Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.

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Louis Mc Duff
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CHAPITRE XII

Extension à l'Est et à l'Ouest

(suite)

Le P. Thibert s'efforça d'atteindre le cœur des Esquimaux aux sympathies catholiques en soignant de son mieux une famille baptisée par Mgr Charlebois. Comme dans toute œuvre qui commence chez ces indigènes, les progrès furent d'abord lents, très lents même, d'autant plus que, contrairement à ce que demandait le ministre protestant, le prêtre exigeait non seulement une préparation solide, mais un changement de vie réel dans le catéchumène comme introduction à son baptême.

Un baptême d'adulte en danger de mort et six baptêmes d'enfants — beaucoup plus qu'on en avait eu en quatre ans d'efforts à Chesterfield — furent le bilan des résultats de l'œuvre évangélique à Southampton pour l'année 1927-28 (5).

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Peu après, le P. Fafard rapportait pourtant le fait que son supérieur local s'étant transporté, en novembre 1928, à l'extrémité orientale de l'île, y instruisit, puis baptisa, le jour de Noël, cinq familles de la « tribu » (6) des Aiviliks, ou gens de Chesterfield, qui, paraît-il, persévérèrent dans l'accomplissement de leurs nouveaux devoirs.

Pendant ce temps, Kedlapik, le catéchiste protestant, n'avait plus d'emprise sur ses compatriotes. On ne l'écoutait plus, écrivait le P. Fafard, qui ajoute:

« Marié au cours de l'été, on se sépare au cours de l'hiver. Quoi d'étonnant quand les ministres, ayant à peine mis pied à terre, baptisent et marient tous ceux qui se présentent, quitte à abandonner au plutôt tout le troupeau pour aller ailleurs se mettre à l'abri, en attendant l'autre mission. Les pauvres ouailles demeurent dans une profonde ignorance, qui leur permet de violer les lois naturelles et divines les plus élémentaires » (7).

Quant aux deux missionnaires catholiques…
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(5) Cf. Lettre du P. Thibert, Missions des O. M. I., vol. de 1930, p. 33. — (6) C'est ainsi qu'on distingue localement les différents groupes d'Esquimaux, qui sont, ethnologiquement parlant, trop homogènes relativement aux autres, pour constituer de véritables tribus. — (7) Missions des O. M. I.,vol. de 1930, p. 37.
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Louis Mc Duff
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Extension à l'Est et à l'Ouest

(suite)

Quant aux deux missionnaires catholiques, ils s'employaient à terminer avec du bois arrivé comme miraculeusement ce que les premiers constructeurs n'avaient pu parfaire, faute de matériaux. Puis ils couraient de ci de là, surtout parmi les Aiviliks, leur faisant le catéchisme, pour lequel les adultes ne manifestaient pas trop d'avidité, et le supérieur rapporte même une guérison qu'il est difficile de ne pas qualifier de miraculeuse, obtenue par l'intercession de Mgr de Mazenod, fondateur des Oblats de Marie Immaculée.

La fille d'un protestant, enfant d'une douzaine d'années, s'était gravement blessée au poignet, d'où une hémorragie qui lui avait fait perdre une sérieuse quantité de sang, deux pleins bassins, disait-on. Trois ou quatre jours après que la plaie se fût fermée, elle s'était rouverte d'elle-même, et la pauvre enfant fut bientôt à bout de forces.

Comme on ne pouvait arrêter le sang, et que la malade paraissait plus morte que vive, on alla chercher le prêtre, qui, devant son état désespéré, promit à Mgr de Mazenod de publier le fait si, dans trois jours, elle pouvait marcher. En même temps, il mettait à l'oreille de la jeune Esquimaude des cheveux du Serviteur de Dieu, et la faisait amener chez lui.

Arrivée à la Mission, l'hémorragie s'arrêtait. Mais la malade était si faible qu'elle ne pouvait même pas lever la tête de son oreiller.

Le lendemain matin, elle était assez forte pour s'accouder sur sa couche, et de là suivre les prières de la messe. Dans l'après-midi du même jour, elle marchait (8) !

C'était au cours de 1928…

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(8) Ibid., p. 34, 35.
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Extension à l'Est et à l'Ouest

(suite)

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C'était au cours de 1928. Un an auparavant, une autre fondation religieuse s'était effectuée, juste à l'opposé du pays, laquelle devait reproduire, et même amplifier, les difficultés dues à l'apathie, sinon l'hostilité, des premiers Esquimaux de Chesterfield — et cela pour une double raison facile à comprendre. D'abord les gens avaient abusé de la grâce, et ensuite il y avait la concurrence protestante qui, comme d'habitude, paralysait l'action du prêtre sans parvenir à faire de bons protestants.

