JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

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JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Par Armand LAMBON (1892)


AVANT-PROPOS

Jean Gerson est un des plus nobles caractères qui
aient honoré le moyen-âge ; c'est aussi l'une des figures
les plus intéressantes à étudier.
Chancelier de l'Université
et de l'Eglise de Paris, il a été directement mêlé à
tous les événements qui ont marqué la fin du XIVe siècle
et le commencement du XVe. Dans cette époque de troubles,
où tant de malheurs et de bassesses attristent le
regard, au milieu de l'épouvantable confusion qui régnait
dans l'Etat comme dans l'Église,
il s'est efforcé de rendre
aux hommes la paix qu'ils avaient perdue. Il s'est fait
l'avocat des populations souffrantes : il a compris leurs
besoins et leurs douleurs, et, en les exprimant avec une
inébranlable franchise, il a puissamment contribué à préparer
un avenir meilleur.
Tandis que la discorde envahissait
toutes les classes de la société, que la corruption
devenait de plus en plus générale, et que la justice et le
droit étaient foulés aux pieds par ceux qui auraient dû
en être les défenseurs les plus zélés,
il a su conserver la
pureté, de son âme et la liberté de son caractère, il n'a
pas hésité à flétrir le vice partout où il le rencontrait, et
à exhorter les hommes au repentir pour les ramener à la
paix dans l'union.



Son oeuvre réformatrice a porté sur trois points principaux:
1° l'Eglise ; 2º les études théologiques ; 3º l'éducation
morale et religieuse du peuple.
On a beaucoup écrit
sur Gerson, réformateur de l'Eglise. Sa réforme des études
théologiques et celle de l'éducation ont été plus
négligées, bien que ce ne soient pas les moins intéressantes.



C'est à l'étude de ces deux réformes que nous consacrerons
ce travail.


À SUIVRE...
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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

INTRODUCTION

État de l'Église et de l'université à la fin du
XIVe siècle, et premières années de Gerson.



Jean Charlier naquit le 14 décembre 1363 au hameau
de Gerson (1), dans le diocèse de Reims. Il était fils d'Arnoul
le Charlier et d'Elisabeth La Chardenière. Jean était
l'aîné d'une famille nombreuse qui s'occupait au travail
des champs
(2), et où régnait une grande piété.
L'enfance de Gerson dut s'écouler dans une existence
simple et pieuse. Sa mère, qu'il appelle quelque part
« une autre Monique (3) », sut inspirer à ses enfants un
esprit profondément religieux,
qui, dans les troubles du,
moyen-âge, devait être leur meilleure sauvegarde.



À SUIVRE...


1. Lettre aux Cèlestins d'Avignon, T. III, p. 760. Selon un usage
du temps Gerson prit le nom du hameau où il était né. Voyez
H. Jadart, Recherches sur le village natal et la famille du chancelier
Gerson,
dans les Travaux de l'Académie de Reims, 1879-
1881, t. LXVIII, p. 17, et à part : Jean de Gerson, Recherches sur
son origine, son village natal et sa famille,
Reims, 1881 ; J. Darche.
Documents sur la famille du chancelier Gerson et sur les
villages de Gerson et de Barby,
Reims, 1883.

2. Discours sur l'excellence de la virginité, à ses soeurs, « qui
sont de village et de labourage. »
T. III, p. 839.

3. Lettre de Gerson à son frère : « Meministi ut opinor, litterarum
qiioe alteram Augustini matrem représentant eam
erga te ».
T. III, p. 745.
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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

A 14 ans, le jeune Charlier fut envoyé à Paris pour y
commencer ses études de théologie. Il raconte lui-même
que ses parents avaient sacrifié une partie de leurs biens

pour lui faire « apprendre la Sainte Ecriture (1) ". Il
entra au collège de Navarre, que la munificence de nos
rois avait spécialement destiné à l'éducation gratuite des
enfants pauvres. A peine a-t-il passé un an dans cette
célèbre école qu'il voit éclater le grand schisme d'Occident.
Grégoire XI meurt le 27 mars 1378, Urbain VI lui
succède. Celui-ci irrite les cardinaux par sa dureté : ils
quittent Rome, et on apprend bientôt avec stupéfaction
l'élection d'un second chef Clément VII. Les deux papes
ainsi nommés s'excommunient l'un l'autre : le monde se
divise, et Urbain VI et Clément VII trouvent chacun leur
obédience.



On a peine à se figurer le désordre et le trouble religieux
des consciences d'alors. Avec ce chisme fatal commence
une ère de désolation pour l'Eglise, opprimée par les papes
dont les besoins augmentent à mesure que leurs ressources
diminuent. La France, épuisée déjà par sa longue
lutte avec l'Angleterre, et malgré son empressement
à reconnaître Clément VII, est le pays qui a le plus à souffrir.

