Saint-Office et Inquisition.

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Louis Mc Duff
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Saint-Office

III. — L'INQUISITION ROMAINE (suite)

(col. 1126)

La mort de Paul IV, le 18 août 1559, amena à Rome une violente réaction contre son gouvernement et ses favoris. Le peuple de Rome mit en pièces la statue qui lui avait été érigée sur le Capitole, en jeta la tête dans le Tibre et se porta menaçant devant le couvent dominicain de la Minerve, principal siège de l'ordre qui fournissait à l'Inquisition ses plus actifs auxiliaires. Des manifestations semblables eurent lieu dans plusieurs villes de l'Etat pontifical, et l'un des suspects que Ghislieri surveillait, Carnesecchi, écrivait à la princesse Julie de Gonzague : « Votre Excellence aura entendu que la Sainte Inquisition a subi la même mort que celle qu'elle avait coutume d'infliger aux autres. » (PHILLIPSON, La Contre-Révolution religieuse au XVIe siè¬cle, p. 207).

Les cardinaux mirent en liberté Morone, pour qu'il pût prendre part avec eux au conclave, et le pape qu'ils choisirent, Pie IV (Médicis), avait fait une opposition discrète à l'ancien pontificat. Sa première mesure fut grave : il disgracia les trois neveux de son prédécesseur, fit exécuter deux d'entre eux, dont un cardinal, sur le pont du château Saint-Ange, et laissa le troisième mourir en prison.

Il arrêta au contraire le procès de Morone, auquel il rendit toutes ses dignités et toute son influence, et déclara que rien dans son passé ne légitimait le procès qui lui avait été fait mais, au contraire, qu'il avait toujours servi avec succès la cause catholique (PALLAVICINI, Istoria del concilio di Trento, XIV, 15-2).

Tandis que Morone devenait le conseiller écouté de Pie IV, son juge de la veille, le grand Inquisiteur Ghislieri, était éloigné de la Curie par sa nomination à l'évêché de Mondovi, en Piémont (1560).

L'opinion publique prêtait au nouveau pape l'intention de rendre la connaissance des causes d'hérésie aux évêques, et à Rome de limiter l'Inquisition aux questions concernant directement la foi, en lui enlevant toutes celles qui intéresseraient la morale ou la discipline ecclésiastique, telles que la sodomie, la simonie et le blasphème (PASTOR, op. cit., VII, p.506).

Mais cette réaction fut de courte durée…
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Louis Mc Duff
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III. — L'INQUISITION ROMAINE (suite)

(col. 1126-1127)

Mais cette réaction fut de courte durée.

Devant les progrès que faisait le protestantisme, surtout en France, même dans les rangs du haut clergé, Pie IV fut obligé de revenir aux mesures de défense qu'avaient édictées ses prédécesseurs et que venait d'approuver le Concile de Trente ; et de ces mesures, la plus énergique était l'établissement de l'Inquisition « romaine et universelle », doublée de l'Index.

C'est ce qui explique le retour à Rome du grand Inquisiteur Ghislieri, après sa réconciliation avec Morone, et la faveur que lui témoigna le neveu et secrétaire d'Etat de Pie IV, le saint cardinal Charles Borromée. Avec le retour du cardinal Ghislieri, l'Inquisition romaine reprit toute son activité. Elle fut confirmée dans toutes ses attributions par une nouvelle constitution apostolique promulguée par Pie IV, le 11 octobre 1562 (Bullarium Romanum, IV, p. 11, pp. 149-150).

Dans cette lettre adressée au cardinal Ghislieri, grand Inquisiteur (summo inquisitori), et aux autres membres de la Congrégation du Saint-Office (cardinalibus super Ofjicio Sanctæ Inquisitionis haereticae pravitatis in Alma Urbe et tota Christiana Republica deputatis), le pape racontait la création de cette institution par Paul III, son développement sous ses successeurs, et son ferme désir de l'accroître lui-même, pour lui faire rendre d'autant plus de services qu'elle procéderait plus directement de l'autorité apostolique.