On aurait voulu fonder dans le nord, à une place, Pond Inlet, avec laquelle nous aurons plus tard à faire connaissance. La naufrage du Bay Ungava retarda l'érection d'une mission à cette localité, cet accident ayant empêché ce navire d'arriver à temps à l'endroit choisi. Au lieu de l'extrême Nord, on pensa alors à l'Ouest, et l'on se fixa sur l'extrémité occidentale du lac Baker, à 210 milles de N.-D. de la Délivrande.

Le lac Baker est une longue pièce d'eau, qui semble comme le prolongement de la baie, ou inlet, Chesterfield, elle-même faite d'eau qui n'est nullement salée, ainsi que nous l'avons vu. La mission qu'on y érigea fut pénible dès les tout premiers commencements. Le vaisseau chargé des matériaux qu'on utilisa dans sa fondation ayant fait naufrage, se remplit d'eau, puis, à la marée basse, flotta de nouveau et frappa des récifs, après quoi il mit huit jours à se rendre à destination.

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Toute sa cargaison était naturellement endommagée. De fait, les sacs de denrées étaient sur le point d'éclater par suite de la fermentation au contact de l'eau. Le bois même était tout mouillé et, pour le moment, perdu.

On s'en servit quand même; mais lorsqu'on installa le poêle dans la nouvelle maison, les planches se retirèrent énormément en séchant, et les murs s'ouvrirent en proportion ; en sorte que les deux fondateurs (9) purent contempler les étoiles à leur aise, sans avoir à sortir de chez eux. Vivres gâtés et pourris, maison extrêmement froide; la situation devenait insupportable. Nos Oblats n'en restèrent pas moins à leur poste.

Du reste, n'avaient-ils pas à leur porte des beautés naturelles, fruit du climat et de la conformation du pays, pour les compenser de toutes ces misères? La mission du lac Baker est la seule qui ne soit pas sur la mer. Bien que sur les bords de l'eau comme tous les principaux points fréquentés par les Esquimaux, elle se trouve, nous l'avons vu, à 210 milles de la baie d'Hudson, c'est-à-dire en pleines Terres Stériles, où les originalités, sinon les rigueurs, du climat font l'admiration de quiconque a une parcelle de génie poétique dans les veines.

Le défunt P. Petitot les décrit ainsi : …
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(9) Deux jeunes prêtres français ordonnés en 1926, les PP. Marcel Rio, du diocèse de Rennes, et Armand Clabaut, du diocèse de Lille, sous la direction du préfet apostolique venu les aider dans l'érection de leur maison.
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Extension à l'Est et à l'Ouest

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Le défunt P. Petitot les décrit ainsi :

« Si nous élevons nos regards vers l'Ourse glacée, qui tourne sans cesse autour de nos têtes comme sur un pivot, notre œil ravi est ébloui du spectacle sublime et multiforme que le magnétisme terrestre, en connexion avec les forces électro-dynamiques, produit dans l'éther assombri par la nuit.

« Brillante couronne terrestre ou aigrettes innombrables, semblables aux feux de Saint-Elme, se jouant à la cîme des mâts; zones d'or capricieusement ondulées, ou bien serpents livides aux reflets métalliques et chatoyants, qui glissent silencieusement et avec un éclat toujours nouveau dans les profondeurs des espaces; arcs-en-ciel concentriques et immobiles, ou bien aurores aux mille rayons rutilants et irrisés; coupoles splendides et diaphanes illuminant le ciel entier et tamisant toutefois la lumière sidérale, ou bien nuées sanglantes et lugubres dans leur immobilité; bandes polaires longues et blanches s'étendant en droite ligne d'un bout à l'autre de l'horizon, comme une route de nacre tracée dans le sombre azur pour le char de Phébé, ou bien frêles et incertaines nébulosités suspendues comme un voile de gaze à des hauteurs incommensurables : la lumière arctique, Protée aérien, revêt toutes ces formes, réjouit l'œil de tous ces feux, se prête à toutes ces combinaisons merveilleuses.

« Le Créateur pouvait-il se montrer artiste plus habile en même temps que physicien plus consommé? Ainsi il charme nos regards, tout en éclairant nos pas et en veillant à l'équilibre du monde.

