Saints Cyprien et Justine, ou la vertu du signe de la Croix.

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Laetitia
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Saints Cyprien et Justine, ou la vertu du signe de la Croix.

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  Les Petits Bollandistes, au 26 septembre a écrit :
Saint Cyprien et Sainte Justine, Martyrs à Nicomédie, en Bithynie.

304. — Pape : Saint Marcellin. — Empereur romain : Dioclétien.


Où est la crainte de Dieu, là est aussi la chasteté ; mais sans cette crainte la chasteté n'existe pas. Saint Jean Chrysostome.

La lumière de Notre-Seigneur Jésus -Christ était descendue du ciel sur le monde, les oracles des Prophètes s'accomplissaient; partout la parole de Dieu multipliait les fidèles, et tous ceux qui croyaient en Dieu le Père, et en Jésus-Christ Notre-Seigneur et au Saint-Esprit, étaient baptisés. Au nombre de ces nouvelles conquêtes de la foi, il faut compter la vierge Justine, dont le père, nommé Elusius, habitait la ville d'Antioche, près du lieu appelé Daphnis. Un jour elle avait entendu les prédications du diacre Praulius; de sa fenêtre, où elle était assise, elle avait pu suivre le récit des merveilles du Très-Haut. Praulius racontait comment Dieu notre Sauveur avait pris la nature humaine comment, selon les Prophètes, il était né d'une vierge nommée Marie ; et comment les Mages l'avaient adoré. Puis il disait l'apparition de l'étoile, les chants de gloire des Anges à son berceau, la puissance des signes et des prodiges qu'il avait opérés, la vertu de sa croix, sa résurrection d'entre les morts, sa manifestation aux disciples, son ascension au ciel où il est assis à la droite du Père, enfin son règne à jamais immortel. La bienheureuse vierge, en entendant ces prédications du diacre, ne pouvait soutenir la flamme de l'Esprit-Saint qui la consumait ; elle aurait voulu voir face à face celui qui l'instruisait, et, dans l'ardeur qui dévorait son âme, elle dit à sa mère « Mère, écoute-moi et crois aux paroles de ta fille. Ces dieux que nous adorons tous les jours, ce n'est rien. De l'argent peut-être, ou de l'or, ou du fer, ou de l'airain, ou du plomb, ou de la pierre, ou du bois, ou même des os de morts : voilà nos idoles. Vienne seulement un Galiléen ; même avant d'y avoir touché du doigt, il les brisera toutes ensemble par une seule parole de sa bouche ».

La mère lui répondit « Tais-toi et prends garde que ton père n'entende de pareils discours ». La fille continua « Ô ma mère, il est temps que mon père, ainsi que toi, vous sachiez que j'adore le Christ, celui que le diacre Praulius m'a appris à connaître, pendant les quelques jours que j'ai pu l'écouter à la fenêtre, nous racontant toutes les merveilles que Dieu a opérées. Or, ce Dieu assiste toujours, par le signe de la croix, ceux qui le craignent ; car les chrétiens disent qu'il n'y a pas d'autre Dieu par lequel nous puissions être sauvés ». Après avoir ainsi parlé, elle se rendit à l’Église pour prier. La mère, montant aussitôt à la chambre de son époux, lui raconta tout ce que sa fille venait de lui dire. Ils prolongèrent leur entretien longtemps dans la nuit, jusqu'à ce qu'enfin le sommeil vint les surprendre. Mais pendant leur sommeil Edusius et son épouse virent en songe l'armée des Anges, et au milieu des Anges le Christ qui disait : « Venez à moi, et je vous donnerai le royaume des cieux ». Le matin, à leur réveil, pleins d'admiration et de stupeur à cause de cette vision, ils prirent avec eux leur fille et se présentèrent à la maison de Dieu. Le diacre Praulius les introduisit ; ils lui demandèrent de les mener à l'évêque Optatus : ce que le diacre ayant fait, ils se prosternèrent aux pieds de l'évêque, et le supplièrent de leur donner le caractère du Christ.

