Le salut est-il la fin suprême de l'homme ?

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Abbé Zins
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RÉPONSES AUX OBJECTIONS : (*)


24/

289. Quand la vertu de charité est présente dans l'âme, elle est la forme de toutes les autres vertus (cf. S. Th. 2.2. 23,8)

qu'elle n'exclut point mais domine et dirige vers leur fin ultime (cf. 1.2. 65,2,4 ; n̊ 121, 266, 282) ;

et, dès lors, tous les actes de ces autres vertus sont informés par elle.


En cette âme en état de grâce, il peut se présenter principalement deux possibilités pour chaque acte :

1̊) qu'il s'agisse d'un acte uniquement de charité, ou 2̊) d'un acte de charité accompagné de la mise en exercice d'une ou de plusieurs autres vertus :


« Il faut dire qu'un acte peut découler (derivatur) doublement de la charité :

1̊) en tant que produit (elicitus) par elle, et un tel acte vertueux ne requiert point une autre vertu en plus (praeter) de la charité, comme aimer un bien, s'en réjouir et s'attrister de ce qui s'y oppose ;

2̊) un acte procède de la charité en tant qu'impéré par la charité, et cela parce qu'elle commande toutes les autres vertus en les ordonnant à sa fin, et ainsi l'acte procédant de la charité peut aussi appartenir à une autre vertu spéciale.»



(Saint Thomas, 3. 85,2 ad 1)







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24/

Le premier cas ne pose point de difficulté :

il s'agit d'un simple acte de charité, que beaucoup appellent acte de charité parfaite, mais qui est tout simplement un acte de charité tout court ou proprement dit.


Quant au deuxième cas, il peut se présenter à nouveau deux possibilités :

1̊) soit qu'en l'acte même, ce soit la charité qui prédomine hic et nunc, même si cet acte se trouve mêlé de crainte, d'espérance, de force, de prudence, ou autre,

et il s'agit dès lors d'un acte de charité proprement dite (simpliciter), accompagné de telle autre vertu mise aussi en acte mais secondairement et sous le contrôle actuel de la charité.


Appeler cet acte imparfait s'il se trouve mêlé en sa mise en acte ou en son action même à une autre puissance ou vertu,

l'appeler donc acte de charité imparfaite serait, même en ce sens restreint, encore inexact ;

ce que l'on peut montrer avec évidence par les quelques exemples suivants.







(*) Pour relire l'objection avant la réponse, il suffit de cliquer sur le lien mis au n° 1/ ou suivant qui y renvoie ; puis, pour revenir lire la réponse, il faut cliquer sur la flèche en haut tout à gauche afin de revenir en arrière.

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24/

Si tel était le cas, il faudrait dire que l'un des plus sublimes actes de charité possible,

celui du martyre, ne serait qu'un acte de charité imparfaite, puisqu'il se trouve mêlé dans sa mise en acte et son exercice avec la vertu de force à son plus haut degré d'intensité ;

et, à en croire les Actes de si nombreux martyres, à la vertu d'espérance à laquelle les martyrs s'excitaient entre eux durant ces épreuves si terribles.


Il faudrait aussi parler d'imperfection dans la charité chez Moïse, le Psalmiste et saint Paul, ce qui a été montré faux (n° 83, 114s, 252) ;

et même dans l'Humanité Sainte de Notre Sauveur ici-bas qui avait la vertu de crainte révérentielle (cf. S. Th.3. 7,6 ; Consummatum Est I n° 564 p. 404),

et une certaine espérance relative à la béatification de son corps et à sa glorification sur terre, au ciel et dans les enfers (cf. S. Th. 3. 7,4 ; Cons. Est I n° 561, p. 402) ;

il faudrait parler d'imperfection de la charité des Bienheureux qui demeure mêlée de crainte filiale révérentielle (cf. Ps. 18,10 ; S. Th. 2.2. 19,11 ; n° 548) ;

et, ce qui serait un comble de non-sens, même dans la charité du Verbe de Dieu demandant au Père la glorification de sa Sainte Humanité assumée (cf. n° 186),

et même dans le Père céleste (cf. n° 113, 247s).








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24/

290. 2°) Quant à la deuxième possibilité, si dans l'acte même c'est une autre vertu qui prédomine sans contrarier toutefois l'état habituel de charité,

cet acte est dès lors un acte de cette autre vertu qui est informé par l'état prédominant de la charité :


« Il faut dire qu'un même acte, en tant qu'il est opéré une seule fois par quelqu'un qui agit, n'est ordonné qu'à une fin prochaine, de laquelle il tient son espèce.

Mais il peut être ordonné à plusieurs fins éloignées, dont l'une est la fin de l'autre.»
(Saint Thomas, 1.2. 1,3 ad 3 ; cf. aussi 1.2. 1,7 ad 1)


« Les actes tiennent leur espèce de la fin prochaine, mais leur genre et leur cause de la fin éloignée.» (Saint Thomas, 2.2. 11,1 ad 1)








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24/

On peut encore ici considérer deux cas :

1̊) Que bien que l'intention de celui qui agit porte principalement sur l'objet de telle vertu, par exemple la crainte,

il s'y mêle aussi secondairement dans cet acte même un faible élan de charité l'accompagnant,

l'acte reste alors un acte de crainte accompagné de charité aussi actuelle :


« Rien n'empêche qu'un acte soit informé par plusieurs habitudes (habitus)

et ramené en un certain ordre à diverses espèces.»
(Saint Thomas, 2.2. 4,3 ad 1)








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Néanmoins, en ce cas, on ne peut pas parler de charité proprement dite mais seulement d'un commencement de charité (cf. n° 559),

d'un début d'amour qui n'est pas un acte d'amour de Dieu plus que tout mais qui y tend.


