Du reste, ce qu'elle avait prédit, ce qu'elle avait demandé arriva. Ce jour même de Pâques et le lendemain ses douleurs redoublèrent d'intensité. On s'apercevait bien que les tortures, par moments, allaient jusqu'à un effrayant paroxysme, mais tant de fois on avait eu ce douloureux spectacle ! Et puis il y avait en elle un tel reflet de sérénité et de bonheur, que personne ne soupçonna un instant l'imminence du danger.
On arriva ainsi au mardi. La foule accourait toujours. Dès le matin, la chambre se trouvait pleine. « Mon père, dit la vierge à son confesseur, et vous, poursuivit-elle en s'adressant aux autres assistants, vous tous que j'ai toujours vus si empressés à m'obliger, accordez-moi une grâce. Je désire vivement rester seule aujourd'hui; montrez-moi que vous êtes pour moi des amis fidèles en vous rendant à ma prière. Vous pourrez d'ailleurs être sans inquiétude; je garderai près de moi mon petit neveu Baudouin; en cas de nécessité, il ira vous avertir. » On ne vit là rien d'extraordinaire.On s'imagina que la sainte ne voulait, comme tant d'autres fois, que suivre l'attrait qui lui faisait chercher la solitude, afin de mieux prier. Tout le monde se retira. Mais en réalité,c'était l'heure qui était venue, c'était le terrible et dernier combat qui allait commencer, ce combat de l'agonie que l'héroïque crucifiée avait résolu de soutenir en restant seule, bien sûre que le céleste Époux ne lui manquerait pas et la soutiendrait.
Quand donc tout le monde fut sorti, elle se mit à réciter les dernières prières; elle fit elle-même la recommandation de son âme. Mais à peine achevait-elle, que déjà elle entrait en agonie. Et ce fut une longue, une épouvantable agonie Depuis sept heures du matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi, ce pauvre corps fut comme broyé par des tortures qui n'ont pas de nom. D'effrayants spasmes se succédaient; vingt fois en un instant des vomissements d'une incroyable violence recommençaient; les secousses étaient telles, que le fiel même s'échappait, souillant la bouche et les lèvres de l'incomparable martyre.
Enfin une dernière et plus affreuse crise survint. Se sentant étouffée, elle s'écria sur sa croix : « Ah ! mon cher enfant, si mon père savait combien je souffre !» De son côté, le pauvre enfant se lamentait. « Ma tante ! ma tante, disait-il en pleurant, en courant autour du lit; ma pauvre tante ! Est-ce votre confesseur que vous voulez ? Faut-il que j'aille le chercher ? Ma bien-aimée tante, oh ! parlez-moi, répondez-moi donc ! » Mais la Bienheureuse ne parlait plus. Déjà elle se débattait dans les convulsions de la mort. Épouvanté, hors de lui, l'enfant s'élance, court à l'église où on célébrait un service funèbre auquel assistait la ville presque entière. Il appelle le prêtre, il appelle les pieuses femmes, amies de sa tante. On accourt, on se précipite vers le lit de la vierge. Tout le monde lui parle. « Lidwine, disait l'un, que sentez vous ? qu'éprouvez-vous? - Lidwine , ajoutait un autre, voulez-vous recevoir le sacrement de l'Extrême Onction ?- Mais elle est morte ! s'écriait celui-ci avec terreur ! - Non, non, reprenait celui-là, elle n'est ni morte, ni plus malade qu'auparavant; vous voyez bien qu'elle est en extase. Regardez donc ! Comme elle est calme et sereine ! quel air de félicité contemplative !»
Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
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Grâce à ce trouble général, on ne savait à quoi s'en tenir, quand tout à coup une des confidentes les plus intimes de la vierge pousse une exclamation. « Ah ! dit-elle, voyons ses mains ! Il me souvient que plus d'une fois elle m'a dit qu'elle espérait pouvoir les joindre avant sa mort, voyons !» Et en effet on trouva ses deux mains jointes et croisées sur sa poitrine, ce qui depuis trente ans lui était matériellement impossible. Bien plus, on trouva à la tête du lit son cilice lui-même. Chose prodigieuse ! il n'avait pas même été dénoué. Qui avait pu le détacher ainsi de son corps, sinon son bon ange ? Il n'y avait plus à en douter, Lidwine était bien morte !
