Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Laetitia
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Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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                                                                       Lettre circulaire aux Amis de la Croix.
                                                      
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :…Aujourd’hui, dernier jour de ma retraite, je sors, pour ainsi dire, de l’attrait de mon intérieur, afin de former sur ce papier quelques légers traits de la Croix, pour en percer vos bons cœurs. Plût à Dieu qu’il ne fallût pour les aiguiser que le sang de mes veines au lieu de l’encre de ma plume ! mais hélas ! quand il serait nécessaire, il est trop criminel. Que l’esprit donc du Dieu vivant soit comme la vie, la force et la teneur de cette lettre : que son onction soit comme l’encre de mon écritoire, que la divine croix soit ma plume, et que votre cœur soit mon papier.

Vous êtes unis ensemble, Amis de la Croix, comme autant de soldats crucifiés pour combattre le monde, non en fuyant comme les religieux et religieuses, de peur d’être vaincus, mais comme de vaillants et braves guerriers sur le champ de bataille, sans lâcher le pied et sans tourner le dos. Courage ! combattez vaillamment. Unissez-vous fortement de l’union des esprits et des cœurs, infiniment plus forte et plus terrible au monde et à l’enfer, que ne le sont aux ennemis de l’État, les forces extérieures d’un royaume bien uni.

Les démons s’unissent pour vous perdre, unissez-vous pour les terrasser ; les avares s’unissent pour trafiquer et gagner de l’or et de l’argent, unissez vos travaux pour conquérir les trésors de l’éternité, renfermés dans la croix ; les libertins s’unissent pour se divertir, unissez-vous pour souffrir : vous vous appelez Amis de la Croix. Que ce nom est grand ! Je vous avoue que j’en suis charmé et ébloui. Il est plus brillant que le soleil, plus élevé que les cieux, plus glorieux et plus pompeux que les titres les plus magnifiques des rois et des empereurs , c’est le grand nom de Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme tout ensemble ; c’est le nom sans équivoque d’un chrétien.

Mais si je suis ravi de son éclat, je ne suis pas moins épouvanté de son poids. Que d’obligations indispensables et difficiles, renfermées en ce nom, et exprimées par ces paroles du Saint-Esprit : Genus electum, regale sacerdotium, gens sancta, populus acquisitionis !

Un Ami de la Croix est un homme choisi de Dieu entre dix mille, qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin, élevé au-dessus de la raison, et tout opposé aux sens par une vie et une lumière de pure foi, et un amour ardent pour la croix.

Un Ami de la Croix est un roi tout puissant et un héros triomphant du démon, du monde et de la chair dans leurs trois concupiscences; par l’amour des humiliations il terrasse l’orgueil de satan, par l’amour de la pauvreté il triomphe de l’avarice du monde, par l’amour de la douleur il amortit la sensualité de la chair.

Un Ami de la Croix est un homme saint et séparé de tout le visible, dont le cœur est élevé au-dessus de tout ce qui est caduque et périssable, et dont la conversation est dans les cieux, qui passe sur la terre comme un étranger et un pèlerin, et qui, sans y donner son cœur, la regarde de l’oeil gauche avec indifférence et la foule de ses pieds avec mépris.

Un Ami de la Croix est une illustre conquête de Jésus-Christ crucifié sur le Calvaire , en union de sa sainte Mère : c’est un bénoni ou Benjamin, fils de la douleur et de la droite, enfanté dans son cœur douloureux, venu au monde par son côté droit percé, et tout empourpré de son sang; tenant de son extraction sanglante, il ne respire que croix, que sang et que mort au monde, à la chair et au péché, pour être tout caché ici bas avec Jésus-Christ en Dieu.

Enfin, un parfait Ami de la Croix est un vrai porte-Christ ou plutôt un Jésus-Christ, en sorte qu’il peut dire avec vérité : Vivo jam non ego; vivit vera in me Christus; Je vis, non je ne vis plus, mais Jésus-Christ vit en moi....
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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Êtes-vous par vos actions, mes chers Amis de la Croix, tels que votre grand nom signifie, ou du moins avez-vous un vrai désir et une volonté véritable de le devenir avec la grâce de Dieu, à l’ombre de la Croix du Calvaire, et de Notre-Dame-de-Pitié ? Prenez-vous les moyens nécessaires pour cet effet ?

