Extraits de "La Cité Mystique de Dieu"

chartreux
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II.§1058 a écrit :
Les miracles et les oeuvres de notre Seigneur Jésus-Christ étaient si surprenants, si inouïs, qu'il n'était pas possible qu'il n'en rejaillit une grande gloire sur sa très-pure Mére ; en effet, non-seulement elle était connue des disciples et des apôtres, mais les nouveaux fidèles allaient presque tous vers elle pour la consulter, la reconnaissaient pour mère du véritable Messie, et la félicitaient des prodiges que son très-saint Fils faisait. Tout cela servait de nouvelle épreuve à son humilité, car elle s'abîmait dans le néant, et se méprisait elle-même au delà de toutes nos imaginations. Elle ne laissait pourtant pas s'abattre son coeur dans ce mépris d'elle-même
(...)
Par le commerce secret que son âme virginale entretenait avec celle du Sauveur, elle l'engageait à détourner la gloire que les auditeurs de sa divine parole lui attribuaient à elle, comme il arriva en quelques occasions que l'on remarque dans les Évangiles. L'une quand il chassa du corps d'un homme un démon qui était muet ; et comme les Juifs attribuaient ce miracle à Béelzébub, prince des démons, le Seigneur suscita cette femme fidèle qui, élevant la voix, lui dit : " Bienheureux est le ventre qui vous a porté, et bienheureuses sont les mamelles qui vous ont allaité "(Luc. 11:27). La très-humble et très-prudente Mère, entendant ces paroles, pria intérieurement notre Rédempteur d'empêcher que cette louange ne s'applique à elle ; et il exauça sa prière, mais en enchérissant sur tous les éloges en des termes encore mystérieux. Car le Seigneur dit, pour répondre à cette femme : "Plutôt bienheureux sont ceux qui écoulent la parole de Dieu et qui la gardent" (Ibid., 28). Par cette réponse il détourna l'honneur qu'on donnait à l'auguste Marie en qualité de Mère, et le lui décerna lui-même en qualité de sainte, tout en enseignant à ceux qui l'écoutaient l'essentiel de la vertu commune à tous, en laquelle sa mère se distinguait d'une manière si admirable, quoiqu'ils ne comprissent pas alors son langage.
chartreux
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II.§1059 a écrit :
L'autre occasion nous est signalée par saint Luc, lorsqu'il raconte que l'on dit à notre Sauveur, occupé à prêcher, que sa mère et ses fréres désiraient le voir, sans pouvoir l'aborder à cause de la multitude des gens qui l'environnaient. Et la très-prudente Vierge, craignant de recevoir quelques louanges de ceux qui la connaissaient pour mère du Sauveur ; pria cet adorable Seigneur de ne point le permettre, comme il le fit en répondant : "Ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui l'accomplissent, qui sont ma mère et mes fréres " (Luc 8:21). Dans cette réponse, le Seigneur n'avait pas intention d'exclure sa mère de l'honneur qu'elle méritait par sa sainteté : au contraire, il entendait la distinguer plus que personne. Mais il s'exprima de façon à ce qu'elle ne fut point louée de ceux qui se trouvaient présents à sa prédication, et que par là même fut satisfait le désir qu'elle avait que le Seigneur seul fut connu et loué pour ses oeuvres. On doit remarquer ici que je rapporte ces deux cas comme diffèrents, parce que j'ai appris qu'ils n'arrivèrent pas en un même lieu ni en une même circonstance, ainsi qu'on le peut voir par ce que saint Luc en dit dans les chapitres huitième et onzième. Et, comme saint Matthieu rapporte au chapitre douzième (Matth. 12:45-46) le même miracle de la guérison du possédé muet, et qu'il ajoute aussitôt que l'on avertit le Seigneur que sa mère et ses frères étaient dehors qui le demandaient, et les autres détails qui suivent, quelques interprétes sacrés en ont conclu que tout ce qui précéde était arrivé dans une seule et même occasion. Mais lorsque, par ordre de mes supérieurs, je demandai de nouvelles explications, il me fut déclaré que les deux faits rapportés par saint Luc ne sont point identiques et arrivèrent en deux circonstances diffèrentes ; c'est, du reste, ce que l'on peut inférer du surplus que contiennent les deux chapitres du même évangéliste avant les paroles que j'ai citées ; car après le miracle dont fut l'objet celui qui était possédé du démon, saint Luc fait mention de cette femme qui dit "Beatus venter", etc. Et il raconte l'autre fait au chapitre huitième, après que le Seigneur eut prêché la parabole du semeur, et il est certain que l'un et l'autre eurent lieu immédiatement à la suite de ce qui précéde dans son récit.
