Sur nos Routes d'Exil: Les BÉATITUDES

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Monique
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Re: Sur nos Routes d'Exil: Les BÉATITUDES

Message par Monique »

L'orgueil, l'amour coupable, l'ambition, la luxure, n’importe quel péché, peuvent bien mettre en oeuvre les forces vives de l'âme; en eux-mêmes ils sont une mort horrible.

La ferveur, le bouillonnement ou la réflexion qui se manifestent dans les péchés, ne doivent pas nous donner le change; en vérité toute cette richesse est affectée d'un signe d'égarement et de vide parce que l'homme est détourné du divin amour et que Dieu est absent.

Quand le temps cessera la réalité de cette absence deviendra le supplice de la damnation. La grande illusion du pécheur ici-bas c'est de ne pas voir que l'action mauvaise à laquelle il se livre, prise dans son essence, c'est la hideur et la mort éternelle quel met en lui; que vienne la fin, et la vérité de ce devenir sera manifestée.

Mais plutôt qu'il n'attende pas la fin, qu'il se convertisse et qu'il vive. Car le Fils de Dieu Sauveur par sa révélation et son sacrifice a rendu les hommes ses frères capables d'accomplir un bien qui soit vivant; non pas extérieur et règlementaire mais jailli du secret mystique de l'âme; '' Faites vos bonnes oeuvres, dit-il, prières, aumônes, jeûne, dans le secret des Pères, de sorte que votre lumière brillant ainsi devant les hommes ils en glorifient votre Père qui est dans les cieux. ''
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Monique
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Message par Monique »

2. Vertu et passion.
La vertu ne consiste pas à manœuvrer la passion du dehors d'une façon plus ou moins habile;elle est la passion elle-même, mais illuminée et surélevée. Ou, d'un autre point de vue, c'est la lumière que Dieu nous a donnée, celle de la raison et celle de la Foi, en tant qu'elle a trouvé le moyen d'intervenir et de commander facilement dans la zone des passions, d'y faire passer ses prescriptions et son ordre.

Il ne s'agit plus de passions qui restent fermés et charnelles mais que la raison dresse à être correctes extérieurement; il ne s'agit d'une raison qui orgueilleuse et se rend experte à maitriser les mouvements inférieurs de l'âme d'après ce que requiert la vie au milieu des hommes.Aucune trace de cette connivence effroyable entre des passions sauvages et une raison orgueilleuse, qui savent se préserver mutuellement en jouant un minimum de ce jeu de la vertu, qui fait si souvent partie de la vie dans la société. Il s'agit de passions harmonisées avec une raison humble et aimante et d'une raison aimante, et transformée dans la lumière,étendant son royaume sur les passions.

Ce n'est pas un crépissage menteur, c'est une construction homogène; mais c'est une raison de pauvre, parce que c'est la pauvreté du coeur, son silence et son amour, qui sont descendus jusqu'aux passions et qui les enveloppent.
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Message par Monique »

'' Soyez raisonnable; modérez-vous, ne soyez pas exagéré; ne soyez pas passionné. '' Tels sont quelques-uns des préceptes que l'on donne aux hommes pour les rendre vertueux. On fait bien sans doute car ces paroles ont un bon sens, et pourtant d'ordinaire elles sont mal comprises et ne tendent pas à favoriser la vertu véritable.

Reprenons-les une à une en essayant de les interpréter. Puisque la dignité de l'homme consiste en la pensée, je dois être raisonnable dans mes diverses inclinations: d'une part que ma raison n'ignore pas quel monde très peu rationnel elle doit éclairer et par suite qu'elle tienne compte de ses particularités et de ses rythmes; d'autre part, qu'elle se reconnaisse insuffisante à elle seule et soit claire d'une autre clarté que la sienne: celle même de Dieu.