Êtes-vous entrés dans la vraie voie de la vie, qui est la voie étroite et épineuse du Calvaire ? N’êtes-vous point, sans y penser, dans la voie large du monde qui est la voie de la perdition ? Savez-vous bien qu’il y a une voie qui paraît droite et sûre à l’homme, et qui conduit à la mort ? Distinguez-vous bien la voix de Dieu et de sa grâce d’avec celle du monde et de la nature ?

Entendez-vous bien la voix de Dieu, notre bon Père, qui, après avoir donné sa triple malédiction à tous ceux qui suivent les concupiscences du monde, vae, vae, vae habitantibus in terra, vous crie amoureusement en vous tendant les bras :

« Separamini, popule meus, séparez-vous mon peuple choisi, chers Amis de la Croix de mon Fils ; séparez-vous des mondains, maudits de ma Majesté, excommuniés de mon Fils et condamnés de mon Saint-Esprit. Prenez garde de vous asseoir dans leur chaire tout empestée, n’allez point dans leurs conseils, ne vous arrêtez pas même dans leur chemin. Fuyez du milieu de la grande et infâme Babylone, n’écoutez que la voix, et ne suivez que les traces de mon Fils bien-aimé que je vous ai donné pour être votre voie, votre vérité, votre vie et votre modèle, ipsum audite. »

L’écoutez-vous cet aimable Jésus qui vous crie chargé de sa croix : «Venite post me, venez après moi; celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres ; confidite, ego vici mundum, confiez-vous, j’ai vaincu le monde. »
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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Voilà, mes chers confrères, voilà deux partis qui se présentent tous les jours, celui de Jésus-Christ et celui du monde : celui de notre aimable Sauveur est à droite, en montant, dans un chemin étroit et rétréci plus que jamais par la corruption du monde.

Ce bon maître y est en tête, marchant les pieds nus, la tête couronnée d’épines, le corps tout ensanglanté et chargé d’une lourde croix; il n’y a qu’une poignée de gens, mais des plus vaillants, à le suivre, parce qu’on n’entend pas sa voix si délicate au milieu du tumulte du monde, ou on n’a pas le courage de le suivre clans sa pauvreté, ses douleurs, ses humiliations et ses autres croix , qu’il faut nécessairement porter à son service tous les jours de la vie.

A gauche, est le parti du inonde ou du démon, lequel est le plus nombreux, le plus magnifique et le plus brillant, du moins en apparence. Tout le plus beau monde y court, on y fait presse quoique les chemins soient larges, et plus élargis que jamais par la multitude qui y passe comme des torrents ; ils sont jonchés de fleurs, bordés de plaisirs et de jeux, couverts d’or et d’argent.

A droite, le petit troupeau qui suit Jésus-Christ, ne parle que de larmes, de pénitences, d’oraisons et de mépris du monde : on entend continuellement ces paroles entrecoupées de sanglots: « Souffrons, pleurons, jeûnons, prions, cachons-nous, humilions-nous, appauvrissons-nous, mortifions-nous ; car celui qui n’a pas l’esprit de Jésus-Christ, qui est un esprit de croix , n’est point à lui ; ceux qui sont à Jésus-Christ, ont crucifié leur chair avec »leurs concupiscences; il faut être conforme à l’image de Jésus-Christ ou être damné. Courage, s’écrient-ils, courage, si Dieu est pour nous, en nous et devant nous, qui sera contre nous ? Celui qui est en nous est plus fort que celui qui est dans le monde ; le serviteur n’est pas plus que le maître ; un moment d’une légère tribulation produit un poids éternel de gloire; il y a moins d’élus qu’on ne pense; il n’y a que des courageux et violents qui ravissent le ciel de vive force; personne n’y sera couronné que celui qui aura combattu légitimement selon l’Evangile, et non pas selon la mode. Combattons donc avec force, courons bien vite afin que nous atteignions le but, afin que nous gagnions la couronne. »
Voilà une partie des paroles divines dont les Amis de la Croix s’animent mutuellement.
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Les mondains, au contraire, pour s’animer à persévérer dans leur malice sans scrupule, crient tous les jours : « La vie, la vie, la paix, la paix, la joie, la joie! Mangeons, buvons, chantons, dansons, jouons : Dieu est bon, Dieu ne nous a pas faits pour nous damner , Dieu ne défend pas de se divertir ; nous ne serons pas damnés pour cela, point de scrupule, non moriemini, etc.»