Il donnait aux inquisiteurs le droit de poursuivre et de condamner non seulement à Rome et en Italie, mais dans le monde entier, en vertu d'une députation permanente du Saint-Siège, les luthériens, zwingliens, calvinistes, anabaptistes, sectateurs publics et cachés de toute hérésie, apostats déclarés et secrets ; la condamnation des évêques, archevêques, primats et cardinaux était réservée au Souverain Pontife.

Il leur laissait la nomination et faculté de révocation du procureur fiscal et de tous les officiers de leur tribunal, ainsi que le droit de requérir l'aide du bras séculier pour l'exécution de leurs sentences et le pouvoir d'absoudre les coupables repentants.

Ils pouvaient envoyer des commissaires dans toute la chrétienté en leur déléguant toute l'autorité qu'ils tenaient eux-mêmes du Saint-Siège.

Les dix cardinaux auxquels était adressée cette lettre et qui formaient la Congrégation de l'Inquisition étaient les cardinaux-évêques Carpi, Madruzzo et Truchsess et les cardinaux-prêtres Puteo, Scotti, Rebiba, Reumano, Ghislieri, Dolera et Savelli.

Ainsi réorganisée, l'Inquisition ne tarda pas à reprendre sous Pie IV l'activité qu'elle avait eue sous Paul IV….
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Louis Mc Duff
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III. — L'INQUISITION ROMAINE (suite)

(col. 1127-1128)

Ainsi réorganisée, l'Inquisition ne tarda pas à reprendre sous Pie IV l'activité qu'elle avait eue sous Paul IV. Au début de 1563, le pape lui-même attira son attention sur un certain nombre d'évêques et de dignitaires ecclésiastiques de France, qui inclinaient vers le calvinisme et pactisaient avec lui : Jean de Chaumont, archevêque d'Aix, qui devait plus tard se marier; Antoine Caracciolo, évêque de Troyes, qui allait indifféremment parler au prêche huguenot ou dans sa cathédrale; Jean de Montluc, frère du maréchal et évêque de Valence, qui, au colloque de Poissy, s'était vanté, avec le cardinal de Châtillon, frère de Coligny, de célébrer la Cène « à la mode de Genève »; l'évêque de Chartres, Guillart, et Louis d'Albret, évêque de Lescar, qui faisaient prêcher dans leurs cathédrales des moines apostats; enfin François de Nouilles, évêque de Dax, Régin, évêque d'Oloron et Jean de Saint-Gelais, évêque d'Uzès.

Au nom de la Sainte Inquisition romaine et universelle, Ghislieri somma ces huit évêques de se « disculper » dans les six mois, près le Saint-Office, du soupçon d'hérésie, sous menace d'excommunication, de suspense et de privation de tout bénéfice : ce qui amena un conflit de l'Inquisition non seulement avec eux, mais aussi avec Catherine de Médicis, régente de France pendant la minorité de Charles IX.

La reine déclara ne pas reconnaître la juridiction de l'Inquisition, contraire « aux franchises et libertés de l'Eglise gallicane ». Ghislieri n'en poursuivit pas moins l'instruction, et le 22 octobre 1563, il demanda au pape en consistoire de prononcer la déposition de Caracciolo, d'Albret et de Montluc, convaincus d'hérésie, et la suspense de trois autres évêques tant qu'ils n'auraient pas prouvé leur repentir (DEGERT, Procès de huit évêques français).