« L'aurore boréale s'évanouit-elle, la lune radieuse demeure, une lune qui ignore son coucher, comme le Lucifer dont parlent nos saints livres, une lune qui transforme en jours les longues nuits du solstice d'hiver. Tantôt elle s'entoure de halos et de couronnes lumineuses, tantôt elle se multiplie par le mirage de la parasélène.

« Vous représentez-vous ces nuits si calmes, si silencieuses, que les battements de votre cœur deviennent perceptibles ; si froides que les arbres de la forêt éclatent et se fendent sous leur impression et que l'haleine produit, en s'exhalant à travers l'air dense, un bruissement semblable à celui d'une verge d'acier que l'on agite; vous les figurez-vous embellies par la décoration fantastique que forme la lumière en se jouant à travers les frimas, dont la végétation endormis est revêtue et que la pierre a aussi acceptée?...

« Quelquefois, au milieu de ces belles nuits, un éclair subit et sans détonation vous tire de votre rêverie, et vous annonce la fin d'une aurore boréale, d'un orage magnétique

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dont le foyer est placé en dehors de votre vue ; ou bien des grondements semblables à ceux du tonnerre vous avertissent du voisinage d'un lac dont les sources font dilater la glace.

« Entendez-vous cette conversation, cette note mélancolique et plaintive du sauvage ?...
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« Entendez-vous cette conversation, cette note mélancolique et plaintive du sauvage ? Percevez-vous ce craquement des raquettes sur la neige gelée, ce tintement de clochettes à chiens, ces claquements de fouet qui se répercutent sous la voûte des bois ou rebondissent sur la surface des lacs comme des coups de feu? Vous pensez que c'est là, tout près de vous, que ces bruits retentissent. Bien, attendez. Les instants et les heures se passeront avant que vous ayez vu arriver les mystérieux voyageurs dont une lieue ou deux vous séparaient. Et cependant un coup de fusil tiré à vos côtés n'a pas plus ébranlé l'atmosphère que si vous eussiez brisé une noix avec un casse-noisette.

« Mais les longues nuits de solstice d'hiver, ces nuits de vingt heures (10), se sont enfuies dans l'ouest, et l'Esquimau a salué par ses chants et ses danses la réapparition de l'étoile du jour, après une absence de deux mois. Alors peu à peu la scène change, et de nouveaux spectacles sont donnés à l'homme. Ici c'est le phénomène du mirage avec ses illusions, ses fantômes de rivages, ses montagnes renversées, ses arbres qui marchent, ses collines qui se poursuivent, ses dislocations de paysage, ses fantasmagories kaléidoscopiques.

« Là c'est la radieuse parhélie, tantôt segmentaire, tantôt équipolée; le plus souvent avec deux ou trois faux soleils, quelquefois avec quatre, huit et même seize spectres lumineux, qui deviennent le centre d'autant de vastes circonférences; parfois même, mais rarement, horizontale au lieu d'être verticale, elle entoure le spectateur d'une multitude d'images solaires, et le transporte comme sous un dôme dont le pourtour serait illuminé par des lanternes vénitiennes.

« Ce froid intense, plus terrible que le loup blanc des steppes, que l'ours gris des montagnes; ce froid qui saisit sa victime à son insu, instantanément, mortellement, ce froid a sa nécessité, son utilité, ses curiosités bizarres. Il vivifie, active et purifie le sang, il ravive les forces, il décuple l'énergie vitale, il aiguise l'appétit, il favorise les fonctions de l'estomac et le rend le meilleur des calorifères, il endort la douleur, arrête l'hémorragie, prolonge la vie, et, si tant est qu'il nous frappe, c'est en nous envoyant le sommeil, et il nous donne la mort au milieu de rêves dorés.

« Ce froid intense, si sec, si pur, suspend la putréfaction, détruit les miasmes, assainit l'air et en augmente la densité. Il purifie l'eau douce, distille les eaux amères de la mer et les rend potables, il transforme en cristaux le lait, le vin et les liqueurs, il remplace le sel dans les viandes, la cuisson dans les fruits dont il fait des conserves économiques et durables ; il rend comestibles la viande et le suif crus ; il dessèche et étanche les lagunes, arrête le cours des maladies, il favorise l'évaporation et la disparition des neiges et des glaces elles-mêmes, et révèle au chasseur la présence du renne en entourant celui-ci de brouillards.

« Trouvez-vous à la chaleur autant de propriétés » (11).