Mais l'évêque n'y voulut consentir que lorsque les deux époux lui eurent fait connaître la vision dans laquelle le Christ s'était manifesté à eux. En même temps ils lui exprimèrent le désir qu'avait leur fille de se consacrer à Dieu. Edusius fit tomber sa barbe et sa longue chevelure (car il était prêtre des idoles) puis tous trois, prosternés aux pieds de l'évêque, reçurent le caractère du Christ. Après un an et six mois de préparation, Edusius mérita l'honneur du sacerdoce et renonça au monde.
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Quant à la jeune vierge, son bonheur était de venir souvent à l'église de Dieu.
Or, un jeune avocat de la cité, nommé Agladius, qui la voyait souvent s'y rendre, conçut un vif désir de l'épouser. Il la fit demander par un grand nombre de personnes de tout rang ; mais la vierge répondait toujours « J'ai été fiancée au Christ, l'époux céleste ; il me gardera pure et sans tache jusqu'au jour de son avènement ». Alors, réunissant une multitude d'hommes vendus à sa passion, Agladius se mit en embuscade, et observa le moment où la vierge irait à l'église, dans le dessein de l'enlever par violence. A la vue du danger, les femmes et les jeunes filles qui l'accompagnaient poussèrent des cris et jetèrent l'alarme dans la maison d'Edusius. Promptement on s'arma de glaives et de bâtons, et les ravisseurs furent mis en fuite. La vierge continua de fréquenter l'église et de vaquer à la prière ; et elle triompha toujours des entreprises nombreuses dont elle était l'objet, en imprimant sur son front le signe de la croix.

Agladius eut donc recours à un habile magicien nommé Cyprien, et lui promit deux talents d'or, si par ses malices il pouvait lui gagner le cœur de la vierge Justine. Il ignorait, le malheureux, que la puissance du Christ est invincible. Cyprien entra aisément dans les desseins d'Agladius ; bientôt il partagea sa passion pour Justine, et résolut d'agir en son propre nom.

Au moyen des secrets de son art magique, il évoqua un démon. Ce démon, répondant à son appel, lui dit « Pourquoi m'as-tu appelé ? » Cyprien lui dit : « J'aime une vierge de la secte des Galiléens, peux-tu me gagner son cœur et lui persuader de m'épouser ? » Le démon, malgré son impuissance, promit tout. Et Cyprien lui dit « Montre-moi tes œuvres, et je croirai à ton pouvoir sur la vierge Justine ». Le démon répondit : « J'ai déserté l'étendard de Dieu, pour obéir à mon père j'ai jeté le trouble parmi les hommes, et du ciel j'ai arraché des Anges. C'est moi qui ai induit Caïn à tuer son frère, et persuadé aux Juifs de crucifier le Christ. J'ai renversé des cités, j'ai ébranlé des murailles, j'ai sapé des palais ; et ce ne sont là que les moindres effets de ma puissance; une jeune fille n'en triomphera pas. Prends donc les mixtures que tu connais, et va les répandre autour de la maison de la vierge à l'extérieur ; alors je viendrai à ton secours, je lui inspirerai les vrais sentiments de mon père, et à l'heure même elle m'obéira ».

