La vertu de Foi

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Laetitia
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La vertu de Foi

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LA FOI

chapitre V de l'ouvrage du Chanoine M.-J. RIBET, Les vertus et les dons dans la vie chrétienne., Paris, 1913.



La Foi.

Acceptions diverses du mot et définition de la foi comme vertu théologale.

I.— La foi repose sur le témoignage. Si le témoignage est de l'homme, la foi est humaine, et ce n'est pas alors une vertu, mais une des formes de la connaissance et de la certitude. Si le témoignage vient de Dieu, la foi est divine ou simplement la foi.
Il s'agit ici de la foi divine.

Dans le langage chrétien, de cette première acception désignant la vertu qui fait adhérer à la parole de Dieu, découlent plusieurs autres qui s'y rattachent par extension. On entend tour à tour ce mot de foi de l'ensemble de la religion, des dogmes acceptés, de l'esprit qui pousse à l'action, de la vivacité de la croyance et de la dévotion du cœur, de l'espérance des choses invisibles, et des biens à venir. Au fond, ces divers aspects touchent ou confinent à la vertu de foi.

Elle se définit : Une vertu théologale due à l'infusion divine et par laquelle l'esprit croit à Dieu révélateur et à tout ce qu'il révèle, à cause de son infinie véracité.

Tout est divin dans la foi : son objet, qui est la parole de Dieu ; son motif, qui est l'infaillibilité divine ; sa provenance, qui est l'infusion surnaturelle. A tous ces titres, elle est véritablement théologale.
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Re: La Foi

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Elle est divine par son objet, ...

II. — L'objet de la foi comprend tout ce qui est révélé et révélable de la part de Dieu : c'est Dieu, vérité essentielle, se manifestant à l'homme pour le conduire à sa fin, qui est Lui-même. Toute la substance de la foi est là (1). Ce que Dieu révèle concerne Dieu ou se ramène à Dieu (2).

Voilà pourquoi la théologie enseigne que Dieu demeure l'objet fondamental de la foi, malgré la diversité des choses et des vérités contenues dans la révélation divine, sans en excepter même les vérités naturelles que la raison pourrait découvrir : Dieu les formule aux hommes afin qu'ils arrivent à une connaissance de Lui-même plus prompte et plus sûre.(3)


(1).Suarez, De Fide, Disp. 2, s. 2, n. 2 : Dicendum est Deum non esse adæquatum subjectum, et, ut sic dicam, directum fidei, sed hoc esse quolibet ens revelabile a Deo obscura revelatione... Quidquid potest revelari a Deo potest informari testimoniodivino, quod est objectum formale fidei.
(2). S. Thomas, 2. 2, q. 1, a. 1 : Si vero consideremus materialiter ea quibus fides assentit, non solum est ipse Deus, sed etiam multa alia ; quæ tamen sub assensu fidei non cadunt nisi secundum quod habent aliquem ordinem ad Deum, prout scilicet per aliquos divinitatis effectus homo adjuvatur ad tendendum in divinam finitionem. Et ideo, etiam ex hac parte, objectum fidei est quodammodo veritas prima, inquantum nihil cadit sub fide nisi in ordine ad Deum.
(3) Ibid., q. 2, a. 4 : Necessarium est nomini accipere per inodum fidei non solum ea quæ sunt supra rationem, sed etiam ea quæ per rationem cognosci possunt. Et hoc propter tria : Primo, ut citius homo ad veritatis divinæ cognotionem perveniat ;... 2° ut cognitio Dei sit communior ;... 3° propter certitudinem, etc.
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Re: La Foi

Message par Laetitia »

...divine par son motif,...

III. — Le motif déterminant de la foi, ou ce que l'Église appelle son objet formel, est la véracité divine. Quel que soit l'énoncé de la révélation, ce qui fait sa base, sa force et son unité dans l'esprit, c'est que Dieu, révélateur, ne peut ni se tromper ni induire en erreur. Par cet aspect, mieux encore que par les autres, la foi est théologale ou divine.

Ce motif forme l'assise totale et unique de la foi : s'il manque sur un point, pour une seule vérité, tout l'édifice croule.
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Re: La Foi

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...divine par l'infusion surnaturelle.