Être raisonnable ? Je le veut bien, si toutefois cela consiste à me laisser transpercer par la lumière divine dans ma raison et dans mes inclinations et passions, à ne réfléchir et calculer qu'à la suite de cette transverbération première.
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Message par Monique »

Être raisonnable ou vertueux (c'est la même chose ) n'est pas le privilège de quelqu'un, ceux en qui l'étage rationnel se trouve largement développé, avec parfois une carence proportionnelle dans les facultés d'émotions et d’enthousiasme. Être raisonnable est une possibilité et en même temps une loi aussi profonde et universelle que la nature humaine. Il suffit pour pratiquer cette loi fondamentale que l'esprit de chacun, quel qu'il soit, s'applique, dans la lumière de Dieu, au détail de sa conduite et de ses responsabilités; ce qui comporte autant de modes qu'il y a de structures individuelles. Saint François n'est pas raisonnable comme saint Ignace; mais si l'on juge en profondeur, comment dire qu'il manque de raison ?

Ainsi donc, contrairement à ce que l'on entend dire quelquefois, on ne serait exclure de la possibilité de devenir raisonnables et vertueux les natures artistes, inspirées, lyriques; et pas même les natures intérieurement fléchissantes. Pourtant, ceux qui se trouvent en ces diverses catégories ne peuvent ignorer qu'ils ont d’ordinaire moins d'assiette; leur raison et leur vertu ne tiennent que sous le souffle et dans l'essor de la prière; véritablement elles sont livrées à l'Esprit-Saint; leur équilibre est celui du vol, il est délicat.

Ceux dont l'étage rationnel est plus développé risque de connaître un équilibre plus pesant; il leur arrive de s'en contenter et de s'imaginer tenir par eux-mêmes. Illusion.

Devant Dieu en effet comment douter que des vertus fermées à son inspiration sont de peu de consistances et de peu de prix ? Qu'est-ce qu'un enfant de Dieu s'il n'est pas conduit par l'Esprit de Dieu ? Mais cette inspiration est très cachée, très au-delà de la nature; la démarche méthodique d'un tempérament rationnel ne s'y oppose pas et le bondissement, l'envol d'un être lyrique n'en est pas un signe incontestable.


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Message par Monique »

« Modérez-vous » : J'en conviens. Mais encore de quel mode s'agit-il ? La seule mesure digne du chrétien est spirituelle et mystique. et fait graviter la passion autour de l'amour suprême.

Cette attraction par l'amour divin, dont la mesure est de n'en pas avoir, donne à la passion sa mesure et son mode et la transforme en vertu véritable.

La modération des passions qui, en un sens, est la même chose que la vertu, procède non pas de l'atonie des passions mais de ce qu'elles sont captives, heureusement captives (1) d'un excès supérieur. N'est-ce pas ce que chantait Péguy :

Vous pouvez vous montrer, vertus d'appartement,
Carafes d'eau filtrée à travers les faïences,
Nous nous avons connu les arches d'alliance
Naviguant aux deux bords des premiers océans.

« Ne soyez pas passionné » , Voulez-vous donc que mes passions soient mortes ? Mortes en tant qu'elles sont aveugles et égoïstes, il le faut; mais c'est autre chose que leur mort pure et simple. Qu'elles vivent donc au contraire, et de la seule vie qui leur convienne: servantes de l'amour, dociles et ordonnées, mais dignes et belles servantes. Cela signifie qu'elles deviennent vertu.
1. L'âme heureusement captive
Sous son joug trouve la paix.

( RACINE, Cantiques spirituels, IV. )


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Message par Monique »

3. Vertu et pauvreté intérieure.
Que la vertu selon l'Evangile diffère de la vertu selon le monde, principalement en ce qu'elle procède non de l'amour de soi mais de la charité, en ce qu'elle compte sur la grâce et non sur les énergies propres de l'homme, c'est là une vérité certaine pour tout chrétien. Nous risquons toutefois de ne pas en percevoir la signification concrète. Le recours aux mystiques nous préservera de ce manque de réalisme. (2).

Ainsi pour mieux comprendre la vertu selon l’Evangile, nous réfléchirons sur la grande parole d'une mystique à son lit de mort : « Être pauvre, être trouvé pauvre; ce n'est pas l'a vertu que Jésus demande, c'est la pauvreté. » (3). Toute âme aussitôt qu'elle entrevoit ce que c'est que de vivre en Dieu ne peut en douter. Qu'importe au Seigneur nos oeuvres et nos vertus si notre justice n'est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, si elle ne procède pas d'un coeur appauvri, vidé de l'amour de soi et rempli de charité?