Descendons maintenant des hauteurs d'un ciel tout à fait spécial au pays même sur lequel il s'étend…
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(10) Nous allons présentement voir que dans certaines des missions de Mgr Turquetil, ces nuits ont parfois la longueur de 92 jours solaires de chez nous! — (11) Petitot, Mémoire abrégé sur la Géographie de l'Athabaskaw-Mackenzie et des Grands Lacs des Bassins arctiques de l'Amérique, ap. Missions des Oblats de Marie Immaculée pour 1875, pp. 227-30.
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Extension à l'Est et à l'Ouest

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Descendons maintenant des hauteurs d'un ciel tout à fait spécial au pays même sur lequel il s'étend. Moins enthousiaste et plus rassis que le méridional Français, un auteur anglais, Warburton Pike, apprécie avec le flegme de sa race les Terres Stériles elles-mêmes, où nos deux Oblats étaient maintenant campés:

« Pour l'homme qui n'est pas amateur de la nature sous toutes ses formes, les Terres Stériles doivent être toujours une criante (howling) sauvagerie pleine de désolation. Quant à moi, je puis comprendre le sentiment qui dictait la réponse de Saltatha au digne prêtre qui lui expliquait les beautés du ciel.

— « Mon Père, tu as bien parlé. Tu as dit que le ciel est très beau; dis-moi maintenant une chose de plus. Est-il plus beau que le pays du bœuf musqué en été, alors que parfois le brouillard s'élève des lacs et que parfois l'eau est bleue et que souvent les huards font entendre leur cri plaintif? Ça c'est beau, et si le ciel est encore plus beau, mon cœur sera content et je serai heureux de m'y reposer jusqu'à un âge fort avancé » (12) .

Mais il n'est guère probable que les fondateurs de la mission du lac Baker...
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(12) Warburton Pike, The Barren Ground of Northern Canada, p. 276. Londres, 1892.
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Extension à l'Est et à l'Ouest

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Mais il n'est guère probable que les fondateurs de la mission du lac Baker se soient préoccupés outre mesure des spectacles féeriques dus à une température qu'ils trouvaient, au contraire, bien gênante dans leur réduit ouvert à tous les vents, pas plus que de la beauté des brouillards estivaux et .des plaintes du huard. Ils avaient autre chose à faire, et cet autre chose, ils ne pouvaient malheureusement y réussir.

La population qu'ils étaient venus convertir avait presque toute résidé à Chesterfield. Ses membres avaient donc eu toutes les chances du monde d'embrasser le catholicisme. Mais au lieu de faire cas des enseignements du prêtre, ils avaient en majorité cultivé l'amitié, et copié les manières, des blancs protestants ou agnostiques de la place, qui les avaient encouragés dans leur résistance à la grâce.

Aussi, lorsqu'un comptoir fut établi au milieu d'eux au lac Baker, ils se prétendirent aussi religieux que leurs congénères de Chesterfield Inlet. Mais, prétextant qu'on leur avait à tort refusé le baptême à cette place, ils optèrent pour la religion de leurs commerçants, qui favorisèrent alors la venue d'un ministre protestant, promettant formellement de ne jamais se faire catholiques.

Ils ne devaient que trop longtemps tenir parole, et, pendant six longues années, le prêtre put croire qu'il perdait-son temps avec eux (13). De son côté, au bout de trois ans, le ministre anglican fit quelques baptêmes, juste avant son départ définitif, mais ce n'était guère plus qu'une affaire de marchandage; on voulait pouvoir afficher quelques succès comme compensation pour l'argent déboursé.
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(13) « La Mission Saint-Paul de Baker Lake... a traversé pendant six ans des épreuves pénibles, dont la principale a été l'absence de conversions. Le R. P. Rio n'a eu, pendant ces dures années, que très peu de consolations: quelques baptêmes à l'article de la mort.

« 1933 a vu un changement notable dans la face des choses : six baptêmes d'adultes et une quinzaine de catéchumènes résolus. D'autres sont catéchumènes de cœur, et ne tarderont pas à entrer dans la voie du catéchuménat régulier... Le R. P. Rio a profité de l'été 1933 pour bâtir une chapelle intérieure, et modifier sa maison de fond en comble; en septembre il a posé un clocher sur l'église. Il lui a fallu faire tous les métiers, étant seul à Saint-Paul. La fin de septembre est prise par la pêche; l'hiver sera occupé aux voyages. Il compte aller du côté du lac Yiatkich dans le sud, et y établir un avant-poste bien modeste, une hutte en roches, bourrée de mousse, seuls matériaux de la région » (Missions des O. M. I., 1934, p. 357).

