Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

chartreux
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Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

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J'ai été assez perturbé par l'article de John Salza sur les réformes liturgiques de Pie XII, dont je livre ci-dessous une traduction condensée. La présentation de ces réformes n'est-elle pas tendancieuse voire mensongère ?

John Salza, Le sédévacantisme et les réformes liturgiques de Pie XII, partie 1 a écrit : Beaucoup de sédévacantistes trouvent hyprocrite la position traditionaliste qui reconnaît Paul VI comme vrai pape tout en rejettant ses nouveautés liturgiques, position que l'on justifie généralement par la validité à perpétuité de Quo Primum et par le fait que Paul VI n'a jamais promulgué officiellement la nouvelle messe, ni à plus forte raison imposé cette messe à quiconque. L'abbé Cékada, prêtre sédévacantiste, va jusqu'à assimiler cette position traditionnaliste à un notion hérétique de la papauté :
Abbé Cékada a écrit : S'il est vrai que beaucoup de catholiques traiditionalistes soutiennent que la nouvelle messe a été illégalement promulguée, cette affirmation est particulièrement fréquente chez les membres et soutiens de la Fraternité Saint Pie X de Mgr Marcel Lefebvre. Une telle théorie est vraiment un exemple frappant de ce qu'on ne peut éviter d'appeler une vision gallicano-janséniste de la Papauté : on se "soumet" au Pape tout en "filtrant" le bon grain de l'ivraie dans ses enseignements et jugements. On a ainsi tous les avantages psychologiques de se sentir en communion avec un pape, sans aucun des inconvénients découlant d'une obéissance réelle.

(...) L'hypocrisie ahurissante de l'abbé Cékada apparait dans son rejet des réformes liturgiques du Pape Pie XII, qu'il reconnaît comme vrai Pape! Vous avez bien lu, l'abbé Cékada pratique précisément ce qu'il tourne en ridicule chez les autres-savoir se "soumettre" au Pape légitime Pie XII, tout en "filtrant" (et en rejetant entièrement même) sa liturgie. Il va même jusqu'à dire que les réformes liturgiques de 1955 sont "dangereuses", tout en affirmant en même temps qu'un vrai Pape ne peut produire de législation mauvaise concernant la liturgie. Comment l'abbé Cékada se sort-il de cette contradiction manifeste ? Il s'en explique ainsi :
Abbé Cékada a écrit : Un loi éclessiastique et humaine qui était obligatoire à l'époque où elle a été promulgée peut devenir dangereuse (nociva) par un changement de circonstances dû au passage du temps ... ce principe ... vaut aussi pour les réformes de 1995.

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John Salza, Le sédévacantisme et les réformes liturgiques de Pie XII, partie 2 a écrit : Comme on voit, l'abbé Cékada ne peut pas accuser Pie XII d'avoir promulgé une discipline liturgique dangereuse, puisque c'est exactement l'argument qu'il emploie pour "démontrer" que Paul VI n'est pas un Pape légitime. Pour contourner cette contradiction de taille, Cékada en est réduit à dire que les lois de Pie XII n'étaient pas dangereuses à leur époque, mais qu'elles sont devenues dangereuses plus tard! Pour être plus précis, Cékada soutient que les changements que Pie XII a faits en 1955 sur les rites de la Semaine sainte, n'étaient pas dangereuses en soi, mais sont devenues dangereuses (et donc "cessé de faire loi" d'après lui), ce dont on peut se rendre compte par le "recul" d'aujourd'hui, puisqu'elles ont été integrées plus tard dans le Novus Ordo .

