Inquisition au Moyen-Âge.

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Louis Mc Duff
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INQUISITION du Moyen-Âge.

(col. 845-846)

Doctrine des hérétiques.

(suite)

Le successeur de ce même Raymond V, qui déplorait, en 1177, les ravages de l'hérésie, RAYMOND VI, ne craignit pas, lui aussi, de faire appel aux routiers et de déchaîner sur les catholiques leurs bandes sanguinaires (LEA, op. cit., p. 141).

C'est en pensant à tous ces excès et aux doctrines fanatiques qui les avaient inspirés, que dans un moment de sincérité, l'un des ennemis de l'Inquisition, LEA a fait cet aveu intéressant : « Quelque horreur que puissent nous inspirer les moyens employés pour les combattre, quelque pitié que nous devions ressentir pour ceux qui moururent victimes de leurs convictions, nous reconnaissons, sans hésiter, que la cause de l'orthodoxie n'était autre que celle de la civilisation et du progrès. Si le Catharisme était devenu dominant ou même seulement l'égal du catholicisme, il n'est pas douteux que son influence n'eût été désastreuse. » (LEA, op. cit., I, p. 120).

Ce n'est donc pas par une simple coïncidence que l'Eglise organisa, au concile de Latran de 1179 et à l'assemblée de Vérone de 1183, un système de répression matérielle contre les hérétiques, au moment où ceux-ci commettaient contre la société les pires attentats. La répression de l'hérésie par l'Inquisition a été la conséquence des troubles anarchiques provoqués par les doctrines antisociales et les prédications fanatiques de l'hérésie.

D'excellents esprits ont essayé, il est vrai, de le nier. C'est après coup, disent-ils, que l'apologétique catholique a essayé d'excuser et de justifier par des raisons de défense sociale la création et le rôle de l'Inquisition; mais en réalité l'Eglise n'a poursuivi dans l'hérésie que l'ennemie de l'orthodoxie; si la société a profité de ces attaques, c'est par suite de conséquences que l'Eglise n'a ni prévues, ni recherchées. Les textes se chargent de répondre à ces affirmations.

Ce fut au concile de Latran de 1179 qu'Alexandre III, abandonnant ses dispositions tolérantes envers l'hérésie, promulgua le premier système complet de répression que l'Eglise ait imaginé contre elle. Or les mesures qui furent alors édictées visent avant tout les hérétiques qui, non contents de professer des opinions hétérodoxes, bouleversaient la société par leurs violences et leurs révoltes. Avec les Cathares, Patarins, Publicains répandus en Gascogne et dans l'Albigeois, le pape condamne les Brabançons, les Aragonais, les Basculi les Cotereaux « qui tantam in christianos inhumanitatem exercent, ut nec ecclesiis nec monasteriis deferant, non viduis et puellis, non senibus et pueris, nec cuilibet parcant aetati aut sexui, sed more paganorum omnia perdant et vastent » ; et il les accuse d'exercer leurs ravages dans les pays qu'ils occupent, regiones in quibus debacchantur. Si Alexandre III ordonne contre ces hérétiques une croisade c'est, dit-il, pour remédier à de grands désastres « ut tantis cladibus se viriliter opponant » ( Decret., Greg. IX; V, VII, 8 ).

On s'explique maintenant pourquoi les princes du XIe et du XIIe siècle…
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Louis Mc Duff
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(col. 846-847)

Doctrine des hérétiques.

(suite)

On s'explique maintenant pourquoi les princes du XIe et du XIIe siècle ont été plus énergiques que les évêques et les papes dans la répression de l'hérésie, pourquoi ils n'ont cessé d'activer sur ce point le zèle de la hiérarchie ecclésiastique et pourquoi enfin celle-ci a fini, après beaucoup d'hésitations, par s'unir aux princes temporels pour décréter contre les hétérodoxes des châtiments matériels. L'examen des doctrines hétérodoxes du XIe et du XIIe siècle et le récit des troubles qu'elles ont provoqués, nous ont en effet prouvé :
1° Qu'après l'an mil, l'hérésie cesse d'être une opinion purement théologique destinée à être discutée dans l'enceinte des écoles; mais qu'elle se double de plus en plus de doctrines antisociales et anarchistes, en opposition non seulement avec l'ordre social du moyen âge, mais encore avec celui de tous les temps;

