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Re: Les austérités

Publié : mar. 27 mars 2018 20:42
par Laetitia
Le silence.

XI. — Toutes les règles monastiques inscrivent le silence parmi les prescriptions destinées à réduire la nature et à favoriser la prière. « Soyez persuadées, chères âmes, disait Bossuet (1) parlant à des religieuses, qu'en gardant fidèlement le silence, vous serez victorieuses de toutes vos passions et qu'en peu de temps vous arriverez à la perfection. » La vertu du silence est de contenir la langue, qui est pour l'homme une source intarissable de péchés, et, comme l'intempérance de la langue est très difficile à réprimer, le silence constitue une des pénitences les plus austères et les plus méritoires (2).


(1) Instr. Aux relig. Ursulines de Meaux : sur le silence, t. 5, p. 219.
(2) Bona, Principia vitae christian. § 8, p. 78 : Sapientissimus est qui scit tacere, difficilius est etenim nosse tacere, quam loqui.
(à suivre)

Re: Les austérités

Publié : mar. 27 mars 2018 20:45
par Laetitia
Le cilice et la haire.

XII. — Les pénitences dues à l'initiative individuelle ne sauraient s'énumérer. Les saints ont toujours été ingénieux à tourmenter le corps, afin de le réduire ; ils usaient de mille industries pour éluder l'inexorable loi du sommeil et de la nourriture, ou la ramener du moins au strict nécessaire, et plus d'une fois ils semblent sortir des limites de la prudence humaine. Sans jeter aucun blâme sur des excentricités qui peuvent procéder de l'esprit de Dieu, on ne doit pas les proposer à l'imitation. Nous ne mentionnerons ici que les pénitences traditionnelles dans le monde de la piété.

Le sens du toucher est le siège principal du plaisir : on le mortifie par un contact qui l'irrite et l'émousse. Les vêtements rudes et grossiers obtiennent immédiatement ce but.

Le cilice a toujours été signalé chez tous les peuples parmi les instruments de pénitence. C'est un tissu fait de poils rudes et piquants et que l'on porte sur la chair.

Généralement il se compose de deux carrés reliés par deux bandes, comme un scapulaire, et qui retombent l'un sur le dos, l'autre sur la poitrine. Parfois c'est une tunique étroite qui serre tout le haut du corps : c'est le sac dont il est si souvent parlé dans l'Écriture. Il y en a aussi en forme de ceinture. Agaçant pendant le jour, cet habit de poils le devient davantage pendant la nuit et rend le sommeil difficile.

La haire, sorte de cilice, est une chemise ordinairement sans manches, faire de crins de cheval, ou de chanvre et de crins tissés ensemble. « La haire, observe saint François de Sales (1), matte puissamment le corps, mais son usage n'est pas pour l'ordinaire propre ny aux gens mariez, ny aux delicates complexions, ny à ceux qui ont à supporter d'autres grandes peines. Il est vray qu'ès jours plus signalez de la pénitence, on la peut employez avec l'advis du discret confesseur. »


(1) Introduct., 3e p., ch. 23 p. 290.
(à suivre)

Re: Les austérités

Publié : mar. 27 mars 2018 20:59
par Laetitia
Les chaînes.

XIII. — Les chaînes métalliques sont employées comme engins de pénitence.

Ce sont des treillis en fil de fer, de cuivre ou de tout autre métal, dont les pointes sont retournées en saillie, et c'est par ce côté des pointes qu'on les applique et les fixe sur la chair, à la ceinture, aux bras et aux jambes, d'où le nom de ceintures et de bracelets.

(à suivre)

Re: Les austérités

Publié : mar. 27 mars 2018 21:02
par Laetitia
La flagellation et la discipline.

XIV. — La discipline est aussi célèbre et d'un usage plus étendu.

On appelle ainsi un fouet destiné à flageller le corps. Elle est en fer ou de cordes. La première se compose d'un faisceau de chaînettes terminées en pointes et réunies à une chaîne qui sert à les brandir. L'autre se fait avec des cordes nouées et armées quelquefois de pointes de fer. La forme et la matière importent peu.

La flagellation peut-être faite par une main étrangère ou par chacun de sa propre main. La première sorte a été en usage chez tous les peuples comme châtiment. Elle faisait partie des corrections infligée aux moines dans les anciennes règles monastiques.

Le souvenir de la flagellation du Sauveur n'a pas peu contribué sans doute à accréditer ce genre de pénitence. Cependant on ne le voit apparaître qu'au moyen âge. A cette époque, les flagellants (1), qui dégénérèrent en hérétiques, se frappaient souvent les uns les autres en public. Sous cette forme la flagellation offre plus d'un périls. Sur quelque partie du corps que la main étrangère l'exerce, les lois les plus élémentaires de la décence interdisent de la pratiquer entre personnes de sexe différent. Elle ne serait pas sans inconvénient même entre personnes d'un même sexe.

La pratique générale est que chacun se flagelle de sa propre main et en secret. Dans certaines communautés religieuses des plus austères, on prend la discipline en commun, durant un temps déterminé : dix minutes, un quart d'heure ; ou pendant la récitation d'un ou plusieurs Miserere, soit chacun dans sa cellule, soit réunis au chœur, au chapitre ou dans une salle commune, mais alors dans l'ombre et avec toutes les précautions qu'exige la modestie. L'exercice a lieu une, deux ou trois fois la semaine, selon les règles et les coutumes de chaque maison ; mais les supérieurs et supérieures donnent des licences particulières , en ayant soin de déterminer le temps ou le nombre des coups.
La flagellation se fait régulièrement sur le dos. Il paraît que, pratiquée sur les épaules, elle présente des dangers pour la santé. Il en est qui l'exercent à la partie dorsale inférieure et au haut des jambes, au siège, en un mot.
Ce mode est signalé comme périlleux pour la chasteté. Selon Benoît XIV (2), cela ne peut être que l'exception, et ceux qui ressentiraient de tels effets n'auraient qu'à s'abstenir ou à prendre une autre partie du corps. La flagellation aux mollets n'offre pas cet inconvénient ; si elle n'en a pas d'autres elle a celui d'être fort douloureuse.

L'usage de la discipline est général dans les monastères et les communautés religieuses, et la pratique en est plus étendue qu'on ne pense parmi les personnes du monde vouées à la piété. L'énergie déployée pour s'armer ainsi contre soi-même et s'imposer l'aiguillon de la douleur, devient un excitant de la ferveur, et par ce châtiment volontaire elle prévient et contient l'audace de la chair. Saint François de Sales (3) disait à sa Philothée : « La discipline a une vertu merveilleuse pour recueillir l'appetit de la dévotion, estant prise moderement. »



(1) Cf. Fleury, Les Mœurs des chrétiens, n. 63. — Bergier, Dict. De Théol., Flagellans. — Benoît XIV, de Beatific. Et Canon. l. 3, c. 28, n. 7.
(2) De Beatific. Et Can. l. 3, c. 28, n. 7 : Spernendæ vero sunt oppositiones petitæ a detrimento oculorum et incitamento ad libidinem : vix enim invenitur qui haec experiatur ; quod si experiretur, deberet ab iis abstinere aut locum verberationis mutare.
(3) Introd., 3e p., di. 23, p. 290.