On était au milieu de la nuit ; or, la troisième heure étant venue, la Vierge de Dieu se leva pour rendre au Seigneur l'hommage de sa prière. Tout à coup elle sentit l'attaque impétueuse du démon ; aussitôt elle fit sur toute la maison le signe de la croix, demandant à Dieu de mettre en fuite son ennemi. « Dieu tout-puissant », disait-elle, « Fils unique du Père, vous qui avez créé l'homme à votre image et à votre ressemblance, et formé Eve de la côte d'Adam ; vous leur avez donné à tous deux de jouir innocemment de toute créature ; et lorsque, obéissant aux séductions du serpent, ils eurent mérité la mort, vous avez eu pitié de leur misère, leur accordant, avec la rémission des péchés, la résurrection de la chair. O Seigneur ! toute créature sortie de vos mains vous glorifie comme le vrai Dieu. Seigneur, Dieu rédempteur, aidez-moi et fortifiez votre servante, rendez-moi digne de vous; car Satan veut en ce moment tenter mon âme ». Sa prière étant finie, elle forma de nouveau sur tout son corps le signe de la croix et souffla sur le démon. Alors le démon se dirigea vers Cyprien, devant lequel il se présenta.
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Cyprien lui dit : « Eh bien ! pourquoi ne m'as-tu pas amené cette vierge ? » Le démon lui dit « Ne me force pas d'avouer ce que je ne puis dire ; j'ai vu un signe, et j'ai tremblé ». Cyprien rit de sa faiblesse et le renvoya ; puis ayant recours une seconde fois aux secrets de sa magie, il évoqua un autre démon plus puissant. Celui-ci, comme le premier, se glorifiait dans sa force, et disait à Cyprien : « J'ai entendu tes volontés et j'ai vu l'impuissance de celui que tu as appelé avant moi. Reprends donc les préparations de ton art, et va les répandre autour de la maison de la jeune fille; je viendrai ensuite, et je me charge de la gagner ». Cyprien fit ce que le démon lui avait dit. Au milieu de la nuit, la vierge Justine s'était levée, selon sa coutume, pour prier. Elle disait dans la ferveur de sa prière : « Au milieu de la nuit je me lève pour chanter vos louanges, à cause des jugements de votre justice, ô Dieu de toute créature, Seigneur de miséricorde ! Car c'est vous, souverain dominateur du ciel et de la terre, qui avez confondu le démon et donné aux hommes le pouvoir de fouler aux pieds la vertu de l'ennemi ; c'est vous qui avez arraché le saint prophète Daniel de la fosse aux lions et détruit Bel avec son dragon ; vous avez éclairé nos ténèbres et rendu les morts à la vie ; vous avez confondu la mort et donné aux hommes la résurrection. Tendre Père, ne me rejetez pas ; pardonnez à votre servante, ô roi tout-puissant ! Seigneur, conservez-moi dans la chasteté, et gardez vous-même ma lampe, de peur qu'elle ne s'éteigne ; afin que je puisse entrer avec vous dans le repos, ô mon Sauveur, Dieu de la sainteté et de la pureté ! A vous soit la gloire avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit Amen ».

Elle dit, et imprimant sur elle le signe de la croix, au nom de Jésus-Christ, elle souffla sur le démon;le démon aussitôt la quitta et revint auprès de Cyprien. Tout couvert de confusion, il se tenait devant lui debout et en silence. Cyprien lui dit ; « Où est la vierge à laquelle je t'avais envoyé ? » Le démon répondit : « J'ai été vaincu ; je crains de répondre à ta question car j'ai vu un signe qui m'a rempli de terreur ».

Cyprien donc le renvoya en insultant à sa faiblesse ; et recourant pour la troisième fois aux secrets de son art, il évoqua Satan en personne, celui que les démons appellent leur père, et il lui dit « Quelle est cette impuissance à laquelle vous êtes condamnés ? Une vierge a triomphé à elle seule de toute ta puissance ». Satan lui répondit : « Je me flatte, moi, de te l'amener tout à l'heure; seulement tiens-toi prêt ». Cyprien lui dit : « Dis-moi quel est l'instrument et le signe de ta victoire ? » Satan lui répondit : « Je vais allumer contre elle la rage des furies ; par des illusions et des fantômes, j'embraserai son corps de la passion du mal, et je la préparerai comme une victime pour tes désirs infâmes ». A ces mots, Satan se manifesta sous les traits d'une jeune fille à la vierge de Dieu. Entré dans sa chambre, il s'assit sur son lit, et lui dit : « J'ai été envoyée aujourd'hui vers toi par le Christ, afin d'apprendre à vivre comme toi dans la chasteté. Mais dis-moi d'abord quelle est la récompense des combats que tu as à soutenir pour garder ta virginité ? je te vois épuisée par l'abstinence ». La sainte vierge Justine répondit : « La récompense est immense et la peine légère ».