2º Que ces doctrines anarchistes ont provoqué des mouvements révolutionnaires et des troubles profonds au sein des masses, et qu'ainsi l'hérésie qui les enseignait est devenue un danger public;

3º Que, dès lors, l'autorité temporelle a eu intérêt autant que l'autorité spirituelle à combattre et à détruire l'hérésie;

4° Que ces deux autorités, après avoir agi pendant longtemps séparément, la première par les condamnations de ses tribunaux, la pendaison et le bûcher; la seconde par l'excommunication et les censures ecclésiastiques, ont fini par unir leurs efforts dans une action commune contre l'hérésie;

5° Que cette action combinée a inspiré les décisions du concile de Latran de 1178 et du concile de Vérone de 1184.
Ces constatations précisent le caractère de l'Inquisition telle que l'ont établie les décrétales d'Alexandre III au concile de Latran et de Lucius III au concile de Vérone.

Nous pouvons la définir un système de mesures répressives, les unes d'ordre spirituel, les autres d'ordre temporel, édictées simultanément par la puissance ecclésiastique et par le pouvoir civil pour la défense de l'orthodoxie religieuse et de l'ordre social, que menaçaient également les doctrines théologiques et sociales de l'hérésie.

S'il en est ainsi, on voit ce qu'il faut penser des accusations violentes qui sont si souvent dirigées à ce propos contre l'Eglise. Ce sont de pures déclamations, et elles ne prouvent qu'une chose, l'ignorance et la passion de leurs auteurs. Négligeant en effet de préciser les conditions au milieu desquelles l'Inquisition s'est créée, ils n'ont pas saisi la raison d'être de cette institution, et par là même, n'en ont eu qu'une idée vague et superficielle.

Oubliant que les princes ont présidé autant que les papes à sa naissance, ils se trompent en l'attribuant uniquement au sectarisme religieux; enfin, transformant en martyrs de la pensée libre des hérétiques qui déchaînèrent par leur fanatisme les pires désordres dans la société de leur temps, il les rendent beaucoup plus intéressants qu'ils ne le furent, et ainsi, ils font subir à l'histoire une succession de déformations.

Sur cette question de l'origine de l'Inquisition, l'apologiste chrétien n'a qu'à rétablir les faits dans leur pureté et dans leurs rapports réciproques pour expliquer et légitimer le rôle et l'action de l'Eglise.

A suivre : Organisation de l'Inquisition.
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Louis Mc Duff
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(col. 847)

Organisation de l’Inquisition. — Etablie progressivement à la fin du XIIe siècle, l'Inquisition s'organisa et se développa au cours du XIIIe siècle.

A l'origine, les évêques étaient seuls chargés de la recherche des hérétiques et de leur jugement, d'accord avec la puissance séculière. C'est ce que nous voyons dans les décrétales d'ALEXANDRE III et de LUCIUS III. Les évêques en effet étaient, par leur dignité, les juges naturels de l'hérésie et les défenseurs nés de l'orthodoxie dans leurs diocèses respectifs et, en leur confiant l'inquisition des hérétiques, les papes les rappelaient à un exercice plus rigoureux de leurs attributions, beaucoup plutôt qu'ils ne leur en donnaient de nouvelles.

Mais bientôt le Saint-Siège vit l'insuffisance de cette inquisition de l'Ordinaire. Tous les évêques en effet ne ressemblaient pas à ce terrible archevêque de Reims, Guillaume aux Blanches-mains, qui traqua avec tant de sévérité les hérétiques de sa province. Beaucoup d'entre eux étaient animés d'une large tolérance pour des erreurs qui étaient parfois professées par leurs proches et leurs connaissances. Cela se vit surtout dans le midi de la France, où une noblesse imprégnée de catharisme fournissait à l'Eglise catholique ses prélats. On s'explique que, pendant la croisade des Albigeois, BERNARD DU ROQUEFORT, évêque de Carcassonne, ait répugné à la répression violente, lorsqu'il savait sa mère et son frère parmi les hérétiques qui défendaient, contre l'armée de Simon de Montfort, le château de Termes. Son cas n'était pas isolé; plusieurs de ses collègues furent accusés par les croisés de pactiser avec l'hérésie, déposés par le Saint-Siège, et remplacés par des prélats choisis dans les rangs des croisés. Le métropolitain du Midi, BÉRENGER, archevêque de Narbonne, dut ainsi céder son siège au légat ARNAUD, l'évêque de Carcassonne BERNARD DU ROQUEFORT à GUI, abbé de Vaux-Cernay; l'évêque de Toulouse FULCRAND au cistercien FOULQUES, etc.

