AUX VEUVES, à celles qui restent seules - Noël GUESDON

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AUX VEUVES, à celles qui restent seules

Noël GUESDON,
Docteur en philosophie
de l'Université de Louvain


Lettre de S. G. Mgr Ginisty,
Evêque de Verdun

+ Bar-le-Duc, 12 octobre 1920.


Cher et Révérend Père,
Votre nouveau et gracieux petit volume,
« Celles qui restent seules ", est
le digne pendant du premier, « Celles
qui vont seules ». Vous vous adressez
à des âmes qui n'ont de commun que
leur isolement, mais qui sollicitent les
mêmes vertus.

Le sujet n'est pas sans péril, et il y
a quelque hardiesse à l'aborder. Vous
l'avez traité avec tact, précision et sûreté,
et, ce qui ne sera pas dédaigné de vos
lectrices, avec onction, charme littéraire
et poésie. Que de salutaires et graves
vérités leur sont offertes sous le vernis
ou la dorure des termes, et combien
opportunes à l'heure de tant de deuils
et de veuvages !

Que Dieu bénisse ce petit livre, son
pieux et zélé auteur, et celles qui le
liront, et qui, après l'avoir lu, se sentiront
moins seules parce que plus près
de Dieu, et des âmes qui les ont quittées..,
un moment !

Merci, cher et Révérend Père, et
croyez à mon respect et à mon affectueux
dévouement en Notre-Seigneur.

+ CHARLES,
évêque de Verdun.


A SUIVRE...

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Lettre de S. G. Mgr Delalle


Mon Cher Père et Ami,

Après avoir placé devant « Celles qui
vont seules » l'idéal chrétien qui doit les
guider vers les sommets divin, vous vous
adresse- maintenant à « Celles qui restent
seules », à celles, hélas! trop nombreuses
aujourd'hui, qui forment peut-être
l'épave la plus lamentable de la
cruelle tempête qui, durant cinq ans,
a sévi sur l'Europe.


Avec une science théologique et patriotique
très sûre, vous les prenez dans les
affres du désespoir, et par des argumentations
qui parlent à la raison tout à la
fois et au coeur, vous leur faites
remonter les pentes sacrées de la joi.
Vous les amenez ainsi sur les sommets
où brille la pleine lumière des révélations
divines, la lumière qui éclaire,
qui transforme la douleur, et parvient à
en faire un joyau scintillant d'amour
miséricordieux.


Les veuves vous liront avec défiance
d'abord, il se peut, mais gagnées par
votre logique ferme et droite, elles se
reprendront avec courage et trouveront
dans votre ouvrage force et consolation.

J'aime à vous féliciter et à vous dire :
« Intende, prospere procede ».

Que Dieu bénisse votre travail, votre
charité, votre amour des âmes aux
étreintes avec la douleur.

Nancy, 14 septembre 1920.

+ Mgr H. DELALLE.


A SUIVRE...

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DÉDICACE

A celles qui restent seules,
Aux veuves,
J'offre quelques pages.

N.G.

Nancy, septembre 1920.


CHAPITRE PREMIER

Restée seule !


Restée seule, quand nous étions heureux de
vivre à deux ! restée seule, quand nous étions
si unis à deux ! restée seule, quand Dieu avait
sacré notre vie à deux ! restée seule, toute une
vie, fidèle à un unique amour ! voilà le veuvage.
Solitude du foyer désolé ! Maison vide !
Silence des jours et des nuits ! Désespoir qui
broie les coeurs : voilà le veuvage.


Deux âmes se sont rencontrées ; à certains
traits de ressemblance, à certaines forces
mystérieuses qui les portaient l'une vers
l'autre, elles se sont reconnues faites l'une
pour l'autre, pour penser ensemble, pour travailler
ensemble, pour vivre ensemble. Ensemble
elles ont regardé le ciel, car elles se sentent
trop soeurs sur la terre pour oublier qu'elles
sont filles du ciel. Les parents consultés, le ciel
interrogé répondent : oui. Alors, en un jour
inoubliable, elles se sont dit : Je me donne et
je f accepte pour toujours. Leurs mains se sont
jointes, Dieu les a bénies et les deux âmes, et
les deux coeurs, et les deux corps ne se sépareront
plus jamais, jamais.


