Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Cette mort fut une époque dans la vie spirituelle de Lidwine. Comme si elle eût perdu tous ses mérites par l'application qu'elle en avait faite à sa mère, elle se mit à recommencer à nouveaux frais. Jusque-là d'ailleurs, selon elle, elle n'avait été ni assez pauvre, ni assez crucifiée. En conséquence, elle fit vendre un ou deux anciens bijoux et les quelques effets que sa mère lui avait laissés. Du prix, elle fit deux parts. Avec l'une elle acheta une épaisse ceinture de crins, un effrayant cilice, et elle en ceignit ses reins dont les chairs putréfiées tombaient en lambeaux. De l'autre, on eût voulu qu'elle se fît une petite réserve pour ses propres besoins. Ce n'était pas son compte. Elle donna tout aux pauvres ! Restait pour tout bien le lit sur lequel elle était couchée ; elle le trouva encore de trop. A l'entendre, c'était un lit infiniment trop doux. « Quoi ! disait-elle, je couche sur la plume,tandis que Notre Seigneur, à Bethléem, dormait sur un peu de foin et son auguste Mère sur la terre nue ! c'est une intolérable inconvenance ! De grâce, ôtez-moi de ce lit, je ne veux plus désormais reposer que sur la paille. » Il fallut bien lui obéir. Mais son lit, quoi qu'elle en dît, était si mauvais, que l'échange ne put se faire sans une horrible opération. Les draps à moitié pourris s'étaient collés à ses plaies. Force fut, pour les en détacher, d'arracher les chairs toutes vives, et c'est à ce prix qu'elle passa sur ce dur et grossier lit de paille où elle devait, sans jamais en descendre un seul instant, passer le reste de sa vie, condamnée à une perpétuelle immobilité et à une insomnie sans trêve !

Survint l'hiver. Il semblait que Dieu se plût à favoriser Lidwine dans son amour des souffrances, car l'hiver, cette année-là, fut excessivement long et rigoureux ; de mémoire d'homme on n'en avait pas vu de semblable.Voilà donc notre vierge traversant cette terrible saison dans une chambre basse, humide, semblable à peu près à l'étable de Bethléem ; couchée comme l'Enfant Jésus sur une poignée de paille, dans un état voisin de la nudité, par un froid phénoménal, sans feu, et alors que l'hydropisie et tant de plaies donnaient à tous ses membres une sensibilité inouïe ! Sans doute, en d'autres temps, on ne l'eût pas laissée dans un état si affreux ; mais Dieu avait ses desseins. Les visiteurs à cette époque étaient rares, la charité s'était singulièrement refroidie. Dieu voulait qu'elle fût bien délaissée, bien dénuée de toute ressource. Aussi le froid exerça-t-il sur elle toutes ses rigueurs. Des larmes épaisses se congelaient sur ses yeux, à tel point qu'il fallait en approcher le feu pour dégager ses paupières ; plus d'une fois même on la trouva glacée et enraidie comme un tronc d'arbre. État effrayant, pire que la mort ! état impossible, si le Sauveur qui voulait une épouse glorifiée par toutes les douleurs, ne l'eût miraculeusement conservée !

Mais ce même hiver devait la soumettre à une bien plus cruelle épreuve. Son père était gardien de nuit, à Schiedam, et grâce à cet emploi, si vieux qu'il fût, il se suffisait à lui-même. Or, une nuit de cet hiver terrible, le froid fut d'une extraordinaire violence et le lendemain, au matin, quelques habitants ramenaient le vieillard chez sa fille. Il avait un pied gelé ! Qu'on juge de l'affliction de Lidwine ! c'étaient pour son père de cruelles souffrances qui arrivaient ; c'était de plus, d'un seul coup, et la perte de son emploi, et l'indigence jusqu'à manquer de pain !

Heureusement, vers cette époque, le comte Willesme de Hollande vint à Schiedam. Il apprit le malheur et en même temps la détresse de Pierre ; il voulut le voir. « Bon vieillard, lui dit-il, je sais votre infortune ; vous avez un peu tort de n'en rien dire... au moins, en considération de votre sainte fille, me permettrez-vous de vous faire quelque bien. Dites-moi, pour une pension qui vous mette à l'abri du besoin, quelle somme vous faudrait-il ? - Généreux prince, répondit le patriarche,j'ai toujours été pauvre et je ne tiens pas encore à savoir ce que c'est que l'abondance. Douze écus, je crois, me suffiraient. - Soit ! reprit le comte plein d'admiration devant la noble simplicité de ce désintéressement, soit ! douze écus vont vous être donnés à l'instant même et chaque année, régulièrement, la même somme vous sera comptée. Mais il me semble, c'est peu, trop peu pour vivre, et comme je ne veux pas que vous restiez dans la misère, s'il le faut, je doublerai cette somme, vous n'aurez qu'un mot à dire. »
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Rassuré dès lors sur son avenir, Pierre devint plus fervent que jamais. La prière - et il n'oubliait pas son bienfaiteur ! - la prière, les exercices pieux faisaient l'occupation comme la joie de tous ses instants. Tout débile qu'il était et presque aveugle, on le voyait chaque matin, appuyé sur son bâton, s'en aller en chancelant entendre la messe à l'église paroissiale, et presque toujours, chemin faisant, le vénérable vieillard avait quelque chose à donner aux pauvres, quelque chose des économies que sa charité savait faire sur sa modeste pension !

