Magnificat anima mea Dominum.

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Laetitia
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Commentaire de Saint Jean Eudes sur le Magnificat, tiré de son ouvrage Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, Livre X, chapitre I.
Saint Jean Eudes a écrit :LIVRE DIXIÈME CONTENANT LE SACRÉ CANTIQUE DU TRÈS SAINT COEUR DE LA BIENHEUREUSE VIERGE, AVEC SON EXPLICATION.

CHAPITRE I.

Excellence de ce Cantique.

Les divines Écritures contiennent plusieurs saints Cantiques qui ont été faits par de saintes femmes, à savoir, par Marie, la soeur de Moïse et d'Aaron, par Débora, par Judith, et par Anne, mère du prophète Samuel, pour rendre grâces à Dieu de plusieurs faveurs extraordinaires de sa divine Bonté. Mais le plus saint et le plus digne de tous les Cantiques est le Magnificat de la très sacrée Mère de Dieu, tant à raison de la dignité et sainteté de celle qui l'a fait, que pour les grands et admirables mystères qui y sont compris; comme aussi pour les miracles que Dieu a opérés par ce Cantique. Nous ne lisons point qu'il en ait fait aucun par les autres; mais saint Thomas de Villeneuve, Archevêque de Valence, remarque (1) que ç'a été à la prononciation de ce Cantique que le Saint-Esprit a opéré plusieurs merveilles dans le saint Précurseur du Fils de Dieu, comme aussi dans son père et dans sa mère; et que l'expérience a fait voir plusieurs fois que c'est un excellent moyen pour chasser les démons des corps des possédés. Plusieurs autres graves auteurs rapportent divers miracles qui ont été faits par la récitation de ce même
Cantique.

Saint Anselme écrit de soi-même (2) , qu'étant travaillé de plusieurs maladies qui lui faisaient souffrir des douleurs très aiguës, il en fut guéri entièrement en récitant le Magnificat.

Césarius raconte d'un saint religieux, qui avait une dévotion particulière à la bienheureuse Vierge et spécialement en la récitation de ce Cantique, qu'étant proche de sa fin, cette même Vierge lui apparut, et lui déclara que dans sept jours il sortirait de ce monde; ensuite de quoi elle lui donna sa bénédiction. Et le septième jour suivant, ce bon religieux étant à l'extrémité, elle lui apparut derechef, en la présence du Prieur du Monastère, accompagnée d'un grand nombre d'Anges et de Saints, et demeura présente jusqu'à ce que ce saint homme eût rendu son esprit à Dieu avec une joie qui n'est pas concevable.

Le Cardinal Jacques de Vitry écrit, dans la Vie de sainte Marie d'Ognies, qu'étant proche de la mort, et chantant ce Cantique de la Mère de Dieu, elle lui apparut, et l'avertit de recevoir le sacrement de l'Extrême-Onction. Après quoi elle se trouva présente à sa fin,avec plusieurs Saints, et même avec le Saint des saints, son Fils Jésus.
Tout ceci nous fait voir que c'est une chose très agréable à notre Sauveur et à sa divine Mère de réciter ce divin Cantique avec dévotion.
Nous ne trouvons point que la bienheureuse Vierge l'ait chanté ou prononcé publiquement plus d'une fois, pendant qu'elle était en ce monde; mais on ne peut pas douter qu'elle ne l'ait récité et peut-être chanté plusieurs fois en son particulier.
Quelques auteurs rapportent qu'on l'a vue beaucoup de fois, en quelques églises, durant la célébration des Vêpres, environnée d'un grand nombre d'Anges, et qu'on l'a entendue chanter ce merveilleux Cantique avec eux et avec les prêtres, mais d'une manière si mélodieuse et si charmante, qu'il n'y a point de paroles qui la puisse exprimer.

Souvenez-vous aussi, quand vous chanterez ou réciterez ce Cantique virginal, de vous donner au Saint-Esprit, pour vous unir à la dévotion et à toutes les saintes dispositions avec lesquelles il a été chanté et récité par la bienheureuse Vierge, et par un nombre innombrable de Saints et de Saintes, qui l'ont chanté et récité si saintement.

(1) «Hoc est illud dulcissimum decachordum, quo citharista propheticus toties gloriatur: hoc daemon expellitur, Praecursor sanctificatur, puer exultat, mater prophetat. Hoc decachordo etiam nunc cum devote concinitur, iniquas cordis susgestiones propulsari, lubricas carnis tentationes emolliri, daemones pessimos effugari merito crediderim. » S. Thom. a Villanova, Concio de Visit. B. Virg.
(2) In lib. Miracul.
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Laetitia
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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE II.

Raisons pour lesquelles le Magnificat peut être appelé le Cantique du Coeur de la très sainte Vierge.

J'appelle le Magnificat le Cantique sacré du très saint Coeur de la bienheureuse Vierge, pour plusieurs raisons.
Premièrement, parce qu'il a pris son origine dans ce divin Coeur, et qu'il en est sorti avant que de paraître en sa bouche.
Secondement, parce que sa bouche ne l'a prononcé que par le mouvement qu'elle en a reçu de son Coeur, et de son Coeur corporel, spirituel et divin. Car le Coeur corporel de cette divine Vierge étant rempli d'une joie sensible et extraordinaire, a porté sa très sainte bouche à chanter ce Magnificat avec une ferveur et une jubilation extraordinaire. Son Coeur spirituel étant tout ravi et transporté en Dieu, a fait sortir de sa bouche sacrée ces paroles extatiques: Et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo (1) : « Mon esprit est transporté de joie en Dieu mon Sauveur.»

Son Coeur divin, c'est-à-dire son divin Enfant, qui est résidant en ses bénites entrailles et demeurant dans son Coeur, et qui est l'âme de son âme, l'esprit de son esprit, le Coeur de son Coeur, est le premier auteur de ce Cantique. C'est lui qui met les pensées et les vérités qui y sont contenues dans l'esprit de sa divine Mère, et c'est lui qui prononce par sa bouche les oracles dont il est rempli.

Troisièmement, le Magnificat est le Cantique du Coeur de la Mère d'amour, c'est-à-dire le Cantique du Saint-Esprit, qui est l'Esprit et le Coeur du Père et du Fils, et qui est aussi le Coeur et l'Esprit de cette Vierge Mère, dont elle est tellement remplie et possédée, que sa présence et sa voix remplissent saint Zacharie, sainte Élisabeth, et l'enfant qu'elle porte dans son ventre, de ce même Esprit.

Enfin c'est le Cantique du Coeur et de l'amour de cette Vierge très aimable, parce que c'est le divin amour dont est tout embrasée qui lui fait prononcer toutes les paroles de ce merveilleux Cantique, qui, selon saint Bernardin, , sont autant de flammes d'amour qui sont sorties de l'ardente fournaise du divin amour qui brûle dans le Coeur sacré de cette Vierge incomparable.

Ô Cantique d'amour, ô Cantique virginal du Coeur de la Mère d'amour, qui avez votre première origine dans le Coeur même du Dieu d'amour, qui est Jésus, et dans le Coeur de l'amour personnel et incréé, qui est le Saint- Esprit; il n'appartient qu'à la très digne bouche de la Mère de la belle dilection de vous chanter et de vous prononcer. Les Séraphins même s'en réputent indignes. Comment est-ce donc que les pécheurs misérables, tels que nous sommes, osent proférer les divines paroles dont vous êtes composé, et passer par leurs bouches immondes les mystères ineffables que vous contenez ? Oh ! Avec quel respect et quelle vénération ce très saint Cantique doit-il être prononcé et chanté ! Oh ! quelle doit être la pureté de la langue et la sainteté de la bouche qui le prononce ! Oh ! quels feux et quelles flammes d'amour il doit allumer dans les coeurs des ecclésiastiques et des personnes religieuses qui le récitent et le chantent si souvent! Certainement il faudrait être tout coeur et tout amour pour chanter et pour prononcer ce Cantique d'amour.

(1) Luc. I, 47.
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Laetitia
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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE III.

Explication du premier verset : Magnificat anima mea Dominum.

Ce premier verset ne contient que quatre paroles, mais qui sont pleines de plusieurs grands mystères. Pesons-les soigneusement au poids du sanctuaire, c'est-à-dire, considérons-les attentivement et avec un esprit d'humilité, de respect et de piété, pour nous animer à magnifier Dieu avec la bienheureuse Vierge pour les choses grandes et merveilleuses qu'il a opérées en elle, par elle, pour elle et pour nous aussi.