Satan lui dit : « Au commencement Dieu a béni Adam et Eve, et leur a dit : « Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre ». Il me semble que, si nous persévérons dans la virginité, nous aurons méprisé la parole de Dieu, et mérité d'être traitées à son jugement comme des rebelles, qui dédaignent les ordres de leur maître et refusent de lui obéir ». A ces paroles, la vierge sentit son cœur embrasé, comme si le serpent y eût distillé un venin mortel. Dans son trouble, elle se leva et voulut sortir, tant étaient violentes les pensées qui s'agitaient dans son âme ; mais Dieu, qui ne permet jamais que ses serviteurs soient tentés au-dessus de leurs forces, révéla à la vierge, par son Esprit-Saint, que c'était Satan qui lui parlait ainsi. Aussitôt elle forma sur elle-même le signe de la croix, fit une prière, et en même temps souffla sur l'esprit infernal. Satan s'évanouit à ses regards, comme la cire qui se fond à l'approche du feu, et il ne reparut plus. La vierge alors revint de son trouble ; la flamme qui la brûlait dans sa chair s'était subitement éteinte.

Elle s'écria : « Gloire à vous, ô Christ, Fils de Dieu, notre Sauveur ! Dans les périls où vos serviteurs sont sur le point de sombrer, vous les sauvez et les ramenez à la lumière ; ils couraient après une volonté étrangère, et vous leur faites embrasser votre volonté pour guide. Seigneur, mon Dieu, ne permettez pas que votre servante soit vaincue par Satan, le prince du mal que le serpent jaloux ne souille point la pureté de votre colombe ; conservez-moi sans tache pour votre divine sainteté pénétrez ma chair de l'aiguillon de votre crainte ».
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Satan confondu apparut de nouveau à Cyprien, et Cyprien lui dit : « Et toi aussi, comme je le vois, tu as été vaincu ! Comment se fait-il qu'une vierge chrétienne toute seule ait suffi pour vous dompter ? Dis-moi quelle est la cause de sa victoire ». Satan lui répondit « Je ne puis te le dire ; mais j'ai vu un signe terrible et j'ai tremblé ; aussitôt j'ai fui, et la forme que j'avais prise s'est dissipée comme la fumée. Tu veux savoir quelle vertu mystérieuse a donné la victoire à cette jeune fille je te demande un serment ; fais-le, et je te répondrai ». Cyprien lui dit « Par qui veux-tu que je jure ? » Satan lui répondit: « Jure par mes prodiges et ma puissance, qui demeurent intactes, que tu ne te sépareras jamais de moi ». Cyprien dit « Je le jure par tes prodiges et ta grande puissance, jamais je ne me séparerai de toi ». Satan, plein de confiance dans cette parole, répondit: « J'ai vu le signe du Crucifié, et aussitôt l'effroi m'a saisi j'ai senti tout mon être s'écouler comme la cire, en la présence de Dieu ». Cyprien lui dit  : « Le Crucifié est donc plus grand que toi ? Artisan de mensonge, pourquoi tendais-tu un piège à mon âme, quand tu avais la conscience de ta faiblesse ? Si l'ombre seule du Christ suffit pour te vaincre, que feras-tu quand il viendra lui-même en personne ? Son nom, le signe de sa Passion, te frappent d'impuissance ; pourras-tu nous arracher de ses mains, lorsqu'il viendra pour punir ? Fuis donc loin de moi, cruel ennemi de la vérité et de la piété ; trop longtemps j'ai été le jouet de tes impostures ». A ces mots, Satan se jeta sur lui pour l'étouffer. Cyprien, sur le point de succomber sous la violence de ses étreintes, se rappela le signe dont la vierge s'était servi, et s'écria : « Dieu de Justine, secourez-moi ». A ce mot, il retrouva ses forces ; sa main était redevenue libre, il fit le signe de la croix. Satan alors le quitta, mais en lançant contre lui les malédictions et les menaces. Cyprien, répétant sur lui-même le signe du Christ, n'en fut point effrayé. Il vint trouver l'évêque, se jeta à ses pieds et lui dit : « Serviteur du Très-Haut, marque-moi du signe sacré et catéchise-moi, afin que je connaisse le Christ ».