La vierge des douleurs avait en effet expiré, seule et abandonnée, pendant que l'enfant avait couru au lieu saint. Elle était morte à la quatrième heure du soir, le mardi de Pâques de l'an de grâce 1433, dans la trente-huitième année de sa maladie et dans la cinquante-troisième de son âge.
Elle était venue en ce monde aux jours des douleurs du Christ et avait tant souffert avec lui et pour lui ! Il était juste qu'avec lui elle sortît de ce monde et montât au ciel aux jours de son triomphe et de sa résurrection !
A la lumière de la mort, la vérité se montre, le jour se fait sur ce que nous appelons vice ou vertu, richesse ou pauvreté, plaisir ou souffrance. Quels affreux regrets pour le pécheur ! Mais quelle sainte joie pour le juste !
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VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.
CHAPITRE XXIV.
Gloire.
Ôtez le voile. - Un prodige. - Qu'elle est belle ! - On avait vu son âme sous la forme d'une blanche colombe.- La pieuse Catherine la voit conduite au festin de ses noces éternelles par son divin Époux. - La vision des deux vierges. - On accourt. - Le petit enfant qui prie.- Magnifiques funérailles. - Pèlerinage. - Une femme dévorée par un chancre vient de Leyde, pieds nus. - La religieuse de Gouda. - Wilhelme Sonder-Dank et sa malade.-Translation. - Le culte de Lidwine toujours gardé. - La Hollande après 400 ans. - Prière. - Adieu.
Quand il fallut s'avouer que tout était fini, qu'il ne restait plus sur ce lit, théâtre de tant de merveilles,que la mortelle dépouille de Lidwine, on couvrit son visage d'un voile. Puis, confesseur, assistants, tous se jetèrent à genoux. Tous pleuraient amèrement. On pleurait sa perte. Bien des femmes pleuraient aussi avec une inconsolable désolation sur l'abandon dans lequel elle était morte. « Morte sans aucun Secours ! Disaient elles d'une voix pleine de désespoir; morte misérablement, elle qui était une sainte ! Nous n'étions pas là pour l'assister, nous qu'elle traitait comme ses amies ! Qui nous pardonnera, pourrons-nous jamais nous pardonner de l'avoir ainsi délaissée ?»
Mais Dieu, à l'instant même, allait apprendre que ce n'étaient pas des larmes, mais des cantiques de joie qui convenaient auprès de sa vierge bien-aimée. Il allait révéler sa gloire; ce lit de deuil allait en quelque sorte se transformer en un char de triomphe, en un trône. Le peuple en effet, déjà averti, était accouru; la chambre était comble; on demanda à voir le visage de la sainte. « C'est juste, dit le confesseur toujours agenouillé; et s'adressant à une des femmes qui priait en pleurant près du lit : ôtez le voile, » ajouta t-il.Cette femme aussitôt se lève, tend la main. Mais tout à coup, en même temps, femmes,prêtre, assistants, tous poussent un cri. Un miracle s'était opéré sous ce voile, un des plus beaux miracles qu'eût encore vus cette chambre ! O merveille! Lidwine vivait, semblait revivre, semblait avoir trouvé une nouvelle, une éblouissante vie ! Plaies, ulcères, hideuses difformités de sa face, tout avait disparu ; une ravissante beauté avait tout remplacé ! Les yeux, les joues, le menton, les lèvres, le cou, tout ce qui jusque-là avait été ensanglanté, fendu, déchiré par le mal, tout resplendissait d'un éclat surhumain... Quelle céleste vie dans les yeux ! comme ces lèvres souriaient divinement ! avait-on jamais vu un front plus limpide, un cou aussi blanc, aussi pur, une chair aussi translucide et rayonnante ? « Oh ! qu'elle est belle ! Qu'elle est belle ! » répétait la foule avec une indicible émotion. Et la foule s'agenouillait, pleurait, priait, car ce n'était la figure ni d'un mort, ni d'un mortel; c'était le radieux visage d'un Élu !
Les membres eux-mêmes, les membres disjoints, rongés, corrompus, avaient repris avec les formes de la santé leur première souplesse, et quand les pieuses femmes enveloppèrent la vierge de son linceul, elles reconnurent en louant Dieu que toutes les parties du saint corps avaient également été glorifiées. Plus de traces des chancres, des abcès ni des vers. Seulement trois cicatrices se dessinaient comme un léger fil de pourpre... Mais c'étaient les trois blessures qu'avait reçues la Bienheureuse des soldats qui s'étaient faits ses bourreaux. Dieu n'avait pas voulu effacer tout à fait ce mémorial de son martyre, ces glorieux titres aux palmes de la victoire et du triomphe.