Voici la première parole : Magnificat. Que veut dire cette parole ? Qu'est-ce que magnifier Dieu ? Peut-on magnifier celui dont la grandeur et la magnificence sont immenses, infinies et incompréhensibles ? Nullement cela est impossible, et impossible à Dieu même, qui ne peut pas se faire plus grand qu'il est. Nous ne pouvons pas magnifier, c'est-à-dire faire Dieu plus grand en lui-même, puisque ses divines perfections étant infinies ne peuvent recevoir aucun accroissement en elles-mêmes; mais nous le pouvons magnifier en nous. Toute âme sainte, dit saint Augustin (1), peut concevoir le Verbe éternel en soi-même, par le moyen de la foi ; elle peut l'enfanter dans les autres âmes par la prédication de la divine parole ; et elle peut le magnifier en l'aimant véritablement, afin qu'elle puisse dire: Mon âme magnifie le Seigneur. Magnifier le Seigneur, dit le même saint Augustin, c'est adorer, louer, exalter sa grandeur immense, sa majesté suprême, ses excellences et perfections infinies.

Nous pouvons magnifier Dieu en plusieurs manières.
1. Par nos pensées, ayant une très haute idée et une très grande estime de Dieu et de toutes les choses de Dieu.
2. Par vos affections, en aimant Dieu de tout notre coeur et par-dessus toutes choses.
3. Par nos paroles, en parlant toujours de Dieu et de toutes les choses qui le regardent avec un très profond respect, et en adorant et exaltant sa puissance infinie, sa sagesse incompréhensible, sa bonté immense et ses autres perfections.
4. Par nos actions, en les faisant toujours pour la seule gloire de Dieu.
5. En pratiquant ce que le Saint-Esprit nous enseigne en ces paroles : Humilia te in omnibus, et coram Deo invenies gratiam, quoniam magna potentia Dei solius, et ab humilibus honoratur (2) : « Humiliez-vous en toutes choses, et vous trouverez grâce devant Dieu, d'autant que la grande et souveraine puissance n'appartient qu'à lui seul, et il est honoré par les humbles. »

6. En portant les croix que Dieu nous envoie, de grand coeur pour l'amour de lui. Car il n'y a rien qui l'honore davantage que les souffrances, puisque notre Sauveur n'a pas trouvé de moyen plus excellent pour glorifier son Père, que les tourments et la mort de la croix. Enfin magnifier Dieu, c'est le préférer et l'exalter par-dessus toutes choses, par nos pensées, par nos affections,par nos actions, par nos humiliations et par nos mortifications.

Mais, hélas ! nous faisons souvent tout le contraire; car au lieu de l'exalter, nous l'abaissons; au lieu de le préférer à toutes choses, nous préférons les créatures au Créateur; au lieu de préférer ses volontés, ses intérêts, sa gloire et son contentement à nos volontés, à nos intérêts, à notre honneur et à nos satisfactions, nous faisons tout le contraire, nous postposons Jésus à Barrabas. N'est-ce pas ce que font tous les jours les pécheurs ? O chose épouvantable ! Dieu a élevé l'homme au plus haut trône de la gloire et de la grandeur par son Incarnation; et l'homme ingrat et détestable abaisse et humilie son Dieu jusqu'au plus profond du néant. Oui, jusqu'au plus profond du néant, puisque celui qui pèche mortellement préfère un chétif intérêt temporel, un infâme plaisir d'un moment et un peu de fumée d'un honneur passager, à son Dieu et à son Créateur; et que même il l'anéantit autant qu'il est en lui, selon ces paroles de saint Bernard: Deum, in quantum in se est, perimit; ne voulant point d'autre Dieu que soi-même et ses passions déréglées.

Ce n'est pas ainsi que vous en usez, Ô Vierge sainte ! Car vous avez toujours magnifié Dieu très hautement et très parfaitement, depuis le premier moment de votre vie jusqu'au dernier. Vous l'avez toujours magnifié très excellemment, par toutes vos pensées, par toutes vos affections, par toutes vos paroles, par toutes vos actions, par votre très profonde humilité, par toutes vos souffrances, par la pratique en souverain degré de toutes les vertus, et par le très saint usage que vous avez fait de toutes les puissances de votre âme et de tous vos sens intérieurs et extérieurs. Enfin vous seule l'avez glorifié plus dignement et magnifié plus hautement que toutes les créatures ensemble.

(1) « Quaecumque anima sancta Verbum concipere potest credendo, parere praedicando, magnificare amando, ut dicat: Magnificat anima mea Dominum » Serm. de Assumpt.
(2) Eccli. III, 20. 21.
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Laetitia
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Re: Magnificat anima mea Dominum.

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Saint Jean Eudes a écrit : Explication du premier verset : Magnificat anima mea Dominum.

Venons à la seconde parole de notre Cantique, qui est anima: « Mon âme magnifie le Seigneur ». Remarquez que la bienheureuse Vierge ne dit pas Je magnifie, mais Mon âme magnifie le Seigneur, pour montrer qu'elle le magnifie du plus intime de son Coeur et de toute l'étendue de ses puissances intérieures. Elle ne le magnifie pas aussi seulement de sa bouche et de sa langue, de ses mains et de ses pieds; mais elle emploie toutes les facultés de son âme, son entendement, sa mémoire, sa volonté et toutes les puissances de la partie supérieure et inférieure de son âme, et elle épuise toutes les forces de son intérieur et de son extérieur pour louer, glorifier et magnifier son Dieu. Et elle ne le magnifie pas seulement en son nom particulier, ni pour satisfaire aux obligations infinies qu'elle a de le faire, à raison des faveurs inconcevables qu'elle a reçues de sa divine Bonté; mais elle le magnifie au nom de toutes les créatures, et pour toutes les grâces qu'il a faites à tous les hommes, s'étant fait homme pour les faire dieux et pour les sauver tous, s'ils veulent correspondre aux desseins de l'amour inconcevable qu'il a pour eux.

Voici la troisième parole: mea, «mon âme ». Quelle est cette âme que la bienheureuse Vierge appelle son âme ?
Je réponds à cela premièrement, que je trouve un grand auteur (1) qui dit que cette âme de la bienheureuse Vierge, c'est son Fils Jésus, qui est l'âme de son âme.

Secondement, je réponds que ces paroles, anima mea comprennent en premier lieu l'âme propre et naturelle qui anime le corps de la sacrée Vierge; en second lieu, l'âme du divin Enfant qu'elle porte en ses entrailles, qui est unie si étroitement à la sienne, que ces deux âmes ne font en quelque manière qu'une seule âme, puisque l'enfant qui est dans les entrailles maternelles n'est qu'un avec sa mère.

En troisième lieu, que ces paroles, anima mea, mon âme, marquent et renferment toutes les âmes créées à l'image et à la ressemblance de Dieu, qui ont été, sont et seront dans tout l'univers. Car si saint Paul nous assure que le Père éternel nous a donné toutes choses en nous donnant son Fils : Cum ipso omnia nobis donavit , il est sans doute qu'en le donnant à sa divine Mère, il lui a donné aussi toutes choses. A raison de quoi toutes les âmes sont à elle. Et comme elle n'ignore pas cela, et qu'elle connaît aussi très bien qu'elle est en obligation de faire usage de tout ce que Dieu lui a donné, pour son honneur et pour sa gloire, lorsqu'elle prononce ces paroles, Mon âme magnifie le Seigneur, regardant toutes les âmes qui ont été, sont et seront, comme des âmes qui lui appartiennent, elle les embrasse toutes pour les unir à l'âme de son Fils et à la sienne, et pour les employer à louer, exalter et magnifier celui qui est descendu du ciel et qui s'est incarné dans son sein virginal pour opérer le grand oeuvre de leur Rédemption. (2)

Nous voici à la dernière parole du premier verset: Dominum: « Mon âme magnifie le Seigneur. »
Quel est ce Seigneur que la bienheureuse Vierge magnifie ? C'est celui qui est le Seigneur des seigneurs, et le Seigneur souverain et universel du ciel et de la terre. Ce Seigneur est le Père éternel, ce Seigneur est le Fils, ce Seigneur est le Saint-Esprit, trois personnes divines qui ne sont qu'un Dieu et un Seigneur, et qui n'ont qu'une même essence, puissance, sagesse, bonté et majesté. La très sacrée Vierge loue et magnifie le Père éternel de l'avoir associée avec lui dans sa divine paternité, la rendant Mère du même Fils dont il est le Père. Elle magnifie le Fils de Dieu, de ce qu'il a bien voulu la choisir pour sa Mère et être son véritable Fils. Elle magnifie le Saint-Esprit, de ce qu'il a voulu accomplir en elle la plus grande de ses oeuvres, c'est-à-dire le mystère adorable de l'Incarnation. Elle magnifie le Père, le Fils et le Saint-Esprit des grâces infinies qu'ils ont faites et qu'ils ont dessein de faire à tout le genre humain.

