Inquisition au Moyen-Âge.

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Louis Mc Duff
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Après avoir ainsi déterminé la part des responsabilités, il n'est que juste de déclarer que la peine de mort prononcée par l'intermédiaire des juges civils ne fut qu'une sanction exceptionnelle; et ceux qui nous ont montré les inquisiteurs acharnés à approvisionner le bûcher, les ont calomniés.

Sur les 75 sentences portées par le tribunal de Pamiers, de 1318 à 1324, cinq seulement livrent les hérétiques au bras séculier.

Dans les 930 sentences de Bernard Gui, nous n'en trouvons que 42 portant cette redoutable mention relicti curiae seculari, et ainsi, à Pamiers, la proportion des condamnés à mort a été de 1 sur 15, à Toulouse de 1 sur 23 (VACANDARD, op. cit., p. 236).

A ceux qui la trouveront cependant excessive, nous rappellerons que le code pénal du moyen âge était en général beaucoup plus rigoureux que le nôtre et que les inquisiteurs furent des hommes de leur temps; mais surtout, nous leur ferons remarquer (ce que trop souvent on a oublié), que l'Inquisition punissait aussi des crimes de droit commun, commis par des hérétiques ou à l'occasion des procès d'hérésie.

En 1324, à Pamiers, Pierre d'en Hugol, Pierre Peyre et plus tard Guillaume Gautier furent poursuivis et les deux derniers condamnés à la prison pour faux témoignage ; ils s'étaient prêtés à une machination ourdie par Pierre de Gaillac, notaire de Tarascon, contre son confrère Guillem Tron. Pour se venger de ce dernier, qui attirait à lui tous les clients, Gaillac avait résolu de le charger du crime d'hérésie, et Pierre d'en Hugol et Peyre lui avaient servi de faux témoins (VIDAL, le tribunal d'Inquisition de Pamiers, p. 55-56).

Guillem Agasse, chef de la léproserie de Lestang, fut condamné pour avoir empoisonné les fontaines et les puits de la ville; Arnaud de Verniolle de Pamiers et Arnaud de Berdeilhac pour avoir commis des crimes contre nature (VIDAL, ibid., pp. 127-128).

Les peines de l'Inquisition étaient souvent, dans la pratique, atténuées ou même effacées. Il ne faudrait pas croire, par exemple, que tout hérétique qui figure dans les Registres comme condamné « au mur perpétuel » ait passé en prison le reste de ses jours. On n'a pas assez relevé, à côté des sentences de condamnation qui étaient prononcées dans les sermones generales, les grâces totales ou partielles qui y étaient aussi promulguées.

Les prisonniers obtenaient des congés qu'ils allaient passer chez eux…
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Louis Mc Duff
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(col. 879-880)

Procédures de l’Inquisition.

(suite)


Les prisonniers obtenaient des congés qu'ils allaient passer chez eux. A Carcassonne, le 13 septembre 1250, l'évêque donnait à une certaine Alazaïs Sicre la permission exeundi carcerem, ubi erat immurata pro crimine heretice pravitatis, et jusqu'à la Toussaint, c'est-à-dire pendant sept semaines, d'aller où elle voudrait en toute liberté, quod possit esse extra carcerem ubicumque voluerit (DOUAIS, Documents, II, p. 132, nº 29).

Une permission de même genre était donnée, pour cinq semaines, à un certain Guillaume Sabatier, de Capendu, à l'occasion de la Pentecôte, le 9 mai 1251 (Ibid., p. 152, nº 64).

Raymond Volguier de Villar-en-Val, qui avait obtenu un congé expirant le 20 mai 1251, se le fit proroger jusqu'au 27 (Ibid., p. 153, nº 66).

Pagane, veuve de Pons Arnaud de Preixan, fut ainsi mise en vacances du 15 juin au 15 août 1251 (Ibid., 153, nº 67).

