III. — L'INQUISITION ROMAINE (suite)
(col. 1128-1129)
Pie V était persuadé que l'Eglise ne pouvait vaincre l'hérésie menaçante, que par une répression énergique et rapide : « Plus vous usez de douceur envers elle, écrivait-il, le 27 juin 1566, à Catherine de Médicis, et plus son audace s'accroît. »
Aussi, sous son pontificat, les procès se multiplièrent-ils, et avec eux les autodafés, promulguant avec la plus grande solennité des peines variées.
Le premier de ce pontificat eut lien le 23 juin 1556 à Sainte-Marie de la Minerve à Rome, en présence de 24 cardinaux et d'une foule considérable. Sur 14 accusés, sept furent condamnés à la fustigation et aux galères pour faux serments ; quatre hérétiques eurent le même sort, et furent promenés de la Minerve au Capitole, portant des croix rouges sur leurs habits; un seul fut condamné à mort, décapité, puis brûlé parce que, plusieurs fois relaps, il s'était fait circoncire pour épouser une juive, étant déjà marié; son hérésie se compliquait de bigamie (P
ASTOR,
Geschichte der Paepste, VIII, p, 634).
Des autodafés semblables se succédèrent deux ou trois fois par an. Rares furent les peines capitales, et encore faut-il remarquer que ceux qui y furent condamnée ne furent brûlés qu'après la décapitation. Le plus souvent, les inquisiteurs prononçaient, pour des temps variés, les peines de l'incarcération ou des galères.
Les condamnés appartenaient à toutes les catégories, plusieurs à l'Eglise; ces derniers étaient punis le plus sévèrement. Parmi eux, signalons l'ancien secrétaire de Clément VII, Pierre Carnesecchi, que, n'étant encore que commissaire général du Saint-Office, Pie V avait déjà poursuivi pour hérésie une quinzaine d'années auparavant. Convaincu d'avoir plusieurs fois renié sa religion, il fut décapité, n'ayant pas voulu par des aveux obtenir une grâce que sollicitaient pour lui Catherine de Médicis et le duc de Toscane et qui aurait été accordée. (
Journal de Cornelio de Fermo, cité par P
ASTOR, VIII, p. 636).
Ajoutons que, parmi les condamnés, figurèrent parfois des auteurs de dénonciations calomnieuses contre des accusés qui furent acquittés. Il est enfin à remarquer que les condamnés, qui furent au nombre de deux cents environ dans ces autodafés de Pie V, n'étaient pas tous romains ; ils venaient des diverses régions de l'Etat pontifical et même de pays étrangers : un de Naples, le 22 juin 1567, 5 de Bologne et un maître d'école de Modène, le 21 septembre suivant, 9 de San Genesio dans la Marche d'Ancône, le 9 mai 1568. Enfin plusieurs étaient frappés pour des crimes de droit commun, comme les quatre faux témoins «
qui deposuerunt falsum contra inquisitos » et furent pour cela envoyés, le 30 novembre 1568, aux galères, ou comme celui qui fut pendu, sur le pont Saint-Ange «
propter sodomiam. » (
Journal de Cornelio de Fermo).
La ville de l'Etat pontifical qui fournit peut-être le plus d'accusés au Saint-Office fut Faenza; l'hérésie y avait pénétré grâce aux prédications d'un servite et de l'évêque, qui fut poursuivi pour sa négligence. Pie V voulut couper court à ses progrès; il envoya dans les diocèses de Faenza, Ravenne, Imola, Forli, Cervia, Césène, Bertinoro et Sarsina un haut commissaire de l'Inquisition, Angelo Gazini de Lugo, qui se montra fort actif et reçut en récompense, le 20 novembre 1570, l'évêché de Polignano dans les Pouilles (P
ASTOR,
op. cit., VI11, p. 228).
Pie V activa l'Inquisition dans les autres Etats italiens : à Venise, à Gênes, à Milan, à Mantoue, à Lucques. Malgré les relations fort importantes que Gènes entretenait avec les Suisses protestants, il se fit livrer par cette république l'un des propagateurs les plus dangereux du protestantisme dans l'Italie du Nord, Bartoccio, qui fut jugé et condamné à Rome par le Saint-Office. Sous l'impulsion du cardinal Facchinetti (plus tard Innocent IX), 82 procès inquisitoriaux furent engagés à Venise, pendant les six ans du pontificat de Pie V, tandis qu'il n'y en avait eu que 41 sous Pie IV (
Ibid., p. 230).
En même temps qu'il réprimait ainsi l'hérésie, Pie V faisait la chasse aux livres qui la propageaient et pour cela, il organisait la Congrégation de l'Index.
Vous renverrons pour cette question à l'article I
NDEX,
que l'on complétera par l'article C
URIE ROMAINE,
872 à 863, pour la législation du Saint-Office.
Voir d'ailleurs les articles B
RUNO (G
IORDANO), G
ALILÉE, Q
UIÉTISME, S
AVONAROLE...,
pour divers épisodes particuliers.
Jean G
UIRAUD.
A SUIVRE:
INQUISITION AU MOYEN-ÂGE.