Cet argument est fallacieux puisque ces réformes de 1955 ont été appliquées au rite traditionnel, et non pas au Novus Ordo, et doivent être jugées dans leur contexte propre. La question est donc : Les réformes de 1955 de Pie XII modifiaient-elle dangereusement le rite traditionnel ? Que ces réformes aient par ailleurs été incorporées plus tard au nouveau rituel, cela est complètement à côté de la question. D'ailleurs, comme les réformes conciliaires ont introduit des rites entièrement nouveaux, elle n'ont pu reprendre qu'une partie des réformes de Pie XII.
(...)
Pour répondre à cette question, regardons un peu le détail de ces réformes de 1955. Si les sédévacantistes évaluaient honnêtement ces réformes, beaucoup d'entre eux concluraient qu'elles sont nocives en elles-mêmes (c'est d'ailleurs la raison pour laquelle certaines ont si facilement pu être reprises dans le Novus Ordo ). Ces réformes ont radicalement changé la liturgie de la Semaine Sainte, finalement, même si elle n'ont été introduites dans la nouvelle messe que 15 ans plus tard. ( Le Pape Pie XII a promulgué son Ordre nouveau pour la Semaine sainte dans un document intitulé Maxima Redemptoris , 16 novembre 1955, publié dans les Acta Apostolicae Sedis , 1955, pp.838-841.) Un certain nombre de ces réformes sont complètement déconnectées da la tradition liturgique, et consistuent de véritables nouveautés.
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John Salza, Le sédévacantisme et les réformes liturgiques de Pie XII, partie 3 a écrit : Pour le dimanche des Rameaux par exemple, le nouveau rite de Pie XII élimine la "messe sèche" qui depuis des siècles incluait l'Introït, la Collecte, l'Épître, le Responsoria, l'Évangile et le Sanctus. Dans la liturgie revue par Pie XII, le prêtre bénit les rameaux sur une "table" et "face au peuple", et chante également la collecte finale face au peuple, tournant le dos au tabernacle. La prière au pied de l'autel et le dernier Évangile sont supprimés. Si d'autres ministres sont présents, ils lisent l'Écriture pendant que le prêtre écoute, assis (cela en contradiction avec l'injonction de saint Pie V, que ce soit le prêtre qui récite toutes les lectures de l'Évangile ; c'est d'ailleurs la pratique traditionnelle ancienne). D'autres éléments, comme la frappe cérémonielle à la porte de l'Église, cerataines mises en scènes liées à la Passion (l'ointement à Béthanie, le soldat gardant la tombe), ont également été supprimées. Si ces réformes n'étaient pas dangereuses à l'époque où elles ont été promulguées, que l'on nous dise quand et comment elles sont "devenues" dangereuses ? Si elles ne sont pas nocives sous Pie XII, comment et pourquoi le sont-elles sous Paul VI ?

En ce qui concerne le Jeudi Saint, le Credo et le dernier Évagile sont supprimés ; le lavement de pieds est inseré dans le rite de la messe (un exemple de "participation plus active" des laïcs). Les cérémonies spécifiques de la messe du Vendredi Saint sont éliminés. Il n'y a plus de procession solonnelle transportant le Saint Sacrement du reposoir à l'église. Le prêtre chante les oraisons solonnelles qu'il lit sur un livre placé au centre de l'autel, et le peuple chante le Pater Noster à l'unisson avec le prêtre - voilà deux réformes sans aucun rapport avec la tradition liturgique du rite Romlain.

Ces révisions de 1995 ne sont pas les seules réformes soi-disant "dangereuses" promues par Pie XII pendant son pontificat. En 1948 déja, Pie XII avait approuvé une commission sur la liturgie (appelée "commission pienne") qui commença dès lors à rédiger les réformes qu'il allait finalement confirmer dans les années 1950. Il approuva par exemple une vigile expérimentale de Pâque en 1951 qui non seulement permettait de célébrer la vigile le samedi soir au lieu du dimanche matin (contrairement à une tradition très ancienne), mais qui changeait aussi radicalement les rubriques du rite (ce décret est intitulé Dominicae Resurrectiones Vigiliam , 9 février 1951, publié dans les Acta Apostolicae Sedis , numéro 43, 1951, pp.128-129.)