Même lorsque les évêques étaient de zélés défenseurs de la foi, leur action pouvait manquer d'efficacité; elle était limitée à leurs diocèses respectifs, et lorsqu'ils voulaient l'étendre dans une région tout entière, ils devaient prendre des accords avec leurs collègues; ce qui supposait des réunions, des délibérations et par conséquent des lenteurs. Or l'hérésie exerçait ses ravages sur de nombreux diocèses. Il fallait donc que la lutte contre ses adeptes pût être dirigée par des hommes dont la compétence s'étendit sur de vastes régions.

Enfin, dans les siècles du Moyen Age, le Saint-Siège…
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Louis Mc Duff
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(col. 847-848)

Organisation de l’Inquisition.

(suite)

Enfin, dans les siècles du Moyen Age, le Saint-Siège avait largement distribué le privilège de l'exemption, grâce auquel un grand nombre d'individus et même de personnes morales étaient soustraits à la juridiction ordinaire de l'évêque pour être placés sous l'autorité immédiate du Saint-Siège. A la diète de Vérone, le pape Lucius III avait bien stipulé que le privilège de l'exemption ne vaudrait pas en matière d'hérésie; il avait investi les évêques de la délégation apostolique, afin que nul hérétique ne pût, sous prétexte d'exemption, se soustraire à leur jugement; mais il y avait là matière à discussion et pour rendre plus efficace la répression, il fallait la confier à une autorité participant à l'universalité et à la toute-puissance de la papauté.

Aussi les papes en chargèrent-ils leurs légats qui agirent contre l'hérésie à côté et au-dessus des évêques; et l'on vit, dès la fin du XIIe siècle, fonctionner simultanément deux inquisitions, l'inquisition épiscopale exercée par les évêques dans leurs diocèses respectifs, en vertu de leur pouvoir ordinaire, et l'inquisition légatine exercée par les légats dans toute l'étendue de leur légation en vertu d'une délégation du Saint-Siège.

Lorsque l'archevêque de Reims, GUILLAUME AUX BLANCHES-MAINS poursuivait, en 1183, les hérétiques de Flandre, envoyant beaucoup d'entre eux au bûcher (Gesta Philippi Augusti de RIGORD, ap. BOUQUET, XVII, p. 11), il agissait non seulement comme métropolitain, mais surtout comme légat apostolique.

En 1178, Alexandre III, à la demande de Raymond V, comte de Toulouse, et des rois de France et d'Angleterre, envoya le cardinal de S. Chrysogone, comme légat en Languedoc avec pleins pouvoirs pour réprimer l'hérésie ; « en vertu de cette délégation, le légat et les cisterciens qui l'accompagnaient firent promettre par serment à l'évêque de Toulouse, à une partie du clergé, aux consuls et à tous les citoyens dont la foi n'était pas suspecte, de leur déclarer par écrit tous les hérétiques et leurs fauteurs » (Hist. du Languedoc, VI, 79). A la suite de cette démarche, le légat instruisit lui-même le procès de Pierre Maurand, l'un des principaux bourgeois de la cite, et après l'avoir convaincu d'hérésie, il lui imposa une pénitence publique, le condamna à une amende et au pèlerinage en Terre sainte et à plusieurs autres pénalités (Ibidem).