II.§1060 a écrit :
Pour mieux comprendre que les évangélistes ne se contredisent point, et la raison pour laquelle notre grande Reine alla chercher son très-saint Fils dans les occasions qu'ils indiquent, il faut savoir que la divine mère se rendait ordinairement aux endroits où prêchait notre Sauveur et Maître Jésus-Christ pour deux fins : l'une, pour entendre sa doctrine céleste, comme je l'ai dit ailleurs ; l'autre, parce qu'elle voulait lui demander diverses faveurs pour son prochain, comme la conversion de quelques âmes, la guérison des malades, quelques secours pour les nécessiteux : car cette très-miséricordieuse Dame se chargeait de veiller et de pourvoir à ces choses-là, ainsi qu'elle le prouva aux noces de Cana. Elle allait pour ces fins, et pour plusieurs autres également saintes et charitables, chercher le Sauveur, soit quand les saints anges l'avertissaient, soit lorsqu'elle y était portée par la lumière intérieure ; ce fut la raison pour laquelle elle l'alla trouver dans les occasions que les évangélistes marquent. Et comme cela arriva non pas une seule, mais maintes fois, et que le nombre des personnes qui assistaient à la prédication du Sauveur était considérable, on eut soin, dans les deux occasions dont les évangélistes font mention et en bien d'autres qu'ils n'ont pas signalées, de l'avertir que sa mère et ses frères le demandaient, et alors il répondit ce que disent saint Matthieu et saint Luc. On ne doit pas être surpris que le Seigneur ait répété les mêmes choses en des lieux différents, comme cette sentence : "Quiconque s'éléve sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé" ; qu'il dit une fois dans la parabole du publicain et du pharisien, et une autre fois dans celle de ceux qui sont invités à des noces, ainsi que le racontent saint Luc (Luc 14:11 et 18:14) aux chapitres quatorzième et dix-huitième, et saint Matthieu dans une autre circonstance (Matth. 23:12).
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II.§1061 a écrit :
Il faut remarquer qu'on ne trouve point dans les Évangiles que le Seigneur ait donné aux apôtres aucune instruction sur l'humilité ; avant qu'ils allassent prêcher, parce que notre Maîtresse le fit. Néanmoins, quand les disciples revinrent avec joie, disant au divin Sauveur qu'ils avaient en son nom assujetti les démons (Luc 10:17), alors il leur rappela qu'il leur avait donné ce pouvoir, et qu'ils ne devaient point se réjouir de ces merveilles, mais de ce que leurs noms étaient écrits dans le ciel (Ibid. 20). On peut voir par là combien notre humilité est faible, puisque les disciples du Seigneur eux-mêmes ont eu besoin de tant d'avis et de tant de préservatifs pour la conserver.
II.§1066 a écrit :
Son baptême n'était pas néanmoins, le même que celui de Jésus-Christ, parce que le saint Précurseur ne baptisait que du baptême d'eau et de celui de pénitence ; mais notre Sauveur donnait son propre baptême, qui opérait la justification et le pardon efficace des péchés qu'opère aujourd'hui le même baptême, en infusant dans les âmes la grâce et les vertus. Outre cette efficace secrète et les effets de ce sacrement, le Seigneur y ajoutait l'efficace de ses paroles et de sa doctrine, et la grandeur de ses miracles, qui confirmaient son baptême. C'est pour cela que sa Majesté faisait plus de disciples que Jean, s'accomplissant alors ce que le saint lui-même avait annoncé, qu'il fallait qu'il se rapetissât et que le Seigneur grandit.