Apprenons d'ici qu'un des principaux devoirs que Dieu demande de nous, et une de nos plus grandes obligations vers sa divine Majesté, est la reconnaissance de ses bienfaits, dont nous devons lui rendre grâces de tout notre coeur et avec une affection très particulière. Ayons donc soin d'imiter en ceci la glorieuse Vierge, et de dire souvent avec elle : Magnificat anima mea Dominum, pour remercier la très sainte Trinité, non seulement de toutes les grâces que nous avons reçues, mais aussi de tous les biens qu'elle a jamais faits à toutes ses créatures. Et en disant ces paroles: anima mea, souvenons-nous que le Père éternel, en nous donnant son Fils, nous a donné toutes choses avec lui, et par conséquent que les âmes saintes de Jésus et de sa divine Mère, et toutes les autres âmes généralement sont à nous: A raison de quoi nous pouvons et devons en faire usage pour la gloire de celui qui nous les a données, par un grand désir de louer et glorifier Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces, comprenant en ces paroles tous les coeurs et toutes les âmes de l'univers, qui sont nôtres et que nous voulons unir ensemble, n'en faisant qu'un coeur et qu'une âme pour l'employer à louer notre Créateur et notre Sauveur.

(1) « Magnificat anima mea Dominum; Filius meus, qui non jam dimidium animae meae, sed est tota anima mea, magnificat nunc, per passionem suam, Dominum meum Deum, Patrem suum, Sponsum meum. Anima mea Filius meus, qui me corpore simul et anima vivam fecit...» vigerius, in suo Decachordo, chord. 7. Le Card. Marc vigier, de l'Ordre des Frères mineurs, mourut à Rome en 1516. Voici le titre complet de l'ouvrage de ce pieux serviteur de Marie: Decachordum christianum auctore Marco Vigerio Saonensi, S. Mariae Transtiberim Cardin. Senogalliensi, opus Julio II Pont. Max. dicatum; Fani, Hieron. Soncinus, 1507, petit in-fol.
(2) Rom. VIII, 3.VIII-17
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Laetitia
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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE IV.

Explication du second verset : Et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo : « Mon esprit est transporté de joie en Dieu mon Sauveur. »

Ces divines paroles prononcées de la bouche sacrée de la Mère du Sauveur, nous déclarent la joie ineffable et incompréhensible dont son Coeur, son esprit et son âme, avec toutes ses facultés, ont été remplies et saintement enivrées au moment de l'Incarnation du Fils de Dieu en elle, et pendant qu'elle l'a porté dans ses bénites entrailles; et même durant tout le reste de sa vie, selon Albert le Grand et quelques autres Docteurs. Joie qui a été si excessive, spécialement au moment de l'Incarnation, que, comme son âme sainte a été séparée de son corps au dernier instant de sa vie, par la force de son amour vers Dieu et par l'abondance de la joie qu'elle avait de se voir sur le point d'aller avec son Fils dans le ciel; elle serait morte aussi de joie en la vue des bontés inénarrables de Dieu au regard d'elle et au regard de tout le genre humain, si elle n'avait été conservée en vie par miracle. Car, si l'histoire nous fait foi que la joie a fait mourir plusieurs personnes, en la vue de quelques avantages temporels qui leur étaient arrivés, il est très croyable que cette divine Vierge en serait morte aussi, si elle n'avait été soutenue par la vertu du divin Enfant qu'elle portait en ses entrailles virginales, vu qu'elle avait les plus grands sujets de joie qui aient jamais été et qui seront jamais.
Car, 1. Elle se réjouissait en Dieu, in Deo, c'est-à-dire de ce que Dieu est infiniment puissant, sage, bon, juste et miséricordieux; et de ce qu'il fait éclater d'une manière si admirable sa puissance, sa bonté et tous ses autres divins attributs au mystère de l'Incarnation et de la Rédemption du monde.
2. Elle se réjouissait en Dieu son Sauveur, de ce qu'il est venu en ce monde pour la sauver et racheter premièrement et principalement, en la préservant du péché originel, et en la comblant de ses grâces et de ses faveurs, avec tant de plénitude, qu'il l'a rendue la Médiatrice et la Coopératrice avec lui du salut de tous les hommes.
3. Son Coeur était comblé de joie de ce que Dieu l'a regardée des yeux de sa bénignité, c'est-à-dire a aimé et approuvé l'humilité de sa servante, dans laquelle il a pris un contentement et une complaisance très singulière. C'est ici, dit saint Augustin (1) ,la cause de la joie de Marie, parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante; comme si elle disait: Je me réjouis de la grâce que Dieu m'a faite, parce que c'est de lui que j'ai reçu le sujet de cette joie; et je me réjouis en lui, parce que j'aime ses dons pour l'amour de lui.

4. Elle se réjouissait des choses grandes que sa toute-puissante Bonté a opérées en elle, qui sont les plus grandes merveilles qu'il ait jamais faites en tous les siècles passés, et qu'il fera en tous les siècles à venir, ainsi que nous verrons ci-après, dans l'explication du quatrième verset.

5. Elle se réjouissait non seulement des faveurs qu'elle a reçues de Dieu, mais aussi des grâces et des miséricordes qu'il a répandues sur tous les hommes qui veulent se disposer à les recevoir.

6. Elle se réjouissait non seulement de la bonté de Dieu au regard de ceux qui n'y mettent point d'empêchement, mais aussi des effets de sa justice sur les superbes, qui méprisent ses libéralités.

Outre cela la bienheureuse Vierge se réjouissait d'une autre chose fort particulière, et qui est digne de sa bonté incomparable. C'est saint Antonin qui la met en avant (2), et je la rapporte ici, afin que cela nous excite à aimer et servir celle qui a tant d'amour pour nous. Voici ce que c'est: Saint Antonin, expliquant ces paroles : Exultavit spiritus meus, dit qu'il les faut entendre comme celles que notre Sauveur a dites en la croix: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum (3) :«Mon Père, je recommande mon esprit entre vos mains», c'est-à-dire je vous recommande, dit saint Antonin, tous ceux qui seront unis à moi par la foi et par la charité. Car celui qui adhère à Dieu n'est qu'un esprit avec lui: Qui enim adhaeret Deo, unus spiritus est cum eo (4) . Semblablement la Mère du Sauveur (c'est toujours saint Antonin qui parle), étant toute ravie et comme extasiée et transportée en Dieu, lorsqu'elle prononce ces paroles: Exultavit spiritus meus, etc., elle voit en esprit une multitude presque innombrable de ceux qui auront une dévotion et affection particulière pour elle, et qui seront du nombre des prédestinés, dont elle reçoit une joie inconcevable.

Cela étant ainsi, qui est-ce qui ne se portera point à aimer cette Mère toute bonne et toute aimable, qui a tant d'amour pour ceux qui l'aiment, qu'elle les regarde et les aime comme son esprit, son âme et son Coeur ?

