Résumé de théologie dogmatique, Livre II : Dieu

chartreux
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Re: Résumé de théologie dogmatique, Livre II : Dieu

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SWS, Livre II, II, C3, §97 traduit par le chartreux a écrit :

II. 2. Les Pères déterminent en outre l'unité d'essence entre les personnes divines par certaines marques particulières qui la relèvent au-dessus d'une unité purement spécifique et en font une identité d'essence.

a) L'unité des personnes divines, ils la conçoivent en effet non-seulement comme une unité de ressemblance ou de parenté, telle que celle qui existe entre des personnes humaines, mais comme une unité de cohésion et d'inséparabilité, analogue à celle qui existe entre les diverses parties d'un seul être organique (la racine, le tronc et la branche ; — le corps, le bras, les doigts). Cette cohésion toutefois, car la substance des personnes divines est une substance spirituelle, ne signifie pas que les personnes sont unies entre elles comme les parties d'une substance totale, mais comme une seule substance indivisible.

b) Les Pères comparent aussi l'unité des personnes divines à l'unité d'inhérence ou d'immanence qui existe chez les esprits créés entre leurs qualités, leurs forces, leurs activités et leurs substances ; la seule différence qu'ils trouvent, c'est qu'en Dieu les personnes produites ne sont pas de purs accidents de la substance du Père, mais cette substance même, et ils font expressément ressortir qu'on ne peut pas plus les séparer du Père que sa sagesse et sa sainteté. Cf. par exemple S. Athan., Or. Contra Arianos, iv., n. 1 et suivants ; et S. Greg. Naz. , Orat., 31 (al. 37), n. 4.

c) Enfin, les saints Pères insistent sur l'immanence parfaite et réciproque des personnes divines. C'est quelque chose qui est conçu sous la notion de consubstantialité parfaite et qui constitue à la fois l'égalité et la ressemblance des personnes, ainsi que l'unité de leurs opérations. Cf. Petav., De Trin. 1. iv., c. 16.

d) C'est pour cela que les saints Pères établissent formellement que l'unité d'essence des personnes divines est une unité réelle, contrairement à l'unité de nature purement spécifique ou logique qui se trouve chez les hommes et chez les dieux du paganisme. Cf. S. Greg. Naz., Orat., 31 (al. 37), n. 3.

e) Enfin, les Pères rivalisent entre eux pour la vigueur des expressions, afin de montrer que l'unité d'essence dans les personnes est la plus intime qui se puisse concevoir, qu'elle est absolument unique, qu'il y a identité parfaite. Cf. Kilber, De Deo, disp. v.
chartreux
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SWS, Livre II, II, C3, §97 traduit par le chartreux a écrit :
II. 3. L'idée que les Pères se faisaient de l'unité absolue d'essence se voit en outre par les idées qu'ils admettaient relativement au dogme de la Trinité : ces idées ne pouvaient avoir de sens ni se justifier qu'à la condition de croire à ce dogme. Ils l'appellent d'ordinaire un grand et unique mystère. Or, ce ne serait point un tel mystère s'il y avait simplement unité spécifique. Cf. S. Basile, De Sp. S., c. 18 ; S. Greg. Nyss., Orat. Cat., n. 3. Ils disent expressément que le dogme catholique tient le milieu entre les erreurs extrêmes des sabelliens et des juifs, puis des ariens et des païens. Avec les premiers, ils soutiennent qu'il est impossible de concevoir une multiplication de la nature, mais ils ne nient pas pour cela la distinction des personnes. Avec les derniers, ils affirment la distinction des hypostases, mais ils ne bornent pas leur unité à une pure ressemblance ou égalité d'essence. Cf. S. Greg. Nyss., loc. cit. L'unité d'essence qu'ils admettent ne comporte point d'autre distinction entre les personnes que celle qui consiste dans les relations provenant de ce qu'une personne a son origine dans une autre et dans la diversité de possession qui en résulte ; de sorte que toute distinction disparaîtrait entre les personnes, si elles n'avaient pas entre elles des relations. Mais si on multipliait l'essence même, les personnes seraient trois êtres différents de même espèce, en vertu de cette triple réalisation de l'essence. Cf. S. Greg. Naz., Orat., 31 (al. 37), n. 3.
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SWS, Livre II, II, C3, §97 traduit par le chartreux a écrit :
II. 4. Les deux principales controverses qui dans le quatrième siècle se rattachent au concile de Nicée jettent également un grand jour sur le sujet qui nous occupe. C'est