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II.§1069 a écrit :
Mais, comme le Seigneur vivait parmi les hommes d'une manière plus commune, Lucifer s'attachait autant que possible à découvrir ce qu'était saint Jean. Et dans ce désir il porta les Juifs et les pharisiens de Jérusalem à envoyer au saint des prêtres et des lévites pour savoir de lui qui il était (Joan. 1:19), s'il était le Christ, comme ils le croyaient par l'inspiration de l'ennemi. Et il fallait que cette impulsion fut bien forte, puisqu'ils pouvaient observer que saint Jean Baptiste appartenant, comme il était notoire, à la tribu de Lévi, ne pouvait pas être le Messie, car il devait être, selon les Écritures (Ps. 131:14), de celle de Juda ; et ces pharisiens étaient savants en la loi et n'ignoraient point ces vérités. Mais le démon les troubla
II.§1070 a écrit :
Mais le saint Précurseur répondit avec une sagesse admirable, confessant la vérité d'une telle manière, que l'ennemi en fut plus abattu et plus confus qu'auparavant. Il répondit qu'il n'était pas le Christ. On lui demanda ensuite s'il était Élie, car les Juifs étaient si grossiers, qu'ils ne savaient pas discerner le premier avénement du Messie d'avec le second ; et comme ils trouvaient dans les Écritures qu'Élie devait venir auparavant, ils lui demandèrent s'il était Élie. Il répondit qu'il ne l'était point, mais qu'il était la voix qui, comme Isaïe l'avait prédit, criait dans le désert : "Aplanissez le chemin du Seigneur" (Joan. 1:20-21 ; Isa. 40:3). Les personnes qu'on lui envoya firent toutes ces demandes à la suggestion de l'ennemi, parce qu'il croyait que si saint Jean était juste il dirait la vérité, et que s'il n'était pas le Messie, il découvrirait clairement qui il était. Mais quand il entendit qu'il était la voix, il en fut fort troublé, ne sachant pas si le saint voulait dire par là qu'il était le Verbe éternel. Le doute de Lucifer s'accrut, lorsqu'il eut réfléchi que saint Jean n'avait pas voulu découvrir aux Juifs d'une manière claire qui il était. Il s'imagina qu'il avait voulu éluder cette déclaration en disant qu'il était la voix ; car s'il eut dit qu'il était la parole de Dieu, il eut par là même déclaré qu'il était le Verbe. Ainsi cet esprit de confusion crut que, pour le cacher, le saint Précurseur n'avait pas dit qu'il était la parole, mais la voix. Toutes ces méprises font voir le grand aveuglement de Lucifer dans le mystère de l'incarnation. Et au moment où il regardait les Juifs comme abusés et séduits, il l'était lui-même, beaucoup plus, nonobstant toute sa perverse théologie.
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II.§1071 a écrit :
Et l'impudique Hérodiade ayant introduit sa fille dans cette assemblée afin qu'elle y dansât, celle-ci sut tellement charmer le roi adultère, qu'il lui dit de demander tout ce qu'elle voudrait, et jura de le lui accorder, quand ce serait même la moitié de son royaume. Alors, à l'instigation de sa Mère, remplie comme sa fille de la malice du serpent, elle demanda une chose bien plus précieuse que ce royaume et que plusieurs autres : ce fut la tête de Jean-Baptiste qu'elle exigeait qu'on lui apportât à l'instant même dans un bassin, et le roi ordonna qu'on lui obéit à cause de son serment, et pour s'être assujetti à une femme impudique qui s'était rendue maîtresse de toutes ses actions. Un homme rougirait d'être appelé femme, et regarderait ce nom comme un sanglant affront, parce qu'il le priverait du pouvoir et de la noblesse que renferme la qualité d'homme : mais c'est bien un plus grand déshonneur d'être moins qu'une femme, et de se conduire selon ses caprices ; car celui qui obéit est inférieur à celui qui lui commande. Cependant il y en a beaucoup qui se dégradent à ce point, sans comprendre que leur avilissement est d'autant plus honteux qu'une femme corrompue est un être plus abject et plus odieux : en effet, quand la femme a perdu cette vertu de la pudeur, il ne lui reste rien qui ne soit fort méprisable devant Dieu et devant les hommes.
