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Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 21:37
par Si vis pacem

Monumenta Ignatiana ex autographis vel ex antiquioribus exemplis collecta. Madrid, 1919. Series secunda, volumen 01, pp. 250, 252 &

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p. 65-66


Principio y fundamento -

El hombre es criado para alabar, hazer reuerencia y seruir a Dios nuestro Señor, y mediante esto salbar su ánima; y las otras cosas sobre la haz de la tierra son criadas para el hombre, y para que le ayuden en la prosecución del fin para que es criado. De donde se sigue, que el hombre tanto a de vsar dellas, quanto le ayudan para su fin, y tanto deue quitarse dellas, quanto para ello le impiden. Por lo qual es menester hazernos indiferentes a todas las cosas criadas, en todo lo que es concedido a la libertad de nuestro libre albedrío, y no le está prohibido; en tal manera que no queramos de nuestra parte más salud qué enfermedad, riqueza que pobreza, honor que dessonor, vida larga que corta, y por consiguiente en todo lo demás; solamente deseando y eligiendo lo que más nos conduce para el fin que somos criados.




Principium siue fundamentum

Creatus est homo ad hunc finem, ut Dominum Deum suum laudet ac reuereatur, eique seruiens tandem saluus fiat ; reliqua uero supra terram sita, creata sunt hominis ipsius causa, ut eum ad finem creationis suae prosequendum iuuent. Vnde sequitur utendum illis uel abstinendum eatenus esse, quatenus ad prosecutionem finis uel conferunt uel obsunt. Quapropter debemus absque differentia nos habere circa res creatas omnes (prout libertati arbitrii nostri subiectae sunt, et non prohibitae); ita ut (quod in nobis est) non quaeramus sanitatem magis, quam aegritudinem; neque diuitias paupertati, honorem contemptui, uitam longam breui praeferamus ; sed consentaneum est ex omnibus ea demum, quae ad finem ducunt, eligere ac desiderare.




Principe et fondement

« L'homme a été créé à cette fin qu'il loue le Seigneur, son Dieu, qu'il le révère et le servant sauve son âme. Or, les autres choses placées sur la terre sont créées en vue de l'homme afin de l'aider à atteindre le but pour lequel il a été créé. Il s'ensuit que l'homme doit user de ces choses dans la mesure où elles l'aident à sa fin et qu'il doit s'en dégager dans la mesure où elles sont un obstacle à cette fin : c'est pourquoi il est nécessaire que nous nous fassions indifférents à l'égard de toutes les choses créées, autant que cela est permis à la liberté de notre libre arbitre et ne lui est pas défendu, à ce point, de notre part, de ne pas vouloir la santé plutôt que la maladie, les richesses plutôt que la pauvreté, l'honneur plutôt que l'ignominie, une longue vie plutôt qu'une vie courte et de la même manière pour tout le reste, désirant et choisissant uniquement les choses qui nous aident davantage à acquérir la fin pour laquelle nous avons été créés. »


Re: Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 22:15
par Si vis pacem

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p. 66-67

Explication.

1. - Signification et importance du Fondement. - Saint Ignace appelle principium et fondamentum (principe et fondement) le but et la fin de notre vie. Par ces mots il marque la signification et l'importance de la question. Le but et la fin sont la première et la plus importante vérité au point de vue soit spéculatif, soit pratique de la vie spirituelle : nous avons là le principe suprême de la vie morale, la seule règle exacte et ferme de la vie.

Principium (principe), c'est à dire vérité première, axiome suprême dans la science pratique du salut. Saint Ignace donne le nom de fondement au but et à la fin. — C'est le principe : de lui, tout découle, de là tout se déduit, à lui tout se ramène, tout se décide d'après lui ; les exigences les plus hautes de la vie spirituelle et de la sainteté que les Exercices peuvent demander sont uniquement des conclusions déduites de la simple vérité de ce principe. De fait, saint Ignace y revient dans toute question importante. — C'est le principe, c'est à dire qu'il est comparable aux premiers principes de la connaissance ; qu'il est clair par lui-même en sorte que, pour le fidèle, il n'a pas besoin de démonstration ; on y ramène sa pensée, on s'oriente vers lui, tout au plus a-t-il besoin d'être expliqué par les contraires (ex absurdis). [...] C'est un principe : donc il doit être imprimé profondément dans l'esprit et s'y fixer.