C'est à cette même époque que se place un événement qui faillit mettre fin à la vie de Lidwine d'une épouvantable manière.

 Un de ses frères, un soir, avait allumé une chandelle pour vaquer à ses occupations. Il était seul à la maison. Puis, ayant à sortir, il avait placé cette chandelle à distance, sur un meuble et derrière la tête de sa sœur, afin que l'éclat de la lumière ne l'incommodât point. Quel accident avait eu lieu après son départ ? Dieu le sait.Toujours est-il que la chandelle tomba, vint rouler contre le lit de paille et y mit le feu. Lidwine, occupée à méditer, ne s’aperçoit de rien d'abord ; mais bientôt le feu gagne, la flamme pétille... tout à coup elle se voit au milieu d'un incendie. Que faire? En vain elle appelle... sa voix se perd dans une affreuse solitude ! Elle ne peut pas même fuir, immobile qu'elle est comme un cadavre ! Elle n'a qu'un membre un peu libre, son bras gauche... et que pourra-t-elle ? Mais déjà elle a tendu la main. Elle prend, elle foule, elle presse cette paille enflammée. Dieu était avec elle; elle éteignit tout ce foyer !. et, quelques heures plus tard, ses parents rentrèrent.. Quelle ne fut pas leur épouvante en trouvant la moitié de ce lit réduit en cendres ! Mais, parents, voisins, amis, tout le monde reconnut l'œuvre de Dieu; le bras de la vierge n'avait pas même une brûlure !

L'âme chrétienne est comme l'or ; plus le feu des tribulations l'éprouve, plus sa beauté resplendit !
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE VIII.

Les Anges.

Lidwine est consolée. - L'Ange gardien. - Elle le voit. - Doux entretiens. - D'autres anges viennent aussi. - L'heureux Mercredi des Cendres. - Le joyeux festin, l'épouvantable incendie et le merveilleux bâton. - Oh ! moi aussi, je voudrais bien voir votre ange !

Ainsi se succédaient les années, n'apportant pour tout changement à la triste situation de Lidwine qu'une lamentable augmentation de maux. Mais il est juste et il est temps de le dire : celui qui faisait pleuvoir la manne sous les pas de son peuple dans le désert, le Dieu toujours fidèle la soutenait dans la rude voie où il l'avait fait entrer, en lui donnant , avec une amoureuse libéralité, le pain des célestes consolations.

L'âme de Lidwine en effet surabondait habituellement des plus ineffables joies. « C'est vrai, s'écriait elle quelquefois quand on l'interrogeait; oui, je l'avoue, de la table de mon Maître tombent des miettes que je ne mérite pas, des délices qui enivrent de bonheur la pauvre Chananéenne et sans lesquelles elle n'aurait qu'à mourir ! Ah ! en voyant mes plaies, vous me jugez bien malheureuse ! mais vous ne voyez que la croix que je porte : et si vous aperceviez la main divine qui m'en allège le fardeau, si vous pouviez voir l'onction intérieure qui me console, vous me porteriez envie... non, non, mes douleurs, mes plaies, je ne les changerais pas pour tous vos plaisirs !»

Elle disait si vrai, l'heureuse crucifiée, que son chagrin devenait incomparable quand ces consolations venaient à lui manquer. Alors on la voyait fondre en pleurs. « Mon Dieu!  s'écriait-elle, doublez mes souffrances ! tant qu'il vous plaira, multipliez mes tortures ! mais ne vous en allez pas ! ne me cachez pas votre adorable face !» Et de fait, pour accroître ses mérites avec son amour, Dieu, de temps en temps, semblait la délaisser; Jésus-Christ ne parlait plus à son cœur; aux divines caresses succédaient les froideurs de l'absence. Le bon Maître faisait comme la mère qui se cache un instant pour mieux faire l'épreuve et mieux jouir de l'amour de son cher petit ange.

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Mais alors même qu'elle était ainsi éprouvée, toute consolation cependant ne lui était pas soustraite. Elle trouvait dans sa piété mille ressources à l'aide desquelles de douces joies lui venaient encore du ciel. Il en est une surtout dont nous ne pouvons nous défendre de parler, une admirable ressource à laquelle dans ses besoins elle revenait toujours et qui jamais ne lui faisait défaut ; c'était sa dévotion à l'Ange gardien, car elle honorait cet ange avec une ferveur que Dieu se plaisait à récompenser par les plus étonnantes communications.

