Notion catholique du Martyre (DTC)

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Abbé Zins
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

On connaît des musulmans convertis qui ont subi un glorieux martyr, tels Martin Forniel de Tlemcem mis à mort à Alger en 1558, cinq Persans martyrisés à Ispahan en 1621.

Les esclaves chrétiens remplissaient les galères de l'État à Constantinople, dans le Levant et les États barbaresques. Ils pouvaient recevoir les visites des missionnaires qui venaient traiter de leur rachat ou leur apporter les secours religieux. Mais parfois la tolérance faisait place à l'atrocité et plusieurs moururent avec courage pour la foi chrétienne.

En 1860, plus de 40.000 maronites du Liban furent massacrés par les Druses avec la complicité des Turcs ; la France dut intervenir. En 1895-96, 100.000 arméniens furent martyrisés par les musulmans. Pendant la grande guerre la férocité de l'Islam s'exerça plus librement encore ; il y eut 1 500 000 arméniens massacrés, parmi lesquels 12 évêques.

En 1906, près de Tunis, un parti de fanatiques vient forcer les chrétiens à apostasier. Le domestique de ferme, Del Rio Gesomino, refuse de suivre l'exemple de ses maîtres et de reconnaître Mahomet comme un prophète : il meurt brûlé à petit feu.
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Abbé Zins
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

Schisme Gréco-Russe. — Les Uniates sont des chrétiens de rite oriental qui, au XVIe siècle, abandonnèrent le patriarche de Constantinople pour revenir à l'unité romaine. Ils donnèrent de nombreux martyrs, parmi lesquels saint Josaphat Kuncewicz, archevêque de Polotsk, massacré à Vitebsk en 1623, et André Pobola, jésuite polonais, brûlé en 1657 et béatifié en 1853.

Catherine II fera massacrer en 1768 les catholiques. Les Polonais comptent 200 000 victimes, les Russes en avouent 50 000. Ce fut encore pire après les partages de 1772, de 1793 et 1795. Huit millions de Ruthènes furent, de force, entraînés dans le schisme.

Sous Nicolas Ier (1826-1855), nouvelle persécution légale qui devient sanglante dès qu'elle rencontre une résistance : on parvint à arracher à Rome trois millions de Grecs-unis. Il y eut de nombreux martyrs, 406 prêtres, les religieuses basiliennes de Minsk (1844).

La persécution continue sous Alexandre II (1855-1881), s'aggrave sous Alexandre III (1881-1894) pour s'adoucir sous Nicolas II.

Une conséquence inattendue fut l'émigration des uniates répandus par centaines de mille aux États-Unis, au Canada, au Brésil. En 1905, l'édit de tolérance amena des retours nombreux.

La persécution bolcheviste s'exerce indistinctement contre toutes les confessions chrétiennes.
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Abbé Zins
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MARTYRE.

Révolution française. — L'Église a attendu plus d'un siècle pour examiner les martyrs de cette période troublée on les prétextes politiques se mêlaient aux passions religieuses. Elle a fini par se prononcer sur la réalité du martyre des 16 carmélites de Compiègne, des 4 filles de la charité de Cambrai, des 11 ursulines de Valenciennes, des religieuses d'Orange, du prêtre Noël Pinot d'Angers, des trois évêques avec 188 compagnons de Paris (martyrs des Carmes), et si 22 victimes de la rage révolutionnaire ont été rayées au dernier moment, c'est afin de supprimer tout prétexte à discussion. La liste glorieuse qui vient de s'ouvrir est loin d'être terminée.
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Abbé Zins
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MARTYRE.

Missions d'Asie.

— 1. Chine. — Le premier martyr fut le dominicain François Capillas (1648). II fut suivi de beaucoup d'autres, surtout aux XVIIe et XIXe siècles : Pierre Sanz et ses compagnons massacrés en 1717, béatifiés en 1893 ; Dufresse mort en 1815, béatifié en 1900 ; Clet mort en 1820 ; Perboyre, l'un et l'autre béatifiés.