En 1198, INNOCENT III donna tous pouvoirs aux religieux cisterciens qu'il envoyait dans le comté de Toulouse comme légats apostoliques, leur confiant spécialement la répression de l'hérésie dans ces régions. Les princes avaient ordre du pape « de proscrire ceux que frère Raynier aurait excommuniés, de confisquer leurs biens et d'user envers eux d'une plus grande rigueur, s'ils persistaient à vouloir demeurer dans le pays après l'excommunication. Nous lui avons donné plein pouvoir, ajoutait-il, de contraindre les seigneurs à agir de la sorte soit par l'excommunication, soit en jetant l'interdit sur leurs terres. Nous enjoignons aussi à tous les peuples de s'armer contre les hérétiques, lorsque frère Raynier et frère Gui jugeront à propos de le leur ordonner... Enfin, nous avons chargé frère Raynier d'excommunier solennellement tous ceux qui favoriseront les hérétiques dénoncés, qui leur procureront le moindre secours ou habiteront avec eux, et de leur infliger les mêmes peines. » (Hist. du Languedoc, VI, p. 222, POTTHAST, Regesta pontificum Romanorum, n° 95.)

Ce texte nous prouve que les légats du Saint-Siège étaient chargés d'exécuter dans leur légation toutes les sanctions édictées contre les hérétiques par les conciles du XIIe siècle, et en particulier par ceux de Latran et de Vérone. Ils avaient, en un mot, tous les pouvoirs d'inquisition.

Certains historiens dominicains ont prétendu que le fondateur de leur ordre avait été le premier inquisiteur….
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Louis Mc Duff
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(col. 848-849)

Organisation de l’Inquisition.

(suite)

Certains historiens dominicains ont prétendu que le fondateur de leur ordre avait été le premier inquisiteur, et SIXTE-QUINT lui-même s'est fait l'écho de cette opinion dans sa bulle de canonisation de S. Pierre de Vérone (1586) (MANRIQUE, Annales Cistercienses, III, an 1204). En réalité, les fonctions d'inquisiteur avaient été exercées, dès la fin du XIIe siècle, par les légats cisterciens, et quand S. DOMINIQUE s'en acquitta, ce fut en vertu d'une délégation qu'il tenait de la légation cistercienne dirigée par Arnaud de Cîteaux et Pierre de Castelnau. Lorsque, au cours de ses prédications, il imposa une pénitence et délivra des lettres d'absolution à l'hérétique Pons Roger, il déclara agir auctoritate domini abbatis Cisterciensis, Apostolicae Sedis legati, qui hoc nobis injunxit officium. La pénitence du converti devait durer tant que le légat n'aurait pas donné de nouveaux ordres à Dominique donec alias super his dominus legatus suam nobis exprimat voluntatem.

Dans un autre acte du même genre, saint Dominique se couvre toujours de l'autorité du légat : ce qui prouve bien qu'il n'était pas inquisiteur lui-même, mais simple délégué des légats qui, seuls, avaient été chargés par le Saint-Siège de l'Inquisition dans les pays du midi de la France (BOLLANDISTES, Acta sanctorum augusti, I, pp. 410-411).

Il ne faudrait pas s'imaginer que l'inquisition légatine ne se soit exercée que dans le Midi avec les religieux cisterciens qui prirent part à la croisade contre les Albigeois. Nous la retrouvons aussi, à la même époque, dans les pays du nord de la France. En 1200, la chronique de Saint-Marien d'Auxerre signale les progrès, dans la province de Sens, de l'hérésie manichéenne, haeresis populicana, omnium haereseon fetulentissima. Pour y avoir adhéré, l'abbé de Saint-Martin et le doyen de la cathédrale de Nevers furent déposés par le concile de Sens. Le cardinal PIERRE, du titre DE SAINT MARCEL, se rendit dans ces pays comme légat apostolique chargé de la répression de l'hérésie; il convoqua un concile à Paris, où il cita le chevalier EVRARD, auquel le comte de Nevers avait confié le gouvernement de ses terres, et Evrard ayant été accusé d'hérésie par l'évêque d'Auxerre et convaincu de catharisme par de nombreux témoignages, le légat le condamna et le livra au bras séculier; amené à Nevers, Evrard y fut brûlé (BOUQUET, XVIII, p. 264).