Les congés de maladie étaient de droit : l'Inquisition mettait en liberté provisoire les détenus dont les soins étaient utiles à leurs parents ou à leurs enfants, et quelquefois cette atténuation de la peine pouvait aller jusqu'à une commutation en une peine plus bénigne; c'est ce qu'avaient décidé, en 1244, l'archevêque de Narbonne, les évêques de Carcassonne, d'Elne, de Maguelonne, de Lodève, d'Agde, de Nîmes, d'Albi, de Béziers, et les abbés de Saint-Gilles, de Saint-Aphrodise de Béziers, de Saint-Benoît d'Agde : Si forte per incarcerandi absentiam evidens mortis periculum immineret liberis vel parentibus, obviare curetis periculo, provideri talibus faciendo, si potestis aliunde, aut carceris penitentiam prudenter in aliam commutetis ; oportet enim in tali articulo rigorem mansuetudine mitigari (DOAT, XXXI, 155-168).

Même les inquisiteurs les plus sévères, tels que BERNARD DE CAUX, observèrent cette prescription. En 1246, Bernard condamna à la prison perpétuelle un hérétique relaps, Bernard Sabatier, mais, dans la sentence même, il ajouta que le père du coupable étant un bon catholique vieux et malade, son fils pourrait rester auprès de lui, sa vie durant, pour le soigner (VACANDARD, L'Inquisition, p. 234).

Lorsque les détenus étaient malades eux-mêmes, ils obtenaient la permission d'aller se faire soigner hors de la prison ou dans leurs familles. Le 16 avril 1250, Bernard Raymond, clerc de Conques, était autorisé à sortir de sa cellule de Carcassonne propter infirmitatem (Docum., n° 14).

Le 9 août suivant, même permission était donnée à Bernard Mourgues de Villarzel-en-Razès, à condition qu'il rentrerait huit jours après sa guérison (Ibid., nº 22); la même faveur aux mêmes conditions était faite, le 14 mai, à Armand Brunet de Couffoulens, et le 15 août, à Arnaud Miraud de Caunes (Ibid.,nos. 24 et 25).

Le 13 mars 1253, l'emmuré Bernard Borrel était mis en liberté provisoire propter infirmitatem, et ne devait rentrer en prison que quinze jours après sa guérison (DOUAIS, op. cit., II, p. 200, n° 167).

Le 17 août suivant, Raine, femme d'Adalbert de Couffoulens, était autorisée à demeurer hors de prison quousque convaluerit de egritudine sua (Ibid., n° 179). Même permission est donnée, le 5 août 1253, à P. Bonnafou de Canecaude; le 17 août, à Guillelme Gafière de Villemoustaussou ; le 2 septembre, à P.-G. de Caillavel de Montréal (Ibid., nos. 178, 180, 181); le 15 novembre 1256, à Guillaume clerc de Labastide-Erparbairenque; le 9 septembre, à Ber. Guilabert (Documents, p. 238, nos. 252 et 253).

Le 18 novembre 1254, c'est une certaine Rixende, femme de Guillelm Hualgnier, qui obtient de sortir pour faire ses couches et de ne rentrer qu'un mois après qu'elles auront eu lieu (Ibid., nº 211). La répétition de ces cas à des intervalles fort courts et parfois le même jour prouve que nous sommes en présence, non d'exceptions, mais d'une coutume établie.

Souvent aussi, les inquisiteurs accordaient des…
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Louis Mc Duff
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(col. 880)

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Souvent aussi, les inquisiteurs accordaient des adoucissements et des commutations de peine. Dans sa Practica (pp. 36, 39, 45-50), Bernard Gui cite des cas où la prison était remplacée par une amende.

Le 3 septembre 1252, P. Brice de Montréal obtenait de l'Inquisition de Carcassonne la commutation de sa captivité en un pèlerinage en Terre sainte (Documents, p. 193, nº 152).

Le 27 juin 1256, c'est le pèlerinage en Terre sainte qui est remplacé par une-amende de 50 sous, parce que le condamné ne pouvait pas voyager propter senectutem (Ibid., p. 237, nº 250).

Dans d'autres cas, le port de croix apparentes sur le vêtement était commué en un pèlerinage : c'est la grâce que fit l'Inquisition de Carcassonne, le 5 octobre 1251, à un grand nombre d'habitants de Preixan, de Couffoulens, de Cavanac, de Cornèze, de Leuc et de Villefloure (Ibid., p. 159). nº 81).