En 1900, la persécution des Boxers a fait 7 à 8 mille victimes. Nulle part les chrétiens n'ont failli devant les ennemis de leur foi. Le nombre des chrétiens a, depuis, décuplé. Rome constate officiellement que leur christianisme arrive à l'âge adulte, en leur donnant des évêques indigènes.


2. Corée. — La Corée n'avait pas vu de prêtres avant la fin du XVIIIe siècle. Dès que le christianisme y paraît, la persécution commence. En 1827, on comptait. déjà plus de mille martyrs. Un vicariat apostolique est fondé en 1831. De 1866 à 1870, on compte 8 mille martyrs (Just de Bretenières). Dès que la liberté est rendue, les conversions se multiplient.


3. Japon. — Depuis la prédication de saint François Xavier en 1549, les persécutions se succédèrent avec de courtes accalmies. Citons les célèbres martyrs de Nagasaki en 1622. On estime à trente mille le nombre des chrétiens martyrisés en la seule année 1624. L'atrocité des supplices dépassa en raffinement ceux de l'antiquité.

L'Église du Japon qui avait, dit-on, atteint 1 800 000 membres au XVIe siècle semblait complètement anéantie en 1858. La France obtint par un traité le droit d'élever des églises nécessaires au culte chrétien. Le Père Petitjean arrivant à Nagasaki en 1865 eut la joie de trouver des villages entiers où se perpétuaient depuis deux siècles le souvenir et les rites d'une religion qui avait donné tant de martyrs. Vingt-six furent canonisés en 1867, 205 furent béatifiés, à la grande joie de l'Église universelle.

La persécution reprit de 1869 à 1871 ; plusieurs milliers de catholiques furent exilés ou déportés. Beaucoup moururent a la suite des privations et des tortures. La complète liberté religieuse fut enfin accordée par la Constitution de 1889.
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

3. Indo-Chine. — Peu de missions s'honorent d'un si grand nombre de martyrs et comptent aujourd'hui plus de fidèles.

Le premier martyr de la Cochinchine, André, fut décapité en 1644. Au Tonkin, la persécution éclata en 1696, en 1712, en 1721. En 1798 la Cochinchine et le Tonkin, réunis en un même État, recommencèrent la persécution. En 1838, les martyrs furent particulièrement nombreux, parmi lesquels les évêques Borie, Ignace Delgado et Hénarès.

Le terrible Tu-Duc lança en 1851 un édit qui se terminait ainsi : « Les prêtres européens doivent être jetés dans les abîmes de la mer ou des fleuves, pour la gloire de la vraie religion ; les prêtres annamites, qu'ils foulent ou non les croix, seront coupés par le milieu du corps, afin que tout le monde connaisse la sévérité de la loi.»

Après le nouvel édit de 1855, la France intervint, mais ne put empêcher un redoublement de persécution de 1857 à 1862. Les évêques Diaz et Berrio-Ocho'a, les prêtres Jaccard, Vénard, Néron, 115 prêtres annamites, une vingtaine de religieuses indigènes, près de .5.000 chrétiens donnèrent leur vie pour Jésus-Christ. Le traité de 1852 obtint la liberté religieuse de l'Annam. Mais le Tonkin vit encore de 1883 à 1885 martyriser 15 missionnaires, 18 prêtres indigènes, 123 catéchistes, 270 religieuses, 35.384 chrétiens. Nulle part le sang des martyrs ne fut plus fécond. Lés chrétiens se comptent aujourd'hui par centaines de mille et forment les missions les mieux organisées.


4. Inde. — Évangélisés dès la première heure, les chrétiens de l'Inde ne sont connus d'une façon précise que depuis la conquête des Portugais à la fin du xve siècle. Noyés au milieu de 59 millions de musulmans, de 7 millions de bouddhistes, de 220 millions de brahmanes, les catholiques dont le nombre ne dépassa jamais deux millions furent persécutés par ces diverses religions. Les protestants hollandais qui supplantèrent les Portugais ajoutèrent leur intolérance plus perfide et non moins cruelle. Les premiers missionnaires franciscains furent martyrisés par les musulmans en 1521: peu de temps après, le dominicain Jourdain Catalini de Sévérac.