Écoutons ce que le bienheureux Lansperge dit à chacun de nous, pour nous porter à cela (5) :
« Je vous exhorte, mon cher fils, d'aimer notre très sainte Dame et notre divine Maîtresse. Car si vous désirez vous garantir d'une infinité de périls et de tentations dont cette vie est pleine, si vous désirez trouver de la consolation et n'être point accablé de tristesse dans vos adversités, si enfin vous souhaitez d'être uni inséparablement avec notre Sauveur, ayez une vénération et une affection singulière pour sa très pure, très aimable, très douce, très fidèle, très gracieuse et très puissante Mère. Car, si vous l'aimez véritablement et que vous tâchiez de l'imiter soigneusement, vous expérimenterez qu'elle vous sera aussi une Mère pleine de douceur et de tendresse, et qu'elle est si pleine de bonté et de miséricorde, qu'elle ne méprise personne et qu'elle ne délaisse aucun de ceux qui l'invoquent : n'ayant point de plus grand désir que d'élargir les trésors des grâces que son Fils lui a mis entre les mains, à tous les pécheurs. Quiconque aime cette Vierge immaculée est chaste; quiconque l'honore est dévot; quiconque l'imite est saint.
Personne ne l'aime sans ressentir les effets de son amour réciproque; pas un de ceux qui lui ont dévotion ne peut périr; pas un de ceux qui tâchent de l'imiter ne peut manquer d'acquérir le salut éternel. Combien a-t-elle reçu, dans le sein de sa miséricorde, de misérables pécheurs qui étaient comme dans le désespoir et dans l'abandon à toutes sortes de vices, et qui avaient déjà, s'il faut ainsi dire, un pied dans l'enfer, et qu'elle n'a pas néanmoins rejetés, lorsqu'ils ont eu recours à sa piété; mais qu'elle a arrachés de la gueule du dragon infernal, les réconciliant avec son Fils, et les remettant dans le chemin du paradis ? Car c'est une grâce, un privilège et un pouvoir que son Fils lui a donné, qu'elle puisse amener à la pénitence ceux qui l'aiment, à la grâce ceux qui lui sont dévots, et à la gloire du ciel ceux qui s'efforcent de l'imiter.»

(1) Sup. Magnificat.
(2) Part. 4, tit.15,cap.2,§29.
(3) Luc. XXIII,46.
(4) I Cor. VI, 17.
(5) « Hortor etiam, fili mi, ut Dominam nostram magis ames. Nam si pericula multa evadere, si vis tentationibus non succumbere, si in adversitatibus consolari, si trisitita inordinata cupis non obrui, si denique Christo desideras conjungi, venerare, ama, imitare castissimam, amabilissimam ejus Matrem, dulcissimam, fidelissimam, gratiosissimam, potentissimam quoque, et tui ( si eam et ejus amorem optas) amantissimam, quae invocantem neminem derelinguit, et cui thesaurus divinae misericordiae, erogandi quoque facultas, atque peccatorum, praecipue autem, illam amantium, cura a Deo commissa est. Quam qui amaverit castus est, qui amplexatus fuerit, mundus est, qui imitatus fuerit, sanctus est. Memo illam amans, non est ab ea redamatus: nemo illi devotus periit : nemo qui illam fuit imitatus, non est salvatus. Quot desperantes, quot obstinatos, quot flagitiosos, qui tamen spem atque refugium ad suum misericordissimum patrocinium habuerunt, ipsa ad pietatis sinum recepit, et quasi sibi relictos (utpote quibus nulla spes alia, aut via ad conversionem veniendi persuaderi potuit,) fovit, Filio reconciliavit, et ex diaboli faucibus, atque adeo ipsa voragine inferni ereptos, paradiso caelesti restituit. Hanc illi Filius gratiam donavit, hanc praerogativam, hoc officium ei commisit, ut qui amarent illam, ad potentiam; qui devoti essent, ad gratiam · qui imitarentur, ad caelestem perducerentur gloriam.» Lansperg. Epist. 23.
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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE IV. (suite)

Si vous désirez savoir maintenant ce qu'il faut faire pour aimer et louer le Fils et la Mère, et pour rendre grâce à Dieu avec elle de toutes les joies qu'il lui a données, écoutez ce qu'elle-même dit un jour à sainte Brigitte (1) :

« Je suis, lui dit-elle, la Reine du ciel. Vous êtes en soin de quelle manière vous me devez louer. Sachez pour certain que toutes les louanges que l'on donne à mon Fils sont mes louanges, et quiconque le déshonore me déshonore; parce que je l'ai aimé si tendrement, et il m'a aimée si ardemment, que lui et moi nous n'étions qu'un Coeur. Et il m'a tant honorée, moi qui n'étais qu'un chétif vaisseau de terre, qu'il m'a exaltée par-dessus tous les Anges. Voici donc comme vous devez me louer, en bénissant mon Fils. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, Créateur de toutes choses, qui avez daigné descendre dans les sacrées entrailles de la Vierge Marie ! Béni soyez-vous,ô mon Dieu, qui avez daigné prendre une chair immaculée et sans péché de la Vierge Marie, et qui avez demeuré en elle l'espace de neuf mois, sans lui causer aucune incommodité. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui étant venu en Marie par votre admirable Incarnation, et en étant sorti par votre Naissance ineffable, l'avez comblée intérieurement et extérieurement d'une joie incompréhensible. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui, après votre Ascension, avez souvent rempli cette divine Marie, votre Mère, de vos célestes consolations; et qui l'avez souvent visitée et consolée par vous-même ! Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui avez transporté dans le ciel le corps et l'âme de cette glorieuse Vierge, et qui l'avez établie par-dessus tous les Anges, dans un trône très sublime proche de votre divinité ! Faites-moi miséricorde par ses prières et pour l'amour d'elle. »

Voici encore une des joies de la Reine du ciel, qui sont marquées en ces paroles: Exultavit spiritus meus, etc., laquelle surpasse infiniment toutes les autres: C'est que plusieurs saints Pères et graves Docteurs écrivent que cette Vierge Mère étant comme extasiée et transportée en Dieu, au moment de l'Incarnation de son Fils en elle, fut remplie des joies inconcevables que les Bienheureux possèdent dans le ciel, et qu'elle fut ravie jusqu'au troisième ciel, là où elle eut le bonheur de voir Dieu face à face et très clairement. La preuve que ces saints Pères en apportent est parce que c'est une maxime indubitable parmi eux, que tous les privilèges dont le Fils de Dieu a honoré ses autres Saints, il les a communiqués à sa divine Mère. Or, saint Augustin, saint Chrysostome, saint Ambroise, saint Basile, saint Anselme, saint Thomas et plusieurs autres ne font point de difficulté de dire que saint Paul, étant encore ici-bas, vit l'essence de Dieu, lorsqu'il fut ravi au troisième ciel. Qui peut douter après cela que la Mère de Dieu, qui a toujours vécu dans une très parfaite innocence, et qui l'a plus aimé elle seule que tous les Saints ensemble, n'ait joui de cette même faveur, non pas une fois seulement, mais plusieurs, spécialement au moment heureux de la conception de son Fils ? C'est le sentiment de saint Bernard, d'Albert le Grand, de saint Antonin et de beaucoup d'autres. « Ô bienheureuse Marie, s'écrie le saint abbé Rupert (2) , ç'a été pour lors qu'un déluge de joie, une fournaise d'amour et un torrent de délices célestes est venu fondre sur vous, et vous a toute absorbée et enivrée, et vous a fait ressentir ce que jamais oeil n'a vu, ni oreille entendu, ni cœur humain compris. »

Apprenons de là que les enfants du siècle sont dans une erreur très pernicieuse et se trompent lourdement, de s'imaginer qu'il n'y a point de joie ni de contentement en ce monde, mais qu'il n'y a que tristesse, amertume et affliction pour ceux qui servent Dieu. Oh ! tromperie insupportable ! oh ! mensonge détestable, qui ne peut procéder que de celui qui est le père de toutes les erreurs et de toutes les faussetés.
N'oyons-nous pas la voix de la Vérité éternelle qui crie: Tribulation et angoisse à toute âme de l'homme qui fait le mal; mais gloire, honneur et paix à tous ceux qui font le bien (3) ; et que le coeur de l'impie est semblable à une mer qui est toujours agitée, troublée et bouleversée : Cor impii quasi mare fervens (4) ; et que la crainte de Dieu change les coeurs de ceux qui l'aiment, en un paradis de joie, d'allégresse, de paix, de contentement et de délices inexplicables : Timor Domini delectabit cor, et dabit laetitiam et gaudium (5) ; et que les vrais serviteurs de Dieu possèdent une félicité plus solide, plus véritable et plus grande, même au milieu des plus fortes tribulations, que tous les plaisirs de ceux qui suivent le parti de Satan.
N'entendez-vous pas saint Paul qui assure: qu'il est rempli de consolation et qu'il nage dans la joie au milieu de toutes ses tribulations (6) ?