Malgré sa haine anticléricale, LEA reconnaît que « ce pouvoir d'atténuer les sentences était fréquemment exercé » et il en cite, à son tour, un certain nombre de cas. « En 1328, par une seule sentence, 23 prisonniers de Carcassonne furent relâchés, leur pénitence étant commuée en port de croix, pèlerinages et autres travaux. En 1329, une autre sentence de commutation, rendue à Carcassonne, remit en liberté dix pénitents, parmi lesquels la baronne de Montréal. » (Histoire de l'Inquisition, I, p. 558.)

Après avoir cité d'autres cas empruntés aux sentences de Bernard Gui, Lea fait remarquer que « cette indulgence n'était pas particulière à l'Inquisition de Toulouse ». Nous en avons trouvé de nombreuses traces dans les registres de l'Inquisition de Carcassonne et il est fort à présumer, ces tribunaux n'ayant pas un régime particulier, qu'il en était de même devant toutes les cours inquisitoriales.

Malgré la bulle d'Innocent IV, qui avait réservé au Saint-Siège la remise complète de la peine, on vit des inquisiteurs faire entièrement grâce à des condamnés. BERNARD GUI, dans sa Practica, donne même la formule usitée en pareil cas, bien qu'il recommande de ne s'en servir que rarement (Practica, p. 56). Lui-même réintégra au moins une fois un condamné dans le droit de remplir une charge publique. Une fois aussi, il rendit au fils d'un condamné, qui avait pleinement satisfait, la faculté d'occuper le consulat ou de remplir une autre fonction publique (DOUAIS, L'Inquisition, p. 227).

Ces atténuations et ces commutations de peines, n'étaient pas des actes isolés de prélats ou d'inquisiteurs particulièrement indulgents; car elles furent souvent dues à des juges sévères tels que Bernard de Caux et Bernard Gui, dont le zèle contre l'hérésie demeura longtemps légendaire. Elles étaient, plutôt la conséquence de l'idée que se faisait l'Inquisition de l'objet qu'elle devait poursuivre en réprimant l'hérésie.

Les criminalistes modernes insistent sur cette pensée généreuse, que par les sanctions sociales on doit viser avant tout l'amendement du condamné et ils font passer au second plan l'idée surannée du châtiment expiatoire…
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(col. 880-881)

Procédures de l’Inquisition.

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Les criminalistes modernes insistent sur cette pensée généreuse, que par les sanctions sociales on doit viser avant tout l'amendement du condamné et ils font passer au second plan l'idée surannée du châtiment expiatoire. Savent-ils qu'avant Beccaria et les philosophes du XVIIIe siècle, auxquels on attribue généralement le mérite de cette conception, l'Inquisition du Moyen Age a pensé de même?

« Elle ne punissait pas pour punir, dit Mgr DOUAIS. Elle se préoccupait de corriger, d'amender, de convertir le coupable que tout d'abord elle voyait loin du devoir.. Elle avait l'ambition de le ramener à la foi... Qu'il reconnût son erreur, qu'il y renonçât, qu'il reprît fidèlement le symbole de son baptême, c'est tout ce qu'on voulait... la pénalité devait aider ce retour... Moins rigoureuse que la justice séculière, la justice d'Eglise a toujours cherché le bien moral de celui qui comparaissait à sa barre ou qui subissait sa juridiction. » (DOUAIS, L'Inquisition, pp. 224-225.)

C'est ce qui explique qu'elle ait donné des pénitences d'ordre spirituel pouvant incliner le condamné vers la piété, qu'elle ait atténué les peines plus graves quand elle trouvait en lui des indices d'un amendement moral, et qu'elle ait abandonné au bras séculier, c'est-à-dire à la mort, les relaps qui, étant retournés à leurs erreurs, faisaient douter à jamais de leur conversion et de leur sincérité. Les adoucissements, les commutations et les remises de peines proviennent donc du principe de l'Inquisition même, et non du caractère particulier de tel de ses juges.