Dans ce rituel révisé, on réduit les prières pour la bénédiction du flambeau pascal, il y a une nouvelle cérémonie pour l'inscription du cierge pascal, le peuple porte des cierges avec le prêtre (encore un exemple de "participation plus active" des laïcs), les Prophéties sont réduites de douze à quatre, le prêtre écoute assis les lectures, il bénit l'eau baptismale face au peuple, les fidèles récitent à voix haute leur renouvellement des promesses du baptême en langue vernaculaire (voila de la "participation plus active" encore et toujours), et le dernier Évangile est aboli, entre autres.
Dernière modification par chartreux le ven. 12 févr. 2016 12:22, modifié 1 fois.
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John Salza, Le sédévacantisme et les réformes liturgiques de Pie XII, partie 4 a écrit :
Ainsi, pour la fête la plus solonnelle de toute l'année liturgique, Pie XII abolit des prières anciennes, supprime des parties de la messe, créé des rites nouveaux, met le prêtre face au peuple et dos à l'autel, introduit une "participation plus active" des fidèles, y compris des prières en langue vernaculaire pendant la messe! De telles réformes ne constituent certes pas un développement naturel de la tradition du rite Romain, et pour beaucoup d'entre elles on peut y voir une influence protestante (luthérienne ou cramerienne). Vous pouvez deviner, cher lecteur, ce que les sédévacantistes auraient dit de ces réformes si elles venaient de Paul VI ou de Jean-Paul II! Ils les auraient déclarés mauvais en soi, contraire à l'infaillibilité de l'Église, et y auraient vu une preuve supplémentaire qu'ils n'étaient pas Papes.

En plus des changements concernant la Semaine Sainte, en 1955 Pie XII a également promulgué des simplifications radicales des rubriques et du calendrier liturgique ( décret Nostra Hac Aetate ,23 mars 1955, publié dans les Acta Apostolicae Sedis , numéro 47, 1955, pp.218-224. ). Ces simplifications incluent la suppression de certaines fêtes, de certaines collectes, de dix vigiles et de quatorze octaves (concernant la commémoration pendant une semaine d'une des fêtes les plus importantes de l'église), dont certaines faisaient partie du calendrier liturgique depuis plus de mille ans! Et enfin, Pie XII a également promulgué une instruction sur la musique sacrée ( De Musica Sacra ,3 septembre 1958, publié dans les Acta Apostolicae Sedis , numéro 50, 1958, pp.630-633. ). Ces changements permettent non seulement une participation vocale des fidèles pour des réponses brèves ("Amen", "Et cum spirituo tuo"), des réponses de l'assistant ("Domine, non sum dignus"), et certaines parties de l'ordinaire de la messe (le Gloria, le Credo, le Pater Noster) ; à terme, la réforme aurait finalement amené les fidèles à réciter les prières au pied de l'autel, le Confiteor, les propres (Introït, Graduel , etc), le Kyrie, les séquences et traits, l'offertoire, les prières Suscipiat , Sanctus, Agnus Dei, et même les paroles de la communion!

Comme on voit, le pape Pie XII est responsable de changements radicaux à la liturgie romaine, qui était restée essentiellement immuable pendant 400 ans en vertu de Quo Primum. Pendant une période de dix ans, de 1948 à 1958, Pie XII a promulgué ou bien permis des nouveautés liturgiques en alléguant les mêmes raisons que les révolutionnaires conciliaires - une "meilleure conformité" aux "traditions anciennes". Mais en vérité, parmi tous ces changements, beaucoup sont substantiels et non accidentels, sont sans aucun précédent dans toute l'histoire de l'Église (et certaines peuvent être interprétées comme exprimant un jugement privé protestant sur la théologie de la messe). Il est donc tout-à-fait juste d'attribuer à Pie XII une responsabilité importante dans la révolution liturgique, puisque les modernistes qui l'ont suivi n'ont eu qu'à finir ce qu'il avait commencé.
(...)
Ainsi, l'abbé Cékada tout en reconnaissant Pie XII comme vrai Pape, rejette ses lois et dit toujours la messe d'après les rubriques d'avant 1950, comme me le confirmait récemment un de ses paroissiens. Pour être justes avec lui, disons qu'il pratique l'hypocrisie qu'il prêche.
(...)