Souvenez-vous, mes chers confrères, que notre bon Jésus vous regarde à présent, et vous dit à chacun en particulier :

« Voilà que quasi tout le monde M’abandonne dans le chemin royal de la Croix : les idolâtres aveugles se moquent de ma Croix comme d’une folie, les Juifs obstinés s’en scandalisent comme d’un objet d’horreur, les hérétiques la brisent et l’abattent, comme une chose digne de mépris :

mais ce que Je ne puis dire que les larmes aux yeux et le cœur percé de douleur, mes enfants que j’ai élevés dans mon sein, et que j’ai instruits en mon école, mes membres que J’ai animés de mon esprit, m’ont abandonné et méprisé en devenant les ennemis de ma Croix.

Numquid et vos vultis abire ? Voulez-vous point aussi vous autres m’abandonner en fuyant ma Croix , comme les mondains qui sont en cela autant d’antéchrists, Antichristi multi ?

Voulez-vous, afin de vous conformer à ce siècle présent, mépriser la pauvreté de ma Croix pour courir après les richesses, éviter la douleur de ma Croix , pour rechercher les plaisirs , haïr les humiliations de ma Croix , pour ambitionner les honneurs ?

J’ai beaucoup d’amis en apparence, qui protestent qu’ils M’aiment, et qui, dans le fond, Me haïssent, parce qu’ils n’aiment pas ma Croix , beaucoup d’amis de ma table , et très-peu de ma Croix. »
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :A cet appel amoureux de Jésus, élevons-nous au-dessus de nous-mêmes ; ne nous laissons pas séduire par nos sens, comme Ève; ne regardons que l’auteur et le consommateur de notre foi, Jésus crucifié ; fuyons la corruption de la concupiscence du monde corrompu ; aimons Jésus-Christ de la belle manière, c’est-à-dire au travers de toutes sortes de croix. Méditons bien ces admirables paroles de notre aimable Maître, qui renferment toute la perfection de la vie chrétienne. Si quis vult venire post me, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me.

Toute la perfection chrétienne, en effet, consiste : 1° à vouloir devenir un saint : Si quelqu’un veut venir après moi ; 2° à s’abstenir : qu’il renonce à soi-même; 3° à souffrir : qu’il porte sa Croix; 4° à agir : et qu’il me suive.

Si quis, si quelqu’un, quelqu’un et non pas quelques-uns, pour marquer le petit nombre des élus qui veulent se conformer à Jésus-Christ crucifié en portant leur Croix. Il est si petit, si petit, que, si nous le connaissions, nous nous en pâmerions de douleur. Il est si petit, que, si Dieu voulait les assembler, il leur crierait comme il fit autrefois par la bouche d’un prophète : Congregamini unus et unus, assemblez-vous un à un, un de cette province, un de ce royaume.

Si quis vult, si quelqu’un a une vraie volonté, une volonté entière, et déterminée non par la nature, la coutume, l’amour-propre, l’intérêt ou le respect humain, mais par une grâce toute victorieuse du Saint-Esprit, qui ne se donne pas à tout le monde, non omnibus datum est nosse mysterium. La connaissance du mystère de la Croix dans la pratique n’est donnée qu’à peu de gens ; il faut qu’un homme, pour monter sur le Calvaire et s’y laisser mettre en Croix avec Jésus, au milieu de son propre pays, soit un courageux, un héros, un déterminé , un homme élevé en Dieu , qui fasse litière du monde et de l’enfer, de son corps et de sa propre volonté, un déterminé à tout quitter, à tout entreprendre, et tout souffrir pour Jésus-Christ.