IV. — Divine par son objet, par son motif, la foi l'est encore par la grâce qui l'opère et emporte, ainsi que nous ne cessons de le remarquer, une participation à la vie même de Dieu. (1)

Il ne suffit pas d'entendre, d'approfondir, de discuter pour arriver à croire. Il faut la grâce pour franchir ce pas, et le pas n'est franchi que par l'effusion intime de la foi surnaturelle. L'enseignement accueilli avec docilité, l'application accompagnée de droiture appellent en quelque sorte la grâce, et, dans les desseins de la Providence, ces dispositions sincères en sont comme les préliminaires. Mais, tant que la grâce n'a pas frappé son coup, l'acte vrai de la foi ne s'opère pas, la foi ne subsiste pas en réalité. Elle n'est pas même commencée, ainsi que l'Église l'a définie contre les Semipélagiens (2). La prière humble, qui confesse l'impuissance rationnelle et attend de Dieu l'adhésion sincère et surnaturelle, y fait plus que les efforts du raisonnement et la chaleur des disputes.


(1). S. Thomas, 2. 2, q. 110, a. 4 : Sicut enim per potentiam intellectivam homo participat cognitionem divinam per virtutem fidei, et secundum potentiam voluntatis amorem divinum per virtutem charitatis, ita etiam per naturam animae participat secundum quamdam similitudinem naturam divinam per quamdam regenerationem sive recreationem.
(2) S. Thomas, 2. 2, q. 6, a. 1 : Oportet ponere aliquam causam interiorem quæ movet hominem interius ad assentiendum his quæ sunt fidei. Hanc autem causam Pelagiani ponebant solum liberum arbitrium hominis, et propter hoc dicebant quod initium fidei est ex nobis... Sed hoc falsum est, quia cum homo, assentiendo his quæ sunt fidei elevetur supra naturam suam, oportet quod hoc insit ei ex supernaturali principio interius moventi, quod est Deus.
(à suivre)
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Re: La Foi

Message par Laetitia »

Elle est intégrale, ou elle n'est pas.

V. — Il ressort de là que la foi est indivisible.

On ne commence pas à croire sans parvenir à l'acte complet. On ne saurait davantage adhérer successivement à une, à deux, à plusieurs vérités, avant d'arriver à les embrasser toutes simultanément. On croit ou l'on ne croit pas ; si l'on croit, on a la foi infuse, et cette foi est complète, totale, s'étendant à toutes les vérités sans exception ni restriction.

Le motif sur lequel repose la foi reste toujours identique et à l'abri de toute distinction. La véracité divine garantit tous les énoncés de la révélation, quels qu'ils soient ; prise en défaut sur un point, elle perd irrémédiablement son prestige sur tous les autres.

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Message par Laetitia »

Elle se perd totalement par un péché mortel contraire.

VI. — Cela entraîne une dernière conclusion de grande importance, savoir que la foi est entièrement détruite par un seul péché mortel contraire à cette vertu (1).

La foi infuse subsiste, intégrale, englobant toutes les confidences divines, ou elle cesse d'être. Il peut sembler à ceux qui excluent de leur croyance quelques-unes des vérités révélées, qu'ils retiennent la foi des autres : ils s'abusent eux-mêmes. C'est comme ceux qui croiraient garder la charité, parce qu'ils n'ont pas violé un seul point de la loi divine.

L'illusion est facile. La foi infuse, pas plus que la grâce sanctifiante, n'entre dans le rayon de la vision consciente ; on ne la sent ni quand elle commence ni quand elle finit.

Néanmoins, si l'on n'a pas le sentiment de sa possession, on peut savoir avec certitude qu'on l'a perdue, par la conscience que l'on a des actes qui la font perdre. Quand on rejette expressément de son esprit un dogme catholique, malgré l'enseignement bien connu de l'Église, on le sait et on le veut. Cette exclusion positive, parfaitement consciente, ne permet pas de douter que la foi intime ne soit blessée et par conséquent totalement détruite. C'est identiquement ce qui se produit pour la grâce sanctifiante et le péché mortel : on n'a pas le sentiment de la grâce, mais on a celui du péché que l'on commet ; car, encore une fois, on ne pèche qu'en le sachant et en le voulant. Le péché sciemment commis donne la triste assurance que la grâce, en supposant qu'elle fût dans l'âme avant cet acte, a cessé d'y être.


