Saint Jean Eudes a écrit :
CHAPITRE VI. (suite)
Je pourrais encore faire voir que cette même Vierge est reconnue et publiée comme bienheureuse, non seulement par les fidèles, mais aussi par les infidèles, spécialement par les Sibylles, qui sont des filles vierges du paganisme, par lesquelles il a plu a Dieu annoncer aux hommes les principaux mystères de la vie de notre Sauveur et de sa très sainte Mère.
Non seulement cela, mais encore cette Mère admirable a été reconnue et prêchée bienheureuse même par les Mahométans, par les hérétiques et par plusieurs mauvais chrétiens, qui ont recours à ses bontés en plusieurs occasions et qui en ressentent souvent les effets.
Enfin il n'y a aucune contrée en tout l'univers, ni aucune nation sous le soleil, ni grands, ni petits, ni pauvres, ni riches, ni religieux, ni prêtres, ni hommes, ni femmes, qui ne soient obligés d'avouer et de publier que la Mère du Sauveur est la plus heureuse, la plus puissante, la plus libérale, la plus débonnaire, la plus admirable et la plus aimable de toutes les créatures, qui semble n'être au monde et ne songer à autre chose qu'à faire du bien à tous ceux qui l'aiment et qui l'invoquent, et à les rendre participants du bonheur et de la félicité qu'elle possède.
« O trois et quatre fois bienheureuse, s'écrie le saint Docteur Jean Gerson (1) : Bienheureuse, premièrement, parce que vous avez cru. Bienheureuse, secondement, parce que vous êtes pleine de grâce. Bienheureuse, en troisième lieu, parce que vous êtes bénite entre toutes les femmes et que le fruit de votre ventre est béni.
Bienheureuse, en quatrième lieu, parce que le Tout Puissant vous a fait choses grandes. Bienheureuse, en cinquième lieu, parce que vous êtes la Mère du Seigneur. Bienheureuse, en sixième lieu, parce que vous possédez la joie de la maternité avec la gloire de la virginité. Bienheureuse, en septième lieu, parce que vous êtes l'incomparable, qui n'avez jamais eu et qui n'aurez jamais de semblable.»
Écoutons maintenant saint Germain, Archevêque de Constantinople. « Qui ne vous admirera, dit-il (2) , qui ne vous aimera, ô très bonne Vierge ? Vous êtes notre ferme espérance, notre protection assurée, notre refuge inébranlable, notre gardienne très vigilante, notre sauvegarde perpétuelle, notre secours très puissant, notre forte défense, notre tour inexpugnable, le trésor de notre joie, le jardin de nos délices, forteresse imprenable, rempart inaccessible, le port de ceux qui sont en péril de naufrage, la caution des pécheurs, l'asile des abandonnés, la réconciliation des criminels, le salut des perdus, la bénédiction des maudits, et la procuratrice générale et publique de toutes sortes de biens. Enfin qui pourrait comprendre les effets de vos miséricordes ? O ciel ! ô Reine du ciel ! soyez bénite en toutes les générations des générations. Car il n'y a point de lieu au monde dans lequel vos louanges ne soient célébrées; et il n'y a aucun peuple ni aucune tribu de laquelle Dieu ne reçoive quelque fruit et quelque service par votre moyen.»
Entendons encore parler le saint cardinal Hugues(3) . Toutes les générations, dit-il, prêchent la Mère de Dieu bienheureuse; c'est-à-dire, toutes les nations des Juifs et des Gentils, des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, des Anges et des hommes, parce que tous ont reçu par elle un salutaire bienfait : les hommes leur réconciliation avec Dieu, les Anges la réparation de la perte que le péché de Lucifer leur a causée. Car le Fils de Dieu a opéré le salut du monde au milieu de la terre, c'est-à-dire dans le ventre sacré de Marie, qui, par une admirable propriété, est appelé le milieu de la terre. Car il est regardé de tous côtés, comme dit saint Bernard, et par ceux qui sont dans le ciel, et par ceux qui sont dans l'enfer, c'est-à-dire qui sont dans le Purgatoire, et par ceux qui demeurent dans le monde. Les premiers le regardent pour être réparés; les seconds, pour être délivrés; les troisièmes, pour être réconciliés.