Sachez, chers Amis de la Croix, que ceux parmi vous qui n’ont pas cette détermination, ne marchent que d’un pied, ne volent que d’une aile , et ne sont pas dignes d’être parmi vous, parce qu’ils ne sont pas dignes d’être nommés Amis de la Croix , qu’il faut aimer avec Jésus-Christ, corde magno et animo volenti. Il ne faut qu’une demi-volonté de cette manière pour gâter tout le troupeau, comme une brebis galeuse. S’il y en a déjà quelqu’une d’entrée par la mauvaise porte du monde, dans votre bergerie, au nom de Jésus-Christ crucifié, qu’on la chasse comme une louve entrée parmi les brebis.

Si quis vult post me venire, si quelqu’un veut venir après moi, qui me suis si humilié et si anéanti, que je suis devenu plutôt un vermisseau qu’un homme, ego sum vermis et non homo, après moi qui ne suis venu au monde que pour embrasser la Croix, ecce venio, que pour la placer dans le milieu de mon cœur, in medio cordis, que pour l’aimer dès ma jeunesse, hanc amavi a juventute mea, que pour soupirer après elle pendant ma vie, quomodo coaretor, que pour la porter avec joie en la préférant à toutes les joies et les délices du ciel et de la terre, proposito sibi gaudio sustinuit crucem, et enfin qui n’ai été content que lorsque je suis mort dans ses divins embrassements.

Si quelqu’un donc veut venir après moi ainsi anéanti et crucifié, qu’il ne se glorifie comme moi que dans la pauvreté, les humiliations et les douleurs de ma Croix, abneget semetipsum, qu’il renonce à soi-même.
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Loin de la compagnie des Amis de la Croix, ces souffrants orgueilleux, ces sages du siècle , ces grands génies et ces esprits forts qui sont entêtés et bouffis de leurs lumières et de leurs talents; loin d’ici ces grands babillards , qui font grand bruit et point d’autre fruit que celui de la vanité ; loin d’ici ces dévots orgueilleux qui portent partout le quant-à-moi de l’orgueilleux Lucifer, non sum sicut ceteri, qui ne peuvent souffrir qu’on les blâme sans s’excuser, qu’on les attaque sans se défendre, et qu’on les abaisse sans se relever !

Prenez bien garde d’admettre en votre compagnie de ces délicats et sensuels qui craignent la moindre piqûre, et qui s’écrient et se plaignent à la moindre douleur, qui n’ont jamais goûté de la haire, du cilice et de la discipline, et des autres instruments de pénitence, et qui, parmi leurs dévotions à la mode, mêlent une délicatesse et une immortification la plus plâtrée et la plus raffinée.

Tollat Crucem suam, qu’il porte sa Croix : suam, la sienne. Que celui-là, que cet homme, que cette femme rare, de ultimis finibus prœtium ejus, que toute la terre d’un bout à l’autre ne saurait payer, prenne avec joie, embrasse avec ardeur, et porte sur ses épaules avec courage sa Croix, et non celle d’un autre, sa Croix, que, par ma sagesse, je lui ai faite avec nombre, poids et mesure ; sa Croix, à laquelle j’ai de ma propre main mis ses quatre dimensions dans une grande justesse, savoir, son épaisseur, sa longueur, sa largeur et sa profondeur;

sa Croix, que je lui ai taillée d’une partie de celle que j’ai portée sur le Calvaire , par un effet de la bonté infinie que je lui porte ;

sa Croix, qui est le plus grand présent que je puisse faire à mes élus sur la terre ;

sa Croix, composée en son épaisseur des pertes de biens, des humiliations, des mépris, des douleurs, des maladies et des peines spirituelles qui doivent par ma Providence lui arriver chaque jour jusqu’à sa mort;

sa Croix, composée en sa longueur d’une certaine durée de mois ou de jours qu’il doit être accablé de la calomnie, être étendu sur un lit, être réduit à l’aumône, et être en proie aux tentations, aux sécheresses, abandons et autres peines d’esprit ;

sa Croix, composée en sa largeur de toutes les circonstances les plus dures et les plus amères, soit de la part de ses amis, de ses domestiques, de ses parents ;

sa Croix, enfin, composée en sa profondeur des peines les plus cachées dont je l’affligerai, sans qu’il puisse trouver de consolation dans les créatures, qui même, par mon ordre, lui tourneront le dos et s’uniront avec moi pour le faire souffrir.