(1) S. Thomas, 2. 2, q. 5, a. 3 : Manifestum est quod hæreticus qui pertinaciter discredit unum articulum fidei non est paratus sequi in omnibus doctrinam Ecclesiæ ; si enim non pertinaciter, jam non est hæreticus, sed solum errans. Unde manifestum est quod talis hæreticus circa unum articulum, fidem non habet de aliis articulis, sed opinionem quamdam secundum propriam voluntatem.

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Re: La Foi

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Elle échappe au sentiment de la conscience.

VII. — Mais alors, dira-t-on, on n'est jamais certain d'avoir la foi ? — La réponse est simple : on n'est pas plus certain d'avoir la foi qu'on ne l'est d'avoir la charité, la contrition, la grâce sanctifiante ; à moins d'une révélation spéciale, personne ne sait, d'une certitude de foi, s'il est digne d'amour ou de haine (1).

Y a-t-il lieu de s'abandonner à l'inquiétude ? Non certes, l'inquiétude n'avancerait rien et ne pourrait qu'ébranler la foi et l'espérance. Quand on a fait moralement ce que l'on a pu, le mieux est de se reposer confidemment en la miséricorde divine, sans scruter l'insondable ni se livrer à des soucis sans solution.


(1). Conc. Trid., sess. 6, c. 9 : Sic quilibet, dum seipsum suamque propriam infirmitatem et indispositionem respicit, de sua gratia formidare et timere potest, cum nullus scire vleat certitudine fidei cui non potest subesse falsum se gratiam Dei esse consecutum.
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Re: La Foi

Message par Laetitia »

On peut avoir néanmoins des présomptions et des assurances morales de son existence dans l'âme.

VIII. — Pour la foi en particulier, il est permis de tenir le vif sentiment qui éclate dans l'âme croyante comme une attestation et un rejaillissement de la vertu infuse opérée par la grâce. Il est des chrétiens qui se sentent prêts à affronter la mort et les supplices plutôt que de renier un seul article de leur croyance, et qui puisent dans leurs convictions la lumière et la force pour s'affranchir du péché et s'avancer dans la pratique des saintes vertus. Cette persuasion intime, cette ardeur agissante et féconde suffisent amplement à insinuer confiance et sécurité.

En fait, il émane de la foi intime des clartés demi-obscures et chaudes, qui, non seulement attestent l'adhésion entière de l'entendement aux dogmes révélés, mais les lui rendent, en quelque sorte, lumineux, plausibles, se justifiant par eux-mêmes, selon l'expression du Psalmiste (1), et s'accordant les uns avec les autres dans une parfaite harmonie : clartés semblables à ces rayons latents qui s'échappent de foyers invisibles et révèlent leur existence moins par la lumière que par la chaleur. Plus la foi est simple, c'est-à-dire sans aucun effort humain pour introduire le contrôle de la raison, et plus, d'ordinaire, est profonde, facile, persuasive, cette pénétration à demi consciente des mystères de la foi.

Il n'en existe pas moins une différence radicale entre la science et la foi, ainsi que nous allons le dire au chapitre suivant.


(1). Ps. XVIII, 10 : Judicia Domini vera, justificata in semetipsa.
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Re: La Foi

Message par Laetitia »


LA FOI ET LA SCIENCE

chapitre VI de l'ouvrage du Chanoine M.-J. RIBET, Les vertus et les dons dans la vie chrétienne., Paris, 1913.



La foi et la science.

La foi et la science forment deux ordres distincts.

I.— La foi et la science forment deux ordres à part. Nous ne disons pas, qu'on le remarque bien, que la foi et la science sont opposées l'une à l'autre, qu'elles s'infligent des démentis réciproques, qu'elles se renvoient mutuellement des contradictions ; mais seulement que l'une n'est pas l'autre. Il est facile de le démontrer en rapprochant leurs notions respectives (1).

Le propre de la foi est de croire, sur le témoignage divin, à ce que Dieu révèle. Ce que Dieu révèle est, en principe, en dehors du rayon visuel de l'homme ; mais qu'il puisse le percevoir ou non, l'homme n'y croit que parce que Dieu l'affirme. Ce que l'on perçoit ne saurait être l'objet de foi, du moins en tant que perçu (2).