Une vigilance, un effort sur soi continuellement implorés de Dieu et voulus pour lui seul, c'est cela qu'il attend et seulement cela. Seule une expérience vertueuse, acquise dans la prière peut lui être agréable; en effet c'est la seule où il ait part.

C'est mon Fils Bien-Aimé en qui je me suis complu proclame le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le Père n'a de complaisance qu'en lui. Mais s'il retrouve les sentiments de son Fils dans nos vertus, alors il peut se complaire en nous.
(2) Ils ont parlé de la vie spirituelle selon « l'ordre du coeur qui consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport
à la fin pour la montrer toujours. » Pascal, édit. Brsvg, no 283.

(3) Mère Marie-Thérèse du Carmel d'Avignon, celle à qui sont adressées les « Lettres de Consummata à une Carmélite » (éd. du Carmel d'Avignon).
On considère dans cet exposé les vertus morales, celles qui rendent droites à la fois nos passions d'amour et d'attaque et nos relations de justice
avec le prochain, c'est-à-dire, sous la direction de la prudence, les autres vertus cardinales : tempérance, force et justice avec leurs diverses ramifications.


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Message par Monique »

De telles vertus n'ont aucune richesse. Même lorsque de telles vertus sont formées et réussies - et c'est cela qui doit être - toute leur fermeté, toute leur grandeur, est auréolée d'un nimbe de pauvreté. Elles ont été reçues de Dieu et continuent d'être portées par sa Miséricorde ; ce que l'on est on l'a reçu, on le sait, on n'y est pas attaché; on n'est pas prisonnier de ses dons, on est libre de ses dons.

Etre pauvre, être trouvé pauvre. Sans doute Jésus veut trouver en nous sa splendeur et sa gloire; Père, la Gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée; ce pour quoi nous sommes faits, c'est la gloire. Mais il ne peut pas nous la communiquer si nous ne sommes vides de la gloire que nous fabriquons nous-mêmes. Jésus veut trouver en nos passions et notre volonté cette manière de dérivation de sa splendeur qui s'appelle la vertu.

Mais il ne peut nous la donner, nous ne pouvons la recevoir qu'à la condition d'être pauvres, c'est-à-dire de vivre dans la prière, la dépendance, l'action de grâce, l'amour. La vertu que nous ferions nous-mêmes pour nous-mêmes, aussi habile serait-elle, aussi mortifiante et raisonnable, serait de nul prix à ses yeux.

Ce n'est pas pour qu'ils acquièrent cette richesse qu'il est venu enseigner les hommes. Ce qu'il a enseigné et rendu possible c'est d'acquérir en restant pauvre.
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Message par Monique »

Mais pourquoi certains traités de perfection lorsqu'ils en viennent à enseigner des choses aussi normales que la discipline des passions, la maîtrise de soi, la formation du caractère, enflent-ils la voix tout soudain comme si c'était là le coeur de la vie surnaturelle et deviennent-ils totalement oublieux de la pauvreté mystique, de la perte mystique de soi, de l'action du Saint- Esprit? (Veni Pater pauperum). Il était utile de connaître les ressorts de la volonté et d'apprendre à s'en servir, mais il n'aurait pas fallu oublier l'Evangile.

Eire pauvre, être trouvé pauvre. Dans la race exilée des enfants d'Eve combien de pauvres natures et d'êtres disgraciés : qu'ils doivent être raisonnables ou vertueux, que la raison et la lumière de la Foi doivent commander aux instincts, les ordonner et les surélever, ils n'en doutent peut-être pas en théorie. Mais on comprend qu'ils se posent la question : de fait, est-ce pour moi ?

Leurs échecs sont presque aussi nombreux que leurs tentatives. L'aptitude de leurs instincts à devenir dociles, à perdre leur misérable autonomie pour s'harmoniser avec la raison et avec la Foi, bref, les possibilités d'apprivoisement de leurs passions sont vraiment très réduites. Pauvres, certes ils le sont d'une manière constitutive.