a) d'abord la controverse des catholiques avec les semi-ariens qui défendaient l'ὁμοιούσιος contre l'ὁμοούσιος des catholiques ; et

b) puis la controverse entre les catholiques eux-mêmes sur la question s'il fallait admettre dans la Trinité non-seulement une seule essence, mais encore une seule hypostase ; car les latins, qui traduisaient hypostase par substance (quelques Grecs l'entendaient aussi dans ce sens), ne voulaient pas qu'on dise « trois hypostases, » parce que ce serait admettre trois substances, et par conséquent une essence multipliée en trois. Les grecs disaient au contraire qu'ils ne prenaient pas «hypostase » dans cette acception, et que pour le fond ils étaient d'accord avec les latins ; s'ils avaient employé l'expression de « trois hypostases », c'était uniquement parce que l'expression grecque τρία πρόσωπα correspondant aux tres personae des latins, avait été employée par les sabelliens pour affaiblir la distinction réelle des personnes. Cf. Kuhn, §29 ; Franzelin, th. ix., n. ii ; Card. Newman, Arians, 365, 432.

Cette question fut particulièrement discutée au septième siècle, après que le trithéisme se fut formellement déclaré et quand on agita la question des deux natures en Jésus-Christ dans leur rapport avec la double opération qui en résulte.

De là vient que les adversaires des monothélites, notamment Sophrone, ainsi que les conciles tenus contre eux, se sont prononcés sur ce point avec une grande précision.
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SWS, Livre II, II, C3, §97 traduit par le chartreux a écrit :
III. L'unité absolument numérique et réelle est également une condition indispensable pour rendre possible et justifier cette expression de l'Église, que les trois personnes divines sont un seul Dieu et non plusieurs. S'il n'y avait qu'une essence spécifique ou quelque chose de semblable, en d'autres termes si la divinité était multipliée en trois personnes, il faudrait nécessairement dire qu'il y a trois dieux ; toutes les espèces ou formes d'unité ou d'union qu'on peut ajouter à l'unité spécifique : unité d'origine, d'amour, d'opérations, de pénétration réciproque, n'y changeraient rien. Lors donc que les Pères citent çà et là, avec ou sans mention expresse de l'unité réelle de la substance, les formes d'unité dont il est parlé ci-dessus pour montrer que les trois personnes sont un seul Dieu, ils n'entendent point en donner la raison formelle et adéquate. Cette raison adéquate est, selon la doctrine des Pères, l'identité et l'unité absolue de l'essence divine, exprimée par le terme ὁμοούσιος.
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SWS, Livre II, II, C3, §97 traduit par le chartreux a écrit :
IV. De l'identité absolue de l'essence il suit encore que les trois personnes sont un seul Dieu, et non pas trois dieux, bien que chacune soit Dieu pour soi. Cette expression n'est donc pas seulement justifiée, elle est la seule qui le soit. D'après une règle générale de grammaire, le pluriel des noms et des prédicats substantifs n'indique pas seulement une pluralité des sujets à qui revient ou qui possèdent le contenu de l'idée qu'on exprime, forma expressa per nomen ; il indique aussi la multiplication de ce contenu même, et cela parce que dans les noms substantifs le sujet et la chose que l'idée lui attribue ne sont pas distincts l'un de l'autre, mais conçus per modum unionis. Or, le nom de Dieu, bien qu'il n'exprime pas la divinité, mais le possesseur ou les possesseurs de la divinité, est un nom substantif, et non pas dans le sens ordinaire, mais en un sens éminent. Ce nom représente les personnes non-seulement en unité quelconque avec la divinité, mais comme lui étant réellement identiques ; elles la possèdent, non par une vertu propre à chacune d'elle, mais par suite de leur identité avec l'unique essence, c'est-à-dire en vertu d'une puissance qui leur est commune. Les trois personnes sont donc un seul Dieu. Cf. S. Thomas Ia, q. 39. La même loi s'étend aux substantifs verbaux, comme Créateur, Juge ; mais non aux prédicats adjectifs ou simplement verbaux comme vivant, sauveur. Cf. Card. Newman, Arians, p. 185 ; St. Athan., ii, p. 438.
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SWS, Livre II, II, C3, §98 traduit par le chartreux a écrit :

Section 98. La consubstantialité du Saint-Esprit avec le Père et le Fils dans la Tradition de l'Orient et de l'Occident.