Quand donc venaient ses amoureuses tristesses, elle se tournait vers son bon ange, elle l'appelait avec une simplicité d'enfant. Touchante merveille ! l'ange accourait, il se montrait à elle. Oh ! alors elle lui donnait les plus doux noms ; elle lui parlait comme on parle à un ami sur le cœur duquel on repose ; elle lui racontait son chagrin, ses espérances, ses désirs, tout son amour pour Jésus. De plus en plus pressante, elle lui disait : « Parlez-moi, mon ange, parlez-moi donc, ô mon frère ! donnez-moi donc des nouvelles de mon Bien Aimé ! Que fait-il à cette heure ? vous parle-t-il de moi, et croyez-vous qu'il m'aime encore ? ne vous a-t-il point dit qu'il m'appellerait bientôt en son royal séjour ? Oh ! s'il allait prolonger longtemps encore mon douloureux exil ! que deviendrais-je ? Vous voyez bien qu'il m'a blessée d'un trait de son doux amour et que le feu de sa divine charité me consume au point que je me sens mourir ! Pourquoi n'a-t-il point pitié de moi ? est-ce que je le délaisserais ainsi, s'il m'était facile, à moi, de l'attirer dans mon âme, comme il lui est facile, à lui, de m'attirer sur son cœur ? Est-ce qu'il y aurait pour moi joie et repos un seul instant, jusqu'à ce que mon âme, dévorée de la soif de le posséder, se fût désaltérée sans mesure ou plutôt se fût submergée tout entière dans l'immensité de son amour ? »

« O ange mon frère ! ô mon guide fidèle ! ô vous qui pouvez à toute heure voir mon adorable époux et lui parler, allez donc ! Vous, la chair ne vous emprisonne pas ! libre et heureux, vous franchissez d'un trait l'infini de l'espace ! Oui, allez, hâtez-vous ! Du vol le plus rapide de vos ailes, retournez à mon Jésus ! et saluez-le pour moi ! et dites-lui mes langueurs, mes désirs, dites-lui que le cœur de son épouse est un jardin à jamais fermé à tout autre amour qu'à son amour. Et bien vite, ô mon doux ange, rapportez-moi sa réponse, car il me faut de lui une réponse, ne fût-ce qu'un mot ! »

« Et puisque vous allez revoir le séjour si beau où règnent les élus, saluez pour moi et Marie, l'immaculée Mère du Bien-Aimé de mon âme, et les anges vos frères, et les patriarches et les apôtres et les martyrs, et surtout les vierges mes sœurs, en les priant tous d'intercéder pour moi, afin que j'aille bientôt jouir de leur félicité ! »

Ainsi s'exhalait la sainte tristesse de la vierge ; puis elle se recueillait dans le silence de son âme. Sûre que le message qu'elle avait donné serait rempli, elle attendait le retour de son ange ; elle se tenait attentive à la réponse qu'il allait lui faire, et son espérance n'était pas trompée.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Bientôt le céleste envoyé revenait lui rendre compte; elle l'entendait lui dire, il lui disait :

« Réjouis-toi, ô bienheureuse épouse du Seigneur mon Maître ! Il a reçu tes saluts ; ton amour a touché son cœur; il veut que je t'assure de toute sa divine tendresse. Mais, ô chère petite sœur, tes défaillances l'attristent. « Non, non, m'a-t-il dit, je ne veux pas que ma bien-aimée se désole. Elle me reverra, je lui reviendrai, je la consolerai, son cœur reposera encore sur mon cœur. Qu'elle ait courage ! les jours de l'épreuve finiront, et elle aura montré plus d'amour, elle aura conquis plus de gloire, car elle aura passé par où j'ai passé ; n'ai-je pas été abandonné ? n'ai-je pas souffert ? »

« Du reste, ô ma sœur, je sais que ton exil ne sera plus bien long ; je sais que l'époux bientôt va venir pour te prendre dans ses bras, pour t'emporter dans sa royale demeure et t'y placer sur un trône ! O la plus heureuse des épouses ! encore un peu de patience, et voilà qu'il viendra, celui que tu aimes ! déjà il s'apprête ; déjà l'auguste Reine et son blanc cortège de vierges toutes pures ; déjà les anges et les patriarches, les prophètes et les apôtres, les pontifes et les martyrs, déjà toute l'assemblée des cieux se lève et s'avance ! Les parfums brûlent, les sentiers du jardin éternel sont embaumés ; voilà le palais des joies sans fin qui s'ouvre pour te recevoir. c'est ton époux qui accourt. « Oh ! viens ! te dira le Roi des rois, viens, ô mon épouse, ô fille du Liban, ô ma bien-aimée ! viens ! aujourd'hui enfin je te couronne !» Et les anges alors entonneront leurs cantiques les plus beaux, et les saints pousseront des cris d'allégresse, et tous ces rois du ciel, tous ces fils de Dieu se feront un honneur de te servir et ils te diront : « Maintenant, ô notre sœur, mange et bois à ce festin de tes noces divines ! enivre-toi au torrent des éternelles délices, ô la très-chère épouse du Seigneur notre Dieu ! »

