Saint-Office
(col. 1091-1092)
§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole. — Dans son Histoire de l'Inquisition, LLORENTE cite cette inscription gravée en latin sur le château de Triana a Séville. « le Saint-Office de l'Inquisition, établi contre l'erreur hérétique dans les royaumes d'Espagne, a commencé à Séville, l'an 1481, Sixte IV siégeant sur la chaire apostolique et l'accordant, et sous le règne de Ferdinand V et d'Isabelle qui en ont demandé la concession. Le premier inquisiteur général a été le Frère Thomas de Torquemada, prieur du couvent de Sainte-Croix de Ségovie, de l'ordre des FF. Prêcheurs. Dieu veuille, pour la propagation et le maintien de la foi, qu'il dure jusqu'il la fin des siècles !... Levez-vous, Seigneur, soyez juge dans votre cause. Prenez pour nous les renards ! Capite nobis vulpes.» (t. I, p. 151).Prise à la lettre, cette inscription est inexacte ; deux siècles et demi avant la date qu'elle donne, l'Inquisition avait été déjà établie en Espagne, et si elle était tombée en désuétude, elle n'était pas abolie; la preuve en est que des inquisiteurs étaient institués en Castille et en Aragon lorsque les « rois catholiques » en nommèrent de nouveaux, ce qui amena des conflits de juridiction entre les anciens et les nouveaux. Ce fut donc une remise en activité de l'Inquisition, plutôt qu'une création de toutes pièces, qui donna naissance au Saint-Office espagnol Mais il se présentait sous un aspect un peu nouveau : il était dirigé moins contre les hérétiques et les infidèles que contre les faux catholiques; et il avait un caractère plus national et plus étatiste que l'Inquisition médiévale, d'essence plus catholique et plus romaine.
Ce fut le roi Ferdinand d'Aragon qui en prit l'initiative ; plus douce de caractère, sa femme Isabelle, reine de Castille, hésita quelque temps à le suivre ; mais elle finit par s'unir à ses démarches. Sollicité par l'un et l'autre, le pape Sixte IV leur envoya le bref du 1er novembre 1478, par lequel « il donnait pleins pouvoirs à Ferdinand et à Isabelle de nommer deux ou trois inquisiteurs, archevêques, évêques ou autres dignitaires ecclésiastiques, recommandables par leur prudence et leurs vertus, prêtres séculiers ou réguliers, âgés d'au moins quarante ans, et de mœurs irréprochables, maîtres ou bacheliers en théologie, docteurs ou licenciés en droit canon, et ayant subi d'une manière satisfaisante un examen spécial. Ces inquisiteurs étaient chargés de procéder contre les Juifs baptisés relaps et contre tous autres coupables d'apostasie. Le pape leur déléguait la juridiction nécessaire pour instruire les procès des inculpés, conformément au droit et à la coutume, et autorisait les souverains espagnols à les destituer et en nommer d'autres à leur place. » (PASTOR, Histoire des Papes, t. II, p. 370; LLORENTE , Histoire de l'Inquisition, t. IV, p. 410).
Munis de cette arme, les souverains espagnols ne s'en servirent pas tout de suite. Pour éclairer les Juifs nouvellement convertis, Isabelle demanda au Cardinal Mendoza, archevêque de Séville, de faire rédiger un catéchisme à leur usage. Sa publication provoqua la rédaction d'un violent pamphlet contre le gouvernement d'Isabelle et la religion catholique; il était écrit par un Juif; d'autre part, les souverains catholiques firent voter, au commencement de 1480, par les Cortès réunies à Tolède, une série de mesures destinées à contenir les Juifs en les distinguant soigneusement des chrétiens.
Ce fut seulement le 17 septembre suivant, près de deux ans après l'expédition du bref de Sixte IV, qu'ils nommèrent les premiers inquisiteurs prévus par ce bref, avec résidence à Séville…