On a dit (LUCHAIRE, Innocent III. La croisade des Albigeois) que Innocent III a substitué l'inquisition extraordinaire des légats à l'inquisition ordinaire des évêques, lorsqu'en 1204, il enleva aux prélats du Midi la direction de la poursuite des hérétiques, pour la confier à ses envoyés, les missionnaires cisterciens. En réalité, cette mesure ne concerna que le Midi ; elle ne suspendit les pouvoirs que des évêques du Midi dont le pape suspectait le zèle, et laissa intact le pouvoir des autres. La preuve en est dans les condamnations qui furent demandées, en 1209, par l'évêque de Paris au roi Philippe-Auguste contre plusieurs hérétiques, disciples d'Amaury de Beynes (BOUQUET, XVII, p. 83-84). L'inquisition légatine ne fit donc que se juxtaposer à l'inquisition épiscopale.

Comme an XIIe siècle, au commencement du XIIIe, le pouvoir civil rivalisa de zèle avec l'Eglise contre les hérétiques…
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(col. 849-850)

Organisation de l’Inquisition.

(suite)

Comme au XIIe siècle, au commencement du XIIIe, le pouvoir civil rivalisa de zèle avec l'Eglise contre les hérétiques, et ce fut toujours lui qui édicta contre eux les mesures de répression les plus sévères. Les chroniqueurs du règne de Philippe-Auguste, GUILLAUME LE BRETON, et RIGORD, sont unanimes à signaler l'ardeur avec laquelle ce prince extermina les hérétiques; à Paris, la place des Champeaux, aux portes du Louvre, fut désignée par lui comme le lieu de leur supplice (Philippeis I, vers 407-410; BOUQUET, XVII, 83). En 1197, PIERRE Ier, roi d'Aragon — celui-là même qui devait mourir à la bataille de Muret en combattant contre Simon de Montfort — promulguait, à Girone, une constitution fort sévère contre les hérétiques. Il la présentait comme une mesure de salut public : « Dignum et justum est, disait-il, ut de salvatione et defensione ejusdem populi continuam pro viribus geramus soilicitudinem. »

En conséquence, à la suite de l'Eglise, il condamnait les Vaudois, Sabatati, Pauvres de Lyon et en général tous les hérétiques quorum non est mimeras nec nomina sunt nota. Il ordonnait leur expulsion immédiate; ceux qui seraient pris dans le royaume après le dimanche de la Passion, seraient brûlés, et leurs biens partagés entre le fisc pour les deux tiers et un tiers pour celui qui les aurait découverts. Ceux qui protégeraient les hérétiques ou les recevraient chez eux ou sur leurs terres, seraient coupables de lèse-majesté et punis de mort comme tels; la même peine attendait les magistrats qui n'exécuteraient pas l'ordonnance (Marca Hispanica, p. 1384).

L'un des pires adversaires qu'ait eus l'Eglise, au XIIIe siècle, cet empereur qui semble avoir été l'ennemi du christianisme autant que de la papauté, FRÉDÉRIC II, s'est particulièrement signalé par sa sévérité contre les hérétiques. Le 22 novembre 1220, il prononçait le bannissement des Cathares, Patarins, Speronistes, Leonistes, Arnaldistes, en un mot « de tous les hérétiques des deux sexes », et ordonnait la confiscation de leurs biens; il exigeait des podestats, consuls, recteurs de provinces la promesse par serment qu'ils expulseraient de leurs terres hereticos ab ecclesia denotatos (HUILLARD-BRERHOLLES, Historia diplomatica Frederici secundi, II, p. 4-5). Quatre ans plus tard, en mai 1224, il édicta contre les hérétiques une nouvelle constitution plus sévère encore que toutes celles qui avaient été auparavant établies par les princes et les papes. Il ordonnait aux podestats, consuls et cités de Lombardie, non seulement d'envoyer au bûcher quiconque aurait été condamné pour hérésie par l'évêque, mais encore de couper la langue à ceux auxquels, pour une raison particulière, on déciderait de laisser la vie (HUILLARD-BRERHOLLES, op. cit., II, p. 422).

Ainsi se poursuivait, au commencement du XIIIe siècle…
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Louis Mc Duff
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INQUISITION du Moyen-Âge.