Tous les inquisiteurs, sans doute, n'eurent pas assez d'élévation d'esprit ou de modération de caractère pour conformer à cet idéal tous leurs actes, et il y en eut qui poursuivirent cruellement l'hérésie, donnant libre cours à leur cupidité ou à leur haine contre ses adhérents, se livrant à des excès que tout homme doit réprouver. C'est ce qui a permis à LEA d'agrémenter son Histoire de l'Inquisition de sous-titres tendancieux tels que ceux-ci : Insolence des inquisiteurs ; Conseils infâmes des inquisiteurs ; Cruauté des inquisiteurs ; Extorsions des inquisiteurs ; Avidité des inquisiteurs ; Goût du pillage, etc.

Mais Lea, et après lui ses nombreux disciples et imitateurs, n'ont pas dit ou ont dit d'une manière insuffisante que le Saint-Siège a continuellement surveillé le fonctionnement de l'Inquisition et en a souvent réprimé les abus. Les excès qu'ils décrivent et qui, en effet, sont coupables, ont été le plus souvent blâmés et punis par les papes, les légats et les évêques; et à maintes reprises, des conseils de modération ont été envoyés par les Souverains Pontifes et inscrits par eux dans les décrétales.

C'est l'une des pensées qui a inspiré à CLÉMENT V, la décrétale sur l'Inquisition qu'il promulgua au concile de Vienne et que JEAN XXII fit insérer dans les Clémentines du Corpus juris canonici.

Dès les débuts de l'Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celui-ci aussitôt manda à l'archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer…
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Louis Mc Duff
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(col. 881-882)

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(suite)


Dès les débuts de l'Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celui-ci aussitôt manda à l'archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer. Il lui donnait, le 18 novembre 1234, des conseils de sagesse, de prudence et de modération, qu'il adressait en même temps aux évêques de Toulouse, d'Albi, de Rodez, d'Agen et de Cahors. Il leur recommandait instamment « la pureté d'intention », la « vertu de discrétion ». Il s'élevait même contre l'admission de témoignages secrets non communiqués à l'accusé et le refus de leur accorder le secours d'avocats, ce qui, ajoutait-il, risquait de faire condamner des innocents. « Quidam ad inquirendum super dicto crimine procedentes, juris ordine praetermisso, testes super hoc recipiunt in occulto et, nominibus vel dictis testificantium minime publicatis, oninem defensionis copiam et advocatorum suffragium eis contra quos inquiritur, pro sua subtrahunt voluntate. Il leur ordonnait enfin de cesser toute poursuite pour hérésie contre ceux qui, pendant la croisade des Albigeois, avaient combattu pour Raymond VII (AUVRAY, Registres de Grégoire IX, n° 2218).

La modération et l'esprit de justice dont témoigne cette lettre nous inclinent à penser que GRÉGOIRE IX ignorait alors les actes de cruauté dont se rendait coupable, dans ces mêmes années, l'inquisiteur de France, Robert le Bougre, qu'il félicitait de son zèle et qu'il recommandait lui-même aux archevêques de Sens et de Reims, et au prieur provincial des Dominicains (Bullarium ordinis Praedicatorum, I, nos. 70, 137). Lorsqu'il en fut avisé, il ordonna une enquête sur la cconduite de l'inquisiteur et quand elle eut révélé ses procédés violents et injustes, non seulement il le révoqua de ses fonctions, mais encore il le condamna à la détention perpétuelle. C'est ce que nous rapporte le chroniqueur contemporain MATHIEU PARIS. Tandem vero, Robertus abutens potestate sibi concessa et fines modestiae transpediens et justitiae, elatus, potens et formidabilis, bonos cum malis confundens involvit et insontes et simplices punivit. Auctoritate igitur papali jussus est praecise ne amplius in illo officio fulminando desaeviret. Qui postea, manifestius clarescentibus culpis suis, quas melius aestimo reticere quam explicare, adjudicatus est perpetuo carceri mancipari (Mathaei Parisiensis, monachi Albanensis Angli, historia major, éd. Londres, 1640, p. 482. Cf. aussi RAYNALDI, Annales ecclesiastici, XIII, p. 471).