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II.§1087 a écrit :
Mais, comme Judas n'était pas fort aidé de ses inclinations naturelles, et que l'on remarquait chez les disciples et les apôtres certains défauts habituels à des hommes qui n'étaient pas absolument affermis en la perfection ni encore confirmés dans la grâce, cet imprudent disciple commença à se considérer avec quelque complaisance et à se troubler des fautes de ses fréres, auxquelles il s'arrêtait plus qu'aux siennes propres (Luc. 6:41). Dés qu'il se fut une fois livré sans défiance à cette funeste illusion, sans chercher à en prévenir les suites, la poutre grossit d'autant plus dans ses propres yeux, qu'il examinait avec une présomption plus indiscrète les moindres fétus de paille dans ceux de son prochain ; il murmurait des plus petites fautes de ses frères, et prétendait les corriger avec plus d'orgueil que de zèle, pendant qu'il en commettait lui-même de beaucoup plus grandes. Se trouvant parmi les autres apôtres, il représenta saint Jean comme voulant faire l'intrigant auprés de leur divin Maître et de sa bienheureuse Mère, ne comptant pour rien tant de faveurs qu'il recevait de l'un et de l'autre. Néanmoins les désordres de Judas n'étaient jusque-là que des péchés véniels qui ne lui firent point perdre la grâce justifiante. Mais ils étaient aggravés par de très-mauvaises circonstances, et d'ailleurs très-volontaires, car il donna une entrée tout à fait libre au premier, qui fut une vaine complaisance ; celui-ci appela incontinent le second, qui fut une espèce d'envie, et de là s'ensuivit le troisième, qui fut de blâmer intérieurement ses frères, et de juger avec peu de charité leurs actions. Ces péchés ouvrirent la porte à d'autres plus grands, car il laissa aussitôt s'attiédir dans son coeur la ferveur de la dévotion, puis se refroidir la charité envers Dieu et envers son prochain ; alors le jour commença à baisser et la lumière intérieure s'éteignit en lui, de sorte qu'il regardait déjà les apôtres et même l'auguste Marie avec une espèce de répugnance, s'ennuyant dans leur conversation, et trouvant à redire à leurs actions les plus saintes.

II.§1092 a écrit :
Mais de peur que le Seigneur ne me reproche mon silence, j'ajouterai une autre cause de la chute de Judas. Le nombre des apôtres et des disciples s'étant accru, le divin Sauveur résolut de confier à quelqu'un d'entre eux le soin de recevoir des aumônes, de les distribuer en qualité de syndic ou économe pour les nécessités communes, et de payer les tributs impériaux ; Jésus leur proposa ces fonctions sans choisir personne. Judas les envia aussitôt, tandis que tous les autres les redoutaient et désiraient les décliner. Et pour obtenir l'office qu'il convoitait, il ne rougit pas de prier saint Jean d'en parler à notre auguste Reine, afin qui elle le demandât pour lui à son très-saint Fils. Saint Jean s'acquitta de cette commission. Mais comme la très-prudente mère savait que la prétention de Judas n'était ni juste ni convenable, et qu'elle partait d'un coeur ambitieux et avide des biens de la terre, elle ne voulut point transmettre sa demande à notre divin Maître. Judas fit de nouvelles tentatives par l'intermédiaire de saint Pierre et de quelques autres apôtres, mais toujours en vain ; parce que le très-Haut voulait empêcher par un effet de sa bonté qu'il n'entrât dans cet emploi, ou justifier sa cause après le lui avoir donné. Judas, dont le coeur était déjà tyrannisé par l'avarice, loin de se ralentir pour toutes ces difficultés, redoubla ses funestes empressements, à l'instigation de Satan, qui lui inspirait des pensées d'ambition indignes même de toute personne se trouvant dans un état ordinaire. Que s'il eut été pour les autres honteux et criminel d'y consentir, ce devait l'être beaucoup plus pour Judas, qui était formé à l'école de la plus grande perfection, et éclairé du Soleil de justice, notre Seigneur Jésus-Christ, et de la Lune sans tache, l'auguste Marie. Au jour de l'abondance et de la grâce, tandis que ce divin Soleil l'éclairait, il ne pouvait ignorer qu'il ne fut coupable en obéissant à de pareilles suggestions ; et non plus dans la nuit de la tentation, puisqu'alors notre charitable Dame, que nous avons figurée par la lune, influait sur lui ce qu'il fallait pour le garantir des morsures du serpent. Mais comme il fuyait la lumière et qu'il cherchait les ténèbres, il courait au précipice, et surmontant ses répugnances et sa honte, colorant même sa cupidité d'un vernis de vertu, il ne craignit pas de demander lui-même à la bienheureuse Vierge l'office auquel il aspirait. Il l'aborda, et lui dit que la demande que Pierre et Jean lui avaient faite de sa part procédait du désir qu'il avait de la mieux servir, et de veiller à ce que rien ne manquât à son Fils parce que les autres, ajouta-t-il, ne s'en acquittaient pas comme il fallait ; ainsi il la suppliait d'obtenir de son Maître cet emploi pour lui.