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En même temps se passaient au dehors et se racontaient des choses merveilleuses. Quelques pieuses personnes, sur divers points, même à grande distance, avaient eu simultanément au moment du trépas de la vierge des révélations identiques, leur apprenant tout à la fois sa mort et sa gloire. Ainsi, on avait vu son âme sous la forme d'une colombe, blanche comme la neige, aux ailes argentées, au cou et au bec d'or, mais dont les pieds étaient d'un rouge de sang. Touchant symbole ! L'aimable vierge n'avait-elle pas été une colombe par sa douceur, par ses désirs et ses gémissements, par sa fécondité aussi en gagnant tant d'âmes à Jésus-Christ ? N'était-elle pas la colombe au bec d'or, elle qui donnait à tous des enseignements si précieux ! Et par l'obéissance qu'on pourrait appeler l'or de la vertu, n'avait-elle pas courbé avec tant de grâce son cou virginal sous le joug du Seigneur ? Ses pieds n'avaient-ils pas constamment marché sur les traces sanglantes du divin Maître ? Comme aussi les blanches ailes de l'amour le plus pur ne l'avaient-elles pas emportée tant de fois aux plus hautes régions de la contemplation ?
Une des femmes qui avait été le plus activement mêlée à la vie de notre sainte, celle qui en avait été le plus tendrement aimée, la pieuse Catherine devait avoir et eut aussi une révélation. Comme elle était, le soir, dans sa chambre, elle vit entrer successivement, à rangs pressés, des vierges, des martyrs, une innombrable multitude de saints qui tous se rangeaient au tour d'une table splendidement servie, et bientôt, après eux, elle voyait venir dans l'éclat d'une beauté à laquelle l'esprit humain serait incapable de rien comparer , un jeune homme qui conduisait Lidwine.
Quel pouvait être ce jeune homme si éblouissant ? Mais Lidwine, elle aussi, comme elle était merveilleusement belle ! Comme tout son être avait été presque divinement transfiguré ? De plus, à son front, brillait une couronne de fiancée; elle était parée avec toute la magnificence d'une reine, et l'humble femme était si heureuse en la voyant ainsi qu'elle croyait jouir déjà de quelqu'une des félicités du ciel. Puis elle vit, avec une inexprimable émotion, sa bien-aimée Lidwine s'approcher d'elle : « Ma sœur, lui dit la resplendissante vierge, vous souvient-il que durant les jours de ma vie mortelle je vous ai souvent parlé de l'Époux que j'espérais posséder dans l'éternité ? Eh bien ! cet époux que j'ai tant appelé de mes vœux, le voici, il est devant vous, c'est Jésus, mon divin Seigneur ! N'avais-je pas raison de vous dire qu'il était plus beau que tous les enfants des hommes ? Ai-je acheté trop cher par mes souffrances le bonheur qui m'est donné en ce moment de m'unir à lui, de jouir de son adorable présence et d'en jouir, sans crainte et sans trouble, durant les siècles éternels ?» Et la pieuse veuve, divinement consolée , vit Lidwine aller s'asseoir, au milieu des saints, à côté de son céleste Époux, au festin de l'immortalité.
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Quelques autres personnes aperçurent l'heureuse martyre s'élevant vers le ciel, portée par les mains des anges, saluée aux portes de l'éternité par la foule des élus qui accouraient à sa rencontre en l'appelant leur sœur.
Mais deux vierges surtout - deux vierges, elles aussi clouées depuis de longues années sur un lit de douleur et dont tout le monde proclamait l'édifiante piété, toutes deux vivant loin de Schiedam et à une grande distance l'une de l'autre, n'ayant ni l'une ni l'autre jamais vu Lidwine, mais toutes deux la vénérant avec le plus tendre amour, - ces deux vierges surtout eurent au moment du trépas de notre sainte une même vision, l'admirable vision que nous allons raconter, et que Dieu semble leur avoir envoyée comme pour compléter l'histoire de la pauvre crucifiée morte sans témoins.