Voulez-vous connaître ces vérités par l'expérience? Gustate et videte quoniam suavis est Dominus (7) :«Goûtez et voyez combien le Seigneur est plein de bonté, d'amour et de douceur pour ses véritables amis.» Mais si vous désirez faire cette expérience, il est nécessaire de renoncer aux faux plaisirs et aux trompeuses délices du monde, c'est-à-dire du moins aux plaisirs illicites qui déplaisent à Dieu et qui sont incompatibles avec le salut éternel; car le Saint-Esprit nous déclare que nous ne pouvons pas boire de la coupe du Seigneur et de la coupe des démons: et qu'il est impossible de manger à la table de Dieu et à la table des diables: Non potestis calicem Domini bibere et calicem daemoniorum, non potestis mensa Domini participes esse, et mensa daemoniorum (8) . Si donc vous désirez manger à la table du Roi du ciel et boire dans sa coupe, renoncez tout à fait à la table de l'enfer et à la coupe des diables, et alors vous expérimenterez combien ces divines paroles sont véritables : Inebriabuntur ab ubertate domus tua, et torrente voluptatis tua potabis eos (9) «Oui, Seigneur, vous abreuverez, vous rassasierez et vous enivrerez vos enfants de l'abondance des biens de votre maison, et des torrents de vos délices.»

Ô Vierge sainte, imprimez dans nos coeurs une participation du mépris, de l'aversion et du détachement que votre Coeur virginal a toujours porté des faux plaisirs de la terre, et nous obtenez de votre Fils la grâce de mettre tout notre contentement, notre joie et nos délices à l'aimer et glorifier, et à vous servir et honorer de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces.

(1) « Ego sum Regina caeli. Tu sollicita es quomodo laudare me debes: Scias pro certo quod omnis laus Filii mei, laus mea est; et qui inhonorat eum, inhonorat me: quia ego sic ferventer dilexi eum, et ipse me, quod quasi unum Cor ambo fuimus. Et ipse me, quae eram vas terrenum, sic honorifice honoravit, et supra omnes Angelos exaltaret. Sic ergo laudare debes me: Benedictus sis tu, Deus Creator omnium, qui in uterum Maria Virginie descendere dignatus es. Benedictus sis tu, Deus, qui cum Maria Virgine esse sine gravamine voluisti, et de ea immaculatam carnem sine peccato sumere dignatus es. Benedictus sis tu, Deus, qui ad Virginem, cum gaudio animae ejus et omnium membrorum, venisti, et cum gaudio omnium membrorum ejus sine peccato de ea processisti. Benedictus sis tu, Deus, qui Mariam Virginem Matrem post Ascensionem tuam crebris consolationibus laetificasti, et per teipsum eam consolando visitasti. Benedictus sis tu, Deus, qui corpus et animam Maria Virginis Matris tua in caelum assumpsisti, et super omnes Angelos juvta Deitatem tuam honorifice collocasti. Miserere mei propter preces ejus. » Revel. Lib. I, cap . 9.
(2) « O beata Maria, inundatio gaudii, vis amoris torrens voluptatis totam te operuit, totamque obtinuit; et sensisti quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit. » Rupert. in Cant. I.
(3) « Tribulatio et angustia in omnem animam hominis operantis malum. Gloria autem, et honor, et pax omni operanti bonum. » Rom. II, 9.
(4) Isa. LVII, 20.
(5) Eccli. I, 12.
(6) « Repletus sum consolatione, superabundo gaudio in omni tribulatione nostra.» II Cor. VII, 4.
(7) Psal. XXXIII, 9.
(8) I Cor. X, 20, 21.
(9) Psal. XXXV, 9.
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Laetitia
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Re: Magnificat anima mea Dominum.

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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE V.

Explication du troisième verset : Quia respexit humilitatem ancillae suae : ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes.

Pour bien entendre ce verset, il le faut joindre avec le précédent dont il est la suite, en cette manière : Mon esprit est ravi et tout transporté de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante; car voilà que désormais toutes les générations me diront bienheureuse.

Ce verset contient deux choses principales, dont la première est exprimée en ces paroles: Il a regardé l'humilité de sa servante. Quelle est cette humilité dont la bienheureuse Vierge parle ici ? Les sentiments des saints Docteurs sont partagés là-dessus. Quelques uns disent qu'entre toutes les vertus, l'humilité est la seule qui ne se regarde et ne se connaît point elle-même; car celui qui se croit humble est superbe. A raison de quoi, quand la bienheureuse Vierge dit que Dieu a regardé son humilité, elle parle, non pas de la vertu d'humilité, mais de sa bassesse et de son abjection.
Mais les autres disent que l'humilité d'une âme ne consiste pas à ignorer les grâces que Dieu lui a faites, et les vertus qu'il lui a données, mais à lui renvoyer ses dons et à ne garder pour elle que le néant et le péché; et que le Saint-Esprit, parlant par la bouche de cette divine Vierge, nous veut donner à entendre qu'entre toutes ces vertus, il a regardé, aimé et approuvé principalement son humilité, parce que, s'étant abaissée au-dessous de toutes choses, cette humilité a porté sa divine Majesté à l'élever par-dessus toutes les créatures en la faisant Mère du Créateur. Ô vraie humilité, s'écrie saint Augustin , qui a enfanté Dieu aux hommes, et qui a donné la vie aux mortels.

L'humilité de Marie est l'échelle du ciel par laquelle Dieu est descendu en la terre. Car qu'est-ce que dire respexit, il a regardé, sinon approbavit, il a approuvé ? Il y en a plusieurs qui paraissent humbles devant les hommes, mais leur humilité n'est point regardée de Dieu. Car s'ils étaient véritablement humbles, ils ne se plairaient pas dans les louanges des hommes, et leur esprit ne se réjouirait point en l'applaudissement de ce monde, mais en Dieu (1).
«Il y a deux sortes d'humilité, dit saint Bernard (2) . La première est la fille de la vérité, et celle-ci est froide et sans chaleur. La seconde est la fille de la charité, et celle-la nous enflamme. La première consiste en la connaissance, et la seconde l'affection. Par la première, nous connaissons que nous ne sommes rien, et nous apprenons celle-ci de nous-mêmes et de notre propre misère et infirmité. Par la seconde, nous foulons aux pieds la gloire du monde, et nous apprenons celle-ci de celui qui s'est anéanti soi-même, et qui s'est enfui lorsqu'on l'a cherché pour l'élever à la gloire de la royauté; et qui, au lieu de s'enfuir, s'est offert volontairement quand on l'a cherché pour le crucifier et pour le plonger dans un abîme d'opprobres et d'ignominies.»

La bienheureuse Vierge a possédé en souverain degré ces deux sortes d'humilité, spécialement la seconde; et saint Augustin, saint Bernard, Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas et plusieurs autres, tiennent que ces paroles que le Saint-Esprit a prononcées par la bouche de cette très humble Vierge : Respexit humilitatem, s'entendent de la vraie humilité.

Si vous demandez pourquoi Dieu a plutôt regardé l'humilité de la très sacrée Vierge; que sa pureté et ses autres vertus, vu qu'elles étaient toutes en elle en un très haut degré, Albert le Grand vous répondra, avec saint Augustin, qu'il a regardé plutôt son humilité, parce qu'elle lui était plus agréable que sa pureté (3). «La virginité est bien louable, dit saint Bernard (4) , mais l'humilité est nécessaire. Celle-la est de conseil celle-ci est de commandement. Vous pouvez être sauvé sans la virginité, mais il n'y a point de salut sans l'humilité. Sans l'humilité, j'ose dire que la virginité de Marie n'aurait point été agréable à Dieu. Si Marie n'était point humble, le Saint-Esprit ne serait point descendu en elle; et s'il n'était point descendu en elle, elle ne serait point Mère de Dieu. Elle a plu à Dieu par sa virginité, mais elle a conçu le Fils de Dieu par son humilité. D'où il faut inférer que ç'a été son humilité qui a rendu sa virginité agréable à sa divine Majesté. »