Chaque année donne plusieurs noms glorieux au martyrologe. En 1638, le navigateur Pierre Berthelot, en 1693 le jésuite Jean de Britto, béatifié en 1852. En 1638, le carme Denis, le frère Redempt et deux franciscains furent massacrés ; ils ont été béatifiés en 1900.

La persécution du Rajah de Mysore, Tippoo Saïb (1749-1799) fit mourir plus de cent mille chrétiens, en réduisit autant à l'esclavage, imposa la circoncision à quarante mille.
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Abbé Zins
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MARTYRE.

8̊° Afrique.

— 1. Abyssinie. — Christianisée dès le IVe siècle par Frumence, évêque sacré par saint Athanase, l'Abyssinie dut aux circonstances de devenir monophysite. Au XIIIe siècle, douze dominicains amenèrent de nombreux retours à l'Église catholique : leur zèle fut récompensé par le martyre. Au XVIe et au XVIIe siècle, des missionnaires jésuites, envoyés à leur tour, versèrent leur sang pour la foi. Des franciscains (Pères Agathange et Cassien) envoyés par le fameux Père Joseph subirent le même sort ; ils furent béatifiés en 1903. Au XIXe siècle, de nouvelles persécutions furent suscitées contre Mgr de Jacobis et ses fidèles. A partir de 1889, l'empereur Ménélik rendit une certaine liberté au catholicisme.


2. Afrique Centrale. — Lavigerie envoya en 1879 ses Pères Blancs dans le royaume de l'Ouganda. Le roi Mouanga proclama d'abord la liberté religieuse, puis, changeant d'idées, résolut d'anéantir le catholicisme. Il y eut un grand nombre de martyrs qui moururent avec courage et que l'Église a élevés sur les autels. Le protectorat anglais fit cesser la persécution.
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

Amérique. — Il y eut au XVIIe siècle des religieux espagnols ou portugais martyrisés dans l'Amérique méridionale par les Indiens. Plus célèbres furent les martyrs du Canada, jésuites, sulpiciens, prêtres des missions étrangères, capucins. Pie XI vient de béatifier les jésuites, Jogues, Brébeuf, Lallemant et leurs compagnons massacrés au Canada par les Iroquois, en 1646-1648.


10° Océanie. — Il y eut des persécutions dirigés contre les missionnaires de Picpus par les méthodistes introduits aux îles Sandwich dès 1820. On connaît le martyre du mariste Chanel (1841) dans l'île de Fontouna, béatifié en 1889: l'héroïsme du Père Damien, apôtre des lépreux. Mgr Ecalle et ses compagnons furent massacrés en débarquant dans l'île Isabelle de l'archipel Salomon (1845). L'année suivante, trois autres maristes furent massacrés par les indigènes de l'île San-Christovan. En 1855, le Père Mazucconi des Missions étrangères de Milan fut martyrisé.


C'est ainsi que dans tous les siècles et dans tous les pays, on rencontre la même animosité contre l'Évangile, le même courage intrépide chez les disciples du Christ, préférant la mort même la plus cruelle au reniement de leur foi.
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.


IV. VALEUR APOLOGÉTIQUE DU TÉMOIGNAGE DES MARTYRS.

— Il appartient au théologien d'examiner la valeur apologétique du témoignage rendu par les martyrs dans les différents siècles et les divers pays. Tout le monde connaît la parole célèbre de Pascal : « Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger.» Mais cet argument n'a de force que s'il est présenté avec certaines conditions qu'il nous faut préciser.