La raison en est que, dans un acte ramené à deux espèces, l'une doit dominer l'autre :


« Le libre arbitre peut se mouvoir à deux (espèces) à la fois, en tant que l'une est ordonnée à l'autre.» (1.2. 113,7 ad 2) ;

or partout où se trouve la charité, elle domine (cf. n° 480s.),

soit quant à l'état en dirigeant les autres vertus,

soit quant à l'acte hic et nunc en prenant la prépondérance :


« Si l'objet (de l'acte) est de soi (per se) ordonné à la fin, l'une des différences spécifiques détermine l'autre, aussi l'une des espèces est-elle contenue sous l'autre.

Reste à considérer sous laquelle.

Pour en avoir l'évidence, il faut considérer :

1̊) que plus une différence est fondée sur une forme plus particulière, plus elle est spécifique ;

2̊) que plus l'agent est davantage universel, plus la forme qui en découle est universelle ;

3̊) que plus une fin est postérieure, plus elle correspond à un agent plus universel,

comme la victoire qui est la fin ultime d'une armée (durant la bataille) est la fin voulue par le généralissime,

tandis que l'ordonnance de tel corps de l'armée est la fin visée par tel officier subalterne.


De ces considérations découlent que la différence spécifique qui est ordonnée de soi à telle fin par l'objet, est spécifique (seulement) par rapport à lui.


Car la volonté, dont l'objet propre est la fin, est le motif universel par rapport à toutes les puissances de l'âme

dont les objets propres sont les objets d'actes particuliers.»



(Saint Thomas, 1.2. 18,7)








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Si donc la charité, qui regarde la fin ultime et universelle (cf. n° 121, 137, 166), est présente en acte, elle ne peut que dominer dans l'acte même.

Si l'acte est accompagné d'un faible élan de charité qui ne domine pas, c'est donc bien qu'il ne s'agit point de la charité proprement dite mais seulement d'un commencement de charité qui ne pourra que prendre très vite le dessus si l'acte est prolongé et si l'élan n'est pas qu'un éclair passager, et dès lors quasi inexistant.

Et si la charité prend le dessus, il s'agira dès lors d'un véritable acte de charité, toujours accompagné ou non de la crainte (selon le degré d'intensité de la charité et selon la nature de la crainte), introduit par un acte préalable de crainte (cf. n° 541s).








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2̊) Quant au deuxième cas, c'est celui où l'intention ne porte actuellement que sur l'objet de telle vertu, par exemple l'espérance, sans que ce soit de manière à s'opposer à la vertu de charité :

« Il arrive en effet qu'un seul et même acte du libre arbitre soit de diverses vertus, selon que l'une dirige et l'autre est dirigée, à savoir en tant que l'acte est ordonnable à diverses fins.» (Saint Thomas, 1.2. 113,4 ad 1)


En ce cas, il s'agira d'un acte d'espérance quant à l'espèce, et d'un acte de charité quant au genre (cf. 2.2. 11,1 ad 1, cité un peu plus haut), car

« on peut considérer de deux façons un acte de charité :

1̊) en tant qu'il est un certain acte en soi (per se)..., un acte de charité (proprement dit)... ;

2̊) on peut considérer acte de charité la modalité (modus) des actes des autres vertus, à savoir les actes des autres vertus en tant qu'ils sont ordonnés à la charité qui est la fin de tout précepte (I Tim. 1,5).

Il a en effet été dit plus haut (12,4) que l'intention de la fin est une certaine modalité formelle de l'acte ordonné à la fin... (ce qui se rapporte à) la modalité de la charité.»


(Saint Thomas, 1.2. 100,10)






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Il s'agira donc de soi (per se, simpliciter) d'un acte d'espérance, et on pourra aussi parler d'une certaine manière (per accidens, secundum quid) d'un acte de charité, en tant que cet acte d'espérance est informé, et dirigé implicitement, par la vertu de charité.


Et c'est seulement en ce sens restreint, que l'on pourrait parler correctement d'acte imparfait de charité ou d'acte de charité imparfaite, comme le concède saint Alphonse de Liguori à ses adversaires (cf. n° 559),

à condition de l'entendre et de le faire comprendre dans le sens scolastique et thomiste du mot imparfait, selon cette nuance, à savoir :

n'ayant pas encore atteint son terme, n'étant pas pleinement en acte (cf. 2.2. 24,8, cité n° 378) ;

et non avec la connotation de moralité qui l'accompagne toujours dans son usage moderne.






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291. Voilà le seul cas et la seule façon qui permettraient de parler, sans erreur de fond ni de terminologie, d'acte de charité imparfaite ou plus exactement d'acte imparfait de charité, étant par là exclu :

1̊) tout acte non informé par la charité, donc émis par une âme en état de péché mortel ou accompagné d'une difformité s'opposant à l'ordonnance à la fin de la charité (comme pour le péché véniel),

et 2̊) tout acte où la charité domine hic et nunc, en acte, à savoir tout acte de charité proprement dit, accompagné ou non de la mise en exercice d'une ou plusieurs autres vertus.


Mais étant donné d'une part le sens moderne en lequel est employé le mot imparfait, et d'autre part l'absence dans l'esprit du grand nombre des restrictions ici précisées,

cette expression, dans le contexte de notre vocabulaire moderne, porte le plus souvent à l'imprécision et à la confusion,

quand ce n'est point à l'inexactitude et à l'erreur, au moins quant à la terminologie si ce n'est quant au fond.






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