Saint Ignace donne aussi au but et à la fin le nom de « Fundamentum » (Fondement), en raison de leur rapport avec la vie pratique. C'est la vérité nécessaire, la seule base ferme et large sur laquelle notre vie pratique doit s'établir et se mouvoir ; en d'autres termes, toutes nos intentions, toutes nos résolutions, tous nos actes, la pratique des vertus et des bonnes œuvres doivent s'appuyer sur ce fondement. Ce qui repose sur lui et fait en quelque sorte corps avec lui, demeure pour l'éternité ; tout le reste se désagrège et se perd. Sans ce fondement, nous sommes dans la vie spirituelle ce que, dans la vie naturelle, sont les hommes n'ayant ni principes, ni but — des flâneurs ou des traînards.

Re: Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 22:23
par Si vis pacem

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p. 67-68

2. - Développement et enchaînement du Fondement. Il renferme deux parties : le but, les moyens ; donc premièrement le but et la destinée de l'homme ; deuxièmement le but et la destinée des créatures. Or, par rapport à l'homme et à sa fin, les créatures sont un moyen. Ces deux parties présentent à leur tour des subdivisions.
Relativement à la destinée de l'homme, on distingue deux parties dans le texte de saint Ignace : premièrement une supposition, à savoir cette vérité que Dieu étant notre créateur, nous sommes par conséquent les créatures de Dieu : c'est, en d'autres termes, le fait de notre origine. De là, secondement, le but ou la destinée de l'homme lui-même ; et d'abord c'est le but prochain, résultant immédiatement de notre origine et consistant dans le service de Dieu ; puis le but éloigné, qui est l'obtention de notre béatitude ou le salut de notre âme. Donc, saint Ignace déduit la destinée de l'homme de sa nature même, et il déduit sa nature de son origine. Rien de plus juste. C'est de son origine que viennent, pour chaque être, sa nature, ses facultés, sa destinée.

Saint Ignace explique d'abord la fin prochaine, c'est-à-dire le service de Dieu, parce que ce service est la première conséquence de la vérité et du fait de notre origine. Dans notre être même et par notre origine nous avons été créés par Dieu, nous sommes les créatures de Dieu ; donc nous devons vivre comme étant des créatures de Dieu et la loi de la vie physique doit être également la règle de notre attitude morale.— Cette attitude à l'égard de Dieu, en tant que nous sommes ses créatures, ce service que nous devons à Dieu, saint Ignace les marque en trois mots : Laudare, Revereri, Servire (Louer, honorer, servir). Tel est, en effet, l'ensemble complet de notre relation avec Dieu ; en d'autres termes tel est le résumé de ce que nous nommons la religion. « Louer » Dieu c'est reconnaître Dieu comme le souverain Bien et comme notre Créateur ; la « révérence et l'honneur » comprennent tout le culte intérieur et extérieur qui est une conséquence immédiate de la reconnaissance de nos relations avec Dieu ; le « service » comprend la soumission pratique de notre volonté à la volonté de Dieu, qu'elle se manifeste à nous soit par les préceptes, soit par les devoirs d'état ou par les événements qu'il permet. Tel est l'ensemble de la religion. Un seul membre fait-il défaut, la notion de religion devient imparfaite et insuffisante.

Quant au but éloigné, saint Ignace l'appelle « le salut de l'âme ». Le salut de l'âme consiste dans l'acquisition de la félicité pour laquelle Dieu nous a créés. Mais cette félicité est surnaturelle : c'est le ciel, et la démonstration de cette vérité se trouve dans les traités sur la double félicité naturelle et surnaturelle de l'homme.

Re: Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 22:26
par Si vis pacem

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p. 69-71

Le développement de ce point — fin des créatures — comprend à son tour quatre points : premièrement, origine des créatures ; deuxièmement, leur destinée, la manière dont elles la réalisent ; troisièmement, les règles à suivre dans l'usage des créatures — voir en elles de simples moyens, et en user à ce titre, c'est-à-dire dans la mesure où elles peuvent nous conduire au but ; quatrièmement, deux moyens ou conditions qui rendent possible le bon usage des créatures. Ces deux moyens ou conditions sont : premièrement l'indifférence à l'égard des créatures ; deuxièmement la résolution de choisir celles qui peuvent le mieux nous aider à atteindre notre fin.

On distingue une double indifférence : l'une essentielle, l'autre non essentielle : indifférence de la volonté, indifférence du sentiment ou de l'inclination ; la première, essentielle, consiste dans une disposition constante de la volonté, grâce à laquelle, dans le choix et l'usage des créatures, nous ne décidons point d'après l'attrait ou la répulsion des créatures considérées en elles-mêmes, non d'après notre inclination ou notre aversion naturelle envers elles, mais uniquement d'après notre volonté de rester dans l'indifférence et de suspendre la décision jusqu'à constatation de leur convenance ou non convenance relativement au but. Voilà la nature de l'indifférence. Elle est donc chose purement négative : ne point choisir, ne point prendre ni rejeter ; bref, relativement aux créatures, c'est ne poser aucun acte de choix en tenant compte de l'agréable ou du désagréable, mais uniquement d'après leur rapport avec le but. [...]

