Saint-Office
I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION au XIVe et au XVe siècle
(SUITE)
(col. 1081-1082)
On le vit bien en 1322, lorsque comparut devant l'Inquisition de Toulouse Amiel de Lautrec, abbé de Saint-Sernin. Il fut traduit devant elle par le viguier royal ; acquitté par elle, il fut traîné en appel par le procureur du roi, non pas devant le pape chef immédiat de l'Inquisition, mais devant la Cour royale la plus haute, le Parlement de Paris (DOM VAISSÈTE,
Histoire du Languedoc, t. IV, Preuves, col. 21-22).
En 1318, Henri de Chamay s'intitulait lui-même
inquisiteur délégué pur le roi (et non par le pape) à Toulouse. Lorsque, l'année suivante, Guillaume de Villars, commissaire du roi, s'empara des registres de l'Inquisition, le chef de cette dernière protesta, non auprès de la Curie, mais auprès du Parlement, que par cette démarche il semblait considérer comme la juridiction d'appel de son propre tribunal (LEA,
Histoire de l'Inquisition, trad. Reinach, t. II, pp. 154 et suiv.).
La diminution de puissance que subit la papauté pendant son séjour à Avignon et surtout pendant le grand schisme, accentua l'asservissement de l'Inquisition à la monarchie des Valois. En conflit avec l'archevêque de Toulouse, en 1364, l'inquisiteur de cette ville soumit le différend au roi et non au pape (DOM VAISSÈTE,
Histoire du Languedoc, t. IV, preuve 30). En 1285, à Reims, l'archevêque et les magistrats municipaux, se disputant la connaissance du crime d'hérésie, finirent par signer entre eux une transaction, sans même penser qu'il existait à côté d'eux, dans leur ville, pour réprimer le blasphème et l'hérésie, un Saint-Office (
Archives administratives de la ville de Reims, t. III, 637-645).
Pendant le grand schisme, l'Université de Paris finit par supplanter complètement le Saint-Office dans l'examen des doctrines et la connaissance des crimes d'hérésie. Aussi l'Inquisition n'avait-elle que la vie que lui donnait le gouvernement royal ou le parti au pouvoir, lorsque, pour mieux perdre un ennemi, il estimait opportun de le faire tomber sous une condamnation pour hérésie et par conséquent sous une sentence du Saint-Office. C'est ce que l'on vit lorsque fut poursuivi l'ancien prévôt de Paris, Hugues Aubriot.
Le 21 janvier 1381, Aymeric de Magnac, évêque de Paris, Pierre Godefroy, official de la curie épiscopale, et le dominicain Jacques de Morey, inquisiteur de France, le citèrent devant le tribunal de l'Inquisition sous l'inculpation « d'hérésie, de bougrerie, d'être sodomite et faux chrétien ». (
Chronique des quatre premiers Valois,p. 294). Après avoir essayé de résister, en s'appuyant sur la Cour, Aubriot se constitua prisonnier, le 1er février suivant. L'accusation fut soutenue avec acharnement par les délégués de l'Université de Paris, tandis que le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, oncle du roi, plusieurs nobles de Bourgogne et le premier président du Parlement, Philibert Paillart, le défendaient.
Finalement, le vendredi 17 mai 1381, devant le grand portail de Notre-Dame, sur un échafaud, Aubriot dut faire amende honorable en présence de 40.000 personnes parmi lesquelles étaient de nombreux étudiants ; puis il fut condamné à la prison perpétuelle par l'Inquisiteur et ramené dans les cachots de l'évêché (
Ibidem, p. 295). Au mois de mars suivant, l'insurrection des Maillotins le délivra et il s'enfuit auprès du pape d'Avignon, Clément VII, qui cassa la sentence de l'Inquisiteur et laissa Aubriot en liberté.
Tant par les crimes visés que par la qualité des juges, cette cause semble intéresser la foi et les mœurs; en réalité…