Elles voyaient, tout ouverte, une sombre et misérable chambre, puis un lit plus misérable encore sur lequel une femme était couchée. Elles ne voyaient personne dans cette chambre, personne autour de ce lit, et cependant cette femme agonisait ! c'était un spectacle horrible à voir ! L'infortunée se tordait dans les étreintes d'un mal surhumain; on eût dit un enfant broyé sous la meule qui triture le blé. Elles entendaient ses gémissements, ses cris; elles virent qu'elle allait mourir. Tout à coup Jésus-Christ parut; la Vierge Marie et des anges et des saints lui faisaient cortège. Elles le voyaient; il se tenait tout près du pauvre lit, tout près de cette femme agonisante. « Lidwine, lui disait-il. - A ce mot, comme leur cœur se brisa ! Elles avaient reconnu leur amie - Lidwine, disait le Sauveur avec une amoureuse bonté, ma bien-aimée Lidwine, courage ! encore un moment de courage ! Voici venue l'heure de la récompense, l'heure du triomphe ! » Au son de cette divine voix la vierge parut se ranimer. « Ah ! c'est vous! s'écria-t-elle avec transport en regardant le Rédempteur, c'est vous, mon Seigneur Jésus-Christ, le désiré de mon cœur, mon immortel Époux ! Venez-vous me prendre ? Venez-vous m'arracher à mon exil et m'emporter avec vous dans la patrie ? - Oui, Lidwine, répondit le bon Maître, oui, réjouis-toi, tes douleurs sont finies; me voici; tu ne me quitteras plus; ô mon épouse, viens régner avec moi ! » L'âme de la vierge aussitôt s'élança... car ses liens mortels s'étaient brisés. et comme elle s'élança, radieuse, sur le cœur de Jésus, et du cœur de Jésus dans les bras de Marie qui lui souriait !
Et en ce moment le ciel s'ouvrit, il se fit un merveilleux concert; c'étaient les anges, c'étaient les élus qui chantaient. Ils disaient : « Sois la bienvenue, ô notre sœur Lidwine ! En te voyant, nous sentons nos joies s'accroître dans le Seigneur. » Et Lidwine au milieu d'eux, environnée de lumière, embrasée d'amour,entrait triomphalement dans l'éternité où Jésus la recevait dans l'infinie majesté de sa gloire. « Viens, ma bien-aimée, disait le divin Époux aux applaudissements de toute l'assemblée des cieux; approche, viens tout près de mon trône ; c'est aujourd'hui que je vais récompenser ton fidèle amour.» Alors il la couronna, pendant que les anges et les saints, reprenant leurs cantiques, chantaient sur un rythme divin et disaient : « Tu as eu, ô Lidwine, la foi des patriarches, l'espérance des prophètes et la charité des apôtres !Tu as eu, ô notre sœur, l'héroïsme des martyrs, la chasteté des vierges, la sainteté des anges ! Sois couronnée comme les anges et les vierges, comme les prophètes et les patriarches, comme les apôtres et les martyrs !»
Puis les deux vierges que Dieu honorait de cette vision virent encore Lidwine après son couronnement; mais elle avait au front un diadème si beau, elle était revêtue de tant de splendeurs qu'elles eussent voulu mourir pour toujours la contempler !
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Ces révélations, ces témoignages du Ciel en faveur de Lidwine, le miracle surtout de la transfiguration de son corps, ce miracle irrécusable, permanent, qui se voyait, qui se touchait dans la pauvre cabane de Schiedam, toutes ces merveilles, on le devine, émurent profondément les peuples, habitués d'ailleurs depuis de longues années à vénérer la vierge comme une sainte. On accourut de toutes parts. Lidwine, il est vrai, avait instamment demandé qu'on fît sans retard ses funérailles; on avait même essayé de lui obéir, mais il avait fallu y renoncer. Le peuple avait fait entendre des murmures ; les magistrats de leur côté étaient intervenus par des défenses sévères. Ils avaient eux-mêmes reçu des ordres, car le prince de Hollande avait fait savoir par un courrier qu'il voulait, lui aussi, venir s'agenouiller devant la miraculeuse dépouille et qu'il n'entendait pas qu'on fît rien avant son arrivée. On attendit.
