La vie terrestre du Bienheureux Félix de Nicosie, longue de 72 ans, s'écoula toute entière, sauf l'année de son noviciat religieux, dans la petite ville sicilienne qui l'avait vu naître et grandir. Humble ouvrier dans le monde jusqu'à l'âge de 28 ans, humble frère convers ensuite dans l'Ordre des Capucins, il s'est sanctifié dans l'accomplissement incessant de ses obscures fonctions de portier, d'infirmier, de quêteur ; il n'a donc pu en aucune façon prendre part au mouvement politique ou intellectuel de son siècle ; il ne fut pas mêlé aux événements de son temps, il ne fut ni professeur, ni écrivain, ni savant ; toute sa philosophie fut d'éviter l'offense de Dieu de sauver son âme, de s'immoler avec Jésus-Christ, tout en travaillant dans la mesure de ses forces et de sa position, à sanctifier et à sauver ses semblables.
Et cependant, sa vie n'est-elle pas une réponse de Dieu aux égarements du XVIIIe siècle ? En regard de cette philosophie railleuse et incrédule envahissant peu à peu toutes les classes, Dieu nous présente la foi de ce pauvre frère qui eut plutôt douté de son existence que d'une seule vérité révélée. Aux doctrines proclamant l'émancipation de la chair, Dieu oppose la vie étrangement austère de ce religieux, qui ne fut jamais dominé que par la passion de la souffrance. Au rationalisme qui niait l'Ordre surnaturel, Dieu répond par la vie et la mort de son serviteur humainement inexplicables. A l'amour de la richesse, Dieu oppose le détachement absolu, la pauvreté poussée à ses dernières limites de ce Fils de François d'Assise, le grand Pauvre du XIIIe siècle.
Les miracles abondent dans la vie de frère Félix ; le seul contact de sa main remet à neuf les vases brisés, dans des paniers de roseau, il tire de l'eau d'un puits, il change du vin gâté en un vin excellent, il préserve une ville de la contagion, il guérit un boiteux, il change les pierres en pain et l'eau en vin, il fait disparaître les serpents qui désolaient les campagnes, il entre et se meut dans une fournaise et en ressort intact.
Si les mécréants peuvent hausser les épaules à l'énumération de ces miracles, nous, enfants de lumière, nous y croyons, car que coûte le miracle à la puissance de Dieu ? Nous croyons aux miracles du Bienheureux Félix, parce que les récits contemporains qui nous les transmettent, respirent la plus saisissante vérité, parce que nous croyons à la vertu de la prière dans le cœur d'un saint.
Nous croyons à ses miracles parce que nous savons la bonté de Dieu et son amour pour les âmes et nous concevons aisément que ce Dieu qui est amour ait fait part de sa puissance à son serviteur en songeant à ses supplications non interrompues, pas même par l'action, à son âme toujours dans le ciel, à ses jeûnes, ses veilles, ses cilices, à ses labeurs, qu'un court repos accordé à regret aux plus rigoureuses exigences de la nature, venait à peine interrompre, à ses jours, à ses nuits consacrées à l'œuvre de Dieu, à ses sens asservis à l'âme, à son âme elle-même subjuguée, à ses passions vaincues, à sa douceur, à sa patience inaltérable dans les souffrances, dans les injures, à sa charité sans bornes, à son humeur toujours égale dans une joie toujours sainte, en un mot à sa conversation toujours céleste et à son existence entière surhumanisée par la sainteté.
Le Bienheureux mourut le vendredi 31 mai 1787, vers les 8 heures et demie du soir.
Léon XIII le déclara Bienheureux le 3 février 1888.
Demain...JEAN PELINGOTTO, TERTIAIRE (1240-1304)