Vie de la Bienheureuse Lidwine, vierge, modèle des malades et des infirmes,
par M. l'abbé Coudurier, aumônier de l'école normale et de l'hospice des femmes incurables de Bourg en Bresse. Avec l'approbation de Mgr l'Évêque de Belley. Paris, Ambroise Bray. 1862.
Introduction.
Un livre m'était tombé sous la main, un tout petit livre, le plus humble peut-être de tous ceux qu'a produits son auteur, mais un livre que j'ouvrais avec empressement, grâce à son origine, et que bientôt je savourais avec délices. C'était la Hollande catholique (1), ce souvenir tout parfumé de science et de poésie qu'un savant bénédictin nous a rapporté de cette terre hollandaise dont il était allé explorer, en 1847, au profit de la vérité, l'émouvante histoire et les vieilles archives.
Or, comme je suivais le pieux pèlerin le long de ces siècles des saintes splendeurs de la République batave, à travers ce jardin suspendu sur les eaux que la foi seule a pu créer, une admirable figure tout à coup se trouva devant moi, une figure que mon guide, en la saluant, nomma la Bienheureuse Lidwine, mais qui dès l'abord m'apparut si belle et si pure que je m'arrêtai involontairement pour mieux la contempler, pour mieux entendre et me faire répéter sa merveilleuse histoire.
L'éloquent Bénédictin me racontait en effet, en huit pages du plus petit format, des choses prodigieuses sur cette vierge Lidwine. C'étaient de terribles et surhumaines maladies qui révoltaient la nature ; c'étaient, au sein de ces effrayantes infirmités, une résignation et des joies dont la terre n'a pas le secret ; c'étaient surtout de célestes faveurs, d'éblouissantes gloires qui ravissaient la foi ; et tout cela, bien qu'à peine esquissé en quelques lignes, m'était dit avec une grâce et une onction qui burinaient pour jamais, au fond de mon âme, tous les traits de cette resplendissante figure.
Aussi, dès ce moment, Lidwine prit une large place dans mes pensées. Mes pérégrinations avec l'excellent Père étaient finies ; j'avais fermé son livre, j'étais même déjà loin, bien loin de lui par d'autres préoccupations, et toujours la douce image se retrouvait devant moi, se mêlant bon gré, malgré, partout et sans cesse au souvenir des chères malades dont la sollicitude m'est confiée, me suivant surtout et m'attendrissant à leur chevet.
Vingt fois, il m'a fallu revenir à la Hollande catholique pour y revoir la vierge qui fait sa gloire, au pieux Bénédictin pour lui redemander à nouveau le récit si attachant de ses huit trop courtes pages. Puis, ce récit lui-même ne m'a plus suffi, et enfin, sous mon humble toit, un jour sont entrés avec leurs in-folios les doctes Bollandistes, le vénérable Thomas à Kempis, d'autres illustres savants encore ; et, se rangeant autour de moi, ils m'ont ouvert leurs immortels livres dont de nombreuses pages étaient toutes pleines, comme d'un parfum, du nom de ma chère Lidwine... Ineffables communications ! Heures délicieusement fugitives! Et que s'est-il passé, qu'ai-je fait en si noble compagnie ? Je ne saurais le dire. Mais il s'est trouvé, après quelque temps de ces illustres entretiens, que j'avais entre les mains un manuscrit de trois à quatre cents pages : l'étonnante vie de la Bienheureuse en était sortie, comme s'échappe d'un cœur enthousiasmé un chant souvent dépourvu d'art, mais toujours plein d'allégresse et d'amour !
Oui, je le répète, j'aime à le proclamer, j'ai goûté d'incomparables joies dans cette intime société, dans ces recherches laborieuses à travers les vieux livres, dans toute cette étude qui m'a introduit en ce paradis embaumé d'une vie où abondent les plus ravissantes merveilles et où l'action du divin Maître se montre à découvert avec tous les traits d'une si touchante bonté !
(1) La Hollande catholique, par le R. P. dom Pitra, moine bénédictin de l'abbaye de Solesmes.