L'abbé Cékada plaide également que le "Pasteur Angélique" n'a promu les changements de 1955 que par ce qu'il a été induit en erreur par Annibale Bugnini (...) Que c'est pratique de raisonner ainsi ! Si Bugnini pouvait tromper Pie XII, pourquoi n'aurait-il pas trompé Paul VI aussi ? (...) D'ailleurs, on pourait faire valoir que Paul VI était bien moins impliqué dans les changements liturgiques sous son pontificat, laissant à peu près tout à des congrégations et conférences d'évêques.
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Abbé Zins
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Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

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chartreux a écrit :
John Salza, Le sédévacantisme et les réformes liturgiques de Pie XII, partie 1 a écrit : Beaucoup de sédévacantistes trouvent hypocrite la position traditionaliste qui reconnaît Paul VI comme vrai pape tout en rejetant ses nouveautés liturgiques, position que l'on justifie généralement par la validité à perpétuité de Quo Primum et par le fait que Paul VI n'a jamais promulgué officiellement la nouvelle messe, ni à plus forte raison imposé cette messe à quiconque.
Voici une audacieuse affirmation, contredite par les faits :
‘Paul VI’, ‘Constitution apostolique Missale Romanum’, 3/4/1969 a écrit : (...) Pour terminer, Nous voulons donner force de loi à tout ce que Nous avons exposé plus haut sur le nouveau Missel romain. En promulguant l'édition officielle du Missel romain, Notre prédécesseur saint Pie V présentait celui-ci comme un instrument de l'unité liturgique et un témoin de la pureté du culte dans l'Eglise. Tout en laissant la place dans le nouveau Missel, selon l'ordre du IIe Concile du Vatican « à des différences légitimes et à des adaptations », Nous espérons cependant que ce Missel sera reçu par les fidèles comme un signe et un instrument de l'unité mutuelle de tous : de la sorte, dans la grande diversité des langues, une même et unique prière montera vers le Père des cieux, par notre grand-prêtre, Jésus-Christ, dans l'Esprit, comme « un encens d'agréable odeur ».
Nous ordonnons que les prescriptions de cette Constitution entrent en vigueur le 30 novembre prochain de cette année, premier dimanche de l'Avent.
Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l'avenir, nonobstant, si c'est nécessaire, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par nos Prédécesseurs et toutes les autres prescriptions mêmes dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi.
Donnée à Rome, près de Saint-Pierre, le Jeudi saint in Cena Domini, 3 avril 1969, sixième année de Notre Pontificat.
‘Paul VI’, ‘Discours, Consistoire pour la nomination de 20 cardinaux’, 24 mai 1976 a écrit : Et le fait est d'autant plus grave que l'opposition dont nous parlons n'est pas seulement encouragée par certains prêtres, mais dirigée par un évêque, qui demeure cependant toujours l'objet de notre respect fraternel, l’archevêque Marcel Lefebvre. C'est si dur de le constater ! Mais comment ne pas voir dans une telle attitude - quelles que puissent être les intentions de ces personnes - le fait de se placer hors de l'obéissance au successeur de Pierre et de la communion avec lui, et donc hors de l'Eglise ? Car telle est bien, malheureusement, la conséquence logique, lorsque l'on soutient qu'il est préférable de désobéir sous prétexte de conserver sa foi intacte, de travailler à sa façon à la préservation de l'Eglise catholique, alors qu'on lui refuse en même temps une obéissance effective. Et on le dit ouvertement ! On ose affirmer que le concile vatican II n’est pas obligatoire, que la foi serait également en danger à cause des réformes et des orientations post conciliaires, que l'on a le devoir de désobéir pour conserver certaines traditions. Quelles traditions ? C'est à ce groupe, et non au pape, et non au collège épiscopal, et non au concile oecuménique qu'il appartiendrait de définir, parmi les innombrables traditions, celles qui doivent être considérées comme normes de foi ! Comme vous le voyez, Vénérables frères, une telle attitude s'érige en juge de cette volonté divine qui a placé Pierre - et ses successeurs légitimes – à la tête de l'Eglise pour confirmer ses frères dans la foi et paître le troupeau universel, et qui l'a établi garant et gardien du dépôt de la foi … L'adoption du nouvel ordo missae n'est pas du tout laissée au libre arbitre des prêtres ou des fidèles. L'instruction du 14 juin 1971 a prévu la célébration de la messe selon l'ancien rite, avec l'autorisation de l'Ordinaire, uniquement pour des prêtres âgés ou malades, qui offrent le sacrifice divin sine populo [en absence de gens]. Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l'ancien, après une mûre réflexion, et à la suite des instances du Concile Vatican II. Ce n'est pas autrement que notre saint prédécesseur Pie V avait rendu obligatoire le missel réformé sous son autorité, à la suite du Concile de Trente…. Nous avons appelé l’attention de Mgr Lefebvre sur la gravité de ses attitudes, l’inconsistance et souvent la fausseté des positions doctrinales sur lesquelles il fonde ces attitudes et ces initiatives, et le dommage qui en résulte pour l’Église entière.