L'anarchie est partout : chez les cardinaux, les évêques,
et même le bas-clergé.
Quel que soit le côté que
l'on touche, on ne rencontre que l'universelle désorganisation.
La papauté divisée contre elle-même est près
de sa ruine. Le cri de l'époque, c'est que l'Eglise est morte,
la plainte monotone ne cesse pas. Les témoignages de
l'effrayante corruption sont irrécusables : les auteurs
catholiques ne la nient point, à peine cherchent-ils à l'atténuer.
Les moeurs dépravées, les hautes charges ecclésiastiques
appartenant à la naissance, ou à celui qui peut les
acheter, les choses saintes et toutes les grâces de l'Eglise
devenues matières à argent, le bas clergé se recrutant
d'hommes ignorants et vils: tel est le spectacle que nous
offre l'Eglise dans les dernières années du XIVe siècle.



1 Dialogue spirituel de Gerson avec ses soeurs, T. III, p. 805.


À SUIVRE...
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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

<< Exactions se faisaient », dit la chronique de saint Denis,
"tant de vaquans que de dixiesmes et d'arreraiges des
choses qu'on disoit estre dedans la chambre apostoli-
que, et poursuivoit-on les héritiers des gens d'Eglise et
disoit-on que tous leurs biens dévoient estre au pape:
et seroit chose trop longue à réciter les maux qui se
faisoient et les inconvénients qui en venoient..., et fut
a la chose en ce poinct, que nul homme de bien, tant de
l'Université que autres ne pouvoient avoir bénéfi-
ces (1). >>



Au milieu de cet incroyable pêle-mêle, que devenait
l'Université de Paris ? Elle jouissait d'une grande autorité
auprès des rois aussi bien qu'auprès des papes. Elle possédait
un pouvoir qu'elle savait rendre dangereux aux
premiers comme aux seconds. On venait la consulter de
partout. Elle n'avait pas hésité à manifester l'indignation
que, dès le commencement, le schisme lui avait causée, et
ce n'est qu'après de longues délibérations qu'elle avait
reconnu Clément VII. Ses maîtres élèvent la voix pour flétrir
les abus. Ils sondent toutes les plaies, soulèvent toutes
les hontes, hardiment, sans rien ménager. Les vices
du clergé, les mensonges sacrés, les hérésies de doctrine,
l'avarice, la simonie, le luxe effréné des papes, des cardinaux,
la bassesse générale, les extorsions des puissants,
rien n'est oublié dans leurs plaintes.


En 1380 le duc d'Anjou, qui favorisait les abus ecclésiastiques,
parce qu'il y trouvait ses avantages, fait emprisonner
le docteur Jean Ronce pour les avoir blâmés
avec trop de franchise. En 1381, le vice-chancelier Henri
de Hesse publie son Consilium pacis de unione ac reformatione
Ecclesiae in concilio universali quaerenda, et Pierre
d'Ailly exprime la même opinion dans un discours prononcé
au nom de l'Université devant le régent. Les maîtres
sont vivement agités par tous ces mouvements. De
leur côté les élèves, voyant leurs professeurs délibérer sur
les moyens d'éteindre le schisme, de conserver la paix et
les droits de l'Eglise, écoutent leurs discours et lisent
leurs écrits avec une attention de plus en plus soutenue.
Gerson surtout est frappé de ces choses ; il se sent né à
une époque de crise et il en comprend toute la gravité.



1. A l'année 1381, dans les « Preuves des libértez de l'Eglise
gallicane,
Paris, 1731, fol. ; chap. XXII, n. 6.



À SUIVRE...
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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

A ces premières impressions venaient s'ajouter celles
que les calamités de la France faisaient sur son esprit.
Les dernières années du règne de Charles V avaient été
troublées par d'effroyables révoltes et à l'avènement de
Charles VI le pays accablé d'impôts était dans la misère.
Enfant du peuple, le jeune Gerson compatissait sûrement
aux malheurs de ses compagnons. Ses parents n'avaient
pas dû lui laisser ignorer les terribles événements
du XIVe siècle. Il connaissait la grande peste de 1348,
la ruineuse guerre de cent ans, la révolte de Marcel, et
l'insurrection de Jacques Bonhomme. Tout cela dut laisser
dans l'âme du jeune homme des traces d'autant plus
profondes que ces impressions étaient les premières qu'il
éprouvait ; elles s'y gravèrent en traits ineffaçables et
décidèrent peut-être de son avenir. Il n'y a pas de doute
qu'il ne faille attribuer à cela son penchant à la théologie
mystique, et cette tristesse particulière qui fait le fond
de toute sa vie et de tous ses écrits. Mais ce qu'il faut
surtout chercher dans ces premières impressions, dans
son éducation, dans le spectacle des misères qu'il avait
sous les yeux, c'est cet ardent amour pour les petits,
pour le peuple, que rien ne pourra éteindre, ni le succès,
ni le malheur, ni les flatteries des grands ni leurs
calomnies.


