un moment, son intégrité naturelle. Puis vinrent d'autres anges, de nombreux anges. Chacun d'eux portait dans ses mains quelqu'un des instruments de la passion de Jésus, celui-ci la croix, celui-là les clous, d'autre les marteaux, la lance, la couronne d'épines, les fouets... et chacun d'eux, en arrivant, se rangeait en ordre autour de son lit. Et elle vit l'auguste Mère du Sauveur qui s'avançait aussi, radieuse, couronnée de suave majesté, entourée d'un glorieux cortège d'élus. Bientôt ce fut le Sauveur lui-même, ce fut le Bien-aimé qui parut ! C'était bien lui ! Lui, sous la forme d'un adorable enfant ! Et qu'il était beau ! Elle le voyait venir à elle... il venait, il s'asseyait sur le bord de son lit et il la regardait, mais il la regardait d'un air si adorablement bon, si divinement doux, qu'elle sentait son cœur se fondre de bonheur comme d'amour. Et voilà qu'après un instant le divin Enfant se leva, étendit les bras en forme de croix. Il était tout à coup devenu un homme ; mais quel changement s'était fait en lui ! Son visage était pâle, livide, souillé de sang; il y avait à son front une couronne d'épines ensanglantées ; à ses mains, à ses pieds on voyait les blessures des clous ; une large plaie s'ouvrait toute saignante sur son divin cœur. Et Lidwine regardait. Son âme allait de l'allégresse à la désolation. Elle était si heureuse de voir son Bien-aimé ! Mais elle avait le cœur si douloureusement brisé en le voyant en un si lamentable état ! Et pendant que ce spectacle l'absorbait, elle voyait des rayons lumineux qui s'échappaient de toutes ces plaies du Sauveur ; elle s'aperçut même qu'ils imprimaient dans sa propre chair les stigmates sacrés. « Ah ! mon doux Seigneur, que faites-vous ? S'écria aussitôt l'humble fille alarmée. Quoi ! vous gravez sur ma chair l'empreinte de vos adorables blessures ! Non, non ! retirez-moi une faveur dont je ne suis pas digne, un honneur qui m'exposerait aux dangereux applaudissements des hommes ! Effacez, mon Jésus, ces trop glorieux stigmates ; ne m'en laissez que la douleur ; ou du moins, ô mon Époux, rendez-les invisibles afin qu'ils ne me restent que comme un secret d'amour entre vous et moi ! » Sainte prière qui fut aussitôt exaucée, car à l'instant même une nouvelle et légère peau couvrit les merveilleuses plaies ; mais la douleur qu'en éprouvait déjà la sainte ne disparut jamais.
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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Ce prodige étant accompli, l'Immaculée Vierge Marie s'avança vers les anges. Tour à tour, des mains de chacun d'eux, elle prenait avec respect les instruments sacrés de la passion de son Fils, et elle venait les offrir à la vénération de la nouvelle stigmatisée. Les clous, les marteaux, la couronne, la lance, tous les divins instruments du salut furent ainsi présentés à ses lèvres. Quel ardent baiser Lidwine leur donnait ! Son âme était en feu, son cœur surabondait de félicité; bientôt même, ne pouvant plus être contenus, ses transports firent explosion. « Merci ! s'écria-t-elle à haute voix; oh ! des millions et des millions de fois merci, bon et doux Maître, qui visitez ainsi votre pauvre servante ! »

Or, sans toutefois les comprendre, le père de la la sainte, couché dans l'appartement voisin, entendit ces paroles. Il en fut inquiété. A qui pouvait-elle bien parler ainsi ? Bref, il se lève et doucement, sans bruit, il s'approche de la porte de sa chambre. Mais à ce même instant, le divin Crucifié s'élevant et paraissant vouloir disparaître : « Seigneur ! Seigneur ! S'écria encore Lidwine, et cette fois avec l'accent de la désolation, si vous êtes Celui en qui je crois, au moins ne me quittez point sans me laisser quelque signe qui me prouve infailliblement que c'est bien vous qui êtes mon Dieu ! » Jésus aussitôt s'arrêta ; déjà il avait pris une autre forme ; c'était une radieuse Hostie que Lidwine apercevait. Un moment, elle la vit suspendue dans l'espace ; mais une blanche nappe descendit doucement sur son lit et l'hostie vint s'y poser.

Cependant le vieux Pierre qui écoutait à la porte, toujours sans rien comprendre et de plus en plus inquiet, finit par se décider. Il entre dans la chambre de sa fille, s'assied selon sa coutume sur le bord de son lit et lui demande si elle a besoin de quelques services. « Ah ! que faites-vous, mon bon père ? Reprend la vierge en l'interrompant ; levez-vous, levez-vous bien vite ; prenez une plus respectueuse attitude; voyez donc ! J'ai près de moi le Seigneur Jésus crucifié ! » Pierre, à ces mots, se lève vivement et voit sur le lit une magnifique Hostie. Émerveillé, hors de lui, le pieux vieillard aussitôt va, court, appelle ses enfants, informe les voisins ; la chambre se remplit ; la stupéfaction est générale. Tous voyaient l'Hostie, une seule et même Hostie ; tous, comme plus tard ils l'attestèrent devant les magistrats, sous la foi du plus redoutable serment, la main sur le Christ et sur l'Évangile, tous voyaient uniformément les traits principaux qui caractérisaient cette Hostie. Plus grande que l'Hostie avec laquelle on communie les fidèles, mais un peu plus petite que celle des prêtres, elle était ronde et rayonnait, dans sa circonférence, d'une auréole de lumière. Surtout, au milieu de cette Hostie, tous voyaient un enfant crucifié. Ses blessures semblaient saigner ; une goutte de sang ferme, assez large, cachait la plaie du côté droit. Quel émouvant spectacle ! Les assistants étaient attendris,pleuraient, glorifiaient hautement Dieu ; mais c'était Lidwine surtout qui tressaillait de bonheur, et ce fut bien cette fois qu'on eut peur que la violence des battements de son cœur ne brisât son existence !
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