Dieu sans doute permettait qu'il en fût ainsi pour sa gloire et pour celle de la vierge. Le concours fut en effet prodigieux. Les historiens n'osent, de peur qu'il ne semble fabuleux, donner le chiffre approximatif des multitudes accourues. On ne venait pas seulement le jour, mais pendant la nuit entière les troupes de pèlerins se succédaient sans interruption auprès du saint corps.On venait des villes, des campagnes et des lieux les plus éloignés. On venait par bandes compactes de Brielle, de Gouda, de Delft, de Rotterdam, de La Haye, de Leyde, d'Utrecht. C'étaient tous les rangs, toutes les conditions, tous les caractères qui se confondaient dans un même empressement. Riches et pauvres, prêtres et laïques, fidèles et pécheurs, tous voulaient voir encore une fois, ou voir au moins dans sa splendide mort, celle dont Dieu avait glorifié la vie par tant de merveilleuses douleurs. Et que de larmes coulèrent ! Combien de cœurs se sentirent vaincus, convertis, sérieusement ramenés au bien devant cette beauté qui s'épanouissait dans le cercueil, c'est-à-dire devant ce triomphe obtenu sur la mort par la vertu!
Touchante pensée ! On amenait aussi les enfants, même les tout petits enfants. On les amenait en foule, sans doute pour les faire bénir par la sainte et encore peut-être pour rattacher ainsi à une époque honorée par des prodiges rares dans les siècles cette génération qui allait s'en éloigner en avançant dans l'avenir.
Nous ne pouvons résister au plaisir de raconter ici une simple, mais émouvante petite scène qui eut lieu à l'occasion de ce concours des enfants.Une jeune femme venait d'entrer avec d'autres pèlerins dans la chambre miraculeusement embaumée. Elle tenait dans ses bras un enfant de douze à treize mois. Or, après bien des efforts, à peine arrivait-elle enfin près de la vierge, que l'enfant, jusque-là couché sur le sein de sa mère, tout à coup se redresse.Tout le monde le voit joindre admirablement ses petites mains, puis se tourner, se pencher vers la Bienheureuse, et ainsi penché vers elle , ses petites mains toujours bien jointes, il la regardait, mais d'un regard fixe, prolongé, d'un regard si intelligent, si plein de respect et de supplication, qu'il n'y eut pas un assistant qui pût en ce moment se défendre de pleurer.
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Cependant les amis de Lidwine, se reprochant le retard apporté à sa sépulture contrairement au vœu qu'elle avait formé, redoublaient leurs instances auprès du peuple et des magistrats pour que ce retard ne fût pas plus longtemps prolongé. Il n'y avait d'ailleurs plus d'essentielle raison d'attendre. Il fut enfin décidé que la cérémonie funèbre se célébrerait le 14 avril, le vendredi de cette même semaine de Pâques.
Ce jour fut pour la vierge un incomparable triomphe. Le peuple de Schiedam tout entier était debout. L'affluence des pèlerins étrangers, ayant à leur tête leurs religieux et leurs prêtres, dépassait tout ce qu'on eût pu imaginer. Les rues, les places publiques étaient encombrées. Et la sainte passa au milieu de ces multitudes, couchée dans son cercueil ! Elle était vêtue d'une humble robe de laine; en ceinture, elle portait son cilice, mais à son front on avait mis une couronne dont les roses s'entrelaçaient avec les doux noms de Jésus et de Marie. Impossible de dire l'émotion, les larmes, les acclamations, tous les témoignages de respect et d'amour dont ce peuple innombrable la salua.
Enfin l'inhumation se fit. Une tombe lui avait été préparée dans l'église même de Schiedam, dans cette église où elle avait été baptisée, à l'ombre de ce tabernacle d'où lui étaient venues tant de joies, presque au pied de cet autel bien-aimé où elle avait vu la Reine du ciel bénir son enfance en lui souriant et où tant de fois elle était mystérieusement revenue avec son ange pour s'en aller de là à la contemplation des divines splendeurs. Sans doute sa dépouille mortelle dut tressaillir en ce lieu de son repos, car reposer en un tel lieu, c'était continuer sa vie d'adoration et d'amour !
Son dernier vœu d'ailleurs fut respecté. Le sépulcre qu'on lui avait creusé était revêtu à l'intérieur d'une muraille en pierres, s'élevant en forme de voûte au dessus du cercueil qui lui-même s'élevait au-dessus du sol sans le toucher, et ainsi le corps virginal continua, comme depuis plus de trente ans, à n'avoir aucun contact avec la terre.