I. Le "consubstantiel", ὁμοούσιος, défini par le concile de Nicée, fut exploité dans la suite contre la véritable consubstantialité du Fils par les ariens. Les Grecs schismatiques, afin de trouver un prétexte à leur schisme, en firent autant de l'ex Patre procedit du concile de Constantinople, qui indiquait la raison de la consubstantialité du Saint-Esprit avec le Père et le Fils. Ils l'interprétèrent en ce sens que le Saint-Esprit, comme le Fils, ne tient son origine que du Père, par conséquent que le Fils ne sert point d'intermédiaire pour lui communiquer l'essence divine. Il est facile cependant de montrer qu'au quatrième siècle, et justement chez les Pères grecs qu'invoquaient les schismatiques, le sentiment contraire subsistait sur l'origine du Saint-Esprit et la raison de sa consubstantialité ; que toute la lutte relative à la divinité du Saint-Esprit reposait sur l'hypothèse de sa procession du Fils. Ainsi les schismatiques, en niant que le Saint-Esprit procède du Fils, loin de suivre les traces de leurs Pères orthodoxes, font cause commune avec les macédoniens ; et tandis qu'ils reprochent à l'église latine d'avoir changé le symbole, ils se rendent eux-mêmes, au jugement de leurs Pères orthodoxes, coupables d'une altération essentielle du sens de ce symbole.
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SWS, Livre II, II, C3, §98 traduit par le chartreux a écrit :
II. C'est pour cela qu'en traitant ici cette partie du dogme relative à la procession du Saint-Esprit, nous nous bornerons à faire l'exposé méthodique de la doctrine des Pères grecs du quatrième siècle. Nous y trouverons un double avantage : 1) Nous mettrons dans tout son jour la différence réelle, — car elle existe en fait — qui existe entre les Pères grecs et les Pères latins dans la manière de concevoir le dogme et de l'exprimer, et nous éviterons ainsi toute espèce de malentendu ; 2) Nous trouverons chez les Grecs, pour l'intelligence spéculative du dogme, un élément qui est moins visible dans la conception des latins : la continuité organique de la communication de l'essence divine. Nous montrerons surtout que l'hérésie du schisme est à certains égards plus contraire à l'ancienne forme didactique des Grecs qu'à celle des Latins.

Nous allons donc examiner (A) la doctrine de l'Église grecque contre les macédoniens sur la divinité du Saint-Esprit, (B) les vues exprimées par les Pères grecs sur la procession du Saint-Esprit, comparée avec les vues et les expressions des latins ; (C) l'origine et la tendance de l'hérésie qui nie que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, et qui mérite à ces deux égards d'être appelée « l'hérésie du schisme ».
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SWS, Livre II, II, C3, §98 traduit par le chartreux a écrit :

A. Doctrine de l'Église orientale au quatrième siècle sur l'origine du Saint-Esprit, en tant que cette origine est la raison de sa consubstantialité avec le Père et le Fils.

III. Pour bien comprendre cette doctrine, il faut d'abord se faire une idée exacte de l'état de la question dans la controverse avec les pneumatomaques (autre nom des macédoniens). La question de la divinité du Saint-Esprit, comme celle de la divinité du Fils déjà résolue, était de savoir, au concret, si le Saint-Esprit tient tellement son origine du Père qu'il reçoive en vertu de cette origine non pas une essence étrangère, mais la propre essence de Dieu. Les pneumatomaques, la plupart semi-ariens, accordaient plus ou moins la consubstantialité, ὁμοιούσί, ou du moins la ressemblance, ὁμοιούσία, qui résulte de l'origine par voie de génération ; mais ils croyaient qu'il ne peut y avoir en Dieu, pas plus que chez les hommes, une autre consubstantialité que celle qui provient de la génération ; que le Saint-Esprit, pour être consubstantiel au Père et au Fils, devait être engendré de l'un ou de l'autre, frère du Fils, s'il était fils du Père, ou petit-fils du Père, s'il était fils du Fils. Cf. S. Athan., ad Serap., I, n. 15 et suivants. ; III, n. 1 et suivants. Or, comme ces deux hypothèses sont également absurdes, l'origine du Saint-Esprit, disaient-ils, doit être la même que celle des autres êtres qui ont été faits par (διὰ) le Fils ; le Saint-Esprit ne saurait donc être consubstantiel au Fils et encore moins au Père, comme s'il procédait de leur substance. Cf. Franzelin, th. xxxviii.