Tollat, qu’il la porte, et non pas qu’il la traîne, et non pas qu’il la secoue, et non pas qu’il la retranche, et non pas qu’il la cache, c’est-à-dire qu’il la porte haute à la main, sans impatience ni chagrin, sans plainte ni murmure volontaire, sans partage et ménagement naturel, sans honte et sans respect humain.

Tollat, qu’il la place sur son front, en disant avec saint Paul : Mihi absit gloriari, nisi in Cruce Domini nostri Jesu Christi ! A Dieu ne plaise que je prenne ma gloire en autre chose que la Croix de Jésus-Christ mon maître !

Qu’il la porte sur ses épaules à l’exemple de Jésus-Christ, afin que cette Croix lui devienne l’arme de ses conquêtes et le sceptre de son empire, imperium principatus ejus super humerum ejus ;

enfin, qu’il la mette dans son cœur par l’amour, pour la rendre un buisson ardent qui brûle jour et nuit du pur amour de Dieu sans se consumer.
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Crucem, la Croix, qu’il la porte, puisqu’il n’y a rien de si nécessaire , de si utile et de si doux, ni de si glorieux que de souffrir quelque chose pour Jésus-Christ.

En effet, chers Amis de la Croix, vous êtes tous pécheurs ; il n’y en a pas un parmi vous qui ne mérite l’enfer, et moi plus que personne. Il faut que nos péchés soient punis en ce monde, ou dans l’autre ; s’ils le sont en celui-ci, ils ne le seront pas dans l’autre ;

si Dieu les punit en celui-ci de concert avec nous, la punition sera amoureuse, ce sera la miséricorde qui règne en ce monde qui châtiera, et non la justice rigoureuse ; le châtiment sera léger et passager, accompagné de douceurs et de mérites, suivi de récompenses dans le temps et l’éternité.

Mais, si le châtiment nécessaire aux péchés que nous avons commis est réservé dans l’autre monde, ce sera la justice vengeresse de Dieu, qui met tout à feu et à sang, qui fera ce châtiment ! Châtiment épouvantable, horrendum, ineffable, incompréhensible, quis novit postestatem irae tuae ! châtiment sans miséricorde, judicium sine mitericordis, sans pitié, sans soulagement, sans mérites, sans bornes et sans fin. Oui, sans fin; ce péché mortel d’un moment que vous avez fait, cette pensée mauvaise et volontaire qui a échappé à votre connaissance, cette parole que le vent a emportée, cette petite action contre la loi de Dieu, qui a si peu duré, sera punie une éternité, tant que Dieu sera Dieu, avec les démons dans les enfers, sans que ce Dieu des vengeances ait pitié de vos effroyables tourments, de vos sanglots et de vos larmes, capables de fendre les rochers.

A jamais souffrir, sans mérite, sans miséricorde et sans fin ! Y pensons-nous, mes chers Frères et Sœurs, quand nous souffrons quelque peine en ce monde ? Que nous sommes donc heureux de faire un si heureux échange d’une peine éternelle et infructueuse en une passagère et méritoire, en portant cette Croix avec patience ! Combien avons-nous de dettes non payées ! combien avons-nous de péchés commis, pour l’expiation desquels, même après une contrition amère et une confession sincère, il faudra que nous souffrions dans le Purgatoire des siècles entiers, parce que nous nous sommes contentés en ce monde de quelques pénitences fort légères !

Ah ! payons dans ce monde à l’amiable, en portant bien notre Croix ; tout est payé à la rigueur jusqu’au dernier denier, jusqu’à une parole oiseuse, dans l’autre. Si nous pouvions seulement ravir au démon le livre de mort, où il a marqué tous nos péchés et la peine qui leur est due, que nous trouverions un grand debet de compte, et que nous serions ravis de souffrir des années entières ici bas, plutôt que de souffrir une seule journée en l’autre !
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Ne vous flattez-vous pas, mes Amis de la Croix, d’être les amis de Dieu, ou de vouloir le devenir ? Résolvez-vous donc à boire le calice, qu’il faut boire nécessairement pour être fait ami de Dieu : Calicem Domini biberunt, et amici Dei facti sunt. Le bien-aimé Benjamin eut le calice, et ses autres frères n’eurent que le froment ; le grand favori de Jésus-Christ a eu son cœur, a monté au Calvaire et a bu au calice : Potestis bibere calicem ? Il est bon de désirer la gloire de Dieu, mais la désirer et la demander, sans se résoudre à tout souffrir, c’est une folle et extravagante demande, Nescitis quid petatis.... oportet per multas tribulationes;