Versions latine :
http://www.vatican.va/holy_father/paul_ ... ro_it.html
et italienne :
https://w2.vatican.va/content/paul-vi/l ... storo.html n° II, 2, a.


A quoi il conviendrait d’ajouter ces questions à ce même M. John Salza :

Tient-il, avec la FSSPX, ce ‘N.O.M.’ pour dangereux et nuisible pour la Foi, ou pas ?

Si oui, tient-il aussi avec eux (et avec les Jansénistes condamnés notamment en ce point) qu’un Pontife Romain puisse promulguer pour toute l’Eglise une liturgie, qui plus est, celle de la Sainte Messe, qui soit telle ?
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Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

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Merci pour ce début de réponse M. l'abbé. Cependant, l'essentiel de mes doutes portait sur les réformes de Pie XII et ce qu'il en est dit plus haut
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Abbé Zins
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Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

Message par Abbé Zins »

chartreux a écrit :J'ai été assez perturbé par l'article de John Salza sur les réformes liturgiques de Pie XII, dont je livre ci-dessous une traduction condensée. La présentation de ces réformes n'est-elle pas tendancieuse voire mensongère ?
Une réponse étayée et assez étendue avait été publiée en la Tribune Mi ca El avant sa disparition, en réponse à une demande semblable sur ce même sujet, ce me semble en la session sur les Controverses historiques sur certains papes. La recherche, jusqu'ici en vain, de son éventuelle sauvegarde en mes multiples dossiers, m'a fait tomber sur cette autre réponse plus brève qui y renvoyait :
Abbé Zins a écrit :
Votre Missel de 1953, avec prières tutoyant Dieu, a eu vraisemblablement l'imprimatur de l'Evêque du lieu, mais évidemment pas du Pape. Par ailleurs, tombez-vous à ce point des nues pour imaginer que la 5e colonne moderniste n'était pas déjà alors à l'oeuvre en son travail de sape ? Que faites-vous des pathétiques mises en garde de Saint Pie X à ce sujet, parlant d'une infection montant de façon hypocrite et larvée jusqu'aux veines de l'Eglise ?