L'indifférence non essentielle ou indifférence de sentiment ne consiste pas à sentir ou à ne point sentir les accès de la sensibilité, l'inclination ou l'aversion naturelle ; mais à en modérer, à en régler peu à peu la vivacité et l'excès en sorte qu'en cela il n'y ait pour nous aucune difficulté spéciale, aucun danger particulier en ce qui concerne le choix et l'usage des créatures. La sensibilité n'est point comme la volonté en notre pouvoir ; il faut donc nous contenter de parvenir à nous mettre habituellement et facilement au-dessus du sentiment, à ne point en tenir si grand compte dans notre manière d'apprécier les créatures. Nous le pouvons en le voulant sincèrement et nous le devons. [...] L'essentiel est donc l'effort et la volonté de faire des efforts.

Re: Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 22:30
par Si vis pacem

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p.71-72

Il importe grandement d'insister sur cette distinction entre l'indifférence de la volonté et celle de la sensibilité et de savoir ce que chacune d'elles exige, sans quoi on s'exposerait à se représenter dans l'indifférence un degré de perfection qui nous effrayerait, tandis qu'au contraire l'effort demandé pour l'indifférence telle que nous venons de l'expliquer, est pour chacun simple affaire de bonne volonté.

Non moins importante est la seconde condition ou le second moyen indiqué pour le bon usage des créatures, nous voulons dire la résolution et la volonté d'employer les moyens qui conduisent le mieux au but, pour comme le dit saint Ignace : « Désirer et choisir uniquement les choses qui nous aident davantage à acquérir la fin pour laquelle nous avons été créés ».

En effet, pour le bon usage des créatures en tant que moyens d'atteindre le but, cette condition est absolument nécessaire : c'est l'application du tantum quantum (dans la mesure où elles aident à l'obtention de la fin) que saint Ignace nous donne ci-dessus comme une règle inviolable pour le bon usage des créatures. Cette condition n'a donc rien de nouveau : elle a déjà été présentée comme nous le voyons ; mais ici, on la donne simplement comme un moyen positif parce qu'elle est d'une extrême importance, d'une importance décisive pour l'entier succès des Exercices. Dès que nous établissons un rapport entre les créatures et la fin à poursuivre, dès que nous les jugeons d'après leur aptitude plus ou moins grande en tant que moyens, nous ne pouvons rester indifférents à leur égard : nous devons les choisir ou ne point les choisir, les vouloir ou les rejeter plus ou moins, selon qu'elles sont des moyens plus ou moins aptes à notre fin . C'est pourquoi, dans le deuxième degré d'humilité, saint Ignace pose aussi cette condition : « S'il y a en cela un égal honneur pour Dieu ». Donc, tandis que par l'indifférence nous considérons les créatures en elles-mêmes, c'est-à-dire en dehors de leur relation avec notre fin, et que, par suite, nous ne les choisissons point d'après leur attrait ou leur manque d'attrait, mais gardons une attitude négative ou positive — nous faisons ici, par ce moyen, un pas de plus : nous passons au choix et à l'usage — choix et usage des créatures qui servent le mieux le but, qui sont les moyens les meilleurs. Ainsi le Fondement se termine par une pointe poussée en avant et de façon très positive.

Re: Saint Ignace : Principe et fondement

Publié : mer. 28 févr. 2018 22:32
par Si vis pacem

R.P. Meschler (S.J.) - Le livre des Exercices de Saint Ignace de Loyola, Paris, 1929, Tome 01, p.72-73

[...] Voilà le Fondement — un système de vérités dont on ne saurait suffisamment admirer et approfondir la simplicité, la clarté, la force inébranlable. Ce Fondement c'est l'abrégé le plus concis et le plus substantiel de la conception chrétienne du monde. Il nous donne la réponse la plus complète à la question de la destinée de l'homme et de toutes choses terrestres ; il résume en quelques maximes le mystère entier de la création ; il nous révèle la merveilleuse concordance, la magnifique harmonie établie par le plan de Dieu dans les rapports mutuels de toutes les choses créées. Nous voyons le sens des paroles de saint Paul : Omnia vestra sunt, vos autem Christi, Christus autem Dei : Toutes choses sont à vous... mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. (I Cor., 3, 22, 23)