Mais le bienheureux évêque Anthime, craignant qu'il ne fût venu pour entraîner l'Église dans ses erreurs, le chassa en disant : « Contente-toi, Cyprien, de ceux qui sont dehors tu ne peux rien contre l’Église de Dieu ; car la vertu du Christ est invincible ». — « Je le sais aussi, moi », répondit Cyprien « que la vertu du Christ est invincible. Cette nuit même j'ai envoyé deux démons et Satan lui-même à la sainte vierge Justine, pour la séduire ; mais et les démons et Satan ont été mis en fuite par la vertu de la croix. C'est pourquoi je te conjure d'avoir pitié de moi et de sauver mon âme ». L'évêque rendit grâces à Dieu, le bénit et lui promit de l'accueillir au rang des catéchumènes, en disant : « Hâte-toi, mon fils, d'aller à l'église de Dieu, et ne cesse point d'offrir tes prières au Seigneur ».

Cyprien, de retour à sa maison, brisa toutes ses idoles il passa le reste de la nuit en prières et en larmes : « Comment », s'écriait-il, « oserai-je apparaître devant la vertu du Christ, après avoir commis tant de forfaits ? Comment mes lèvres pourront-elles le bénir, après avoir invoqué si souvent les démons impurs et mangé des viandes souillées dans leurs sacrifices ? Dieu, j'implore votre miséricorde ayez pitié de moi ! » Le lendemain, qui était le jour du grand Samedi, il se rendit à l'église, faisant dans son cœur cette prière à Dieu « Seigneur Jésus-Christ, si je suis digne d'être appelé votre serviteur, daignez me le faire entendre par la voix de votre Esprit-Saint ». Son désir était de recevoir, dans la lecture des saintes Écritures, une parole de consolation.
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Or, au moment où il touchait le seuil de l'église, il entendit les fidèles qui exécutaient à haute voix le chant des psaumes et disaient : « Sauvez votre serviteur ; car il espère en vous » ; puis dans la lecture du Prophète : « Voilà que mon serviteur a reçu l'intelligence ; il sera exalté et comblé de gloire » ; et encore dans le Psaume : « Vous avez vu, Seigneur, ne gardez plus le silence ; Seigneur, en vous éloignez pas de moi » ; ensuite ces paroles de l'Apôtre : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi » ; enfin dans le saint Évangile : « C'est mon fils ; il était mort et je l'ai retrouvé ». Cependant le diacre, élevant la voix, dit : « Catéchumènes, retirez-vous ». Cyprien demeurait assis. Le diacre Astérius lui dit : « Cyprien, lève-toi et sors », Cyprien lui répondit : « Je suis devenu serviteur du Christ, et tu me chasses dehors ! » Le diacre lui dit : « Es-tu devenu parfait serviteur de Dieu ? » Cyprien répondit : « Vive le Christ qui a confondu les démons, a sauvé la vierge et a eu pitié de moi ! Je ne sortirai pas avant d'être devenu un serviteur parfait du Christ ». Le diacre fit connaître cette réponse à l'évêque. Celui-ci fit venir Cyprien, et, selon la coutume de l’Église, il lui demanda ce qu'il voulait ; il lui fit faire ensuite devant tous les fidèles le récit des événements qui l'avaient amené à demander le baptême enfin, après l'avoir catéchisé, il le baptisa.

Quelque temps après, Cyprien fut fait diacre des saints mystères du Christ ; la grâce lui fut donnée contre les démons, avec le pouvoir de guérir toutes les maladies, et il convertit un grand nombre de gentils à la foi chrétienne. Il était irrépréhensible dans sa vie, et ses mœurs étaient pures et sans tache. Au bout d'une année, il fut promu au sacerdoce, dont il exerça les saintes fonctions pendant seize ans. Mais à la fin le bienheureux Anthime, prévoyant sa mort prochaine, convoqua une réunion d'évêques, et consacra Cyprien pour son successeur ; presque aussitôt après, rendant son âme à Dieu, il s'endormait dans la paix du Christ. Cyprien, devenu évêque, fit entrer la vierge Justine dans un monastère dont elle fut abbesse et mère, avec autorité sur un grand nombres d'autres saintes congrégations de vierges ; car Cyprien éclairait les âmes par la parole du Christ et les convertissait, multipliant chaque jour d'une manière merveilleuse le troupeau qui lui avait été confié.