(col. 850-851)

Organisation de l’Inquisition.
(suite)

Ainsi se poursuivait, au commencement du XIIIe siècle, l'accord du pouvoir civil et du pouvoir religieux pour la répression matérielle de l'hérésie.

La croisade des Albigeois fit faire un pas de plus à l'organisation de l'Inquisition. Cette expédition avait déterminé, dans les pays du midi de la France, une lutte continue contre les hérétiques. Pour en finir avec eux et leur enlever à jamais la puissance considérable qu'ils avaient eue dans ces régions, au XIIe siècle, on appliqua rigoureusement les prescriptions édictées au Latran, en 1178, à Vérone, en 1184, et renouvelées par Innocent III, au quatrième concile de Latran de 1215 (Décret. Greg. IX, V, VII, 13). Dès que la victoire avait fait tomber un pays entre les mains des croisés, les hérétiques en étaient bannis (ou, selon l'expression méridionale, faidits), et leurs biens confisqués, sauf si, par une sincère abjuration, ils se soumettaient à une pénitence canonique et obtenaient des légats et de leurs représentants des lettres de rémission, comme celles qui furent délivrées par saint Dominique à plusieurs convertis (cf. plus haut).

Les révoltes si fréquentes qui soulevèrent contre les croisés des pays qu'ils croyaient conquis, en remettant sans cesse en question les résultats de la croisade, signalèrent à ses chefs et aux légats un nouveau danger. Vaincue par les armes, l'hérésie se dissimula, attendant une occasion favorable pour soulever de nouveau les populations.

Au lieu de « tenir publiquement maison », c'est-à-dire de pratiquer ouvertement leur culte et leurs assemblées, comme ils le faisaient au XIIe siècle, les Parfaits se cachèrent. Ce fut la nuit, dans les lieux reculés, parfois dans les bois ou les solitudes des montagnes, qu'ils réunirent leurs Croyants; ils les voyaient individuellement ou les faisaient visiter par leurs affidés; le catharisme écrasé se transformait en société secrète. Il en était plus dangereux, parce que son action devenait insaisissable et de plus en plus difficile à combattre.

Il fallut donc remettre en vigueur l'une des dispositions de la constitution de Vérone de 1184, celle qui ordonnait aux évêques, non seulement de faire arrêter et bannir les hérétiques manifestes, mais encore d'inspecter, personnellement ou par des délégués, leurs diocèses, pour découvrir les hérétiques et se les faire signaler par les fidèles. Cette recherche, cette inquisition des hérétiques était une affaire importante et compliquée, en un pays qui avait été si profondément pénétré de catharisme. Aussi les légats du Saint-Siège lui donnèrent-ils une attention toute particulière pendant la guerre et surtout lorsque la résistance méridionale sembla définitivement vaincue.

En 1228, le comte de Toulouse, RAYMOND VII…
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Louis Mc Duff
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INQUISITION du Moyen-Âge.

(col. 851)

Organisation de l’Inquisition.

(suite)

En 1228, le comte de Toulouse, RAYMOND VII, négocia à Meaux avec BLANCHE DE CASTILLE et Louis IX la paix qui devait être définitivement conclue à Paris l'année suivante. GRÉGOIRE IX donna alors pouvoir à son légat, le cardinal ROMAIN DE SAINT-ANGE de régler, à la conclusion du traité, les questions religieuses intéressant le Languedoc (AUVRAY, Registres de Grégoire IX, nos 229-230, 232-234).

Le cardinal Romain avait une influence considérable sur Blanche de Castille auquel il avait rendu les plus grands services pendant les difficultés de la régence. II n'eut donc aucune peine à obtenir d'elle une constitution, datée du 28 avril 1228, ordonnant l'exécution des décrets du Latran et de Vérone dans les anciennes terres du comté de Toulouse cédées à la France par le traité de Meaux. Dans son article 2, elle portait condamnation contre les hérétiques reconnus tels par l'autorité religieuse, postquam fuerint de haeresi per episcopum loci vel per aliam ecclesiasticam personam quae potestatem habeat, condemnati (LAURIÈRE, Les ordonnances des rois de France de la troisième race, I, p. 50).