Ainsi G. Boissier, La fin du paganisme, Paris, 1907, t. I, p. 544, comprend mal notre argument lorsqu'il lui refuse toute valeur apologétique : « Nous pouvons conclure avec d'autant plus d'assurance que la question n'est pas, à proprement parler, une question religieuse. Elle le serait si on pouvait affirmer que la vérité d'une doctrine se mesure à la fermeté de ses défenseurs. Il y a des apologistes du christianisme qui l'ont prétendu : ils ont voulu tirer de la mort des martyrs la preuve irrécusable que les opinions pour lesquelles ils se sacrifiaient devaient être vraies. On ne se fait pas tuer, disaient-ils, pour une religion fausse.

Mais ce raisonnement n'est pas juste, et d'ailleurs l'Église en a ruiné la force en traitant ses ennemis comme on avait traité ses enfants. Elle a fait elle-même des martyrs, et il ne lui est pas possible de réclamer pour les siens ce qu'elle ne voudrait pas accorder aux autres. En présence de la mort courageuse des Vaudois, des hussites, des protestants qu'elle a brûlés ou pendus, sans pouvoir leur arracher aucun désaveu de leur croyance, il faut bien qu'elle renonce à soutenir qu'on ne meurt que pour une doctrine vraie.»

Remarquons au sujet de cette dernière assertion que l'Église ne l'a jamais soutenue, et si quelque apologiste, à psychologie un peu courte, avait eu la naiveté de le faire, il eût été désavoué par les autres, car nul ne peut ignorer que le courage et la conviction peuvent accompagner les pires erreurs. La preuve de la vérité de la religion par le témoignage des martyrs est donc plus nuancée et plus délicate que l'argument caricatural justement réfuté par Boissier.
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.


Notion trop restreinte du mot martyr.

— Paul Allard, Dix leçons sur le martyre, Paris, 1906, essaie d'y répondre, mais cet historien de première valeur raisonne avec moins de sûreté dès qu'il s'aventure dans le domaine de la théologie. Il appuie trop sur le sens original du mot martyre et prend le témoignage dans un sens trop exclusivement juridique : selon l'étymologie du mot, un martyr est un témoin. On n'est pas témoin de ses propres idées. On est témoin d'un fait.» (p. 311). P. Allard croit donc pouvoir conclure que « tout homme qui meurt pour une opinion ne peut être appelé un martyr » et que « les martyrs sont témoins non d'une opinion, mais d'un fait, le fait chrétien.»

Ici, c'est le juriste qui parle et qui prend le mot témoin dans un sens restreint, comme à la barre. J'accorde facilement que les apôtres étaient témoins au sens strict, témoins d'un fait, car, selon la parole si expressive de saint Jean : « Leurs mains avaient touché le Verbe de Vie. » I Joa., I, 1. Mais cela n'est plus vrai pour la seconde génération chrétienne et encore moins pour les suivantes, et cependant leur témoignage est à bon droit invoqué par l'apologiste. Ce doit donc être dans un sens plus large que celui adopté par l'éminent magistrat.

Ainsi quand saint Ignace écrivait : « Je sais et je crois qu'il fut dans la chair même après sa résurrection, et quand il vint à Pierre et à ses compagnons, Il leur dit : Tenez-moi et touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un esprit sans corps.» Smyrn., 3, il affirmait non pas un fait qu'il avait vu, mais une foi dont il établissait la parfaite crédibilité.

De même, quand Polycarpe fut brûlé vif en 155, pour avoir refusé d'apostasier le Christ, il avait répondu au proconsul de Smyrne : « Il y a 86 ans que je le sers et Il ne m'a jamais fait de mal, comment pourrais-je injurier mon roi et mon sauveur ? » Ce Christ pour lequel il mourait, il ne l'avait jamais vu, mais « il avait été instruit par les apôtres, il avait vécu familièrement avec beaucoup de ceux qui avaient vu le Christ, il avait été ordonné en Asie évêque de Smyrne par les apôtres, probablement par saint Jean. Sa foi était fondée, mais il affirmait des réalités dont il n'était pas le témoin.