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Cependant l'ivraie s'étant mêlée avec la bonne semence dans le champ du père de famille, la persécution ne tarda pas à éclater. Le peuple fidèle ; fut dispersé, le loup dissipa le troupeau du Christ. Au milieu de ces dangers, Cyprien confirma par ses lettres tous les frères, non-seulement dans la ville, mais encore dans toute la contrée, et il parvint à en arracher un grand nombre à la dent du loup. Mais le serpent, envieux de ces succès, suggéra à Eutolmius, comte d'Orient, que Cyprien, le docteur des chrétiens, ruinait la gloire des dieux ; que, de concert avec une certaine vierge, il pervertissait les âmes par ses prestiges, en même temps que par ses lettres il soulevait l'Orient et l'univers entier. Le comte, plein de colère à cette révélation, fit enchaîner les deux accusés et donna l'ordre aux préfets de les faire conduire sous bonne escorte à Damas. Quand ils furent arrivés, le comte les interrogea : « N'es-tu pas ce docteur des chrétiens qui as réuni autrefois, sous la puissance des dieux, de nombreux adorateurs, mais qui aujourd'hui trompes les hommes par le signe d'un Crucifié, flatte leurs oreilles par une nouvelle doctrine, et leur apprend à préférer aux dieux immortels un homme pendu à une croix ? » — « Et toi-même », répondit Cyprien, « dis-moi comment tu oses ainsi t'élever dans le faste d'un vain orgueil, et te livrer à cette démence diabolique ? Autrefois j'étais, comme tu l'es aujourd'hui, enchaîné par l'ennemi et aveuglé par la sagesse des gentils ; j'ai fait périr un grand nombre d'âmes ; à un grand nombre j'ai appris les infamies du vice ; mais le Christ m'a sauvé par la sainteté d'une vierge. Un avocat, nommé Agladius, de la famille de Claudius, l'aimait passionnément, et aurait voulu l'épouser. Ses démarches ayant été inutiles, il était venu me demander pour elle une préparation magique qui pût triompher de ses résistances. Moi, confiant dans les secrets de mes livres, j'ai évoqué un démon, et l'ai envoyé vers elle ; mais la vierge a su le rendre impuissant par le signe du Christ. J'ai recommencé jusqu'à trois fois et la troisième fois je lui ai envoyé le prince des démons, Satan. Toujours avec le même signe, la vierge a triomphé. Alors j'ai voulu connaître quelle était la vertu de ce signe; j'ai adjuré Satan, et Satan m'a tout découvert. Aussitôt, touché de repentir, je suis allé trouver l'évêque, celui qui m'a précédé dans cette ville je lui ai apporté mes livres de magie ; et en présence des principaux de la cité, je les ai déchirés de mes propres mains et jetés au feu. Je te conjure donc de renoncer, comme je l'ai fait, aux vaines folies des idoles, et de venir avec moi dans la maison du Seigneur. C'est là que le vrai Dieu est glorifié dans la vérité et la piété c'est là que tu apprendras à connaître l'invincible puissance du Christ ».