G]RÉGOIRE IX usait de la même modération en Espagne : il recommandait une indulgente équité, en février 1237, au roi d'Aragon Jayme et à l'évêque d'Elne. Se trouvant en effet en conflit pour des dîmes et des terres avec Robert, comte de Roussillon, ce prélat avait accusé ce seigneur d'être le chef des hérétiques de la région et de leur donner asile dans ses châteaux; LEA reconnaît lui-même que « ces accusations étaient vraisemblablement fondées » (Hlist. de l'Inquisition, II, 194). Jayme fit arrêter Robert et commencer contre lui un procès; mais Grégoire IX arrêta la procédure et ce fut en vain que l'évêque d'Elne fit le voyage de Rome pour lui faire révoquer sa décision (LLORENTE, Hist. de l'Inquisition, III, I, 5). La même année, en Italie, Grégoire IX recommandait la douceur envers les hérétiques que Frédéric II poursuivait avec la plus grande cruauté. On allait même jusqu'à dire en Allemagne que le pape « s'était laissé corrompre par l'or des ennemis de la foi ». LEA donne aucune créance à cette calomnie, mais il explique cette indulgence du pape par son antagonisme contre Frédéric II « et le désir de servir ainsi, en Lombardie, les intérêts de la politique pontificale » (LEA, op. cit., II, p. 247). C'est encore là une explication malveillante que rien ne justifie. L'attitude de Grégoire IX envers les hérétiques d'Italie était conforme à celle qu'il avait adoptée envers ceux de Languedoc, de France et d'Aragon ; elle était inspirée par le désir de concilier, avec les nécessités de la répression, la justice et la charité.

INNOCENT IV (1243-1254) suivit la même ligne de conduite à l'égard de l'Inquisition…
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(col. 882-883)

Procédures de l’Inquisition.

(suite)

INNOCENT IV (1243-1254) suivit la même ligne de conduite à l'égard de l'Inquisition. S'il veilla à la poursuite de l'hérésie, au point de permettre contre les prévenus l'emploi de la torture, et s'il promulgua contre elle plusieurs bulles fort sévères, il chercha aussi à réprimer tous les excès de rigueur. Il ordonna lui-même aux inquisiteurs du Languedoc de prononcer des remises et des commutations de peines, et même révoqua plusieurs de leurs sentences qu'il estimait trop rigoureuses.

Le 24 juin 1245 par exemple, il mandait aux inquisiteurs Guillaume Durand et Pierre Raymond, d'absoudre Guillaume Fort, bourgeois de Pamiers( DOAT, XXXI, 103); le 24 décembre, 1248, « il faisait mettre en liberté des hérétiques dont il estimait le châtiment suffisant; le 5 août 1249, il chargeait l'évêque d'Albi de réintégrer dans la communion de l'Eglise Jean Fenassa d'Albi et Arsinde sa femme, condamnés par l'inquisiteur Ferrier » (DOUAIS, Documents,I, p. XVI).

« Le 20 janvier 1245, il permit aux inquisiteurs de la province dominicaine de Provence, qui comprenait le comté de Toulouse dans ses limites, de commuer, du consentement des prélats, les pénitences infligées aux hérétiques. » (ibid. , XIX.)

Le 9 décembre 1247, il écrivait à l'archevêque d'Auch pour lui donner la faculté de commuer le port des croix ou la prison en la croisade ou voyage d'outre-mer (BERGER, Registres d'Innocent IV, n° 35087); et ce n'est pas le seul acte de ce genre que nous ont conservé ses Registres. Il veilla à ce que les prisonniers fussent traités avec humanité, et fit servir à leur entretien les biens qui leur avaient été confisqués (DOAT, XXXI, p. 71).

Il atténua la peine de la confiscation des biens en exceptant de cette mesure rigoureuse les dots des femmes des condamnés, et il ordonna aux archevêques de Bordeaux, de Narbonne et d'Arles, aux évêques de Toulouse, de Cahors, du Puy, de Mende, d'Albi et de Rodez, de faire rendre les dots qui auraient été ainsi confisquées (BERGER, Registres d'Innocent IV, nº 3422).