Pour établir et justifier la divinité du Saint-Esprit contre cette conception hérétique, deux moyens se présentaient.
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SWS, Livre II, II, C3, §98 traduit par le chartreux a écrit :
IV. Le premier consistait simplement à établir le dogme, en affirmant directement ce que les adversaires niaient en première ligne, savoir l'origine réelle du Saint-Esprit de la substance du Père, puis à expliquer par les sources mêmes de la foi que le Saint-Esprit, quoique non engendré, procède du Père aussi véritablement que le Fils, selon le concile de Nicée, procède de lui par la génération. C'est la voie que suivit le concile de Constantinople. Combinant les passages de Jean 15:26, "l'Esprit qui procède du Père", παρὰ τοῦ πατρός, et 1 Cor. 2:12, "l'Esprit qui vient de Dieu", ἐκ τοῦ θεοῦ, il définit que le Saint-Esprit procède du Père.

Que le Saint-Esprit procède également du Fils, il n'était pas ici nécessaire de le dire, car 1) les adversaires, loin de le nier, affirmaient positivement que le Fils est en général le principe du Saint-Esprit, et ils admettaient sans conteste que le Fils est principe par cela seul qu'il tient son origine du Père; 2) parce qu'il était conforme aux idées des adversaires que si une troisième personne procédait du Père, cette procession devait avoir pour intermédiaire la personne qui procède du Père en tant que Fils.
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Re: Résumé de théologie dogmatique, Livre II : Dieu

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SWS, Livre II, II, C3, §98 traduit par le chartreux a écrit :
Le concile ne pouvait pas même mentionner convenablement que le Saint-Esprit procède du Fils, 1) parce que son intention était surtout de mettre l'origine du Saint-Esprit sur la même ligne que celle du Fils en ce qui regarde leur consubstantialité avec le Père; 2) parce que les adversaires étant plus ou moins ariens et niant la divinité du Fils, on ne pouvait pas les réfuter en affirmant que le Saint-Esprit procède de lui ; 3) parce que le concile voulait prendre la forme de ses décisions dans l'Écriture sainte, et que dans le passage où il est formellement question de la procession du Saint-Esprit, il n'est parlé que du Père.

S'il avait voulu y faire entrer le Fils, il aurait dû invoquer un autre texte de l'Écriture, par exemple celui où il est dit que le Saint-Esprit prend du Fils, et c'est ce qui a lieu effectivement dans le symbole plus développé que S. Épiphane rapporte en son Ancorat, n. 121, et qui était alors fort répandu en Orient, et qui a peut-être servi de base au concile de Constantinople. L'Ancorat, en effet, a été écrit en 374, sept ans par conséquent avant le concile. Il n'est pas impossible cependant que S. Épiphane ait harmonisé le texte de départ avec la définition postérieure du concile. Les termes sont, "Et nous croyons au Saint-Esprit, qui a parlé dans la Loi et les Prophètes et est descendu sur le Jourdain, qui a parlé par les Apôtres et habite dans les Saints. Et notre croyance est la suivante : Il est le Saint-Esprit, l'Esprit de Dieu, l'Esprit parfait, le Paraclet, incréé, qui procède du Père et reçoit (ou prend, λαμβανόμενον, participe moyen et non passif) du Fils et que l'on croit être du Fils(το ἐκ τοῦ πατρός ἐκπορενόμενον, καὶ ἐκ τοῦ ύιοῦ λαμβανόμενον καὶ πιστευόμενον)".

L'Occident, qui se souciait peu de ces discussions et cherchait plutôt dans le symbole un exposé positif et complet de la foi, dut bientôt y trouver une lacune que l'Orient n'apercevait point. Chaque fois que l'on demandait plus d'explications aux docteurs orientaux, ces derniers répondaient par le symbole de S. Épiphane, qui a été adopté par une foule de liturgies orientales. Cf. Van der Moeren, pp. 175 et 178.
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