Le gouvernement français ayant de nouveau protesté, l'affaire fut arrêtée jusqu'à la mort de Pie IV, qui se produisit le 9 décembre 1565. Un mois après, le 11 janvier 1566, c'était le grand Inquisiteur lui-même qui succédait à Pie IV sous le nom de Pie V. Il remit en vigueur tous les procès inquisitoriaux engagés par lui-même sous son prédécesseur ; c'est ainsi que le 11 décembre 1566 il promulgua la sentence qui avait été portée par Pie IV contre les évêques français convaincus d'hérésie calviniste. Deux d'entre eux ne figuraient pas sur la nouvelle sentence, Noailles, évêque de Dax, qui dut sans doute son pardon à sa qualité d'ambassadeur de Charles IX auprès du pape, et Caracciolo qui, sans attendre la condamnation définitive, avait abandonné son évêché (ROSEROT DU MELIN, Antonio Caracciolo, p. 353).

Avec Pie V, c'était en quelque sorte l'Inquisition elle-même qui montait sur la chaire de Saint-Pierre…
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Louis Mc Duff
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(col. 1128)

Avec Pie V, c'était en quelque sorte l'Inquisition elle-même qui montait sur la chaire de Saint-Pierre. Le nouveau pape, se considérant toujours comme son chef immédiat, travailla personnellement à son organisation définitive et accentua son activité. Dès son avènement, il lui construisit le palais qu'elle occupe encore de nos jours à côté de Saint-Pierre du Vatican, et l'inscription qu'il fit graver sur sa façade (1569) était tout un programme: Pius V. P. M. Congregationis S. Inquisitionis domum hanc qua hæreticæ pravitatis sectatores cautius coercerentur a fundamentis in augmentum catholicæ religionis erexit.

Tandis que les murs de ce tribunal s'élevaient rapidement, le pape armait les juges de nouveaux pouvoirs. Dans un motu proprio du 21 décembre 1566, il rappelait qu'ayant lui-même exercé longtemps les fonctions de grand Inquisiteur, il connaissait les obstacles qui empêchaient une prompte et efficace répression de l'hérésie, et il se déclarait fermement décidé à les supprimer.

En conséquence, après avoir confirmé la constitution de Paul IV, il révoquait toute mesure contraire à la juridiction et à la procédure inquisitoriale et donnait au Saint-Office romain et universel le soin de réviser lui-même toutes les causes d'hérésie et toutes les sentences prononcées à leur occasion, fussent-elles déjà approuvées par le Saint-Siège.

Le 1er avril 1569, il publia une nouvelle constitution qui frappait des peines les plus sévères quiconque mettrait obstacle à l'action des inquisiteurs, pillerait leurs biens et enfoncerait les portes de leurs prisons; il déclarait hérétiques tous ceux qui intercéderaient pour les coupables de pareils délits (Bullarium Romanum, VII, p. 6o).

Pie V était persuadé que l'Eglise ne pouvait vaincre l'hérésie menaçante, que par une répression énergique et rapide : « Plus vous usez de douceur envers elle, écrivait-il, le 27 juin 1566, à Catherine de Médicis, et plus son audace s'accroît. » …
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Louis Mc Duff
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(col. 1128-1129)

Pie V était persuadé que l'Eglise ne pouvait vaincre l'hérésie menaçante, que par une répression énergique et rapide : « Plus vous usez de douceur envers elle, écrivait-il, le 27 juin 1566, à Catherine de Médicis, et plus son audace s'accroît. »

Aussi, sous son pontificat, les procès se multiplièrent-ils, et avec eux les autodafés, promulguant avec la plus grande solennité des peines variées.

Le premier de ce pontificat eut lien le 23 juin 1556 à Sainte-Marie de la Minerve à Rome, en présence de 24 cardinaux et d'une foule considérable. Sur 14 accusés, sept furent condamnés à la fustigation et aux galères pour faux serments ; quatre hérétiques eurent le même sort, et furent promenés de la Minerve au Capitole, portant des croix rouges sur leurs habits; un seul fut condamné à mort, décapité, puis brûlé parce que, plusieurs fois relaps, il s'était fait circoncire pour épouser une juive, étant déjà marié; son hérésie se compliquait de bigamie (PASTOR, Geschichte der Paepste, VIII, p, 634).