Tels étaient les entretiens qu'avait Lidwine avec son ange. Elle en sortait toujours plus forte, plus résolue à la patience, plus embrasée d'amour,plus disposée à de nouvelles tortures. « Seigneur, disait-elle alors, mon cœur est prêt ! Frappez, blessez comme il vous plaira ! du milieu des tourments, je chanterai un hymne à votre gloire, puisque déjà je vois poindre le jour du salut ! »

Et non-seulement Lidwine conversait ainsi avec son bon ange, mais par une grâce spéciale de la bonté de Dieu, elle le voyait, elle l'entendait extérieurement comme on voit, comme on entend une humaine créature ; quelquefois même elle recevait de lui les services dont elle avait besoin. D'autres anges venaient aussi la visiter, et, chose merveilleuse, elle les connaissait tous, elle donnait à chacun d'eux le nom qui lui appartenait, elle savait jusqu'au nom des âmes dont la garde leur était confiée. Tous ces anges, ainsi qu'on l'a su d'elle, lui apparaissaient sous la forme de jeunes hommes d'une éblouissante beauté. Ils portaient au front une croix lumineuse dont le seul reflet avait un tel éclat qu'il donnait à leur figure une splendeur devant laquelle s'effaçait la magnificence même de l'astre des cieux. « C'était cette croix, disait Lidwine, qui les distinguait des démons ; car, ajoutait-elle, les esprits de ténèbres, même lorsqu'ils se transforment en anges de lumière, n'osent ou plutôt ne peuvent jamais prendre ce signe adorable de notre Salut. »
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Ces délicieux entretiens, cette douce vision des anges lui étaient habituels. Pourtant elle en était privée quelquefois, lorsque par exemple elle avait eu des visites ou trop nombreuses ou trop prolongées, tant il est difficile, même à l'âme la plus pure, de ne pas prendre un peu de poussière mondaine au contact du monde. Lidwine, dans les commencements, ne se rendait pas compte des imperfections qui pouvaient lui échapper alors; mais ses anges fidèles n'avaient pas tardé à l'instruire, à lui faire connaître sa misère. Si légères qu'elles fussent, ces imperfections suffisaient à jeter un voile entre elle et les esprits tout purs ; elle ne les entendait plus, elle ne pouvait plus les voir ! Bien vite alors, selon le conseil qu'elle avait reçu d'eux, elle purifiait son âme des moindres taches par une confession bien humble, et aussitôt revenait l'essaim des anges et se reprenaient les entretiens si doux !

Rien n'est touchant comme le ministère tout de bonté et de sollicitude que ces bienheureux esprits remplissaient, jusque dans les plus petits détails, à l'égard de leur sœur de prédilection.Tous les ans, par exemple, au jour des Cendres, Lidwine aimait à recevoir à son front, elle aussi, la poussière qui, pour notre enseignement, nous rappelle la mort ! Mais quelquefois, empêché par ses fonctions, le prêtre qu'elle avait demandé tardait à venir. C'était le bon ange alors qui lui donnait cette pieuse consolation.

Une fois, à pareil jour, son confesseur vint, bien qu'on ne l'eût pas appelé. « Voulez-vous des cendres? Lui dit le prêtre. - Mais, mon père, reprit Lidwine, j'en ai déjà reçu. - Et qui donc est venu ? - C'est mon bon ange, mon père, grâce à la divine bonté.- Comment ! votre bon ange ? est-ce que votre bon ange vous aurait donné des cendres ? - Mon père,touchez mon front et voyez si je dis vrai. » Le prêtre en effet trouva des cendres. Surpris, mais non satisfait, sur le champ il fit dans toute la maison une sévère enquête ; puis il revint... mais en demandant comme une grâce, mais en obtenant comme un bienfait un peu de ces cendres vénérées, et pieusement il les mit à son front.