A suivre : Chapitre XIII. Au Nord et au Sud.
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CHAPITRE XIII

Au Nord et au Sud

Le directeur de la nouvelle mission était le P. Rio (1) qui ne pouvait que contraster les dispositions de ses « paroissiens » avec celles des Esquimaux de la station centrale. « Nos chrétiens en permanence à Chesterfield ne dépassent pas la vingtaine », avait-il récemment écrit à un périodique de France (2). « Tous sont employés au service des blancs. La plupart assistent à la messe et communient tous les jours. Quelques familles font ainsi tous les matins presque deux kilomètres, même par les grandes poudreries, et Dieu sait par quels chemins!

« Quelques-uns prennent note du sermon du dimanche. Ils s'assimilent ainsi beaucoup de connaissances religieuses. J'ai entendu un de nos premiers chrétiens commenter pendant quarante minutes les paroles Ave, Maria . Il parlait à des païens, et ceux-ci l'écoutaient comme un Père d'Éphèse » (3)

Son compagnon, le P. Clabaut, avait justement fait à cette mission son oblation perpétuelle, la première, avec celle du Fr. Volant, qu'on eût vue chez les Esquimaux. Deux enfants de cette race servaient la messe, à laquelle assistaient une trentaine de grandes personnes, tandis que le Fr. Girard jouait de l'harmonium, et que Mgr Turquetil officiait, entouré des PP. Ducharme et Rio. C'était le 24 août 1927 (4).

Vers le milieu de l'hiver, le préfet apostolique crut devoir aller voir et encourager ses prêtres des deux autres missions continentales. Le Fr. Girard donne de sa visite au cap Esquimau l'aperçu pittoresque que voici :

« Il fait bien froid. Le vent qui soulève la neige ne nous permet pas de voir bien loin. C'est pourtant aujourd'hui qu'il doit arriver.

« Vers trois heures du soir, un point noir apparaît à l'horizon, du côté nord. Bientôt tout se dessine. L'imagination aidant sans doute un peu, nous voyons: les chiens, le guide, la traîne de notre Père lui-même, la barbe frimassée et collée par le gel à son habit de fourrures.

« En un instant, la nouvelle fait le tour du village. Et tous nos Esquimaux, même plusieurs que je croyais indifférents, de s'écrier : « C'est lui, c'est notre Père, le grand Priant ».

« Nous accourons à sa rencontre. Il est tout blanc, couvert de frimas et de neige. Il a voyagé dix jours au pays des glaces. N'est-ce pas suffisant pour avoir l'air d'un glacier mouvant? Mais le cœur d'un apôtre, malgré frimas et neige, est toujours brûlant.

« Seuls ceux qui vivent dans un isolement semblable au nôtre peuvent comprendre la joie qu'apporte l'arrivée de notre Père, le préfet apostolique. Pendant plusieurs jours il sera non seulement avec nous, mais à nous. Il partagera nos joies et nos peines. Il nous encouragera de sa parole ardente, surtout de son exemple . . .

« Il aura le bonheur de baptiser nos catéchumènes et de confirmer tous ceux qui sont prêts à devenir parfaits chrétiens. C'est une ère nouvelle sous le règne de Jésus-Christ commencée humblement il y a trois ans; après les semailles dans les larmes, c'est la moisson dans la joie » (5) .

Après sa visite au cap Esquimau…
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(1) (V. ill. nº 44) — (2) La Revue Apostolique, publication oblate de Lyon. — (3) Les Cloches de Saint-Boniface, septembre 1927, p. 202. — (4) Pour les enfants de chœur, (V. ill. nº 47) — (5) Ibid., décembre 1928, p. 280.
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CHAPITRE XIII

Au Nord et au Sud

(suite)

Après sa visite au cap Esquimau, Mgr Turquetil se rendit au lac Baker, où il arriva le Vendredi-Saint, juste après le chemin de la Croix. Hélas! il n'y trouva point la ferveur de la place qu'il venait de visiter. Pour toute assistance à cet exercice d'ordinaire si impressionnant pour des indigènes, il n'y avait eu qu'une chrétienne et une catéchumène.

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Donc vers trois heures et demie, un étranger entrait à la Mission. La neige recouvrait ses vêtements de peau de caribou ; des glaçons entouraient son capuchon.

—Qui est cet individu? demande alors le P. Clabaut au P. Rio.