Puis, on plaça sur cette modeste tombe une simple pierre commémorative.
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Mais tout n'était pas fini; un pèlerinage avait aussitôt commencé. La foule croissait de jour en jour. On racontait de nombreux miracles, on citait d'incontestables et de merveilleuses guérisons. Un an était à peine écoulé que déjà on élevait, pour satisfaire à la piété des fidèles, une chapelle et un autel de marbre sur ce sépulcre devenu glorieux.
Bientôt les murailles de cette chapelle étaient couvertes d'ex-voto; membres de cire,tableaux pleins d'émouvantes scènes, petits navires rappelant les fureurs de la tempête; c'était, sous mille formes diverses, l'ardente expression de la reconnaissance des pèlerins envers la Bienheureuse comme une haute attestation des prodiges qu'elle obtenait en faveur de tant d'infortunés qui l'imploraient.
Nous ne voulons pas rechercher toutes ces guérisons, tous ces bienfaisants miracles « qui se multipliaient de jour en jour et dont on pourrait, dit Jean Gerlach, composer un grand livre. » Nous en citerons trois seulement qui ont pour nous un charme plus particulier, parce que nous en trouvons la relation dans une pièce que le vénérable Thomas à Kempis à qui nous l'empruntons estimait grandement, puisqu'il la transcrivit dans son histoire de Lidwine, et parce que cette pièce est signée d'un nom plein d'une haute autorité et déjà connu de nous, du nom du docteur Wilhelme Sonder-Danck, le fils même et le digne héritier des talents comme de la réputation de ce célèbre Sonder-Danck que nous avons vu venir dès le commencement au chevet de notre vierge et reconnaître, avec toute l'autorité de sa science, le caractère surnaturel de ses douleurs.
C'était en 1448. Une femme, un jour, arrivait au tombeau de la sainte. Elle était pieds nus et elle venait de la ville de Leyde, ayant ainsi fait douze lieues, tant elle avait grand désir d'obtenir la grâce qu'elle demandait ! La pauvre femme, depuis sept ans, avait au cou un chancre horrible qui dévorait toutes les chairs,
qui les avait déjà tellement dévorées que la malheureuse ne pouvait plus ni manger, ni boire, ni même se baisser sans éprouver comme une affreuse suffocation; elle faisait pitié à voir. Aussi avec quelle ferveur elle pria ! Comme elle pria longtemps ! Mais hélas ! Sa prière sembla rejetée. Point de guérison ! Pas même le moindre soulagement ! Et enfin elle s'en alla, résignée, mais si triste, le cœur si plein de larmes ! Or à peine elle rentrait chez elle, que tout d'un coup elle se trouva complètement guérie ! Ce fut alors, dans la populeuse cité,un cri unanime à la louange de Lidwine.
Une autre fois, en la même année, une religieuse de la ville de Gouda, depuis longtemps tristement percluse, était apportée sur un brancard à la chapelle vénérée. C'était un dimanche. Il y avait foule ; on devait d'ailleurs, au nom de la malade, célébrer les divins mystères à l'autel où s'accomplissaient tant de merveilles. Le prêtre était venu ; déjà l'auguste sacrifice touchait à sa fin.Tout à coup la religieuse fait un mouvement; on la voit se lever, elle est debout ! Au milieu du saisissement général, le front radieux, d'un pas ferme, sans nul appui, elle s'avance, elle s'agenouille au pied de l'autel et là elle pousse une joyeuse exclamation de reconnaissance. Elle était guérie; Lidwine lui avait été merveilleusement propice.