En attendant le jour où cet amour pourra se manifester
efficacement il entre en théologie à 19 ans, après
avoir pris le grade de maître ès-arts. Ses professeurs
furent Pierre d'Ailly et Gilles Deschamps. Le premier
surtout exerça sur Gerson une grande influence ; c'est
auprès de lui qu'il puisa ces idées libérales sur le gouvernement
de l'Eglise qui ont fait la gloire de l'Université
de Paris, et dont d'Ailly était alors le plus illustre
représentant. Mais en même temps, et toujours aidé de
son maître, Gerson entrevit les défauts de la science
telle qu'on l'enseignait alors, et dirigea son esprit vers
des sujets dignes de l'occuper. Il y avait en effet dans
l'Université, malgré le prestige immense dont elle jouissait,
un ver rongeur qui frappait de mort tout son enseignement :
c'était la scolastique. Elle régnait en maîtresse
absolut, et avait réduit renseignement de la théologie à
n'être plus qu'un système inextricable des plus étranges
subtilités :


<< On se jetait dans le raisonnement à perte de vue,
au lieu de se laisser gouverner et conduire par l'autori-
té de l'Écriture Sainte et des Pères. La théologie dégé-
nérait ainsi en pointilleries dialectiques et en abstrac-
tions métaphysiques. Ceux qui étudiaient et enseignaient
dans ce goût se regardaient comme de grands
esprits, et fort élevés au-dessus du vulgaire. Mais ils
se faisaient mépriser des amateurs du solide et du vrai,
qui les traitaient de visionnaires « phantastici >>
(1).


1. Grevier, Histoire de l'Université de Paris, tom. III, p. 182.


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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

Sous d'Ailly et ses savants collègues, Gerson étudie les
Pères et les Docteurs de l'Eglise; à cette étude il en joint
une autre qui était indispensable pour un théologien du
XIVe siècle, celle d'Aristote, du chef de la philosophie du
moyen-âge, et de ses commentateurs arabes : il se familiarisa
en outre avec les poètes et les sages de l'antiquité
dont il a su faire un emploi si remarquable dans ses
écrits.


A vingt ans, élu procureur de la nation de France, 1383,
il fut chargé d'enseigner au collège de Navarre ce qu'il
y avait si bien appris. Cela lui permit de se rendre compte
de ses propres études, et lui donna le meilleur moyen de
les compléter, car c'est en communiquant à autrui des
notions nouvellement acquises qu'on achève de s'en ren-
dre maître.
Gerson dut donc apprendre doublement, pour
lui-même et pour ses élèves, et donner comme il le désirait
lui-même une base inébranlable à ses connaissances
à venir. En même temps il fit là ses premières expériences
pour son futur rôle d'éducateur de la jeunesse.



Bientôt après il obtint le grade de bachelier en théologie,
et c'est alors qu'il entra on scène pour la première
fois. Une discussion avait éclaté au sein de l'Université à
propos du dogme de l'Immaculée Conception de la Vierge.
Les théologiens de ce corps célèbre étaient partisans de
ce dogme que les Dominicains combattaient. Jean de Montson
enseignait que la Vierge avait été sujette au péché
originel. Condamné par l'Université en 1387, il en appela
à Clément VII. L'Université envoya au pape une députation
à laquelle le bachelier Gerson fut adjoint ; par la bouche
de Pierre d'Ailly, elle se réserva le droit d'examiner
et dé juger les questions de doctrine. Elle triompha des
dominicains qui furent exclus des chaires de l'enseignement
parisien (1). Ce séjour de Gerson à Avignon fut un
moment décisif pour sa vie :
il put voir de ses propres
yeux les vices de cette nouvelle Babylone dont la dissipation
scandalisait le monde,
et il retourna à Paris avec
la ferme résolution de joindre ses efforts à ceux de tous
les vrais amis de l'Eglise pour en réformer les moeurs.



En 1392, après dix années de sérieuses études, il fut
promu au grade de docteur en théologie. Trois ans plus
tard, son ancien maître et ami Pierre d'Ailly, que Clément
VII venait de nommer successivement aux évêchés du
Puy et de Cambrai, renonçait à la chancellerie de Notre-
Dame. Il n'oublia pas son disciple et le présenta comme
le plus digne de lui succéder. La protection du duc de
Bourgogne ne laissa pas un moment incertaine la nomination
de Gerson : il fut élu chancelier. Dès lors une
nouvelle carrière s'ouvre à son activité : nous n'avons à
en étudier que le côté qui touche à l'enseignement théologique
et à l'éducation populaire (2).