Jamais ! ! ! Toujours s'aimer... Etre aimé...,
soif inextinguible qui s'allume au berceau et
qui nous suit jusqu'à la tombe : c'est l'aspiration
de toute créature créée à l'image de
Celui dont il est dit qu'il est amour 1.


Mais à moitié, que dis-je, au début du bonheur,
au début de l'affection, au début de la
vie rêvée la mort frappe l'un, et l'autre sent
lui manquer la moitié de son âme. L'épouse
reste seule, sa vie est brisée : voilà le veuvage.


Ceux qui s'aiment voudraient vivre leur
vie ensemble, souffrir ensemble, mourir ensemble.
Et Dieu ne veut pas. Il ne veut pas, car
il est dans l'ordre providentiel que deux âmes
s'unissent de coeur, d'esprit et de corps pour
s'aider à bien vivre. Mais il ne faut pas qu'elles
prennent à cette douceur, à ce bonheur une
complaisance qui leur fasse oublier l'unique
appui : Dieu. D'ailleurs, chaque âme a non
seulement une valeur de complément, chaque
âme a une valeur absolue : de là le veuvage
qui, avec la douceur des souvenirs et l'amertume
de la séparation, remet celle qui reste
dans sa place solitaire, en face de Dieu, de
l'avenir, des destinées éternelles.

Dieu veut que des âmes restent seules.


1 S. Jean, IV, 16.

A SUIVRE... GRANDEUR DU VEUVAGE

[Alexandre]

Merci ce beau texte, je le prends aussi pour moi,abandonné par mon épouse et mes deux enfants.
La solitude, le silence, et le retrait sont les meilleures choses que Dieu m'a offert, avec la joie d'apprendre à accepter cette amertume bien méritée.
Encore, svp!merci.

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Merci ce beau texte, je le prends aussi pour moi,abandonné par mon épouse et mes deux enfants.
La solitude, le silence, et le retrait sont les meilleures choses que Dieu m'a offert, avec la joie d'apprendre à accepter cette amertume bien méritée.
Encore, svp!merci.

De rien, cher ami. Je me sens heureux de savoir que cela vous fait du bien.

Demos gracias a Dios, pues todo lo que somos a Él únicamente se lo debemos. En efecto, Dios ama la soledad, y qué mejor manera de buscar a Nuestro Padre y Amigo que en el silencio y el retiro. Debemos alejarnos del bullicio mundanal, alejarnos de la gente que no conoce a Dios ni a Sus santos sino que más bien desprecian al Autor de la Vida, a un Dios que nos ha amado y nos ama tanto, pero que sin embargo es tan poco conocido y amado.

Le animo a que busque al Buen Dios en el silencio de su soledad, pídale a Nuestro Buen Jesús que inflame su corazón en santos deseos, y pídale al Espíritu Santo que le haga gustar de sus maravillosos dones, dones que Dios da con abundancia a quienes se humillan y reconocen su propia miseria. Un corazón contrito y humillado nunca será despreciado por el Señor. ¡Nunca!

Rezaré mucho por usted, amigo Alexandre. Acuda siempre a Jesús y nunca más se sentirá solo ni abandonado, pues Él llenará su espíritu de la verdadera paz y alegría, que solo los auténticos amigos de Dios pueden gozar.

Le envío un fuerte abrazo fraterno en los Sagrados Corazones de Jesús y María.

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CHAPITRE II

Grandeur du Veuvage.