L'exemple de votre Missel de 1953 ne fait que confirmer l'efficacité de la préparation cachée des esprits par cette 5e colonne. Faut-il s'étonner que vous ne trouviez rien à redire aux prières habituellement tutoyées, si vous en lisez de telles depuis 50 ans en votre missel !? De même, un de mes Bréviaires, datant de 1932, comporte comme image de garde un dessin censé représenter des Premiers Chrétiens communiant sous les deux espèces et dans la main !! Là aussi, on perçoit le ver habilement et discrètement infiltré dans le fruit !

Le Pape Pie XII a été la dernière grande digue retenant les impétueux flots dévastateurs modernistes qui ont déferlé ensuite lors de la révolution de V 2. Il a résisté aux pressions sournoises et répétées, organisées notamment par “le Centre de Pastoral liturgique”, multipliant les faux rapports et suscitant des demandes d’Evêques pour des réformes, des réformes, et encore des réformes. Ce serait là un vaste sujet à aborder en amont, que la dernière session sur la révolution liturgique de V 2 a quelque peu traité en aval.

Ceci dit, certaines concessions ont été lâchées malgré tout, comme cela avait été le cas avant la révolution protestante. Laquelle, en démontrant la gravité à plus long terme, a fait fortement revenir dessus, entre autres par l’immense force d’âme de Saint Pie V. De même qu’il a fallu la force d’âme d’un Saint Pie X pour oser s’attaquer à faire couvrir de feuilles de vignes les géantes statues du Bernin à Rome, ou de badigeon le plafond de la Chapelle Sixtine du Vatican, que Wojtyla s’est empressé de faire réapparaître en tout son charnel éclat.

Certaines concessions, dont l’autorisation de la nouvelle traduction latine des Psaumes qui a été demandée, sollicitée avec insistance par un certain Cardinal Béa..., le même qui a oeuvré à la “déclaration sur la liberté religieuse” de V 2 ! Hasard ? Croyez-vous ?

Veuillez donc lire ou relire à ce sujet ce qui suit :

Quant aux permissions et concessions dérogeant à la règle, accordées par des Papes parfois par des indults même généralisés en bonne et due forme, voici ce qu'en dit le restaurateur de l'ordre bénédictin en France
http://www.phpbbserver.com/micael/viewt ... cael#21175

« Si aujourd'hui nous nous permettons de juger aussi sévèrement une oeuvre qui appartient à plusieurs Pontifes Romains.... qui plus tard, par l'acte souverain et formel d'un des plus grands et des plus Saints Papes des derniers temps, fut solennellement improuvée et abolie sans retour...» (Dom Guéranger, Institutions Liturgiques I, 362s)
http://www.phpbbserver.com/micael/viewt ... cael#20690

[cf. Grand Catalogue des variations, n° 598cs ; 562cs.]
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Abenader
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Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

Message par Abenader »

Voici une très bonne étude, d'un prêtre conciliaire, Don Stefano Carusi.

On la trouve sous ce lien, en trois parties: http://disputationes.over-blog.com/arti ... 64895.html

Je mets l'introduction, en vous priant de bien vouloir être attentifs au passage en gras, et particulièrement aux noms qui y sont cités:
La réforme de la Semaine Sainte dans les années 1951-1956 (I)

Entre liturgie et théologie, à travers les déclarations de quelques-uns de ses principaux rédacteurs (Annibale Bugnini, Carlo Braga, Ferdinando Antonelli)

par Don Stefano Carusi

- Première partie -




INTRODUCTION

Au cours des dernières années, la publication de nombreuses études relatives à l’histoire du débat théologico-liturgique des années cinquante a jeté une lumière nouvelle sur la formation et sur les intentions – pas toujours ouvertement déclarées à l’époque – de ceux qui furent les rédacteurs matériels de certains textes majeurs de la réforme liturgique.