Est-ce encore une pauvreté que Jésus demande et qu'il puisse désirer? Il demande qu'on la prenne en main, non pas qu'on la flatte; qu'on n'en soit pas complice, mais qu'elle lui soit offerte.
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Message par Monique »

Les passions sont destinées à recevoir la marque de l'esprit, à être formées par lui, quelques difficultés que leurs anomalies opposent, ou leur manque de maturation. C'est là une des premières lumières levées dans le coeur de l'homme. Le Christ n'est pas venu l'éteindre mais la fortifier à l'infini. Il ne nous dispense pas de l'éducation de nous-mêmes par la raison; il la situe dans l'amour et la pauvreté. Faire pour soi ce travail d'éducation des passions est l'écueil des natures fortes.

Refuser ce travail est l'écueil des natures intérieurement désorganisées. On comprend certes leur difficulté, et leur hésitation à offrir une matière tellement misérable et décevante. Mais au fond c'est parce qu'ils y tiennent en riches. S'ils étaient vraiment libres de leur pauvreté foncière ils sauraient se reprendre inlassablement à faire ces gestes d'offrande que constitue la discipline de leurs passions. Que nos vertus aient à leur disposition des moyens convenables ou insuffisants, si elles sont désirées pour le Christ dans le désintéressement de soi, nous ne renoncerons pas à les développer, quelques déconvenues qui nous attendent.

Celui qui est pauvre constitutionnellement, à qui n'a été concédée qu'une petite part d'équilibre, qui, par suite, habite plus ou moins en marge de la vie et de la société, oh ! puisse-t-il comprendre celui-là qu'il est tout proche du Christ. Où trouverait-il un refuge, où pourrait-il habiter sinon en Lui? Qu'il ait le courage de ne plus fuir sa pauvreté, mais plutôt de fuir en Dieu avec sa pauvreté, et qu'il sache donc faire du spectacle vivant de sa triste misère le travail de ses mains et l'amour de ses yeux.
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Message par Monique »

Qu'il n'écoute pas la suggestion insidieuse au-dedans de lui, ni la proclamation au-dehors, des pseudo-prophètes qui le persuadent de démissionner de l'effort, de se satisfaire dans son anomalie, de se fabriquer une loi, une pureté et une gloire (1) dans la canonisation de son mal. Qu'il ferme les oreilles aux paroles corrompues de la chair et du sang malades et qu'il écoute le Père lui révéler les enseignements de son Fils, la signification de la grande parole du Sauveur : Venez à moi vous tous qui êtes accablés et je vous referai.

Dans la mesure où il avance dans la pauvreté l'homme devient étonnamment fraternel. Il sait que le bien que Dieu lui donne ce n'est pas pour lui seul; il en est dépositaire pour son prochain; réciproquement il a le coeur assez pauvre pour qu'il soit sans envie du bien des autres. Dans la mesure où il devient pauvre l'homme devient fort ; il sait qu'il ne tirera de soi-même aucune force, il est donc profondément réceptif à la force divine: c'est ma faiblesse qui fait toute ma force disait la petite Thérèse.

L'important est de nous savoir pauvres et dénués de tout; toujours capables de faire des sottises et d'offenser Dieu; de consentir à nous trouver dans cet état, à être trouvés dans cet état par Dieu et par le prochain. Ce que Dieu demande ce n'est pas la réussite vertueuse, c'est d'être pauvre et d'aimer. Là est l'Evangile. De là procède obligatoirement une vertu réelle. Mais elle est toute différente de ce que nous pourrions imaginer par nous-mêmes et offrir à l'attente des hommes. Ce serait une honnêteté (ou bien selon le tempérament, un laisser-aller et une décomposition) dont Dieu n'a que faire et dont il lui plaise de nous garder.
(1) On sait que le détournement abominable des maximes des saints par les faux-prophètes d'hier et d'aujourd'hui (Molinos, Rousseau. Gide)
a été analysé et stigmatisé par Thibon avec autant de lucidité que de rigueur. Voir notamment : Echelle de Jacob, Le pain de chaque joue, Nietzsche ou le déclin de l'esprit.


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