Son disciple saint Irénée, à son tour, s'il est vraiment mort martyr, parlant des leçons de son maître Polycarpe, pouvait dire : « Ces leçons ont grandi pendant que croissait mon âme et se sont identifiées avec elle : de sorte que je pourrais indiquer l'endroit même où s'asseyait le bienheureux Polycarpe, quand il nous adressait la parole, décrire ses allées et venues, sa manière de vivre, son apparence personnelle, répéter les discours qu'il tenait au peuple, et comment il décrivait ses relations avec Jean et avec le reste de ceux qui avaient vu le Seigneur. et comment il citait leurs paroles. Et tout ce qu'il avait appris d'eux sur le Seigneur, et sur ses miracles, et sur son enseignement, Polycarpe, comme l'ayant reçu de témoins oculaires de la Vie du Verbe, le relatait en concordance avec les Écritures. J'avais coutume d'écouter avec attention, par la grâce de Dieu, les choses qui étaient ainsi exposées devant moi, les notant non sur le papier, mais dans mon coeur, et toujours, par la grâce de Dieu, je les repasse fidèlement en moi-même.» Eusèbe, H. E., V, XXX.

Il est évident qu'un tel témoignage ne peut être récusé, mais Irénée ne témoigne pas de faits qu'il a vus, et les deux générations qui lui ont transmis les vérités pour lesquelles il meurt auraient pu altérer certains faits historiques ; une critique attentive de leur conservation fidèle devient donc nécessaire, et combien cela nous paraît plus vrai encore dès que nous passons aux martyrs des siècles suivants.
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.


Critique de .cette notion.

— Aussi le P. Laberthonnière, Le témoignage des martyrs, dans Annales de philosophie chrétienne, octobre 1906, a-t-il raison de reprocher à P. Allard un certain empirisme historique », qui résulte d'une dissociation trop absolue entre le fait chrétien et la doctrine chrétienne. Il conteste que « les martyrs soient morts pour un fait, mis à part d'une doctrine, et attesté simplement comme tel dans sa matérialité », et l'accuse « de rabaisser les martyrs à n'être plus en quelque sorte que des témoins de faits divers qui viennent devant un tribunal certifier qu'ils ont vu ceci ou cela, tel jour et en tel lieu, pour qu'on dresse procès-verbal de leurs dépositions ». Il voit dans cette méthode « un appauvrissement et même une dénaturation » du témoignage des martyrs.

Était-ce pour attester l'existence de Jésus-Christ devant les Juifs que meurt saint Étienne le premier des martyrs ? Là-dessus, les Juifs qui le lapidèrent savaient aussi bien que lui A quoi s'en tenir. De même. lorsque les chrétiens comparaissent devant les tribunaux de l'empire, ce qui se dégage de leur attitude et de leurs réponses, ce qu'ils affirment, ce qu'ils confessent, c'est leur foi en Jésus-Christ. Et c'est tout différent de la certitude empirique de son existence. Et c'est toujours là-dessus qu'ils sont condamnés.

Le fait attesté par les martyrs — même témoins au sens strict — ce n'est pas du tout un fait pur, un fait brut dans sa donnée expérimentale, c'est un fait interprété et restitué à son sens intime, à sa réalité spirituelle, un fait dans lequel ils trouvent incarnée la vérité éternelle du Christ ; c'est leur foi en cette vérité qu'ils expriment. Aussi créent-ils la conviction par leur attitude. Ils apparaissent comme des hommes qui savent souffrir, qui savent mourir. Ils sont comme une doctrine vivante qui s'affirme et qui rayonne.