En ce qui concerne l’œuvre de réforme de la Semaine Sainte de 1955-56, nous voudrions ici nous arrêter sur les déclarations, enfin publiées aujourd’hui, du célèbre lazariste Annibale Bugnini, de son étroit collaborateur et secrétaire au "Consilium ad reformandam liturgiam", le P. Carlo Braga, et du futur cardinal Ferdinando Antonelli, afin d’établir d’une part si leur œuvre de réforme liturgique répondait ou non à un plus vaste dessein théologique, et pour analyser d’autre part la validité ou non des critères utilisés à cette époque et repris ensuite dans les réformes successives. Nous prendrons aussi en considération les annotations et les comptes-rendus des discussions de la commission préparatoire, conservés principalement dans les archives de la Congrégation des rites, mais qui, récemment publiés dans les travaux monumentaux de recherche en histoire de la liturgie de Mons. Nicola Giampietro, témoignent enfin de la teneur des débats.

En octobre 1949, auprès de la Congrégation des rites, fut formée une commission liturgique qui aurait dû s’occuper du rite romain en étudiant d’éventuelles réformes à envisager, et à appliquer si nécessaire. Malheureusement, le calme nécessaire à un tel travail ne fut jamais rendu possible, à cause des sollicitations continuelles des épiscopats français et allemands qui réclamaient, dans la plus grande précipitation, des changements immédiats. La Congrégation des Rites et la Commission s’étaient vues obligées de régler le problème des horaires de la Semaine Sainte, afin de bloquer les fantaisies de certaines "célébrations autonomes", en particulier dans le cas de la Vigile Pascale. Dans ce contexte, fut approuvé ad experimentum un document qui permettait de célébrer dans la soirée le rite du Samedi Saint : Ordo Sabbati Sancti, du 9 février 1951[2].

Dans les années 1948-49, cette Commission liturgique avait été érigée sous la présidence du Cardinal-Préfet Clemente Micara, remplacé en 1953 par le card. Gaetano Cicognani, et composée de Mons. Alfonso Carinci, des PP. Giuseppe Löw, Alfonso Albareda, Agostino Bea et Annibale Bugnini, auxquels fut adjoint en 1951 Mons. Enrico Dante, et en 1960 Mons. Pietro Frutaz, Don Luigi Rovigatti, Mons. Cesario d’Amato et enfin le P. Carlo Braga[3]. Ce dernier, en tant que proche collaborateur d’Annibale Bugnini, participa aux travaux des années 1955-56, bien que n’étant pas encore membre de la Commission[4], et fut en outre le co-auteur, avec Bugnini, des textes historico-critiques et pastoraux portant sur la Semaine Sainte[5], qui devaient se révéler par la suite être une sorte de sauf-conduit scientifique pour les modifications apportées. La Commission travaillait en secret et agissait sous la pression des épiscopats centre-européens[6] –dont on ne sait pas très bien s’ils se chargeaient de la seconder ou au contraire d’entraver ses travaux ; le secret fut d’ailleurs si bien conservé que la publication improvisée et inattendue de l’Ordo Sabbati Sancti instaurati, au début de mars 1951, « prit par surprise les membres de la Congrégation des rites eux-mêmes », comme en témoigne l’un des membres de la Commission, Annibale Bugnini[7]. C’est le même qui nous renseigne aussi sur la façon singulière selon laquelle les résultats des travaux étaient transmis au pape Pie XII : il était « tenu au courant par Mons. Montini, mais plus encore, chaque semaine, par le P. Bea, son confesseur » et il ajoute : « Grâce à cet intermédiaire, on put atteindre des résultats notables, même pendant les périodes où la maladie du Pape empêchait quiconque de s’en approcher »[8]. Une grave maladie de l’estomac obligeait en effet le Pape à une longue convalescence, et ce fut ainsi Montini et le futur card. Bea – qui eurent tant d’importance dans les réformes postérieures – qui assumèrent les rapports avec Pie XII, et non le cardinal-Préfet de la Congrégation des Rites, responsable de la Commission.