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II.§1093 a écrit :
La grande Reine de l'univers lui répondit avec beaucoup de mansuétude : " Pesez bien, mon très-cher, ce que vous demandez ; examinez si l'intention avec laquelle vous le désirez est droite, et ce réfléchissez s'il vous est avantageux de souhaiter ce que tous vos frères craignent, et ce qu'ils n'accepteront point, s'ils n'y sont obligés par un commandement exprès de leur Maître. Il vous aime plus que vous ne vous aimez vous-même ; et il sait ce qui vous est convenable : abandonnez-vous à sa très-sainte volonté ; changez de dessein, tâchez d'acquérir l'humilité et l'amour de la pauvreté. Sortez de l'abîme où vous êtes tombé, et soyez convaincu que mon Fils usera envers vous de son amoureuse miséricorde, et que je vous assisterai de ma protection."

II.§1094 a écrit :
Judas quitta l'auguste Vierge toujours agité par les mêmes pensées sordides, et abjurant tout sentiment de pudeur et même de foi, il résolut de s'adresser lui-même à notre Seigneur Jésus-Christ. Or s'étant couvert de l'habit de brebis, comme un solliciteur adroit, il se présenta à sa divine Majesté, et lui dit : " Maître, je souhaite d'accomplir votre volonté, et de vous servir sous le titre d'économe et de dépositaire des aumônes que nous recevons ; j'en ferai part aux pauvres conformément à votre doctrine qui nous enseigne de faire à notre prochain ce que nous voudrions qu'il nous fit ; je les distribuerai à propos et selon votre intention, et mieux que l'on n'a fait jusqu'à présent." Voilà ce que cet hypocrite dit à son Dieu et à son Maître, commettant à la fois plusieurs péchés énormes. Car, outre qu'il mentait en cachant des dispositions contraires à celles qu'il montrait, ambitieux de l'honneur qu'il ne méritait point, il feignait d'être ce qu'il n'était pas, ne voulant, ni paraître ce qu'il était, ni être ce qu'il désirait paraître. Il murmura aussi contre ses frères, et s'étendit sur ses propres louanges ; c'est le sentier battu des ambitieux. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'il perdit la foi infuse qu'il avait, prétendant tromper son divin Maître par son hypocrisie. En effet, s'il eut cru alors fermement que Jésus-Christ était véritablement Dieu et homme, il ne se serait pas imaginé de le pouvoir tromper, puisque comme Dieu il scrutait les choses les plus secrètes de son coeur (Sap. 1:6), et qu'il pénétrait jusqu'au fond de son âme, non-seulement comme Dieu par sa science infinie, mais encore comme homme par sa science infuse et béatifique ; ainsi, si Judas en eut été bien convaincu, il aurait compris que le Sauveur pouvait connaître sa pensée, comme il la connaissait réellement, et il n'aurait pas poursuivi son inique dessein. Mais il ne crut rien de tout cela, et il ajouta l'hérésie à ses autres péchés.
