CHAPITRE I
ENFANCE
(suite)
Arsène-Louis-Eugène Turquetil (3), le sujet de ces pages, naquit dans la Basse-Normandie, à Reviers, Calvados, au diocèse de Bayeux et Lisieux. Reviers est un petit village de trois cents âmes situé près de Caen (4), ville qui possède deux superbes églises bâties par Guillaume le Conquérant et sa compagne (5) , non loin de la mer et sur la grand'route de Notre-Dame de la Délivrande à Bayeux.
Le nouveau-né était le troisième enfant de Félix Turquetil et de Maria Ducellier. Deux frères, Henri et Alphonse, l'avaient précédé; l'aîné vit encore, le cadet a été tué à la guerre. La famille brillait plus par son honorabilité que par la possession des biens de ce monde. Le père travaillait à un village voisin, et ne revenait à la maison que le samedi soir, repartant le dimanche à la tombée de la nuit pour le moulin où il était employé.
La mère s'adonnait aux soins du ménage, et s'occupait en plus chaque soir à son métier à dentelle, pour aider au gagne-pain des enfants. Profondément chrétienne, elle leur apprenait elle-même le catéchisme, que négligeait malheureusement l'école du village, et exerçait sur eux une vigilance de tous les instants. S'il lui fallait corriger et punir, elle n'y manquait pas; mais ce n'était jamais par impatience ou mauvaise humeur.
La famille s'accrut. Une petite fille, Marie, faisait le bonheur de ses parents, de sa mère surtout, lorsqu'un terrible accident survint qui devait changer la face des choses pour les uns et pour les autres. La mère étant un jour sortie un instant au jardin, entendit un cri de détresse qui lui perça le cœur. Rentrant précipitamment, elle fut horrifiée d'apercevoir le bébé qui mourait de brûlures provenant de graisse bouillante renversée sur sa poitrine!
Le choc fut trop violent pour la pauvre mère. L'enfant qu'elle portait en mourut, et, quelques jours après, les trois frères accompagnaient leur père conduisant sa femme au tombeau.
Qu'allaient devenir les pauvres orphelins après le départ de leur mère et en l'absence forcée de leur père? Les deux aînés furent recueillis par autant de familles obligeantes, au service desquelles ils se mirent. Quant au plus jeune, Arsène, encore incapable de travailler, il fut confié à des religieuses qui dirigeaient un hospice pour les vieillards.
Ces bonnes Sœurs firent ainsi en faveur de l'enfant une exception…
____________________________________________________
(3) L'
l finale ne se prononce point.— (4) Prononcer
Can. Reviers. est à 12 kilomètres sud-ouest de cette ville.— (5) La construction de l'une desquelles avait, paraît-il, été imposée par les autorités ecclésiastiques comme honoraires d'une dispense de parenté entre lui et sa femme.