Le comte, tout bouillant de colère et pour étouffer les cris d'une conscience coupable, ordonna de suspendre le martyr et le fit déchirer avec des ongles de fer. Quant à la vierge, il la fit fouetter avec de dures courroies par deux bourreaux qui se relevaient tour à tour. Pendant ce supplice, Justine chantait ces paroles : « Gloire à vous, ô Dieu ! qui, malgré mon indignité, m'avez choisie selon votre bon plaisir, et m'avez admise à l'honneur de souffrir ces supplices pour la gloire de votre nom ». A la fin, les forces des bourreaux s'épuisaient, et la Sainte redisait sans cesse son hymne au Seigneur. Le préfet dut ordonner de suspendre la cruelle torture. De son côté, Cyprien, pendant qu'on le déchirait de la manière la plus barbare, ne songeait pas même à se plaindre. Le comte lui dit : « Pourquoi tant de folie et d'imprévoyance sur ton sort ? » Le bienheureux Cyprien répondit : « C'est toi qui as fait preuve d'imprévoyance et de folie, en devenant un apostat, un transfuge de la foi du Christ ; car, pour ce qui est de moi, le divin Pasteur aujourd'hui me connaît, et j'ai hâte d'arriver dans le palais des cieux, afin de jouir des biens éternels que tes supplices m'auront fait mériter ».
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A ces paroles, le tyran devenu plus furieux s'écria « Si les tourments te font mériter le royaume des cieux, je veux en ajouter d'autres plus cruels encore ». Cependant, lorsqu'il vit le martyr sur le point d'expirer sous les tortures, il le fit jeter en prison. Quant à la vierge, elle fut confiée à Térentius, qui devait la garder dans sa maison. Cette maison, lorsque la Bienheureuse y entra, fut tout entière illuminée de la grâce du Christ. Au bout de quelques jours, le comte se fit de nouveau présenter les Saints, et il dit à Cyprien : « J'ai voulu vous conseiller de ne point vous obstiner à mourir pour un homme mort, dont vous subissez les prestiges et la magie ». Le bienheureux Cyprien répondit : « Une pareille mort donne à ceux qui l'ont désirée la vie éternelle ». Alors le comte, après un moment de délibération, fit allumer un grand feu sous une vaste chaudière, qu'il fît remplir de poix, de cire et de graisse puis il ordonna d'y jeter les saints martyrs. Le feu respecta le bienheureux Cyprien pour la vierge, au moment où elle s'approchait pour y entrer, l'ennemi de tout bien, Satan, lui inspira quelque frayeur. Alors le bienheureux Cyprien lui dit : « Viens avec moi, tendre brebis du Christ ; n'est-ce pas toi qui m'as ouvert les portes des cieux et manifesté la gloire du Seigneur, toi qui as vaincu les démons et réduit à néant leur prince, Satan, par la vertu du signe de la croix ? »

A ces mots la Sainte, faisant sur elle-même le signe de la croix, s'élança dans la chaudière. Mais bientôt, au milieu de l'ardeur des flammes, tous deux sentirent comme une douce rosée qui rafraîchissait leurs membres et leur donnait une nouvelle vigueur. Alors Cyprien, commençant un cantique d'actions de grâces, s'écria « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! car depuis que Satan a été renversé de son trône, la paix a rempli le monde. Le Christ étant venu sur la terre a enchaîné le démon, et par la vertu toute-puissante de la croix, il a miséricordieusement délivré le monde. C'est pourquoi je vous rends grâces, ô Dieu, Seigneur de miséricorde, d'avoir daigné me faire endurer ces tourments pour la gloire de votre nom, et je vous supplie de recevoir ces deux victimes que nous vous offrons, comme un holocauste d'agréable odeur ». Le comte s'écria, en entendant celle prière: « Je veux aujourd'hui vous convaincre d'imposture et faire connaître à tous les vaines fraudes de votre magie ». En même temps un certain Athanase, qui, autrefois prêtre des idoles, était devenu l'assesseur et l'ami du comte, lui dit « Que ta puissance m'ordonne de me tenir au milieu des feux de la chaudière ; je veux au nom des dieux triompher du prétendu pouvoir du Christ ». Le comte aussitôt permit par un signe à Athanase, qui s'approcha de la chaudière, en disant : « Hercule, ton nom est grand parmi les dieux ; Esculape, tu es appelé leur père, et c'est toi qui donnes la santé aux hommes ». Mais à peine était-il à quelques pas de la flamme, que le feu l'enveloppa, son ventre se rompit, ses entrailles se répandirent à terre, et ses os furent en un moment dévorés tandis que le bienheureux Cyprien demeurait avec la vierge au milieu des flammes, sans en souffrir la plus légère atteinte, et glorifiait le Seigneur.