Mais l'hésitation ne pouvait durer longtemps, et fit vite place à la joie devant le bruyant « bonjour » dont les deux Oblats étaient salués.

— C'est lui, c'est Monseigneur, s'écrient-ils à la fois.

Dès lors plus de grand silence (6) ; plus de deuil à la maison. C'est plutôt un alleluia anticipé. On s'embrasse chaleureusement, et l'on se sent heureux.

« Pensez-y donc », écrit le P. Clabaut, « deux jeunes sans expérience, après six mois passés absolument seuls! Monseigneur est avec nous pour cinq ou six semaines; on va pouvoir se raconter beaucoup de choses, apprendre beaucoup et faire de l'esquimau » (7).

Malgré les dispositions assez peu satisfaisantes de ses habitants, la même mission eut cinq baptêmes d'adultes — un oasis dans le désert. C'était au mois de juillet 1928.

Plus tard, le 25 août de la même année, le P. Clabaut communiquait certains détails sur ce qui lui paraissait présager des jours mauvais pour au moins un point du pays.

« La civilisation approche de nos portes », écrivait-il sous une impression fâcheuse qui, heureusement, ne devait guère se réaliser. « Le chemin de fer arrivera bientôt jusqu'à Churchill, et voilà qu'à une centaine de milles au sud de chez nous, toute une colonie de treize blancs s'est installée à la recherche de soi-disant trésors, mines d'or, etc. Ils ont un avion, auto-chenilles, station de radio avec poste émetteur, etc., etc ...

« Tous ces blancs qui nous arrivent nous font bien du tort. On a plus de misères avec eux qu'avec toutes les rigueurs du climat, des poudreries, de la gelée réunies ensemble. S'ils pouvaient remporter leurs avions, leurs autos et toute leur civilisation diabolique !. . . Enfin c'est une croix pour nous; la croix que le Bon Dieu nous donne pour aider à sauver les Esquimaux » (8) !

Avant d'entrer dans quelques détails au sujet des développements qui s'annonçaient…
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(6) Que les Oblats observent le Vendredi-Saint. — (7) Ibid., ibid., p. 282. — (8) Ibid., ibid., p. 283.
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Au Nord et au Sud

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Avant d'entrer dans quelques détails au sujet des développements qui s'annonçaient, non pas pour le cap Esquimau, mais pour le seul poste de Churchill, il me faut relater un événement que ni le P. Clabaut ni ses gens ne pouvaient certes regretter, un événement qui, de bonne augure pour les missions esquimaudes, était en même temps la plus précieuse récompense possible pour celui qui en était l'objet.

J'ai en mainte occasion dû mentionner le Fr. Girard, son zèle ardent et son inaltérable bonne humeur. Il était maintenant, aux côtés du préfet apostolique, celui qui était le plus en droit de se prévaloir de sa connaissance de la langue indigène, le plus ancien des Oblats sur la Baie, et partant celui que cette même familiarité avec la langue rendait comme indispensable à son supérieur — sans compter son caractère débrouillard et son activité innée.

Un autre religieux, le R. P. Jean-Baptiste Beys, lui avait, paraît-il, fait faire un assez bon cours de philosophie et de théologie lorsque les deux Oblats se trouvaient de maison à Norway-House, à l'extrémité nord du lac Winnipeg. Le P. Beys aimait les sciences ecclésiastiques, et les repassait en récréation en compagnie du Fr. Girard, qui ne se gênait pas pour poser toutes sortes de questions et faire mainte objection, acquérant ainsi une bonne connaissance pratique des sujets à l'étude.

Du reste, la perspective de s'acheminer par là vers le sacerdoce, que Girard avait toujours désiré, l'encourageait beaucoup dans ces études.

Plus tard, à Chesterfield Inlet, le P. Turquetil lui avait lui-même fait suivre un cours en français, d'après Gousset, en 1916-17, puis en 1923-24. Le Frère continua au cap Esquimau; si bien que ses solutions des cas spéciaux qui lui furent soumis donnaient généralement la note juste.

En sorte que, vu les besoins de sa préfecture, et en vue surtout d'une nouvelle fondation depuis longtemps projetée, Mgr Turquetil obtint de Rome un indult spécial pour son ordination aux divers ordres sacrés, dont le couronnement se fit à Régina, Saskatchewan, le 19 mai 1929, aux mains de Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, archevêque de cette ville. Ainsi l'ami Girard devint-il alors par l'onction sainte le Révérend Père Prime Girard, O. M. I.

Il allait incontinent inaugurer sa vie sacerdotale…
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