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II.§1095 a écrit :
Il arriva à ce disciple infidèle ce que l'apôtre a dit quelque temps après : Ceux, dit-il, qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège de Satan, et en beaucoup de désirs vains et nuisibles, qui précipitent les hommes dans la perte et dans la damnation ; car le désir des richesses est la racine de tous les maux, et plusieurs de ceux qui en ont été emportés se sont égarés du chemin de la foi, et se sont engagés eux-mêmes dans de grandes afflictions (I Tim. 6:9). C'est le malheur que s'attira ce perfide apôtre par son avarice, qui fut d'autant plus honteuse et d'autant plus répréhensible, qu'il avait un plus grand sujet d'être touché de l'exemple admirable de notre Seigneur Jésus-Christ, de sa très-sainte mère et du sacré collége des apôtres, dont la communauté ne recueillait que quelques aumônes fort modiques. Mais le mauvais disciple se flatta qu'elles augmenteraient tant par les miracles de son Maître, que par le grand nombre des personnes qui le suivaient, et qu'alors il pourrait mettre la main sur des sommes plus considérables. Et comme les choses n'arrivaient pas selon ses désirs, il se fâchait contre ces mêmes personnes. C'est ainsi qu'il témoigna son mécontentement lorsque la Madeleine répandit un parfum de grand prix sur le Sauveur, et son avarice le portant à faire l'estimation de cette précieuse essence, il dit qu'elle valait plus de trois cents deniers, qui pouvaient être distribués aux pauvres (Matth. 26:6 ; Marc 14:6 ; Jean 12:3). Le chagrin qu'il avait d'en avoir été privé lui faisait tenir ce langage, car il ne se mettait pas fort en peine des pauvres (Ibid., 6.). Au contraire, il se plaignait vivement de ce que la mère de miséricorde fît tant d'aumônes, et même de ce que le Seigneur n'en reçut pas davantage, comme aussi de ce que les apôtres et les disciples ne lui en procurassent pas, de sorte que, toujours chagrin contre tous, il semblait qu'il en eut été offensé. Quelques mois avant la mort du Sauveur, il commença à quitter souvent les apôtres et à s'éloigner du Seigneur, parce que leur compagnie le vexait, et il ne les allait trouver que pour ramasser les aumônes. Alors le démon le poussa à abandonner entièrement son Maître, et à le livrer aux Juifs comme il fit.

II.§1096 a écrit :
Mais revenons à la réponse qu'il reçut du Maître de la vie, lorsqu'il lui demanda la charge d'économe, afin qu'on y découvre combien les jugements du très-Haut sont terribles et impénétrables. Le Sauveur du monde, voyant que le cupide apôtre ne travaillait qu'à sa perdition finale, voulait le soustraire au danger que renfermait sa demande. Et afin qu'il ne trouvât dans son malheur aucune excuse, sa Majesté lui dit : " Savez-vous, ô Judas ! ce que vous demandez ? Ne soyez pas si cruel envers vous-même, que de chercher les armes et de solliciter le poison dont vous pourriez vous servir pour vous donner la mort. " Judas répartit :" Moi, Seigneur, je ne désire que de vous servir, et que de m'employer à ce qui sera le plus utile à vos disciples, et je le ferai bien mieux dans cet office que dans tout autre, comme je vous le promets." Par cette opiniâtreté de Judas à chercher et aimer le péril, Dieu justifia sa cause en permettant qu'il s'y engageât et qu'il y pérît malheureusement ; car cet ambitieux résista à la grâce et s'endurcit de plus en plus. Lorsque le Seigneur lui mettait devant les yeux l'eau et le feu, la vie et la mort, il étendit la main et choisit lui-même sa perte (Eccles. 15:17) ; et ainsi fut justifiée la justice et glorifiée la miséricorde du très-Haut, qui l'avait si souvent pressé de lui ouvrir la porte de son coeur, d'où l'ingrat le chassa pour y faire entrer le démon.