Nous pouvons nous en rapporter à saint Justin, Apol.. ii. 12, lorsqu'il écrit : « Moi-même, lorsque j'étais disciple de Platon, entendant les accusations portées contre les chrétiens, et les voyant intrépides en face de la mort et de ce que tous les hommes redoutent, je me disais qu'il était impossible qu'ils vécussent dans le mal et dans la débauche. Quel homme impur et débauché, aimant à se repaître de chair humaine, pourrait accueillir avec joie la mort, qui le prive de tous les biens ? Ne chercherait-il pas à jouir plutôt de la vie présente ? Ne le verrait-on pas se cacher des magistrats, au lieu de s'exposer de son plein gré à la mort ? »

Et Tertullien. Ad Scapulam, 5, constate : « Bien des hommes, frappés de notre courageuse constance ont recherché les causes d'une patience si admirable ; dès qu'ils ont connu la vérité, ils sont devenus des nôtres, et ont marché avec nous.»

Le même sentiment est exprimé par l'auteur du De Laude martyrum, 5 : « Je l'ai bien compris, un jour que des mains cruelles déchiraient le corps d'un chrétien, et que le bourreau traçait de sanglants sillons sur ses membres lacérés. J'entendais les conversations des assistants. Les uns disaient : « Il y a quelque chose, je ne sais quoi, de grand à ne point céder à la douleur, à supporter les angoisses.» D'autres ajoutaient : « Je pense qu'il a des enfants, une épouse est assise à son foyer. Et cependant ni l'amour paternel, ni l'amour conjugal n'ébranle sa volonté. Il y a quelque chose à étudier, un courage qu'il faut scruter jusqu'au fond. On doit faire cas d'une croyance pour laquelle un homme souffre et accepte de mourir.» Voilà pourquoi derrière la faux qui brisait tant de vies, les chrétiens repoussaient plus nombreux, ce qui justifiait le mot célèbre de Tertullien. Apol., 50 : « Martyres efficimur quoties metimur a vobis, semen est sanguis christianorum.»

Et le principe reste toujours le même, témoin ce païen de Cochinchine, qui, au moment, le plus terrible de la persécution, se présente chez le missionnaire en demandant le baptême : « Pourquoi veux-tu te convertir ? — Parce que j'ai vu mourir des chrétiens et que je veux mourir comme eux. J'en ai vu précipiter dans les fleuves et dans les puits, j'en ai vu brûler vifs et percer de lance. Eh bien, tous mouraient avec un contentement qui me surprenait, récitant des prières ou s'encourageant les uns les autres. Il n'y a que les chrétiens qui meurent ainsi, et voilà pourquoi j'ai voulu me convertir.» Annales de la Prop. de la /oi, janvier 1889, p. 33.

Ce témoignage des martyrs est essentiellement le même que celui rendu par la vie chrétienne. Il a le même sens, il a la même portée que celui qu'ont rendu tous les saints et tous ceux qui, à un degré quelconque, dominant les péripéties, les passions et les misères de l'existence terrestre, se sont éclairés à la Vérité éternelle et alimentés à l'éternelle Bonté. Il n'en diffère que par les circonstances extérieures. D'un côté comme de l'autre, il y a le renoncement, le sacrifice par lequel s'accomplit la renaissance spirituelle, il y a la mort enfin par laquelle tous nous devons passer. Mais, tandis que les uns l'acceptent quand les fatalités naturelles la leur imposent et qu'elle est inévitable, de telle sorte que leur acceptation, si manifeste et si édifiante qu'elle puisse devenir, reste comme le secret de Dieu, les autres l'acceptent quand ils seraient à même de l'éviter. Ce sacrifice prend dès lors un caractère tragique qui en accentue et qui en marque fortement la signification ! C'est ce qui fait sa valeur spéciale de prosélytisme et de propagation. Il brille avec l'éclat et la souveraineté de l'éclair. On ne peut pas ne pas le remarquer. Il ne peut laisser indifférent : il touche les cœurs ou les endurcit.
Car la liberté de la foi subsiste. Les martyrs ont beau se dresser devant nous avec leur témoignage de foi, il n'y a ni démonstration stricte, ni moyen mécanique qui puisse faire, par sa propre vertu, que leur foi devienne la nôtre. C'est une grâce de lumière et de force, une atmosphère chaude et lumineuse qui nous oriente vers l'Auteur et le Consommateur de la foi.
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