Voici une autre merveille, un témoignage encore de cette fraternelle sollicitude du bon ange de Lidwine. L'an 1428, les pêcheurs de Schiedam, devant se mettre en mer pour la pêche du hareng, avaient fait, selon l'usage, un grand festin la veille de leur embarquement. La fête avait été complète ; les adieux s'étaient joyeusement célébrés. Mais à la nuit on oublia d'éteindre, ou plutôt on couvrit mal les feux. Des étincelles s'échappèrent. A onze heures du soir le feu éclata. Bientôt ce fut un incendie effroyable,immense ! Le lendemain matin, presque toute la ville était en flammes. L'église, le couvent, des rues entières n'étaient plus qu'un amas de cendres ou de ruines, et l'incendie comme un torrent avançait toujours ! L'épouvante était à son comble. On enlevait de toutes les maisons les enfants, les vieillards, les malades... on courut chez Lidwine. Mais Lidwine, nous le verrons ailleurs, avait prédit cet incendie comme un châtiment de Dieu ; elle savait que les flammes ne viendraient pas jusqu'à elle... elle refusa de sortir.
Alors on voulut au moins enlever, on enleva, malgré elle, le plafond, la charpente. Hors son lit et quelques planches qu'on laissa forcément au-dessus de sa tête, comme défense contre les rayons du soleil sous l'ardeur desquels ses pauvres yeux versaient déjà du sang, on emporta tout, tout ce qui pouvait servir d'aliment au feu. Puis on ferma hermétiquement ses rideaux et on retourna en courant au foyer de l'incendie, la pauvre malade restant absolument seule.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Ce fut pour elle un jour affreux. On était en plein mois de juillet ; la chaleur était horrible ; à la chaleur s'était jointe une fièvre des plus violentes. Vint la nuit, mais personne ne parut. Frères,parents, amis, tout le monde travaillait toujours sur le théâtre de l'épouvantable catastrophe. Cependant la malheureuse malade n'y tenait plus ; son lit fermé avec trop de soin devenait comme un four ; elle étouffait. Pour se donner donc un peu d'air moins brûlant, elle voulut ouvrir ses rideaux ; c'est-à-dire, de sa main gauche, la seule libre, elle chercha le léger bâton qu'elle avait toujours près d'elle, sans lequel ouvrir ses rideaux lui était chose impossible. Mais point de bâton ! En vain, elle le cherche et le cherche encore ; il avait disparu.

« Ah ! sans doute, se dit-elle, ces hommes qui sont venus, qui ont tout bouleversé dans ma chambre, l'ont emporté au loin. » Et elle en pleura de douleur ! Dans l'impuissance où elle était de faire le moindre mouvement qui lui permît d'atteindre aux rideaux, il fallait qu'elle restât là, toute une nuit, immobile, abandonnée, dans ce lit fermé comme un enfer !

Or, au milieu de toute cette angoisse, son ange se montre à elle. « Ma sœur, lui dit le céleste esprit, consolez-vous. » Et déjà il avait disparu; mais au même instant la vierge sentait sur elle un objet posé transversalement. Étonnée, elle y porte la main. O surprise ! c'est un bâton qu'elle a trouvé ! Il est vrai, ce bâton est lourd, informe ; quelle différence avec le léger roseau qu'elle maniait si facilement ! Mais enfin qu'importe ? elle peut à la rigueur s'en servir ; tant bien que mal elle s'en sert, elle ouvre ses rideaux et elle passe moins tristement cette terrible nuit, remerciant son bon ange qui, sans doute, en lui donnant un si lourd bâton, avait eu ses desseins.

Le lendemain son confesseur vint la voir. Sans lui dire d'où il venait, elle le pria de faire dégrossir ce bâton, de façon à le rendre maniable et léger; à quoi l'obligeant confesseur s'engagea volontiers. Mais un fait étrange se révéla.Confesseur, ouvriers, assistants, tout le monde observa deux choses inexplicables :
1° ce bâton était d'un bois absolument inconnu dans le pays; 2° à mesure qu'on l'amoindrissait, il s'en exhalait la plus délicieuse odeur. ce fut au point qu'entre le prêtre et les divers ouvriers qui furent appelés s'éleva comme un pieux débat au sujet des débris tout parfumés de ce bois mystérieux, chacun d'eux voulant s'en approprier une plus grande part. Chose plus admirable encore ! ce nouveau bâton, ainsi rendu léger et remis à Lidwine pour son usage, se trouva doué d'une vertu digne de son origine. Il suffisait de l'approcher des énergumènes pour mettre en fuite l'ange du mal qui était en eux. Aussi tout le monde voulait voir, sentir et toucher ce bois merveilleux. Mais un jour, un libertin l'ayant pris dans ses mains impures, il perdit sur-le-champ et sa vertu et son mystérieux parfum !