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Message par Laetitia »

A cette vue, le comte s'écria : « Elle est donc invincible la puissance du Christ ! Mais ce qui m'afflige profondément, c'est qu'il ait fait mourir un prêtre des dieux, le seul ami que j'eusse ici-bas ». Il fit donc venir un de ses parents nommé Térentius, et lui dit : « Que dois-je faire à ces malfaiteurs ? » Térentius lui répondit : « Garde-toi de rien entreprendre contre les Saints, et n'essaie pas de résister à la vérité ; car le Dieu des chrétiens est invincible ; mais envoie-les à l'empereur, avec un rapport de tout ce qui est arrivé ». Le comte, fit, en effet, le rapport ; il était conçu en ces termes « Au puissant empereur qui domine sur le monde, à Dioclétien, salut. Selon la loi de ton empire, j'ai fait arrêter Cyprien, le docteur des chrétiens, et en même temps une vierge nommée Justine, comme tu l'apprendras dans les actes que je t'envoie. Ils ont refusé d'obéir, malgré les effrayantes tortures auxquelles je les ai soumis ; c'est pourquoi j'ai dû les renvoyer devant ta majesté ». L'empereur parcourut les actes des saints martyrs, et s'étonna qu'ils eussent pu résister à de pareils tourments. Ayant ensuite pris conseil, il prononça la sentence « Cyprien », y était-il dit, « le docteur des habitants d'Antioche, et avec lui la vierge Justine, ont suivi la secte insensée des chrétiens et méprisé la vie; à nos dieux ils ont préféré leur Christ ; c'est pourquoi j'ordonne qu'ils aient la tête tranchée par le glaive ».

On les conduisit sur les bords du fleuve qui traverse la ville de Nicomédie. Là, ils obtinrent du bourreau quelques instants pour prier et recommander à Dieu toutes les églises et tous les fidèles. Puis, le bienheureux Cyprien, ayant fait le signe de la croix, mit à sa droite la bienheureuse vierge ; car il jugeait car il jugeait convenable qu'elle fût exécutée la première. Quand elle fut tombée sous le glaive, le bienheureux Cyprien s'écria : « Gloire à vous, ô Christ ! » En ce moment Théoctiste vint à passer sur le lieu de l'exécution ; il aperçut Cyprien et l'embrassa avec tendresse. L'assesseur Phuléanus, témoin de cette scène touchante, entra dans une grande fureur ; il fit arrêter Théoctiste, et lui fit trancher la tête, en même temps qu'au bienheureux Cyprien. Par son ordre, les corps des martyrs furent jetés à la voirie, au nord de la ville. Ils restèrent ainsi exposés aux bêles durant plusieurs jours ; à la fin, au bout de six jours, des fidèles de Rome, matelots de profession, ayant appris que Cyprien était mort dans la foi de leur Église, parvinrent à tromper tous les gardes, et enlevèrent les corps des martyrs, avec les signes qui devaient en constater l'authenticité. Ils s'empressèrent ensuite de regagner leurs barques et de retourner vers Rome, heureux de posséder ce riche trésor. A leur arrivée, ils le déposèrent aux pieds de Rufine, vierge romaine, dont la famille se rattachait aux noms les plus illustres. Rufine fit placer ces saintes reliques dans un lieu honorable, où tous ceux qui les visitaient recevaient la guérison de leurs infirmités et bénissaient le Seigneur. Elles furent depuis transférées dans l'église de Saint-Jean de Latran, qu'on appelait la basilique de Constantin, et honorablement déposées auprès du baptistère. Ce triple martyre eut lieu sous le consulat de Dioclétien, dans la célèbre ville de Nicomédie.


On représente saint Cyprien et sainte Justine tenant un livre et un lis. Cyprien est encore représenté placé dans un cercle magique, entouré de démons qu'il a évoqués pour séduire la Sainte, qui est protégée par un ange. — Justine est représentée assise, lisant et tenant une branche de fleurs. C'est le moment où elle est exposée aux séductions du magicien Cyprien, qu'elle parvint à convertir. Dans le ciel, un ange protège la Sainte qui tient un lis, symbole de la virginité. — Saint Cyprien et sainte Justine sont quelquefois représentés décapités.


Nous avons emprunté aux Bollandistes ces actes si célèbres dans l'antiquité ecclésiastique, si populaires au moyen âge et si dignes d'être sauvés de l'oubli. La traduction est due aux Bénédictins.
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