il faut, oportet, c’est une nécessité ; c’est une chose indispensable ; il faut que nous entrions dans le royaume des cieux par beaucoup de tribulations et de croix. Vous vous glorifiez avec raison d’être les enfants de Dieu, glorifiez-vous donc des coups de fouet que ce bon Père vous a donnés, et vous donnera dans la suite, car il fouette tous ses enfants. Si vous n’êtes pas du nombre de ses fils bien-aimés, vous êtes, ô quel malheur ! ô quel coup de foudre ! vous êtes, comme dit saint Augustin, du nombre des réprouvés.

Celui qui ne gémit pas dans ce monde, comme un pèlerin et un étranger, ne se réjouira pas dans l’autre monde comme un citoyen du ciel, dit le même saint Augustin. Si Dieu le Père ne vous envoie pas de temps en temps quelques bonnes croix, c’est qu’il ne se soucie plus de vous, c’est qu’il est en colère contre vous ; il ne vous regarde plus que comme un étranger hors de sa maison et de sa protection, ou comme un enfant bâtard qui, ne méritant pas d’avoir sa portion dans l’héritage de son Père, n’en mérite pas les soins et la correction.

Amis de la Croix, écoliers d’un Dieu crucifié, le mystère de la Croix est un mystère inconnu des Gentils, rejeté des Juifs et méprisé des hérétiques et des mauvais catholiques ; mais c’est le grand mystère que vous devez apprendre en pratique dans l’école de Jésus-Christ, et que vous ne pouvez apprendre qu’à son école.

Vous chercherez en vain dans toutes les académies de l’antiquité un philosophe qui l’ait enseigné; vous consulterez en vain la lumière des sens et de la raison : il n’y a que Jésus-Christ qui puisse vous enseigner et faire goûter ce mystère, par sa grâce victorieuse.

Rendez-vous donc habiles en cette science suréminente sous un si grand maître, et vous aurez toutes les autres sciences, puisqu’elle les renferme toutes éminemment : c’est notre philosophie naturelle et surnaturelle, notre théologie divine et mystérieuse, et notre pierre philosophale, qui change, par la patience, les métaux les plus grossiers en précieux, les douleurs les plus aigries en délices, les pauvretés en richesses, les humiliations les plus profondes en gloire. Celui parmi vous qui sait mieux porter sa Croix, quand il ne saurait d’ailleurs ni a ni b, est le plus savant de tous.
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Écoutez le grand saint Paul, qui, à son retour du troisième ciel, où il apprit les mystères cachés aux Anges même, s’écrie qu’il ne sait, et qu’il ne veut savoir que Jésus-Christ crucifié. Réjouissez-vous, pauvre idiot, pauvre femme sans esprit et sans science ; si vous savez souffrir joyeusement, vous en saurez plus qu’un docteur de Sorbonne, qui ne sait pas si bien souffrir que vous. Vous êtes membres de Jésus-Christ, quel honneur ! mais quelle nécessité de souffrir en cette qualité !

Le chef est couronné d’épines, et les membres seraient couronnés de roses ! Le chef est bafoué et couvert de boue dans le chemin du Calvaire, et les membres seraient couverts de parfums sur le trône ! Le chef n’a pas un oreiller pour se reposer, et les membres seraient délicatement couchés sur la plume et le duvet! Ce serait un monstre inouï.

Non, non, mes chers Compagnons de la Croix, ne vous y trompez pas : ces chrétiens que vous voyez, de tous côtés, ornés à la mode, délicats à merveille, élevés et graves à l’excès, ne sont pas les vrais disciples ni les vrais membres de Jésus crucifié : vous feriez injure à ce chef couronné d’épines, et à la vérité de l’Evangile, que de croire le contraire.

O mon Dieu ! que de fantômes de chrétiens, qui se croient être les membres du Sauveur, et qui sont ses persécuteurs les plus traîtres ; parce que, tandis que de la main ils font le signe de la croix, ils en sont les ennemis dans leur cœur !

