Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 38 (Février 1994)
3. A C T U A L I T É D O C T R I N A L E
V LES ZOUAVES PONTIFICAUX ET LA CROISADE
2) Les descendants de Chevaliers Croisés :
Nous avons feuilleté ce livre illustré par les plus grands noms de la vieille France, et nous y avons trouvé la pièce suivante, qui nous a paru intéressante à divers points de vue.
C'est un testament portant la date de 1335, conservé dans son intégrité, et dont le style seulement a été rajeuni.
« Testament de très noble et très puissant homme Baudoin de Vigier de Mirabal, chevalier seigneur de Vigier, de Ronfort et autres châteaux.
Sachent tous que j'ai écrit mon testament de ma propre main, et que j'en ai donné un exemplaire à chacun de mes enfants, afin que, par une certaine émulation, ils servent mieux le Roi et la Religion.
On m'a imprimé le sceau de la Sainte Trinité, et je veux mourir dans l'Eglise Catholique, comme je l'ai promis et le promirent mes aïeux, qui, depuis le Baptême du grand Clovis, suivirent et protégèrent la Religion, non seulement en défendant les Gaules sous Charles Martel, mais en triomphant de l'Asie et de l'Afrique sous nos Rois qui, ayant passé la mer, abattirent les Sarrasins par de grandes et innombrables victoires.
Je donne à Roger, mon fils aîné, la baronnie de Vigier en entier, et, de plus, tous les biens que je possède sur les confins de la Belgique.
A Robert, mon second fils, je donne le château de Ronfort, en entier, avec tous les biens que j'ai à la gauche de la Loire, et à Charles, mon troisième fils, le château de Saint-Martin, avec les biens qui sont à la droite de la Loire.
Mais si Roger ne suivait pas notre Roi Philippe de Valois au Royaume de Jérusalem, pour quelque raison que ce soit, de maladie ou de mort, je donne la baronnie à Robert, à la même condition, et je lui substitue pareillement Charles, voulant que les barons de Vigier se dévouent à la Croix et aux Lys dans la suite comme auparavant.
Allez donc, chers fils, à travers les mers, chercher les traits et les ennemis ; suivez votre magnanime général, et n'ayez point honte de verser le sang humain ; car vous portez une guerre sacrée.
Mais je n'ai pas employé l'expression qui convient : non, vous ne portez pas, vous repoussez la guerre.
Originaires d'Asie, les Sarrasins, après avoir soumis l'Afrique et l'Espagne, semant le ravage dans la France avec des armées de barbares féroces, parvinrent jusqu'à ce fleuve (la Loire), et quoique entièrement écrasés près de Tours et en d'autres endroits, battus par terre et par mer, ils occupent encore les Espagnes, d'où, après avoir levé de nouvelles armées, ils reviendront de nouveau nous attaquer à l'improviste.
Car il est notoire à tous que les Sarrasins, par un orgueil affreux, se destinent à l'empire de l'univers. Il ne s'agit donc pas de savoir si vous aurez la paix ou la guerre, mais si vous aimez mieux porter ce fléau chez vos ennemis que de l'admettre chez vous, où vos pères furent réduits de combattre pour leurs autels et pour leurs foyers.
Vous devez mes chers fils, être encore poussés par un motif d'émulation, vu que dans nos armes il nous a été accordé des Lys comme symbole de fidélité, avec cette inscription : nusquam liliis defuit.
Et assurément vous manqueriez aux Lys, si vous ne suiviez pas notre Roi à la guerre d'outre-mer.
Mon frère, Robert de Vigier, Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, vous y conduira ; je vous y conduirais moi-même, mes chers fils ; mais vous savez que je suis hors d'état de servir, depuis que je fus percé de traits à Cassel, lorsque j'arrachai mon père, environné par l'armée des Belges et blessé à mort.
Je veux que mon corps soit porté dans l'église de Vigier, près du corps de mon père, Herbert de Vigier, en son vivant Chevalier, Baron de Vigier, où tous mes ateux paternels, Chevaliers et Barons de Vigier, depuis l'abjuration des idoles, ont été inhumés, excepté Guyon, quartateul depuis mon père, qui mourut en Asie, consumé par la fièvre, pendant le siège de Damas, sous Louis le Jeune.
Je veux être enterré avec le luminaire, les cérémonies et les prières accoutumés, tant avant qu'après la sépulture.
Et je munis le présent testament de mon seing. Baudoin.
Au château de Saint-Martin, le ler. juin de l'an 1335.»