Ce fut sous l'influence du cardinal légat que, par le traité de Meaux-Paris, RAYMOND VII s'engagea à réprimer l'hérésie dans les états qui lui restaient. Sur l'ordre de Romain, cardinal-diacre de Saint-Ange et légat du Saint-Siège, il promettait de combattre de toutes ses forces les hérétiques, Parfaits et Croyants, leurs partisans et quiconque leur donnerait asile, et de les chasser de toutes ces terres. Il ajoutait qu'il ne se contenterait pas de punir les hérétiques manifestes, mais qu'il ferait rechercher les autres, assurant une prime à ceux qui les lui signaleraient : « Inquiret etiam diligenter et inquiri faciet de inveniendis haereticis, credentibus, fautoribus et receptatoribus eorumdem »; et pour cette recherche ou inquisition, il s'engageait à agir selon les règlements que ferait ultérieurement le cardinal légat, secundum ordinationem quant super hoc faciet dominas legatus, et à condamner quiconque aurait été déclaré hérétique « per episcopum vel alium qui potestatem habeat », c'est-à-dire par la juridiction ordinaire de l'évêque et de ses délégués ou la juridiction extraordinaire du légat et de ses représentants.

En un mot, Raymond VII ouvrait ses états aux inquisitions épiscopale et légatine, faisait serment de les seconder de toute manière, et en réservait l'organisation au cardinal Romain de Saint-Ange (MANSI, Concilia, XXIII. p. 163).

Cette réglementation de l'Inquisition, que prévoyait le traité de Paris, fut promulguée, en novembre 1229, par le cardinal légat, au concile de Toulouse…
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(col. 851-852)

Organisation de l’Inquisition.

(suite)

Cette réglementation de l'Inquisition, que prévoyait le traité de Paris, fut promulguée, en novembre 1229, par le cardinal légat, au concile de Toulouse. A cette assemblée prirent part Raymond VII et un grand nombre de seigneurs du Midi, le sénéchal royal de Carcassonne, deux consuls de Toulouse, les archevêques de Narbonne, de Bordeaux et d'Auch et beaucoup d'évêques et de prélats.

On y décida une inquisition générale des hérétiques; les archevêques et évêques devraient la faire faire, dans toutes les paroisses de leurs diocèses tant rurales qu'urbaines, par un prêtre ou deux ou trois laïques ou plus encore; s'il le fallait, on devrait fouiller toutes les maisons, même les caves, domos singulas et cameras subterraneas et toutes les cachettes possibles, seu quaecumque alia latibula, et remettre aux Ordinaires, aux seigneurs et à leurs baillis les hérétiques, Parfaits ou Croyants, leurs adhérents et leurs hôtes, pour être immédiatement punis; les abbés devaient faire les mêmes recherches dans les terres exemptes de leurs monastères.

Quant aux seigneurs, ils devaient battre les campagnes, les bois, les repaires souterrains. Le seigneur qui sciemment donnait asile à des hérétiques devait être dépouillé de ses biens et remis au jugement de son suzerain, amittat in perpetuum terram et corpus suum sit in manu domini ad faciendum inde quod debebit. Le bailli négligent dans l'inquisition devait être révoqué et déclaré inhabile à jamais exercer les mêmes fonctions; toute maison dans laquelle un hérétique aurait été trouvé serait détruite.

Enfin, l'inquisition devait être faite même par des juridictions étrangères, ita quod bailivus regis in terra comitis Tolosani et aliorum hoc facere possit et comes Tolosanus et alii in terra regis.

Le règlement stipulait ensuite comment il fallait traiter les hérétiques qui se convertissaient de leur plein gré, ceux qui se convertissaient par crainte ou pour toute autre cause, enfin les malades suspects d'hérésie. II déclarait incapables d'exercer des fonctions publiques les hérétiques, les Croyants et les suspects ; et étaient déclarés suspects non seulement ceux qui avaient pactisé avec les Cathares, mais encore ceux qui ne se confessaient ou ne communiaient pas au moins trois fois l'an, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte (MANSI, XXIII, pp. 191-198). L'article 8 avait soin de stipuler que nul ne pouvait être condamné par le pouvoir civil comme hérétique avant d'avoir été déclaré tel par l'évêque ou un autre juge ecclésiastique qualifié, « ne innocentes pro nocentibus puniantur aut quibuslibet per aliquorum calumniam haeretica pravitas impingatur ».

