II.§54 a écrit :
Et pour faire durer davantage cet amoureux débat, le Seigneur lui répondit : " Ma chère Épouse et ma douce Colombe, vous me demandez beaucoup, et ce que font les hommes pour l'obtenir est fort peu de chose ; or comment accorderai-je à des indignes un si rare bienfait? Laissez-moi les traiter, ma bien-aimée, selon leur ingratitude." À quoi notre puissante et pitoyable Avocate répondit : " Non, mon divin Maître, je ne vous laisserai point, je vous serai toujours importune ; si ce que je vous demande est grand, c'est à vous que je le demande, qui êtes riche en miséricorde, puissant dans les oeuvres et véritable dans les paroles. Mon Père David dit de vous et du Verbe éternel : Le Seigneur a juré, et il ne se rétractera point : vous êtes prêtre selon l'ordre de Melchisédech (Ps. CIX, 4.). Que ce pontife qui doit être en même temps victime, vienne donc pour notre rachat ; qu'il vienne, puisque vous ne pouvez pas vous repentir de votre promesse, parce que vous ne promettez pas avec ignorance. Mon doux amour : je suis revêtue de la vertu de cet Homme-Dieu, je ne vous laisserai point que vous ne m'ayez donné votre bénédiction comme à mon Père Jacob (Gen., XXXII, 26.)."
II.§55 a écrit :
Il fut demandé à notre Reine dans cette divine lutte, ainsi qu'à Jacob (Ibid., 27.), quel était son nom. Elle répondit : " Je suis fille d'Adam, formée par vos mains d'une vile matiére. " Et le très-Haut lui repartit : " Désormais vous vous appellerez l'Élue, pour être mère du Fils unique. " Mais ces dernières paroles ne furent entendues que des courtisans du ciel, et elles lui furent cachées jusqu'à son temps, n'ayant entendu que le seul terme d'Élue. Cette amoureuse dispute ayant duré le temps que la sagesse divine déterminait, et qui était convenable pour enflammer le coeur fervent de l'Élue, la très-sainte Trinité donna sa parole royale à la très-pure Marie, notre Reine, lui promettant qu'elle enverrait su plus tôt le Verbe éternel au monde pour se faire homme. Étant remplie d'une joie inconcevable que cet agréable fiat lui causait, elle demanda la bénédiction, et le très-Haut la lui donna. Cette femme forte sortit de la lutte qu'elle venait de soutenir contre Dieu, bien plus victorieuse que Jacob, car elle se trouva riche, puissante, chargée de dépouilles ; et pour employer l'humain langage, je dirai que Dieu fut comme blessé et affaibli, ayant été contraint par l'amour de cette auguste Dame de se revêtir dans son sein virginal de la faiblesse humaine de notre chair passible, dans laquelle il devait cacher et couvrir la force de sa divinité pour vaincre dans sa défaite, et nous donner la vie par sa mort. Que les mortels apprennent et voient comme l'incomparable Marie est la cause de leur salut après son très-béni Fils.
II.§56 a écrit :
Ensuite les oeuvres du cinquième jour de la création du monde furent manifestées dans cette même vision à notre Princesse, dans le même ordre qu'elles étaient arrivées. Elle connut comment la force de la parole divine produisit les eaux qui sont sous le firmament, les reptiles qui rampent sur la terre, les oiseaux qui volent dans l'air, et les poissons qui se trouvent dans ces mêmes eaux (Gen., I, 20-22.). Elle connut le principe, la matière, la forme et la figure de toutes ces créatures, le genre et toutes les espèces des animaux sauvages, leurs qualités, leurs propriétés et leurs classes; les oiseaux du ciel (car nous appelons ainsi l'air), avec leur différence, la forme, le plumage, les ornements et la légéreté de chaque espèce; elle découvrit les poissons innombrables de la mer et des rivières, les diverses sortes de monstres marins, leur structure, leurs qualités, leurs cavernes, la nourriture que la mer leur fournit, la fin pour laquelle ils ont été créés et le rôle qu'ils remplissent dans le monde. Le Seigneur commanda singulièrement à toute cette multitude de créatures d'obéir à la très-sainte Vierge, lui donnant un entier pouvoir de les commander toutes et de s'en servir, comme il arriva en plusieurs occasions ; j'en raconterai quelques-unes dans la suite. après cela elle sortit de la vision de ce jour, et elle employa le reste aux exercices et aux demandes que sa divine Majesté lui ordonna.