Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 23 (10/1990)
3. ACTUALITÉ DOCTRINALE
INDÉFECTIBILITÉ ET VISIBILITÉ DE L'EGLISE AU TEMPS DE LA GRANDE APOSTASIE
Prédiction de Saint Jean sur l'apparente défaite de l'Eglise militante :
- Il était donc bien prédit que le Corps Mystique aurait à son tour à souffrir sa passion...
- C'est ce que nous venons de voir annoncé par Saint Paul. Cependant, l'Apôtre bien-aimé est en quelque sorte plus explicite encore dans l'Apocalypse.
- Qu'y prédit-il à ce sujet ?
-
« Il sera donné à la bête de faire la guerre aux saints, et de les vaincre » (Apoc. 13,7) ! Cette
première bête désignant l'Antéchrist et ses disciples, et par extension ses précurseurs ; les saints, dans le langage des premiers siècles, signifiant les fidèles, sanctifiés par le baptême, la garde de la bonne doctrine et des bonnes moeurs.
- Mais si tous les membres du Corps Mystique sont vaincus par ceux du parti de l'Apostasie et du diable, en quoi l'Eglise militante sera-t-elle restée indéfectible ? Car un corps ne saurait subsister sans les éléments qui le composent ?
- Cette défaite sera relative, non absolue ; de courte durée, non définitive.
Quant au Corps Mystique en tant que tel, elle sera une défaite temporaire devant les hommes et selon leur façon de voir, non devant Dieu dont elle amènera le triomphe et la glorification.
Quant aux membres de ce Corps Mystique, il faut dire avec les Pères qu'ils seront vaincus
« corporellement seulement s'il s'agit de prédestinés, ou certains spirituellement qui ne sont pas prédestinés » (Saint Thomas, Opuscule 68)
Cette
bête « vaincra corporellement ceux qui seront demeurés invaincus en esprit... ou entraînera au bon plaisir de sa volonté certains que l'on pensait robustes et saints » (Pape Saint Grégoire I le Grand, Mor. 32,15 in Job 40,11) ;
« les vaincra, certes, non en les surpassant, mais en les tuant » (Saint Ambroise in Apoc. 13,7).
D'où ce que disait, en un discours prononcé le 8 novembre 1859, le Cardinal Pie, archevêque de Poitiers :
Cardinal Pie a écrit :
« Ce qui est certain, c'est qu'à mesure que le monde approchera de son terme, les méchants et les séducteurs auront de plus en plus l'avantage.
On ne trouvera quasi plus de foi sur la terre (Luc 18,8), c.à.d. qu'elle aura presque complètement disparu de toutes les institutions terrestres.
Les croyants eux-mêmes oseront à peine faire profession publique et sociale de leurs croyances.
La scission, la séparation, le divorce des sociétés avec Dieu qui est donné par Saint Paul comme un signe précurseur de la fin (nisi venerit discessio primum) ira se consommant de jour en jour.
L'Eglise, société sans doute toujours visible, sera de plus en plus ramenée à des proportions simplement individuelles et domestiques.
Elle qui disait à ses débuts : « Le lieu est étroit, faites-moi de l'espace où je puisse habiter », elle se verra disputer le terrain pied à pied ; elle sera cernée de toute part ; autant les siècles l'ont faite grande, autant on s'appliquera à la restreindre.
Enfin, il y aura pour l'Eglise de la terre une véritable défaite : « et il sera donné à la Bête de faire la guerre avec les saints et de les vaincre » (Apoc. 13,7).
L'insolence du mal sera à son comble.
Or dans cette extrémité des choses, que devront faire encore tous les vrais Chrétiens, tous les hommes de foi et de courage ?
S'acharnant à une impossibilité plus palpable que jamais, ils diront avec un redoublement d'énergie, et par l'ardeur de leurs prières, et par l'activité de leurs oeuvres, et par l'intrépidité de leurs luttes :
« 0 Dieu, ô Notre Père qui êtes dans les cieux, que votre Nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, que votre règne arrive sur la terre comme au ciel, sicut in coelo, et in terra ! »
Ils murmureront encore ces mots, et la terre se dérobera sous leurs pieds.
Et comme autrefois, à la suite d'un épouvantable désastre, on vit le sénat de Rome et tous les ordres de l'Etat s'avancer à la rencontre du consul vaincu et le féliciter de ce qu'il n'avait pas désespéré de la République, ainsi le sénat des cieux, tous les choeurs des anges, tous les ordres des bienheureux viendront au devant des généreux athlètes qui auront soutenu le combat jusqu'au bout, espérant contre l'espérance même, « contra spem in spem » (Rom .4,18).»