Finissons par un dernier trait. Toutes ces merveilles avaient mis au cœur d'une pieuse veuve un ardent désir : « Oh ! disait-elle à notre sainte, votre ange, cet ange si bon que vous voyez de vos yeux, combien je voudrais le voir ! O Lidwine, priez donc Dieu pour qu'il me permette, à moi aussi, de le contempler ! » Et elle sollicita, elle supplia avec tant d'instance que la sainte fille en fut touchée. « Eh bien ! oui, lui répondit-elle un jour, oui, ma chère Catherine, j'ai prié Dieu et il veut bien vous exaucer.
Fermez la porte, ajouta-t-elle ; puis, recueillez-vous, préparez bien votre âme. voilà l'ange de Dieu qui va venir. » Et alors l'ange apparut. C'était un enfant, l'enfant le plus beau qu'eût jamais vu créature humaine. Ses blancs vêtements effaçaient l'éclat de la neige; il y avait à son front comme le rayonnement d'un astre. La pauvre femme, immobile, sans parole, mais enivrée, se croyait déjà au ciel ! En outre, bien qu'elle n'aperçût personne, elle voyait une multitude de mains tendues vers la sainte, comme des mains qui implorent une aumône. « Mon frère ange, dit en ce moment Lidwine, honorez ma sœur d'un de vos regards, laissez-lui voir la céleste splendeur de vos yeux.» L'ange aussitôt regarda la pieuse veuve, mais d'un regard si ineffable, si doux, d'un regard dont elle emporta une si brûlante impression de bonheur, que pendant quelque temps, dédaignant toute nourriture, elle ne put que pleurer. Elle eût voulu mourir !
« Je ne connais, disait souvent Lidwine, aucune peine, aucune amertume, aucune angoisse de cœur qu'un seul regard de mon ange ne dissipe aussi facilement que les chauds rayons du soleil dissipent la rosée du matin. Oh ! quel sera donc notre bonheur dans la patrie, au sein de Celui qui seul est la vie et la beauté, si la vue du moindre de ses serviteurs suffit à nous enivrer déjà, à changer même nos douleurs en joies !

Que de merveilles ! mais ne nous étonnons pas ! Des hommes aux anges il y a une parenté, un lien; c'est la virginité.Toujours, et réellement, une âme pure est leur Sœur !
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE IX.

Progrès spirituel.

Pauvreté de Lidwine. - Mais on est riche quand on se contente de ce qu'on a. - Offre que fait à la vierge un grand seigneur de la Flandre.- Sa pénitence, son humilité, sa douceur. - Belle explication qu'elle donne de l'action des trois personnes de la sainte Trinité dans l'Incarnation du Verbe. - Une femme de mauvaise vie lui crache au visage. - Comment elle supporte les défauts d'autrui. - Le duc Jean de Bavière. - Obéissance. - Pureté.

Douleurs ou consolations, Dieu ne nous envoie rien qui ne soit, de sa part,une amoureuse grâce. Et toute grâce, dans ses miséricordieux desseins, n'étant qu'un moyen, qu'un secours mis à notre disposition pour nous faire arriver à la sanctification et par elle au salut, il est évident que les croix comme les bienfaits doivent nous rendre meilleurs et nous faire tendre à une vie de plus en plus féconde en œuvres de Sainteté.

Lidwine le comprenait. Aussi son cœur, arrosé des eaux de la tribulation et vivifié par les quelques rayons de joie que lui envoyait le Ciel, s'embellissait de jour en jour, semblable à un jardin fertile. Les plus suaves vertus s'épanouissaient comme en un riche parterre s'épanouissent les plus admirables fleurs. Fleurs célestes, splendides vertus ! au moins en passant, contemplons-les pour embaumer notre âme de leur bienfaisant parfum..

Déjà nous connaissons sa pauvreté, et la pauvreté chez elle était bien une réelle, une haute vertu. Ce n'était pas cette pauvreté forcée, impatiente, dévorée de regrets et de convoitises, cette pauvreté insoumise qui toujours murmure et se plaint : c'était la pauvreté vraiment chrétienne, une pauvreté acceptée, volontaire, joyeusement portée, une pauvreté bénie, aimée , dont elle faisait son bonheur, dont elle n'eût pas voulu sortir ! Quelquefois sa pénurie était extrême. Alors on se hasardait. « Manquez-vous de quelque chose ? lui demandait-on.-Moi, répondait-elle; mais, Dieu merci, je suis dans l'abondance ! - Comment ! lui dirent un jour avec humeur quelques femmes qui l'entendaient faire cette réponse; est-ce que nous ne savons pas que vous manquez de tout ? C'est un coupable mensonge que vous dites là ! - Je vous demande pardon , mes sœurs, répondit l'humble servante de Jésus, mais je crois ne dire que la vérité, car c'est être riche que de savoir se contenter de ce qu'on a. Il est vrai, je n'ai ni l'or ni l'argent, ni les délices de ceux que le monde appelle heureux; mais au moins ai-je comme eux, autant qu'eux l'abondance des misères de la vie. et c'est une abondance, c'est une richesse comme une autre ; richesse qui me suffit, dont de tout mon cœur je remercie Dieu. »

Aussi, un seigneur opulent de la Flandre étant venu la visiter, et lui offrant de faire bâtir pour elle une belle maison à la place du triste réduit où il souffrait de la voir si mal logée : « Non, mon frère, répondit-elle bien vite. Je vous suis profondément reconnaissante , mais je n'accepte pas.Je veux mourir dans cette chambre, et tant que je vivrai, je n'aurai pas d'autre demeure. Oh ! Ajouta-t-elle, si quelqu'un, après ma mort, veut transformer cette maison en un hôpital pour les pauvres, de toute mon âme, je bénis une telle œuvre , et je prie Dieu avec effusion de largement la récompenser. » Vœu touchant ! c'était comme une prophétie que réalisait, après la mort de la vierge, un médecin aussi pieux qu'illustre,Wilhelme, le fils même du célèbre Sonder-Dank dont nous avons déjà parlé.