Des autodafés semblables se succédèrent deux ou trois fois par an. Rares furent les peines capitales, et encore faut-il remarquer que ceux qui y furent condamnée ne furent brûlés qu'après la décapitation. Le plus souvent, les inquisiteurs prononçaient, pour des temps variés, les peines de l'incarcération ou des galères.

Les condamnés appartenaient à toutes les catégories, plusieurs à l'Eglise; ces derniers étaient punis le plus sévèrement. Parmi eux, signalons l'ancien secrétaire de Clément VII, Pierre Carnesecchi, que, n'étant encore que commissaire général du Saint-Office, Pie V avait déjà poursuivi pour hérésie une quinzaine d'années auparavant. Convaincu d'avoir plusieurs fois renié sa religion, il fut décapité, n'ayant pas voulu par des aveux obtenir une grâce que sollicitaient pour lui Catherine de Médicis et le duc de Toscane et qui aurait été accordée. (Journal de Cornelio de Fermo, cité par PASTOR, VIII, p. 636).

Ajoutons que, parmi les condamnés, figurèrent parfois des auteurs de dénonciations calomnieuses contre des accusés qui furent acquittés. Il est enfin à remarquer que les condamnés, qui furent au nombre de deux cents environ dans ces autodafés de Pie V, n'étaient pas tous romains ; ils venaient des diverses régions de l'Etat pontifical et même de pays étrangers : un de Naples, le 22 juin 1567, 5 de Bologne et un maître d'école de Modène, le 21 septembre suivant, 9 de San Genesio dans la Marche d'Ancône, le 9 mai 1568. Enfin plusieurs étaient frappés pour des crimes de droit commun, comme les quatre faux témoins « qui deposuerunt falsum contra inquisitos » et furent pour cela envoyés, le 30 novembre 1568, aux galères, ou comme celui qui fut pendu, sur le pont Saint-Ange «propter sodomiam. » (Journal de Cornelio de Fermo).

La ville de l'Etat pontifical qui fournit peut-être le plus d'accusés au Saint-Office fut Faenza; l'hérésie y avait pénétré grâce aux prédications d'un servite et de l'évêque, qui fut poursuivi pour sa négligence. Pie V voulut couper court à ses progrès; il envoya dans les diocèses de Faenza, Ravenne, Imola, Forli, Cervia, Césène, Bertinoro et Sarsina un haut commissaire de l'Inquisition, Angelo Gazini de Lugo, qui se montra fort actif et reçut en récompense, le 20 novembre 1570, l'évêché de Polignano dans les Pouilles (PASTOR, op. cit., VI11, p. 228).

Pie V activa l'Inquisition dans les autres Etats italiens : à Venise, à Gênes, à Milan, à Mantoue, à Lucques. Malgré les relations fort importantes que Gènes entretenait avec les Suisses protestants, il se fit livrer par cette république l'un des propagateurs les plus dangereux du protestantisme dans l'Italie du Nord, Bartoccio, qui fut jugé et condamné à Rome par le Saint-Office. Sous l'impulsion du cardinal Facchinetti (plus tard Innocent IX), 82 procès inquisitoriaux furent engagés à Venise, pendant les six ans du pontificat de Pie V, tandis qu'il n'y en avait eu que 41 sous Pie IV (Ibid., p. 230).

En même temps qu'il réprimait ainsi l'hérésie, Pie V faisait la chasse aux livres qui la propageaient et pour cela, il organisait la Congrégation de l'Index.

Vous renverrons pour cette question à l'article INDEX, que l'on complétera par l'article CURIE ROMAINE, 872 à 863, pour la législation du Saint-Office.

Voir d'ailleurs les articles BRUNO (GIORDANO), GALILÉE, QUIÉTISME, SAVONAROLE..., pour divers épisodes particuliers.

Jean GUIRAUD.

A SUIVRE: INQUISITION AU MOYEN-ÂGE.
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