Si vous êtes conduits par le même esprit, si vous vivez de la même vie que Jésus-Christ, votre chef tout épineux, ne vous attendez qu’aux épines, qu’aux coups de fouets, qu’aux clous, en un mot, qu’à la Croix, parce qu’il est nécessaire que le disciple soit traité comme le maître, et le membre comme le chef ; et si le ciel vous présente comme à sainte Catherine de Sienne, une couronne d’épines et une couronne de roses, choisissez avec elle la couronne d’épines, sans balancer, et vous l’enfoncez dans la tête pour ressembler à Jésus-Christ.
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Re: Lettre circulaire aux Amis de la Croix

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Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit :Vous n’ignorez pas que vous êtes les temples vivants du Saint-Esprit, et que vous devez, comme autant de pierres vives, être placées par ce Dieu d’amour au bâtiment de la Jérusalem céleste; attendez-vous donc à être taillées, coupées et ciselées par le marteau de la Croix; autrement, vous demeureriez comme des pierres brutes qu’on n’emploie à rien, qu’on méprise et qu’on rejette loin de soi. Prenez garde de faire regimber le marteau qui vous frappe, et prenez garde au ciseau qui vous taille, et à la main qui vous tourne. Peut-être que cet habile et amoureux architecte veut faire de vous une des premières pierres de son édifice éternel, et un des plus beaux portraits de son royaume céleste.

Laissez-le donc faire, il vous aime, il sait ce qu’il fait, il a de l’expérience ; tous ses coups sont adroits et amoureux : il n’en donne aucun de faux, si vous ne le rendez inutile par votre impatience. Le Saint-Esprit compare la Croix tantôt à un van qui purifie le bon grain de la paille et des ordures; laissez-vous donc sans résistance, comme le grain du van, ballotter et remuer : vous êtes dans le van du Père de famille, et bientôt vous serez dans son grenier; tantôt à un feu qui ôte la rouille du fer par la vivacité de ses flammes : notre Dieu est un feu consumant, qui demeure, par la Croix, dans une âme pour la purifier, sans la consumer, comme autrefois dans le buisson ardent ; tantôt à un creuset d’une forge, où le bon or se raffine, et où le faux or s’évanouit en fumée, le bon, en souffrant patiemment l’épreuve du feu, le faux, en s’élevant en fumée contre ses flammes : c’est dans le creuset de la tribulation et de la tentation que les vrais Amis de la Croix se purifient par leur patience, tandis que ses ennemis s’en vont en fumée par leur impatience et leurs murmures.

Regardez, mes chers Amis de la Croix, regardez devant vous une grande nuée de témoins, qui prouvent, sans dire mot, ce que je vous dis. Voyez, comme en passant, un Abel juste et tué par son frère ; un Abraham juste et étranger sur la terre ; un Lot juste et chassé de son pays ; un Jacob juste et persécuté par son frère ; un Tobie juste et frappé d’aveuglement; un Job juste et appauvri, humilié et frappé d’une plaie depuis les pieds jusqu’à la tête.

Regardez tant d’Apôtres et de Martyrs empourprés de leur sang; tant de Vierges et de Confesseurs appauvris, humiliés, chassés, rebutés, qui tous s’écrient avec saint Paul : Regardez notre bon Jésus, l’auteur et le consommateur de la Foi que nous avons en lui et en sa Croix : il a fallu qu’il ait souffert pour entrer par la Croix dans sa gloire.

Voyez, à côté de Jésus-Christ, un glaive perçant qui pénètre jusqu’au fond le cœur tendre et innocent de Marie, qui n’avait jamais eu aucun péché ni originel ni actuel. Que ne puis-je m’étendre ici sur la Passion de l’un et de l’autre, pour montrer que ce que nous souffrons n’est rien en comparaison de ce qu’ils ont souffert ! Après cela, qui de nous pourra s’exempter de porter sa croix ? Qui de nous ne volera pas avec rapidité dans le lieu où il sait que la Croix l’attend ? Qui ne s’écriera pas avec saint Ignace, martyr : Que le feu, que la potence, que les bêtes et tous les tourments du démon viennent fondre sur moi, afin que je jouisse de Jésus-Christ.
à suivre
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