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Passons de la sainte pauvreté de Lidwine aux rigueurs de sa pénitence. Ici encore, nous n'avons qu'à nous souvenir, qu'à recueillir en un seul trait tout ce que nous avons vu jusque-là. Quelle pénitence ! Quelle vie ! Cette maison basse, humide et froide; ce misérable réduit où le soleil peut à peine faire pénétrer quelques-uns de ses rayons consolateurs, ce réduit plus semblable à un sépulcre où règne la mort qu'à une chambre habitée par un être vivant; puis ces haillons sanglants, ce corps frêle, gisant sur la paille, dévoré par un continuel martyre et tombant en lambeaux; cette ceinture de crins ajoutant ses plaies et ses tourments à tant d'autres tourments, à tant d'autres plaies ; toute cette pauvre créature brisée , difforme, crucifiée, n'ayant pour soulagement que ses tortures, pour récréation que ses larmes, pour festin que ses douleurs et pour convives que des vers. Toute cette horrible agonie, en un mot, cette agonie surhumaine qui dure depuis dix ans, depuis vingt ans, mais qui jamais ne se plaint, mais qui aime Dieu et le bénit, qui sait même sourire encore aux hommes et leur faire du bien. Oui, tout cela confond, bouleverse l'âme, la jette en une sorte de rêve fiévreux où elle s'écrie avec épouvante : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » Tout cela fait qu'on se demande : « Y a-t-il un saint, y a-t-il un martyr qui ait plus rigoureusement fait pénitence, qui ait plus admirablement souffert ?»

Voici maintenant, dans notre vierge, d'autres vertus qui se mêlent et se confondent comme en une seule, en se prêtant mutuellement leur charme si attrayant : c'est l'humilité, la vertu par excellence, sans laquelle il n'y en a point d'autre, autour de laquelle viennent se grouper toutes les autres; c'est la douceur, c'est la patience, les deux vertus surtout qui fleurissent toujours à l'ombre de l'humilité.

Lidwine, en effet, était si humble, qu'elle redoutait les honneurs, comme dans le monde on redoute les humiliations, et qu'elle aimait les abaissements avec plus de passion qu'on n'en met dans le monde à rechercher la gloire. L'histoire entière de sa vie le témoigne.Cette foule, cet empressement, ces respects qui venaient à elle l'effrayaient; elle s'épouvantait surtout des lumières, des grâces, des privilèges extraordinaires dont Dieu plus tard daigna l'honorer. Si l'obéissance et la charité le lui avaient permis, que de merveilles opérées en elle nous n'aurions jamais connues ! Citons, du moins, sans anticiper sur les faits, une circonstance où cette humilité de notre sainte eut rudement à souffrir.

Un grand docteur, un jour, était arrivé chez elle ; c'était un professeur en théologie, un religieux des plus distingués de l'ordre de Saint-Dominique. Il avait tant ouï parler de Lidwine et de manières si diverses ; on l'avait, devant lui, tant exaltée pour ses lumières et tant abaissée comme une ignorante, qu'il n'avait pu résister au désir de juger par lui-même, et, dans ce but, il était venu de Maëstricht. Il eut donc,avec elle, une longue conférence sur une foule de sujets ; après quoi, il lui posa cette question : « Lidwine, lui dit-il, je désire savoir de quelle manière les trois personnes de la sainte Trinité ont opéré dans le sein de la glorieuse Vierge Marie l'Incarnation du Verbe ;je l'exige, dites-moi ce que vous en pensez. - Moi! s'écria la pieuse malade, alarmée du péril que courait son humilité ; moi, mon Père !» Et elle se défendit avec une vivacité extrême ; mais elle fut mal reçue. En vain elle objecta son néant, sa profonde ignorance, la hauteur d'une telle question. « Je le veux, vous dis-je ! reprit le docteur presque avec amertume, et, au besoin,je vous en adjure par le redoutable jugement de Dieu ; répondez-moi sans détour. » A une injonction aussi solennelle, il n'y avait rien à répliquer. Seulement, la pauvre fille se mit alors à pleurer avec tant de désolation, que le docteur lui-même se sentit profondément ému ; mais il resta inflexible, il fallut obéir. « Eh bien ! j'essaierai, dit Lidwine en rougissant ; mais pour m'aider, mon Père, à mieux exprimer ma pensée, laissez-moi me servir d'une comparaison. Je suppose donc un corps solaire d'où partent trois rayons distincts, qui ensuite se réunissent de manière à n'en plus former qu'un seul. Je suppose en outre que ces trois rayons, fort larges au sortir du corps solaire, vont en diminuant à mesure qu'ils s'en éloignent, jusqu'à ne former à leur extrémité qu'une pointe aiguë et indivisible, comme celle d'une lance. Or, cette pointe unique, formée des trois rayons, je la vois pénétrer dans l'intérieur d'une humble maison où, par elle,se produisent la lumière et la vie. Et déjà, mon Père, vous avez saisi toute ma pensée. J'entends, par ce corps solaire, la très-glorieuse Divinité elle-même ; par les trois rayons distincts qui jaillissent de ce soleil, les trois personnes qui émanent de l'essence divine ; par la direction de ces rayons vers un même but, l'opération commune aux trois adorables personnes dans l'Incarnation du Verbe. Puis, quand ces trois rayons se réunissent en une seule pointe, j'y vois l'unité d'opération à laquelle les trois personnes concourent ; et cette pointe elle-même, ce rayon extrême formé des trois rayons, pour moi c'est l'image du Verbe qui termine l'Incarnation, bien que l'Incarnation soit l'ouvrage des trois personnes ensemble. Après cela, mon Père, qu'ai-je besoin de vous le dire ? cette humble demeure dont j'ai parlé, c'est le chaste sein de Marie où le Verbe fait sa divine entrée et daigne unir à sa propre substance la substance la plus pure de I'auguste Vierge, sans cependant partager sa personnalité, si bien qu'après cette union, il y a en lui et deux natures et une seule personne, l'adorable personne du Fils de Dieu ! Voilà, mon Père, sauf correction , ce que je puis vous dire sur ce sujet. »
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2597
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