La science, au contraire, suppose la connaissance et la perception intellectuelle, tant des faits contingents que des principes rationnels ; c'est le travail de la raison recueillant les phénomènes épars, les données axiomatiques ou déjà démontrées, les coordonnant par ordre logqiue, les reliant au moyen du raisonnement, en induisant des lois certaines, en déduisant des conclusion fermes, et adhérant à ces résultats par l'évidence immédiate ou discursive des objets et des rapports. En un mot, la science perçoit, déduit, connaît ; elle n'affirme pas ce qu'elle ignore ; ce qu'elle affirme, elle le sait par elle-même , parce qu'elle le voit ou parce qu'elle le démontre. (3)

(1) S. Thomas, 2. 2, q. 1, a. 4 : Fides importat assensum intellectus ad quod creditur.
(2) Ibid. a. 5 : Oportet quæcumque sunt scita aliquo modo esse visa. Non autem est possibile quod idem ab eodem sit visum et creditum. Unde etiam impossibile est quod ab eodem idem sit scitum et creditum. Potest tamen contingere ut id quod est visum vel scitum ab uno sit creditum ab alio... Et ideo et scientia non sunt de eodem.
(3) Bonal, Inst theol., De Fide, c. IV, n. 113, t. II, p. 71 : An... fides et scientia non possint in eodem intellecta circa idem objectum coexistere, controvertitur inter theologos. — Alii quippe negant objectum evidenter ratione cognitum, posse simul fide divina credi. Ita P. Lombardus, S. Thom., 2. 2, q. 1, a. 4, 5, et tota ejus schola, Scotus et scotistæ. — Alii vero, multo plures, partem affirmativam tenent, inter quos : Albert. Magnus, Alex. Alensis, Durandus, Salmeron, Suarez, Disp. 3, 5, 9, Kilber, n. 211, Perrone, De Loc. Theol., 3. P., c. 2, prop. 4.
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Re: La Foi

Message par Laetitia »

L'assentiment de la foi tombe sur la Révélation en tant que parole de Dieu, vérité souveraine.

II. — Dans la foi proprement dite, l'esprit se repose directement et entièrement sur l'autorité divine, lui révélant ce qui échappe à son rayon visuel. La certitude absolue fournie par la véracité divine essentiellement exempte d'erreur, rend cette adhésion rationnelle. Bien plus, cette base de la véracité divine, étant infinie et affranchie de toute restriction, suffit à garantir toutes les affirmations, de quelque ordre qu'elles soient, rationnelles ou suprarationnelles. Le bon sens dit que, pour tant que Dieu l'affirme, il n'affirme jamais que la vérité ; il n'y a pas d'axiome au-dessus de celui-là.

Sans doute, pour que l'homme entende Dieu, il est au moins nécessaire qu'il saisisse le sens des termes de la révélation, bien que le rapport affirmé entre les concepts lui échappe ; mais, qu'on le remarque bien, sa foi concerne, non ce qu'il entend, mais précisément ce qu'il n'entend pas et à quoi néanmoins il adhère, en pleine certitude, sur l'affirmation divine. Et, entendrait-il, ce n'est pas parce qu'il entend qu'il croit, mais uniquement parce que Dieu l'atteste. La même vérité peut être l'objet de science en tant que connue par la raison, et objet de foi en tant que révélée par Dieu, selon l'enseignement de graves théologiens. Si l'affirmation est identique quant à l'objet, le motif et le mouvement de l'adhésion intime diffèrent, selon qu'elle procède de la raison ou de la foi : la raison s'appuie sur l'évidence ou sur le raisonnement, et l'énergie déployée dans l'acte ne dépasse pas les forces de la nature ; la foi, au contraire, se repose exclusivement sur la révélation divine, et l'adhésion intime prend les proportions surnaturelles de la grâce.

Ainsi la foi a son point de départ en la parole et au témoignage de Dieu ; et, ferme sur cette base exclusive, elle y demeure, sans plus discourir, sans rien discuter, joyeusement perdue en cette obscurité sainte et sûre, jusqu'à l'heure où elle cédera la place à la vision.
(à suivre)
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