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Enfin, en la ville de Delft, tout le monde connaissait une femme retenue au lit depuis de longues années par une maladie dont le secret échappait à toutes les investigations de la science. En vain on avait mis tout en œuvre, on était même allé jusqu'à réunir autour de son lit les quatre médecins les plus renommés de la Hollande. Tous ces efforts et tous ces talents réunis avaient échoué; le mal suivait son cours; la malade se lamentait de plus en plus. « Oui, c'est vrai, lui dit un jour le pieux docteur Wilhelme Sonder Danck, comme pour la consoler; oui, vous souffrez depuis longtemps d'une cruelle manière; mais ayez courage, appliquez-vous à bien sanctifier vos souffrances, car c'est une épreuve qui vous sera glorieuse. Moi qui vous parle, j'ai eu le bonheur de connaître, que dis-je ? de visiter souvent la vierge Lidwine. Ah ! ses douleurs, à elle, ont été bien autrement intolérables, bien autrement prolongées que les vôtres, et maintenant voyez comme Dieu la glorifie même par des prodiges ! » Ces quelques mots furent pour la malade un trait de lumière, une soudaine inspiration. Dès ce moment, elle se mit à invoquer la vierge avec ardeur. Elle commença en son honneur une série de prières et d'exercices pieux qu'elle anima surtout par une confiance sans bornes, par les dispositions les plus saintes. Et voilà qu'un jour la Vierge lui apparut. Elle tenait dans ses mains, elle lui présentait un merveilleux breuvage, en lui disant : « Prenez ceci ! » Et quand elle l'eut pris, elle ne vit plus la Bienheureuse, mais elle se sentit divinement réconfortée. Elle se leva, et elle marchait, elle mangeait, elle travaillait, elle accomplissait tous les actes qu'on accomplit dans la plus robuste santé. Les parents, les médecins, bientôt la ville entière, tout le monde, en la voyant, restait stupéfait.
Puis, le docteur Wilhelme Sonder-Danck ajoute : « Je prends Dieu à témoin que j'ai vu de mes propres yeux ces trois miracles ci-dessus relatés et beaucoup d'autres qu'il serait trop long de raconter ici; que tous ces miracles, grâce à notre Dieu qui se plaît à renouveler ses prodiges dans nos jours, ont été opérés en peu de temps et en l'année du Seigneur 1448, sous notre très-saint Père le pape Nicolas V et la deuxième année de son pontificat (1). »
(1)Testor Deum quod ista tria miracula acta sunt in brevi tempore, sed et alia plura... quæ vidi oculis meis et longum esset enarrare. Haec supra scripta miracula contigerunt, Deo innovante signa in diebus nostris, anno Domini millesimo quadringentesimo quadragesimo Octavo ; praesidente in sede Apostolicâ Sanctissimo Papa Nicolao quinto, pontificatus ejus anno secundo. (Œuvres de Thomas à Kempis.)
Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)
Le pieux docteur du reste donna une autre signature plus éloquente, un autre témoignage plus expressif de sa vénération pour la vierge et de sa foi aux miracles qu'il voyait s'opérer par son intervention. Il fonda de ses propres deniers et à grands frais une église et un asile pour les pauvres, sur l'emplacement même occupé par la misérable cabane qui pendant 38 ans avait abrité les douleurs de la sainte. Ainsi passèrent sur la tombe de Lidwine près de deux siècles de foi, de respect et d'amour. De mauvais jours s'étaient levés; le protestantisme était venu, ce torrent fangeux plus fatal à la Hollande que l'Océan qui menace de l'engloutir. Et cependant on voyait les hérétiques eux-mêmes se mêler encore aux populations fidèles qui accouraient toujours aux pieds de la Bienheureuse, forcés eux aussi de proclamer ses miracles et ses bienfaits.
Mais le protestantisme a des instincts qui le poussent fatalement à un vandalisme impie. Pour se maintenir sur un patrimoine usurpé il a besoin de tout détruire autour de lui, afin d'étouffer sous les ruines, dans ce sol plein de racines catholiques, jusqu'à ces rejetons qui pousseraient sous ses pieds comme un remords vivant ou comme une incessante protestation. Aussi fallut-il bientôt songer à mettre à l'abri de toute profanation les précieux restes de Lidwine; ce n'est pas assez dire, il fallut en venir à les racheter à grands frais des hérétiques qui s'en étaient rendus maîtres.
En 1615, le saint corps fut exhumé et transféré à Bruxelles, sur les ordres du prince Albert, archiduc d'Autriche, souverain des Pays-Bas, et de sa femme Isabelle-Claire-Eugénie, fille de Philippe II, roi d'Espagne et petite-fille de Henri II, roi de France.
L'auguste princesse voulut même le posséder près d'elle, dans son palais, et jusqu'à la mort elle environna d'honneurs et du plus religieux amour ces restes d'une pauvre femme qu'avaient dévorée tant de hideuses plaies, mais qui avait tant aimé et glorifié Dieu !
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