Rester seule ! Etre veuve ! c'est une grande
douleur voulue de Dieu, mais c'est une belle
douleur, c'est le sacrement des larmes. « Si la
rosée est féconde, certes, les larmes doivent
l'être. Parmi les richesses de la création, il
n'y a pas de richesses qui aient été plus prostituées
que les larmes. Sainte Rose de Lima
disait qu'elles n'appartiennent qu'à Dieu et
que celui qui les donne à un autre les vole au
Seigneur. Le christianisme a restitué les larmes,
comme le sang, au Créateur des cieux
et des eaux. Il les a placées près des sources
de la vie. Jésus-Christ pleura près du tombeau
de Lazare. Les larmes de Madeleine sont devenues
un des grands souvenirs de l'humanité.
Les peintres feraient bien de ne pas y toucher
légèrement, et de ne pas les confondre avec
les larmes contraires dans la crainte d'un
attentat. Les larmes sont montées si haut,
qu'elles sont à leur place au tribunal de la
pénitence, quand tout près d'elles le sang de
Jésus-Christ tombe avec l'absolution sur la
tête du pécheur. Dieu fait ce qu'il veut des
choses qu'il touche. Il les emploie quelquefois
à des usages étonnants. S'il touche les
larmes il fait d'elles la force des faibles et la
terreur des forts 1. »


Vos larmes, veuves, sont sacrées : Jésus les
a sanctifiées. Vos larmes sont le sang de
l'amour, le signe, le symbole d'une fidélité
immortelle, l'image de l'union de Jésus et
de l'Eglise.


Vos larmes, veuves, sont sacrées : comme
celles de Jésus, elles sont une expiation.


1. L'Homme. E. Hello.


A SUIVRE...

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« La Miséricorde divine est bien grande, et
c'est un miracle qui surpasse tous les autres
d'aimer davantage, à mesure qu'elle frappe,
une main qui porte de si terribles coups.


« Il est vrai que je contemple mes enfants
dans le ciel, comme si je les voyais des yeux
de mon corps, l'une au bras de sa mère, les
autres à ses pieds, comme je les ai souvent
vues et admirées ici-bas. Je me sens sous
leurs ailes, et je sens qu'il n'y a point de traits
aux mains du monde qui puissent percer cette
égide. Ma vie est à présent désintéressée, car,
pour tout dire, Marie n'était pas toute mon
affection, mais elle était tout mon orgueil.
Les pauvres enfants, nous les aimions trop
pour regretter qu'elles ne soient pas exposées
aux douleurs que nous souffrons, et dont la
vie la plus pure et la plus dévouée ne préserve
pas, témoin la désolation profonde de ma
chère et admirable soeur. Je crois qu'en vérité,
considérant bien ce monde et ce que nous
comprenons du ciel, j'envisagerais la mort de
mes enfants avec une sorte d'allégresse, si je
n'avais pas sous les yeux le spectacle navrant
de ce coeur si bon et si déchiré... Elle ne peut
pas voir autant que moi la justice de Dieu.
Moi, je me tais, comme le coupable condamné
justement, et qui est encore heureux dans
son désastre d'être ménagé, de se repentir et
de sentir qu'il expie. C'est là le grand secret
de mon courage. Quand vous me louez, j'y
vois une marque de votre amitié dont je me
félicite, mais soyez persuadée tout de bon
que toute louange est cruelle à tout homme
qui sincèrement examine sa conscience devant
Dieu.


« Quand j'ai appris la mort de Marie, après
un moment de trouble immense, je suis allé
me mettre à genoux devant son lit vide,
hélas ! seul à seul avec Dieu. J'ai examiné ma
vie tout entière, j'ai fait ma confession générale
; sortant de là, je n'osais plus pleurer,
et quand Gertrude a suivi Marie, je n'ai pas
été tenté de dire : C'est trop. Ainsi plaignez-moi,
priez pour moi, mais ne me donnez pas
de louanges, par pitié pour moi. Il y a des
âmes que Dieu se plaît à embellir ; la mienne
est de celles qu'il daigne nettoyer 1. »


1 Lettre, juillet 1855. L. Veuillot.


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Oui, la veuve est une douleur vivante qui
pleure, qui expie, pour elle et pour les autres.
Aussi tous les siècles ont honoré la veuve.