Ô sainte humilité, c'est toi qui nous as donné un Homme-Dieu et une Mère de Dieu, et par conséquent c'est toi qui nous as donné toutes les grâces, toutes les faveurs, toutes les bénédictions, tous les privilèges et tous les trésors que nous possédons en la terre, et que nous espérons posséder un jour dans le ciel. C'est-toi qui détruis tous les maux, et qui es la source de tous les biens. Oh! combien devons-nous estimer, aimer et désirer cette sainte vertu! Oh ! avec quelle ferveur la devons-nous demander à Dieu! Oh! avec qu'elle ardeur devons-nous rechercher et embrasser tous les moyens nécessaires pour l'acquérir! Quiconque n'a point d'humilité, n'a rien; et quiconque a l'humilité, a toutes les autres vertus. De là vient qu'il semble, à entendre parler le Saint-Esprit par la bouche de l'Église, que le Père éternel n'a envoyé son Fils en ce monde pour s'incarner et pour y être crucifié, qu'afin de nous enseigner l'humilité par son exemple. C'est ce que la sainte Église dit à Dieu dans cette oraison du dimanche des Rameaux : Omnipotens sempiterne Deus, qui humano generi, ad imitandum humilitatis exemplum, Salvatorem nostrum carnem sumere et crucem subire fecisti, etc. Quod diabolus, dit un saint Père, per superbiam dejecit, Christus per humilitatem erexit (5) « Ce que le démon a détruit par la superbe, le Sauveur l'a rétabli par l'humilité. »

(1) « O vera humilitas, quae Deum hominibus peperit, vitam mortalibus edidit, caelos innovavit, mundum purificavit, paradisum aperuit, et hominum animos liberavit; facta est Maria humilitas scala caelestis, per quam Deus descendit ad terras. Quid enim est dicere respexit nisi approbavit ? Multi enim videntur in conspectu hominum humiles esse, sed eorum humilitas a Deo non respicitur. si enim veraciter humiles essent, deinde ab hominibus non se laudari vellent; non in hoc mundo, sed in Deo spiritus eorum exultaret.» D. Aug. Serm. 2 de Assumpt.
(2) « Est humilitas quam nobis veritas parit, et non habet calorem; et est humilitas quam charitas format, et inflammat. Haec in affectu, illa in cognitione consistit. Priore cognoscimus quam nihil sumus, et hanc discimus a nobis ipsis et ab infirmitate propria; posteriore calcamus gloriam mundi, et hanc ab illo discimus qui exinanivit semetipsum... quique quaesitus ad regnum, fugit; quasitus ad opprobria... et ad crucem, non fugit, sed sponte se obtulit. » D. Bern. Serm. 42 super Cant.
(3) « Maria non tantum pro eo quod erat mundissima, sed potius pro eo quod erat humillima, meruit concipere Filium Dei, sicut per semetipsam testatur: Rexpexit, inquit, humilitatem ancillae suae: non ait: castitatem, licet esset castissima, sed humilitatem. » Alb. Magn. Serm. 2 de Nat, Dom.
(4) «Laudabilis virtus virginitas, sed magis necessaria humilitas. Illa consulitur, ista praecipitur. Ad illam invitaris, ad istam cogeris... Potes sine virginitate salvari: sine humilitate non potes... sine humilitate (audeo dicere) nec virginitas Mariae placuisset... si igitur Maria humilis non esset, super eam spiritus Sanctus non requievisset. Si super eam non requievisset, nec impraegnasset... Si placuit ex virginitate, tamen ex humilitate concepit. Unde constat quia etiam ut placeret virginitas, humilitas proculdubio fecit. » D. Bern. Homil. 1 super Missus est.
(5) Caesarius Arelat. Homil.18.
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Laetitia
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Re: Magnificat anima mea Dominum.

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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE V. (suite)

Apprenons de là combien la superbe est formidable et détestable. Comme l'humilité est la source de tous les biens , l'orgueil est le principe de tous les maux Initium peccati (1) , et selon le grec, Initium omnis peccati, ou selon la diction syriaque, Fons peccati superbia : «Le commencement et le principe du péché et de tout péché c'est la superbe », que le Saint-Esprit appelle une apostasie, Apostatare a Deo (2) . D'où il s'ensuit que le péché étant la source de tous les maux et de tous les malheurs de la terre et de l'enfer, il les faut tous attribuer la superbe. De sorte que représentez-vous un nombre innombrable d'Anges, que Dieu avait créés au commencement du monde, plus beaux et plus brillants que le soleil, qui sont changés en autant de diables horribles, chassés du paradis, précipités dans l'enfer et condamnés à des supplices éternels. Quelle est la cause de ce malheur ? C'est la superbe de ces esprits apostats. Représentez-vous tous les blasphèmes que ces créatures rebelles à leur Créateur vomiront éternellement contre lui dans l'enfer, avec tant de millions et de milliasses de péchés qu'ils ont fait commettre et qu'ils feront commettre aux hommes en tout l'univers, jusqu'à la fin du monde, par leurs tentations. Quelle est la cause de tous ces maux ? C'est la superbe. Mettez-vous devant les yeux tant et tant de millions d'âmes qui se sont perdues par l'impiété de Mahomet; par l'hérésie d'Arius, qui a duré trois cents ans; par celles de Nestorius, de Pélagius, de Luther, de Calvin et de plusieurs autres hérésiarques. Qui est-ce qui a perdu toutes ces âmes ? C'est la superbe, qui est la mère de toutes les hérésies, dit saint Augustin : Mater haeresum superbia. Enfin imaginez-vous tant de milliasses d'âmes qui brûlent et qui brûleront éternellement dans les flammes dévorantes de l'enfer. Quelle est la cause d'un si effroyable désastre, sinon la superbe du premier ange et la superbe du premier homme, qui sont les deux sources de tous les crimes, et par conséquent de tous les malheurs qui en procèdent ? On n'a jamais pu, dit saint Prosper, on ne peut et on ne pourra jamais faire aucun péché sans superbe; car tout péché n'est autre chose sinon un mépris de Dieu : Nullum peccatum fieri potest, potuit, aut poterit, sine superbia; siquidem nihil aliud est omne peccatum, nisi contemptus Dei (3).

Les autres vices, dit saint Grégoire le Grand, combattent seulement les vertus qui leur sont contraires; mais la superbe, qui est la racine de tous les vices, ne se contente pas de détruire une vertu, c'est une peste générale qui les fait toutes mourir (4).« Comme la superbe, dit saint Bernard, est l'origine de tous les crimes, elle est aussi la ruine de toutes les vertus ». « L'ambition, dit le même Saint (5) , est un mal subtil, un poison secret, une peste cachée, une ouvrière de tromperie, la source de l'hypocrisie, la mère de l'envie, l'origine des vices,le foyer des crimes, la rouille des vertus, la teigne de la sainteté, l'aveuglement des coeurs, qui change les remèdes en maux et la médecine en venin. Combien d'âmes ont été étouffées par cette peste? Combien a-t-elle dépouillé de chrétiens de la robe nuptiale, pour les jeter dans les ténèbres extérieures ? »

Quand la superbe, dit saint Grégoire le Grand (6) , a pris possession d'un coeur, elle le livre aussitôt à la fureur et au pillage des sept principaux vices, qui sont les capitaines de son armée. Mais elle l'asservit principalement à la tyrannie de l'impudicité; car le Saint-Esprit nous déclare que la superbe a été la cause des abominations et de la perdition des Sodomites : Haec fuit iniquitas Sodomae superbia (7). Tout superbe, dit un saint Père, est rempli du démon: Quisquis superbus est, daemone plenus est (8). L'on ne discerne point les enfants de Dieu d'avec les enfants du diable que par l'humilité et par la superbe: Non discernuntur filii Dei et filii diaboli, nisi humilitate atque superbia (9) . Quand vous verrez un superbe, ne doutez point que ce ne soit un enfant de Satan; mais quand vous verrez un homme humble, croyez assurément que c'est un enfant de Dieu : Quemcumque superbum videris, diaboli esse filium non dubites; quemcumque humilem conspexeris, Dei esse filium confidenter credere debes.

Si donc nous redoutons d'être au rang des esclaves de Satan, et si nous désirons d'être du nombre des enfants de Dieu, ayons en horreur l'ambition, l'orgueil, la superbe, la présomption et la vanité; déclarons une guerre mortelle à ces monstres d'enfer, et ne souffrons point qu'ils aient jamais aucune part en nos pensées, en nos sentiments, en nos paroles et en nos actions; mais efforçons-nous autant que nous pourrons, avec la grâce de Dieu, d'y établir le règne de la très sainte humilité de Jésus et de Marie.