C'est pourquoi toutes les nations vous diront bienheureuse, ô très sainte Vierge, parce que vous avez enfanté la vie, la grâce et la gloire; la vie pour les morts, la grâce pour les pécheurs, la gloire pour les misérables. Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d'Israël et l'honneur de notre peuple, parce que vous vous êtes comportée généreusement. C'est la voix des Anges qui prononce le premier, d'autant que c'est par vous que leurs ruines sont réparées. C'est la voix des hommes qui dit le second, parce que c'est par vous que leur tristesse a été changée en joie. C'est la voix des femmes qui profère le troisième, parce que c'est par vous que leur infamie a été effacée. C'est la voix des morts qui prononce le quatrième, d'autant que c'est par vous qu'ils sont affranchis de leur captivité.»
O Vierge sainte, mon coeur est comblé de joie, de voir que toutes les générations passées, présentes et à venir vous ont ainsi proclamée, vous proclament et vous proclameront éternellement bienheureuse; et je supplie de tout mon coeur la très sainte Trinité de faire en sorte que cette divine prophétie s'accomplisse toujours de plus en plus par tout l'univers. Oh ! qui me donnera que toutes mes respirations, tous les battements de mon coeur de mes veines, et tous les usages des facultés de mon âme et de tous mes sens intérieurs et extérieurs, soient autant de voix qui chantent continuellement, avec tous les Anges, avec tous les Saints, avec toute l'Église et avec toutes les créatures: Bienheureuses les entrailles de la Vierge Marie, qui ont porté le Fils du Père éternel; et bienheureuses les mamelles qui l'ont allaité.
O bienheureuse Marie, Mère de Dieu, Vierge perpétuelle, temple du Seigneur, sacraire du Saint-Esprit, qui seule sans exemple avez été agréable à Notre-Seigneur Jésus-Christ, priez pour le peuple, intervenez pour le clergé, intercédez pour le dévot sexe féminin, et que tous ceux qui vous honorent ressentent le secours de votre bonté incomparable.
(1) « O ter quaterque beata ! Beata primo, quae credidisti, clamat Elisabeth. Beata secundo, quia gratia plena secundum Gabrielis salatationem. Beata tertio et benedicta quia benedictus fructus ventris tui. Beata quarto, quia fecit tibi magna qui potens est. Beata quinto, quia Mater Domini. Beata sexto, quia foecundata cum virginitatis honore. Beata septimo quia nec primam similem visa es, nec habere sequentem. » Gerson. super Magnificat. Tract. 4, notula 1.
(2) « Quis te non admiretur, quum sis nobis spes immutabilis, firma protectio, inconcussum perfugium, vigilans tutela, salus perennis, auxilium stabile, patrocinium inconcussum, murus inexpugnabilis, thesaurus voluptatum, hortus non deficiens, arx tuta, vallum undique munitum, valida auxilii turris, portus tempestate jactatorum, pro peccatoribus fide-jubens, desperabundis facilis aditus, ab exilio revocatio alienatorum reconciliatio, damnatorum benedictio, maledictorum restitutio... et publica bonorum omnium procuratrix?... Miserationes tuas quis comprehendet ?... O caelum ! benedicta tu in generationibus generationum: sed et benedicentur in te omnes tribus terrae. Nullus es: enim locus in quo tuae laudes non celebrentur; nulla tribus e qua non fructus aliqui per te Deo germinarint... » Serm. 2 de Dormit. B. V.
(3) « Omnes generationes, id est omnes gentes, scilicet Judaeorum et Gentilium, virorum et mulierum, divitum et pauperum, Angelorum et hominum: quia omnes per ipsam salutare beneficium acceperunt, homines reconciliationem, Angeli reparationem. Christus enim Dei Filius operatus est salutem in medio terrae, id est in utero Mariae, quae quadam mirabili proprietate terrae medium appellatur. Ad illum enim respiciunt, ut Bernardus inquit, et qui habitant in caelo, et qui habitant in inferno, id est in purgatorio, et qui habitant in mundo. Primi, ut resarciantur; secundi , ut eripiantur; tertii, ut reconcilientur.
Ex hoc ergo beatam te dicent omnes generationes, o beata Virgo, quia omnibus generationibus vitam, gratiam et gloriam genuisti: mortuis vitam, peccatoribus gratiam, miseris gloriam. Ergo dicitur( Judith, XV, 10.): tu gloria Jerusalem, tu laetitia Israel, tu honorificentia populi nostri, quia fecisti viriliter. Primum est vos Angelorum quorum ruina per ipsam repertata est; secundum est vos hominum,, quorum tristitia per ipsam laetificato est; tertium est vos mulierum, quarum infamia per ipsam deleta est; quartum est vos mortuorum, quorum captivitas per eam reducta est.. » Card. hug. apud Cornel, a lapid. Comment. in Luc.I.