A cette réponse, le savant dominicain fut si émerveillé, qu'il se mit, devant tout le monde, à répéter avec enthousiasme qu'il n'avait jamais trouvé dans ancun théologien une métaphore aussi exacte et aussi lumineuse. L'humilité de Lidwine ne s'en effraya que davantage. « Mon Père, s'écria-t-elle avec des larmes dans la voix, ayez pitié de moi ! je ne suis rien, je ne sais rien ; il n'y a en moi que misère et péché ; ménagez ma faiblesse et ne parlez jamais de moi ! » Mais elle eut beau dire; le religieux édifié se plut à publier sa réponse en tous lieux, et lui qui n'était venu la visiter qu'avec prévention, il se fit, dès ce jour, son panégyriste le plus ardent, son défenseur le plus dévoué.

Mais, outre cette humilité qui fuit les applaudissements et a peur de tout éclat mondain, il y avait dans Lidwine une autre humilité plus rare et plus méritoire, parce qu'elle est plus difficile. Elle pratiquait admirablement cette humilité qui est douce et patiente, c'est-à-dire, qui non-seulement sait accepter en souriant la maladie ou l'affliction, mais qui va jusqu'à rester calme et sereine devant un mépris ou une injure, devant une contradiction ou un travers d'autrui, qui va même jusqu'à répondre à la colère par l'amour, à l'insulte par le pardon , à la haine par des bienfaits ! et ce ne sont pas les occasions qui lui manquaient. Nous avons vu déjà, même des voisines venir grossièrement la traiter de fourbe et d'hypocrite; nous pourrions donner mille autres exemples ; rapportons en au moins quelques-uns.

Un jour, une femme de mauvaise vie entra chez elle dans un état de colère furieuse. On eût dit une hyène ou plutôt un démon que l'enfer aurait déchaîné. Ce fut d'abord un torrent de reproches, d'injures, mais d'injures du plus outrageant caractère. Après quoi , voyant Lidwine toujours calme, elle lui cracha au visage, et jusqu'à trois, jusqu'à quatre fois elle recommença. La face de la sainte épouse de Jésus-Christ était toute souillée de ces crachats immondes ! Mais pas plus que le premier, ce nouvel outrage ne put arracher une plainte à la vierge. Alors, exaspérée, l'affreuse mégère se mit à crier comme si on lui eût fait violence, à tel point que tout le voisinage accourut. Et il faillit lui en coûter. Ce fut Lidwine elle-même qui détourna l'orage en calmant l'indignation. Elle fit plus encore. Le soir même de cette odieuse scène,elle envoya secrètement un présent à cette femme. « Allez, disait-elle en donnant cette commission touchante, portez-lui cette offrande avec ma bénédiction. Ce n'est d'ailleurs qu'un devoir que j'accomplis. Ne dois-je pas de la reconnaissance à ceux qui me donnent occasion de pratiquer la charité, à ceux qui me poussent à la perfection, puisque la perfection est dans la charité ? Oui, en vérité, je suis redevable, grandement redevable à cette bien-aimée sœur, et, je le répète, ce que je lui envoie est moins un présent que le paiement d'une dette sacrée. »
Répondre

Revenir à « Actualité et thèmes secondaires »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Bing [Bot] et 0 invité