Ô Jésus, le Roi des humbles, faites-nous la grâce, s'il vous plaît, de bien apprendre la divine leçon que vous nous avez faite par ces saintes paroles: Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur (10) .
Ô Marie, la Reine des humbles, c'est à vous qu'il appartient de briser la tête du serpent, qui est l'orgueil et la superbe. Écrasez-la donc entièrement dans nos coeurs, et nous rendez participants de votre sainte humilité, afin que nous puissions chanter éternellement avec vous : Respexit humilitatem ancillae suae, pour rendre grâce à la très sainte Trinité, de ce qu'elle a pris tant de complaisance en votre humilité, qu'elle vous a rendue digne par ce moyen d'être la Mère du Sauveur de l'univers, et de coopérer avec lui au salut de tous les hommes.

(1) Eccli. X,15.
(2) Eccli. X,14.
(3) D. Prosp. De Vita contempl.lib. 3, cap. 3 et 4.VIII-31
(4) « Alia vitia eas solummodo virtutes impetunt, quibus ipsa destruuntur. Superbia autem, quam vitiorum radicem dicimus, nequaquam unius virtutis extinctione contenta contra cuncta animae membra se erigit, et quasi generalis ac pestifer morbus, corpus omne corrumpit.» Moral. lib. 34, cap. 18.
(5) « Plane cupiditas radix iniquitatis; ambitio subtile malum, secretum virus, pestis occulta, doli artifex, mater hypocrisis, livoris parens, vitiorum origo, criminum fomes, virtutum aerugo, tinea sanctitatis, excaecatrix cordium, ex remediis morbos creans, generans ex medicina languorem... Quantos hoc negotium perambulans in tenebris trudi fecit in tenebras exteriores, veste spolians nuptiali !... Quantos pestis haec nequiter supplantatos turpiter quoque dejecit ! » D. Bern. Serm. 6, in Psal. Qui habitat.
(6) « Ipsa namque vitiorum regina superbia, cum devictum plene cor ceperit, mox illud septem principalibus vitiis, quasi quibusdam suis ducibus devastandum tradit. » Moral. lib. 31, cap. 31.
(7) Ezech. XVI, 49.
(8) Caesarius Arelat. Homil.23.
(9) Idem, Homil. 18.
(10) « Discite a me quia mitis sum et humilis corde.» Matth. XI,29.
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Laetitia
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Re: Magnificat anima mea Dominum.

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Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE VI.

Explication de la seconde partie du troisième verset.
Nous voici à la seconde partie du verset précédent, contenue en ces paroles : Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes : «Voici que désormais toutes les générations me diront bienheureuse. »

Il ne faut pas s'étonner si la très sainte Vierge dit ici une chose qui lui est beaucoup avantageuse et qui retourne à sa gloire et à sa louange; car c'est le Saint-Esprit qui parle par sa bouche, et qui fait l'une des plus grandes, des plus célèbres et des plus considérables prophéties qu'il ait jamais faites et qu'il fera jamais, nous annonçant une infinité de choses admirables que Dieu fera par toute la terre dans tous les siècles, et dans le ciel à toute éternité, en faveur de la Mère du Rédempteur, pour la faire connaître, aimer, servir et honorer par tout l'univers.

Cette grande prophétie, qui nous déclare que toutes les générations doivent reconnaître et publier la Mère du Sauveur bienheureuse, comprend tout l'univers, depuis le plus haut du ciel jusqu'au plus profond de l'enfer.
Car, 1. outre que la très sainte Trinité lui a envoyé l'un des premiers Princes de son empire en qualité d'ambassadeur, pour lui annoncer qu'elle est pleine de grâce, que le Seigneur est avec elle pour opérer en elle les plus grandes merveilles qui furent ni qui seront jamais, et qu'elle est bénite entre toutes les femmes et par-dessus toutes les créatures: cette même Trinité l'exalte par-dessus tous les Anges, au jour de son Assomption, et l'établit dans le plus haut trône de la gloire.
2. Le Père éternel l'honore comme la plus heureuse de toutes les femmes, la faisant Mère à toute éternité du même Fils dont il est le Père, et lui donnant un pouvoir qui passe toutes les puissances de la terre et du ciel.
3. Le Fils de Dieu la proclame bienheureuse, parmi toutes les nations auxquelles il fait prêcher son saint Évangile, qui contient toutes les grandeurs qu'il lui a données en la choisissant pour être sa Mère.
4. Le Saint-Esprit la rend très heureuse et très glorieuse, la faisant sa très digne Épouse, et lui communiquant sa sainteté en un si haut degré qu'elle est la Reine de tous les Anges et de tous les Saints.
5. Toutes les hiérarchies des Anges la reconnaissent bienheureuse, puisque, la contemplant au jour de son triomphe et de sa glorieuse Assomption, ils la trouvent si remplie de merveilles, qu'ils n'en parlent qu'avec admiration et comme tous ravit et transportés.Quae est ista ? disent-ils, quae est ista ? Quelle est celle-ci ? quelle est celle-ci ? Et après les adorations qu'ils rendent à Dieu continuellement dans le ciel, la première de leurs occupations est d'y faire retentir incessamment les louanges de leur souveraine Impératrice.
6. N'oyons-nous pas la sainte Église militante qui chante perpétuellement par toute la terre : Bienheureuse les entrailles de la Vierge Marie qui ont porté le Fils du Père éternel, et bienheureuses les mamelles qui l'ont allaité.
7. N'avons-nous pas ouï ci-devant cette très pieuse Vierge, qui dit un jour à sainte Brigitte qu'il n'y avait aucune peine dans le Purgatoire qui ne fût rendue plus douce par son moyen ? Et n'oyons-nous pas la voix de la sainte Église, qui demande à Dieu la délivrance des âmes souffrantes dans ces prisons de la divine Justice, par l'intercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge Beata Maria semper Virgine intercedente ? Ce qui nous doit persuader qu'elles ne sont pas seulement soulagées dans leurs peines, mais aussi délivrées par son entremise.
8. N'est-il pas vrai aussi que toutes les âmes qui étaient dans les Limbes, depuis le commencement du monde jusqu'à la mort du Fils de Dieu, ont été délivrées par l'entremise de cette Vierge incomparable, puisque c'est elle qui leur a donné un Rédempteur pour les affranchir de leur captivité ?
9. Descendons plus bas et jusqu'au plus profond de l'enfer. S'il est vrai ce que dit le Docteur angélique, que les misérables damnés sont punis citra condignum c'est-à-dire qu'il ne souffrent pas tous les tourments qu'ils ont mérités par leur péchés, il est constant que c'est un effet de la divine Miséricorde. Or il est vrai aussi qu'il n'est jamais sorti et qu'il ne sortira jamais aucun effet de grâce et de miséricorde du sein adorable de la divine Bonté, qui ne passe par les mains de la Mère de miséricorde. Et ainsi toutes les âmes qui sont dans l'enfer la devraient reconnaître et révérer comme la très bénigne et très douce Mère de miséricorde. Mais parce qu'il ne le font pas, faisons-le pour eux, et prions tous les citoyens du ciel de le faire avec nous.
10. Que dirons-nous des misérables démons ? N'est-il pas vrai que, nonobstant toute la rage dont ils sont animés contre cette très bonne Vierge, à raison des âmes qu'elle arrache souvent de leurs griffes, ils sont contraints néanmoins de publier la charité inconcevable qu'elle a pour elles, lorsqu'ils sont forcés d'abandonner leur proie par la vertu de ses intercessions, et qu'à la prononciation du saint Nom de Marie, ils sont obligés de quitter les corps qui étaient en leur possession, et de s'enfuir dans leurs cachots infernaux ?

C'est ainsi que toutes les générations du ciel, des Anges, des Saints, de l'Église triomphante, de l'Église militante, de l'Église souffrante, et même de l'enfer, accomplissent cette prophétie de la glorieuse Vierge : Beatam me dicent omnes generationes.
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Laetitia
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Re: Magnificat anima mea Dominum.

Message par Laetitia »

Saint Jean Eudes a écrit : CHAPITRE VI. (suite)
Je pourrais encore faire voir que cette même Vierge est reconnue et publiée comme bienheureuse, non seulement par les fidèles, mais aussi par les infidèles, spécialement par les Sibylles, qui sont des filles vierges du paganisme, par lesquelles il a plu a Dieu annoncer aux hommes les principaux mystères de la vie de notre Sauveur et de sa très sainte Mère.
Non seulement cela, mais encore cette Mère admirable a été reconnue et prêchée bienheureuse même par les Mahométans, par les hérétiques et par plusieurs mauvais chrétiens, qui ont recours à ses bontés en plusieurs occasions et qui en ressentent souvent les effets.