Il apporta aussi des adoucissements à la procédure inquisitoriale. Quand les noms des témoins devaient être cachés au prévenu, il voulut au moins qu'ils fussent communiqués aux personnes qui formaient le jury de l'inquisiteur, pour que les témoignages fussent rigoureusement examinés et appréciés par eux; c'est ce qu'il écrivit à l'Inquisition des comtés de Toulouse et de Poitiers, le 13 juillet 1254 (Layettes du Trésor des Chartes, III, n° 4112).

Après avoir cité tous ces actes, Mgr DOUAIS apprécie en termes très exacts les relations d'Innocent IV avec l'Inquisition et les hérétiques du midi de la France : « Surveiller l'hérésie, mettre à l'abri des poursuites ceux qui voulaient faire acte d'orthodoxie, contenir le zèle des inquisiteurs en précisant et réglant minutieusement la procédure, et par là même préparer la pacification du Languedoc, de la Garonne jusqu'au Rhône, telle fut la politique d'Innocent IV (Documents, p. XXII).

Nous retrouvons ce jugement sous la plume de M. Elie BERGER : « Surveiller l'hérésie, mais empêcher qu'elle servit de prétexte à des persécutions exagérées, rétablir enfin la tranquillité dans le midi de la France, en facilitant dans une certaine mesure le retour à ceux qui voulaient se réconcilier avec l'Eglise, telle paraît avoir été, en 1243, l'une des préoccupations d'Innocent IV. » (Registres d'Innocent IV, p. XLIX.)

Il n'agit pas autrement en Espagne; car le 25 mai 1248, il ordonnait à l'évêque de Lérida d'absoudre purement et simplement tous les hérétiques qui voudraient rentrer dans le giron de l'Eglise (Ibid., n° 3904).

Dans un passage de son livre, intitulé Mansuétude du Saint-Siège, LEA lui-même rend hommage à la modération de plusieurs papes…
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(col. 883-884)

Procédures de l’Inquisition.

(suite)

Dans un passage de son livre, intitulé Mansuétude du Saint-Siège, LEA lui-même rend hommage à la modération de plusieurs papes. Il cite la décision par laquelle, en février 1286, « HONORIUS IV relevait les habitants de la Toscane, individuellement et collectivement, des pénalités encourues pour hérésie, ainsi que de toutes les incapacités décrétées par les précédents pontifes et par Frédéric II ». Il faisait encore plus : il abrogeait, pour la Toscane, les terribles constitutions édictées par Frédéric II contre les hérétiques. « Il semble, ajoute LEA, que cet extraordinaire privilège ait été respecté pendant un certain temps. » (Histoire de l'Inquisition, II, p. 290.) « A côté de cette manifestation d'indulgence pontificale, notons que le Saint-Siège intervint à l'occasion, pour atténuer la sévérité des canons ou réprimer le zèle déplacé des inquisiteurs. » (Ibid., II, 291.)

Ces constatations feraient honneur à Lea et démontreraient sa propre loyauté, s'il ne les faisait suivre d'explications inspirées par l'animosité, attribuant, — sans en donner la moindre preuve, — la générosité d'Honorius IV à son peu de confiance dans les lois draconiennes, et celle des autres papes aux influences politiques et pécuniaires.

Il est intéressant de constater que l'un des papes qui réprimèrent le plus les excès de l'Inquisition fut celui dont on blâme davantage le caractère hautain et dur, BONIFACE VIII. Il ordonna la revision de plusieurs condamnations pour cause d'hérésie. Trois mois après son avènement, le 29 mars 1295, il confia celle du procès du franciscain Paganus de Pietrasanta aux provinciaux franciscain et dominicain de Lombardie et au prévôt de Saint-Ambroise de Milan (SBAHALEA, Bullarium franciscanum, IV, nº 7). Le 13 février 1297, il cassait une condamnation pour hérésie portée par l'Inquisition contre Raynier Gatti de Viterbe et ses deux fils, parce qu'elle avait été déterminée par un témoignage entaché de parjure (Registres de Boniface VIII, nº 1673). En 1298, il fit rendre aux enfants innocents d'un hérétique les biens confisqués par l'Inquisition ; enfin, il invita l'inquisiteur de la province de Rome, Adam de Come, à cesser de molester un citoyen d'Orvieto déjà absous par deux inquisiteurs et qu'il persistait à poursuivre (LEA, op. cit., II. 291).