Les païens l'ont honorée. Nous lisons dans
Marcelli : « L'opinion, chez les Romains, récompensait
par une grande estime les veuves
qui se refusaient à un nouvel engagement. La
langue leur avait même consacré une épithète
particulière ; elle les nommait univiras,
femme d'un seul homme, et ce titre se montre
encore sur le marbre des épitaphes, où il est
si remarquable qu'on le jugeait digne de paraître
parmi les titres honorifiques 1. »


M. de Maistre rapporte que Valérie, veuve
de l'empereur Maximien, recherchée par l'empereur
Maximin, lui répond qu'il serait sans
exemple et sans excuse qu'une femme de son
nom et de son sang essayât d'un second
mariage 2.


Il paraît que chez les Hottentots, la femme
qui se remarie est obligée de se couper un
doigt, qu'en Chine on voit des arcs de triomphe
élevés à la mémoire des femmes qui sont
restées veuves.


1 Marcelli, Livre des inscriptions, t. II, chap. 3.
2 De Maistre. Le Pape.

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La veuve, elle a été chantée par les poètes.

Properce chante Cornélie, veuve romaine :

« Toute sa gloire est dans son amour unique,
dans cette foi jurée à son cher Paul, une fois
pour toujours. Sa recommandation suprême
est celle-ci : Qu'on grave sur ma tombe : elle
n'eut qu'un époux 1 »


Virgile prête ces paroles à une veuve :

« Celui qui a reçu mon premier serment a
emporté avec lui mes amours. Qu'il les garde
à jamais dans son tombeau 2... »


Les Juifs ont glorifié l'illustre veuve de
Béthulie, en l'honneur de laquelle ils chantent :

« Vous êtes la joie et la gloire de votre peuple !
car vous avez agi avec un courage mâle.
Votre coeur s'est affermi, parce que vous avez
aimé la chasteté, et qu'après avoir perdu
votre mari, vous n'avez point voulu en épouser
un autre 3. »


Les veuves, Jésus les a honorées. Il a donné
à Phanuel le don des prophéties ; il a ressuscité
le fils de la veuve de Naïm.

Marie, la Mère de Dieu, a porté le voile
noir des veuves.


1 Elégie, IV.
2 Enéide, I, IV.
3 Judith, XV, 10-11 ; XVI, 26.


A SUIVRE...

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Aux premiers siècles de l'Eglise, les chrétiens
vénérèrent les veuves. Elles avaient un
costume particulier, une place réservée à
l'église, une assistance spéciale dans leur indigence.
Les veuves, elles participèrent même
à la puissance du sacerdoce. Le concile de
Chalcédoine rapporte qu'elles étaient consacrées
par l'imposition des mains, réunies en
collège, dit saint Jean Chrysostome, et
comme diaconesses s'adonnaient au service
de l'église et des pauvres, instruisaient les
jeunes filles et les femmes catéchumènes,
aidaient les diacres dans la distribution des
aumônes.


Oui, le veuvage est chose sacrée. « Indépendamment
de ce que la foi y découvre de
surnaturel mérite, il y a sur la veuve, vraiment
veuve, la triple consécration de la douleur,
de la fidélité et de la vertu. La vierge
n'est fidèle qu'à Dieu et à elle-même, la
veuve l'est encore à celui qu'elle a aimé et
perdu. C'est pour lui qu'elle garde désormais
l'intégrité de son coeur, se faisant de son souvenir
un culte et une vie. La veuve et la
vierge sont deux créations admirables du
christianisme, deux fleurs nées sur la même
tige et qui mêlent dans l'Eglise leurs parfums
sans les confondre. S'il y a quelque chose de
plus pur dans la vierge, il y a quelque chose
de plus auguste et de plus touchant dans la
veuve, parce que les souffrances, et les larmes,
et le sacrifice ont passé là 1 »


1 Lagrange. Vie de sainte Paule.


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