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II.§1111 a écrit :
Le Maître de la vérité et de la vie justifia Madeleine, que Judas voulait faire passer pour imprudente et pour prodigue (Matth. 26:10). Il lui recommanda à lui et aux autres en même temps de ne la point inquiéter, parce qu'elle avait fait une bonne oeuvre, qu'il y aurait toujours parmi eux des pauvres à qui ils pourraient faire l'aumône, mais qu'ils n'auraient pas toit jours le moyen de rendre cet honneur à sa personne ; et que cette libérale amante, poussée par l'Esprit du ciel, avait répandu ce baume sur son corps pour honorer par avancé sa sépulture ; car elle annonçait par cette mystérieuse onction que le Seigneur souffrirait bientôt pour le genre humain, et que sa mort et ses funérailles étaient fort proches. Mais le perfide disciple ne faisait nulle attention à tout cela ; au contraire, il fut extrêmement indigné contre son Maître de ce qu'il avait justifié l'action de Madeleine. Or Lucifer voyant les dispositions de ce coeur endurci, lui lança de nouveaux traits, et lui inspira avec une nouvelle avarice une haine mortelle contre l'Auteur de la vie. Dés lors Judas résolut de machiner sa perte, de faire son rapport aux pharisiens en arrivant à Jérusalem, et de l'accuser auprés d'eux avec l'impudence qu'il montra en effet. Car il les alla trouver secrétement, et leur dit que son Maître enseignait des nouveautés contraires aux lois de Moïse et à celles des empereurs ; qu'il aimait la bonne chère et les gens de mauvaise vie, qu'il en admettait beaucoup dans sa compagnie, soit des hommes, soit des femmes, et qu'il les entraînait à sa suite ; enfin, qu'ils devaient songer à y remédier s'ils voulaient prévenir leur irréparable ruine. Et comme les pharisiens partageaient déjà ces sentiments, conduits qu'ils étaient aussi bien que Judas par le prince des ténèbres, ils reçurent cet avis avec plaisir, et convinrent ensuite de la vente de notre Sauveur Jésus-Christ.

II.§1112 a écrit :
Toutes les pensées et les démarches de Judas étaient connues non-seulement de notre divin Maître, mais aussi de sa très-sainte Mére. Néanmoins le Seigneur n'en dit pas un mot à Judas, et ne laissa pas de lui parler comme un Père plein de tendresse, et de lui envoyer de saintes inspirations. La mère de la Sagesse y ajoutait de nouvelles exhortations et des soins particuliers pour arrêter ce disciple sur les bords du précipice. Elle l'appela dans la nuit même du festin (c'était le samedi avant notre dimanche des Rameaux), lui parla en particulier dans les termes les plus pathétiques, et lui représenta, en versant des larmes abondantes, le danger formidable qu'il courait ; elle le supplia de changer de dessein, et s'il était fâché contre son Maître, de tourner sa vengeance contre elle, pour se rendre moins coupable, attendu qu'elle était une simple créature, tandis que Jésus-Christ était son Seigneur et son Dieu. Et pour satisfaire l'avarice insatiable de Judas, elle lui offrit divers cadeaux qu'elle avait reçus de Madeleine à cette intention. Mais rien ne fut capable de toucher ce coeur obstiné : plus dur que le diamant, il résistait à tous les coups. Au contraire , comme la force des raisons de la bienheureuse Vierge le mettait dans la confusion, il s'en irrita davantage, ne témoignant sa sourde colère que par un sombre silence. Il eut pourtant l'effronterie de prendre ce qu'elle lui donnait, parce qu'il était aussi cupide que perfide. Alors notre très-prudente Reine le quitta pour aller trouver son Fils ; et fondant en larmes, elle se prosterna à ses pieds, et lui parla avec une sagesse admirable ; mais ses paroles exprimaient tant de douleur, de tendresse et de compassion, qu'elles procurèrent quelque consolation sensible à son Fils bien-aimé, qu'elle voyait affligé en son humanité sainte pour les mêmes raisons qui lui firent dire depuis à ses disciples que son âme était saisie d'une tristesse mortelle (Matth. 26:38). Toutes ses peines étaient causées par les péchés des hommes qui ne profiteraient pas de sa passion et de sa mort, comme je le dirai dans la suite.
chartreux
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Re: Extraits de "La Cité Mystique de Dieu"

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II.§1113 a écrit :
Ma fille, puisque, plus vous avancez en ce que vous écrivez de mon histoire, plus vous connaissez et déclarez l'amour si ardent avec lequel mon Seigneur votre époux et moi aussi embrassâmes la carrière de la souffrance et de la croix, et mieux vous comprenez que ce fut la seule chose que nous choisîmes en la vie mortelle
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