Jésus couronné
Voilà l'homme. (S. Jean, XIX. 5.)
Jésus s'était dit roi du royaume du ciel ;
Afin de s'en moquer, une inhumaine troupe,
Plus féroce qu'un tigre, autour de lui se groupe,
Pour lui faire endurer un supplice cruel,
Et simuler ainsi l'opulence royale
Que le sacre d'un prince aux yeux du monde étale.
De sa robe vêtu, qui n'est plus qu'un lambeau,
Jésus est amené vers un tronc de colonne :
Au monarque du ciel c'est le trône qu'on donne.
« Il faut un sceptre, aussi ? » — « Qu'on apporte un roseau ;
Et pour manteau royal, un haillon d'écarlate. »
Tout cela fait, un grand transport de joie éclate.
C'est un cirque où Jésus devient le seul jouet.
A qui de ses bourreaux en fera davantage ;
Feignant de l'honorer, on l'insulte, on l'outrage.
Comme un agneau qu'on tond, Jésus reste muet.
On enfonce à grands coups la couronne d'épines,
Et Jésus, pour bénir, lève ses mains divines.
Pour dernier coup de scène, on lui bande les yeux.
Le maître des soleils est privé de lumière,
La fureur des bourreaux augmente et s'exaspère ;
On arrache à l'envi sa barbe et ses cheveux,
En donnant des soufflets on lui crache à la face,
De la mort, de la croix, sans cesse on le menace,
Et Jésus ne dit rien. Comme un pauvre lépreux
On ne trouve en sa chair aucune trace saine,
Qui peut montrer encore aux yeux la forme humaine :
Mais n'est-ce pas l'Auteur de la splendeur des cieux,
Le plus beau des enfants des hommes ? — Quel spectacle !
De la douleur c'est un véritable miracle !