1. Ce n'est qu'en 1403 que les dominicains furent réintégrés
dans l'Université, sur les instances de Gerson, bien qu'il fût
lui-même partisan de l'Immaculée Conception. Cf. son Sermo de
Conceptione B. Virginis.
T. III, p. 1322, suiv. ; Du Boulay, Histor.
Univ. Par..,
t. IV, p. 618 et suiv.

2. Sur l'histoire de Gerson, le lecteur consultera les ouvrages
de M. A. P. Faugère (Eloge de Jean Gerson, Paris, 1838, in-4°) et
de M. Gh. Schmidt (Essai sur Jean Gerson, Strasbourg, 1839, in-8°).



À SUIVRE... DE LA RÉFORME DES ÉTUDES THÉOLOGIQUES.
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Re: JEAN GERSON. Sa réforme de l'enseignement théologique et de l'éducation populaire.

Message par InHocSignoVinces »

CHAPITRE PREMIER - DE LA RÉFORME DES ETUDES THÉOLOGIQUES.


Lorsque Gerson succéda à son maître comme chancelier
de l'Université, il se faisait une révolution dans les
études théologiques. Elle avait commencé avec Pierre
d'Ailly, Guillaume Deschamps et Clemangis. Gerson élevé
à leur école et secondé par eux contribua puissamment
à l'accomplir. Il s'agissait de substituer aux subtilités et
aux abstractions métaphysiques de la scolastique une
science plus solide. Grâce aux leçons de d'Ailly, Gerson
avait appris à pénétrer l'essence réelle de la philosophie.
Esprit profondément méditatif, les arguties oiseuses d'une
dialectique sèche et morte, étaient peu faites pour le
séduire. Au lieu de tout cela, il voulait une science
vivante, animée pour ainsi dire d'un souffle céleste. Sans
doute, lui-même, n'a pas toujours su se défendre contre
l'influence de la scolastique ; il n'a pas su se débarrasser
complètement des chaînes où l'autorité de l'Église retenait
la spéculation, mais au moins a-t-il tâché d'inspirer
de la vie à ces formes arides. Il a toujours lutté contre ce
système incapable de satisfaire aux besoins de son âme,
et s'est efforcé de le réformer en portant dans l'enseignement
de la théologie un esprit plus libre et plus éclairé.


Il ne faudrait pas croire cependant que Gerson ait
voulu innover en matière de dogmes. Quoiqu'on le compte
avec raison parmi ceux qui ont hâté la chute de la scolastique
et l'avènement d'une science nouvelle, il n'a rien
changé au système orthodoxe de son église. Il a accepte
sans aucune restriction tout ce qu'il avait appris des
théologiens, ses prédécesseurs. Il place en tête de sa dogmatique
la proposilion que l'humanité, détournée de
Dieu par le péché, a besoin de réhabilitation, et qu'à cet
effet Dieu lui a envoyé Jésus-Christ comme unique médiateur
et rédempteur (1). Avec l'Église il admet aussi un Dieu
unique, possédant toute perfection en trois personnes distinctes
(2). Nous n'avons de lui aucun livre où il ait traité
de la théologie avec une certaine méthode : ses opinions
dogmatiques doivent donc être recueillies dans ses différents
ouvrages, et le nombre relativement petit de ceux
que nous avons vus, pour notre sujet particulier, n'étant
pas de nature à donner une connaissance complète de sa
théologie, nous ne poursuivrons pas davantage cette
étude. L'oeuvre tripartite elle-même, rédigée primitivement
à l'usage des curés et destinée à être lue dans les
Églises, ne contient aucun développement scientifique.


Mais si Gerson n'a pas dévié de l'orthodoxie générale,
il a réclamé pour la science théologique un fondement
plus solide. Déjà dans un de ses discours de bachelier il
avait eu le courage de protester contre ce système de
subtilités qu'on enseignait aux écoles et qui n'avait d'autre
résultat que de voiler la vérité (3). Pendant tout le
temps qu'il est resté à la tête de l'Université de Paris,
il a travaillé à cette réforme des études : il a cherché à
les rendre plus sérieuses, à les diriger vers leur véritable
but, en s'opposant énergiquement aux querelles stériles
des écoles scolastiques et à l'invasion des doctrines exaltées
des sectes panthéistes et mystiques du Brabant.
Sans doute il n'a pas réussi autant qu'il l'aurait voulu :
ses efforts eussent mérité plus de succès. Il faudra encore
plus d'un siècle pour débarrasser la science de ses entraves.
Mais au moins Gerson a le mérite d'avoir entrevu les
défauts de son époque, d'avoir essayé d'en secouer le
joug et d'être ainsi devenu le précurseur d'un temps
meilleur.


1. Opusculum tripartitum, chap. II et III.
2. Ibid., chap. I.
3. Sermo in die Septuag. a. 1388, t. III, p. 1029



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