Enfin il n'y a aucune contrée en tout l'univers, ni aucune nation sous le soleil, ni grands, ni petits, ni pauvres, ni riches, ni religieux, ni prêtres, ni hommes, ni femmes, qui ne soient obligés d'avouer et de publier que la Mère du Sauveur est la plus heureuse, la plus puissante, la plus libérale, la plus débonnaire, la plus admirable et la plus aimable de toutes les créatures, qui semble n'être au monde et ne songer à autre chose qu'à faire du bien à tous ceux qui l'aiment et qui l'invoquent, et à les rendre participants du bonheur et de la félicité qu'elle possède.
« O trois et quatre fois bienheureuse, s'écrie le saint Docteur Jean Gerson (1) : Bienheureuse, premièrement, parce que vous avez cru. Bienheureuse, secondement, parce que vous êtes pleine de grâce. Bienheureuse, en troisième lieu, parce que vous êtes bénite entre toutes les femmes et que le fruit de votre ventre est béni.

Bienheureuse, en quatrième lieu, parce que le Tout Puissant vous a fait choses grandes. Bienheureuse, en cinquième lieu, parce que vous êtes la Mère du Seigneur. Bienheureuse, en sixième lieu, parce que vous possédez la joie de la maternité avec la gloire de la virginité. Bienheureuse, en septième lieu, parce que vous êtes l'incomparable, qui n'avez jamais eu et qui n'aurez jamais de semblable.»

Écoutons maintenant saint Germain, Archevêque de Constantinople. « Qui ne vous admirera, dit-il (2) , qui ne vous aimera, ô très bonne Vierge ? Vous êtes notre ferme espérance, notre protection assurée, notre refuge inébranlable, notre gardienne très vigilante, notre sauvegarde perpétuelle, notre secours très puissant, notre forte défense, notre tour inexpugnable, le trésor de notre joie, le jardin de nos délices, forteresse imprenable, rempart inaccessible, le port de ceux qui sont en péril de naufrage, la caution des pécheurs, l'asile des abandonnés, la réconciliation des criminels, le salut des perdus, la bénédiction des maudits, et la procuratrice générale et publique de toutes sortes de biens. Enfin qui pourrait comprendre les effets de vos miséricordes ? O ciel ! ô Reine du ciel ! soyez bénite en toutes les générations des générations. Car il n'y a point de lieu au monde dans lequel vos louanges ne soient célébrées; et il n'y a aucun peuple ni aucune tribu de laquelle Dieu ne reçoive quelque fruit et quelque service par votre moyen.»

Entendons encore parler le saint cardinal Hugues(3) . Toutes les générations, dit-il, prêchent la Mère de Dieu bienheureuse; c'est-à-dire, toutes les nations des Juifs et des Gentils, des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, des Anges et des hommes, parce que tous ont reçu par elle un salutaire bienfait : les hommes leur réconciliation avec Dieu, les Anges la réparation de la perte que le péché de Lucifer leur a causée. Car le Fils de Dieu a opéré le salut du monde au milieu de la terre, c'est-à-dire dans le ventre sacré de Marie, qui, par une admirable propriété, est appelé le milieu de la terre. Car il est regardé de tous côtés, comme dit saint Bernard, et par ceux qui sont dans le ciel, et par ceux qui sont dans l'enfer, c'est-à-dire qui sont dans le Purgatoire, et par ceux qui demeurent dans le monde. Les premiers le regardent pour être réparés; les seconds, pour être délivrés; les troisièmes, pour être réconciliés.

C'est pourquoi toutes les nations vous diront bienheureuse, ô très sainte Vierge, parce que vous avez enfanté la vie, la grâce et la gloire; la vie pour les morts, la grâce pour les pécheurs, la gloire pour les misérables. Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d'Israël et l'honneur de notre peuple, parce que vous vous êtes comportée généreusement. C'est la voix des Anges qui prononce le premier, d'autant que c'est par vous que leurs ruines sont réparées. C'est la voix des hommes qui dit le second, parce que c'est par vous que leur tristesse a été changée en joie. C'est la voix des femmes qui profère le troisième, parce que c'est par vous que leur infamie a été effacée. C'est la voix des morts qui prononce le quatrième, d'autant que c'est par vous qu'ils sont affranchis de leur captivité.»

O Vierge sainte, mon coeur est comblé de joie, de voir que toutes les générations passées, présentes et à venir vous ont ainsi proclamée, vous proclament et vous proclameront éternellement bienheureuse; et je supplie de tout mon coeur la très sainte Trinité de faire en sorte que cette divine prophétie s'accomplisse toujours de plus en plus par tout l'univers. Oh ! qui me donnera que toutes mes respirations, tous les battements de mon coeur de mes veines, et tous les usages des facultés de mon âme et de tous mes sens intérieurs et extérieurs, soient autant de voix qui chantent continuellement, avec tous les Anges, avec tous les Saints, avec toute l'Église et avec toutes les créatures: Bienheureuses les entrailles de la Vierge Marie, qui ont porté le Fils du Père éternel; et bienheureuses les mamelles qui l'ont allaité.
O bienheureuse Marie, Mère de Dieu, Vierge perpétuelle, temple du Seigneur, sacraire du Saint-Esprit, qui seule sans exemple avez été agréable à Notre-Seigneur Jésus-Christ, priez pour le peuple, intervenez pour le clergé, intercédez pour le dévot sexe féminin, et que tous ceux qui vous honorent ressentent le secours de votre bonté incomparable.

(1) « O ter quaterque beata ! Beata primo, quae credidisti, clamat Elisabeth. Beata secundo, quia gratia plena secundum Gabrielis salatationem. Beata tertio et benedicta quia benedictus fructus ventris tui. Beata quarto, quia fecit tibi magna qui potens est. Beata quinto, quia Mater Domini. Beata sexto, quia foecundata cum virginitatis honore. Beata septimo quia nec primam similem visa es, nec habere sequentem. » Gerson. super Magnificat. Tract. 4, notula 1.
(2) « Quis te non admiretur, quum sis nobis spes immutabilis, firma protectio, inconcussum perfugium, vigilans tutela, salus perennis, auxilium stabile, patrocinium inconcussum, murus inexpugnabilis, thesaurus voluptatum, hortus non deficiens, arx tuta, vallum undique munitum, valida auxilii turris, portus tempestate jactatorum, pro peccatoribus fide-jubens, desperabundis facilis aditus, ab exilio revocatio alienatorum reconciliatio, damnatorum benedictio, maledictorum restitutio... et publica bonorum omnium procuratrix?... Miserationes tuas quis comprehendet ?... O caelum ! benedicta tu in generationibus generationum: sed et benedicentur in te omnes tribus terrae. Nullus es: enim locus in quo tuae laudes non celebrentur; nulla tribus e qua non fructus aliqui per te Deo germinarint... » Serm. 2 de Dormit. B. V.
(3) « Omnes generationes, id est omnes gentes, scilicet Judaeorum et Gentilium, virorum et mulierum, divitum et pauperum, Angelorum et hominum: quia omnes per ipsam salutare beneficium acceperunt, homines reconciliationem, Angeli reparationem. Christus enim Dei Filius operatus est salutem in medio terrae, id est in utero Mariae, quae quadam mirabili proprietate terrae medium appellatur. Ad illum enim respiciunt, ut Bernardus inquit, et qui habitant in caelo, et qui habitant in inferno, id est in purgatorio, et qui habitant in mundo. Primi, ut resarciantur; secundi , ut eripiantur; tertii, ut reconcilientur.
Ex hoc ergo beatam te dicent omnes generationes, o beata Virgo, quia omnibus generationibus vitam, gratiam et gloriam genuisti: mortuis vitam, peccatoribus gratiam, miseris gloriam. Ergo dicitur( Judith, XV, 10.): tu gloria Jerusalem, tu laetitia Israel, tu honorificentia populi nostri, quia fecisti viriliter. Primum est vos Angelorum quorum ruina per ipsam repertata est; secundum est vos hominum,, quorum tristitia per ipsam laetificato est; tertium est vos mulierum, quarum infamia per ipsam deleta est; quartum est vos mortuorum, quorum captivitas per eam reducta est..
» Card. hug. apud Cornel, a lapid. Comment. in Luc.I.
à suivre
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