En 1305, l'inquisiteur de Carcassonne souleva par ses rigueurs, l'opinion publique, et …
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(col. 884)

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En 1305, l'inquisiteur de Carcassonne souleva par ses rigueurs, l'opinion publique, et les habitants de Carcassonne, d'Albi et de Cordes adressèrent des réclamations au Saint-Siège. Elles furent accueillies avec bienveillance par le pape CLÉMENT V, qui en confia l'examen, le 13 mars 1306, à Pierre Taillefer de la Chapelle, cardinal prêtre de Saint-Vital, et à Bérenger Frédol, cardinal prêtre des Saints Nérée et Achillée, l'un et l'antre particulièrement aptes à cette mission, puisque le premier avait été évêque de Carcassonne, de 1291 à 1298, puis de Toulouse, de 1298 a 1303, et le second évêque de Béziers de 1294 à 1305. Ils devaient, en attendant la conclusion de leur enquête, suspendre toute poursuite contre les hérétiques et inspecter les prisons de l'Inquisition (DOUAIS, Documents, II, p. 306).

Ils se mirent aussitôt à l'œuvre, et dès les derniers jours d'avril, ils visitèrent les prisons de Carcassonne. Ils y trouvèrent quarante prisonniers dont ils admirent les griefs contre leurs geôliers. Des gardiens plus humains leur furent donnés ; on leur assigna des chambres meilleures et réparées à neuf, on leur permit de se promener per carrerias muri largi, enfin on recommanda formellement de leur donner tout ce qui leur était assigné par le roi ou envoyé pas leurs amis, leurs parents ou toute autre personne, pour leur entretien (Documents, II, pp. 322-327). La visite des prisons d'Albi eut lieu de la même manière, le 4 mai 1306; le cardinal de Taillefer fit enlever les chaînes des prisonniers, nomma de nouveaux gardiens et fit assainir les chambres, en y ménageant pour le jour et la lumière, de nouvelles ouvertures (Ibid., pp. 331-332).

L'Inquisition réussit à étouffer le Catharisme. Le nombre de ses adeptes poursuivis se ralentit considérablement dans le premier quart du XIVe siècle; après 1340, on ne rencontre guère que des cas isolés. M. SCHMIDT déclare que, au XIVe siècle, « la secte disparut sans laisser de traces dans nos provinces méridionales » (Histoire et doctrine des Cathares, I, p. 360).

Même constatation pour l'Espagne. « En 1292, écrit-il, on trouve les dernières traces de l'hérésie cathare en ces provinces, le roi Jacques II, les évêques assemblés à Tarragone et les inquisiteurs se réunirent pour les faire disparaître : depuis ce temps on n'en entend plus parler en Espagne. » (Ibid., p. 374.)

En Italie, l'Inquisition découvrit encore des Cathares jusqu'à la fin du XIVe siècle; ils s'étaient réfugiés dans les vallées reculées des Alpes et dans les massifs inextricables de la Corse ; dans cette île, « les réfugiés habitaient pour la plupart dans les forêts et les montagnes ; pour les réduire, on établit une ligne de forteresses ecclésiastiques sous la forme de résidences de franciscains » (LEA, op. cit., II, p. 374).

Ainsi refoulé, le catharisme ne constituait plus un danger ; il finit d'ailleurs par se confondre avec les hérésies des Vaudois et des fraticelli. Il ne persista que dans la péninsule des Balkans, où l'Inquisition fut faiblement organisée et ne fonctionna que d'une manière intermittente.

Col. 885 — Col. 890.: la BIBLIOGRAPHIE de l’article sur l’Inquisition du Moyen-Âge.

FIN.
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