Cet acte, conséquence directe du traité de Meaux-Paris…
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(col. 852-853)

Organisation de l’Inquisition. (suite)

Cet acte, conséquence directe du traité de Meaux-Paris, établissait l'Inquisition dans tout le midi de la France. A vrai dire, il ne présentait aucune disposition nouvelle et ses articles n'étaient que la répétition, plus précise peut-être, de décisions antérieures prises par les conciles et par les papes. Il n'organisait pas une inquisition perpétuelle, il se contentait d'en ordonner une, dans tout le Midi, au lendemain de la paix qui avait mis les hérétiques à la merci de l'Eglise. Il n'investissait pas de cette redoutable fonction des juges spécialement créés pour l'exercer ; il la confiait aux Ordinaires ou aux légats, comme l'avaient fait les règlements antérieurs.

On ne peut donc pas dire, comme l'ont fait certains, que l'Inquisition a été créée au concile de Toulouse par le cardinal Romain. Elle était antérieure d'un demi-siècle, si on entend par ce mot la recherche et la répression de l'hérésie par les soins des évêques, des légats et du pouvoir civil; elle fut postérieure, si on ne donne ce nom d'inquisition qu'aux tribunaux de plus en plus fixes qui s'établirent, au cours du XIIIe siècle, sous l'action prépondérante, mais non exclusive, des ordres mendiants.

Les règlements du cardinal de Saint-Ange furent confirmés et complétés, dans les années qui suivirent leur promulgation. Comme il s'y était engagé à l'avance, Raymond VII les accepta et leur donna force de loi dans ses terres, par un acte daté du 18 février 1232 (MANSI, Concilia, XXIII, pp. 265-268) qui, le plus souvent, répète mot à mot le règlement de 1229. Le pape GRÉGOIRE IX approuva sans réserve les actes du cardinal de Saint-Ange; le 13 janvier 1234, il félicita le comte de Toulouse du zèle avec lequel il les faisait observer (AUVRAY, Registres de Grégoire IX, no 1719).

Sa décision la plus importante fut celle par laquelle, le 20 avril 1233, il donna commission au prieur provincial des Dominicains de Provence (Provence-Languedoc) de désigner des religieux qui feraient dans tout le midi de la France une praedicatio generalis contre l'hérésie. Cette bulle ne donnait pas aux Frères Prêcheurs le monopole de l'Inquisition dans le Midi; elle ne les chargeait pas même de collaborer à la recherche de l'hérésie, puisqu'il n'est question que de la prédication; mais en leur confiant d'une manière plus spéciale « l'affaire de la foi », comme il l'écrivait au comte et aux consuls de Toulouse, en les leur recommandant, Grégoire IX préparait le rôle considérable qu'ont joué les Prêcheurs dans la marche de l'Inquisition, et c'est avec raison que l'un des inquisiteurs dominicains, Bernard Gui, « voyait dans cette lettre le premier titre de son ordre à exercer l'Inquisition, in partibus Tolosanis, Albigensibus et Carcassonensibus atque Agennensibus » (Mgr DOUAIS, Documents pour servir à l'histoire de l'Inquisition dans le Languedoc, I, p. x).

Le personnel qui devait le plus alimenter les tribunaux de la foi était trouvé; il allait être fourni par les ordres mendiants des Dominicains et Franciscains, qui, par leur zèle pour l'orthodoxie et par leur dévotion particulière pour la papauté, méritaient la confiance spéciale du Saint-Siège. Quant à la procédure inquisitoriale, elle fut fixée par une série de bulles pontificales, de décisions de conciles, d'ordonnances seigneuriales, qui donnèrent, peu après, à l'Inquisition du midi de la France un fonctionnement continu et régulier.

Si elle s'est tout d'abord développée dans le comté de Toulouse…
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