Les travaux de la Commission se prolongèrent jusqu’en 1955, au moment de la publication, le 16 novembre, du décret « Maxima Redemptionis nostrae Mysteria », qui devait entrer en vigueur pour Pâques de l’année suivante. L’épiscopat accueillit le décret de manières assez diverses, et, au-delà du triomphalisme de façade, nombreuses furent les plaintes contre les nouveautés introduites, au point que les demande pour pouvoir conserver le rite traditionnel se multiplièrent[9]. Mais désormais, la machine de la réforme liturgique avait été mise en marche, et en arrêter le progrès se révèlera impossible, et surtout inavouable, comme l’histoire le démontrera.

Malgré qu’on ait voulu que le chœur des liturgistes chantât à l’unisson, afin de faire montre d’une certaine unité d’intentions, quelques voix discordantes se levèrent parmi les spécialistes les plus autorisés, promptement réduites au silence malgré leur compétence. Ce fut non seulement le cas de certains épiscopats, mais aussi de certains liturgistes comme Léon Gromier, lequel – connu aussi pour son célèbre commentaire sur le Caerimoniale Episcoporum[10] – était consulteur auprès de la Congrégation des Rites et membre de l’Académie Pontificale de Liturgie. En juillet 1960, à Paris, il exprima dans son style corrosif mais avec une solide argumentation toutes les ambiguïtés et les contradictions de la réforme de la Semaine Sainte[11]. Le pape Jean XXIII lui-même, lorsqu’il célébra en 1959 le Vendredi Saint à Sainte-Croix de Jérusalem, suivit les usages traditionnels[12], prouvant ainsi qu’il ne partageait pas les innovations introduites depuis peu, et prenant acte de la valeur expérimentale de ces changements : certaines réformes introduites expérimentalement en 1955-56 se révélèrent d’ailleurs si incongrues dans le tissu rituel qu’elles durent être corrigées à nouveau par la réforme liturgique de 1969 – mais cela mériterait une étude à part.

Pour mettre en évidence l’importance de cette réforme de la Semaine Sainte, tant au niveau liturgique qu’au niveau historique, il faut mentionner ici une réflexion de deux des plus grands protagonistes de cet évènement, afin de mieux cerner les intentions de ceux qui y travaillèrent avec le plus de vigueur : le P. Carlo Braga, bras droit de Bugnini et directeur durant des années de la célèbre revue liturgique Ephemerides Liturgicae, décrit avec audace la réforme du Samedi Saint comme « un bélier qui a pénétré dans la forteresse de notre liturgie jusqu’ici bien trop statique »[13] ; le futur card. Ferdinando Antonelli, lui, la qualifie en 1956 comme étant « l’acte le plus important dans l’histoire de la liturgie depuis saint Pie V »[14].


[1] Cf. S. Congregatio Rituum, Decr. Dominicae Resurrectionis, 9 février 1951, AAS 43 (1951), pp. 128 sv. ; Decr. Maxima redemptionis nostrae mysteria, 16 novembre 1955, AAS 47 (1955), pp. 838 sv.
[2] N. Giampietro, « A cinquant’anni della riforma liturgica della Settimana Santa », Ephemerides liturgicae, 120 (2006), n. 3, p. 295.
[3] A. Bugnini, La riforma liturgica (1948-1975), Rome, 1983, pp. 17 sv.
[4] C. Braga, « “Maxima Redemptionis Nostrae Mysteria” 50 anni dopo (1955-2005) », Ecclesia Orans, 23 (2006), p. 11.
[5] A. Bugnini, C. Braga, Ordo Hebdomadae Sanctae instauratus, « Bibliotheca Ephemerides Liturgicae – sectio historica », 25 , Rome, 1956. Sur la question des commentaires historico-critiques, voir aussi S. Congregatio Rituum, De instauratione liturgica maioris hebdomadae. Positio, Typis Polyg. Vaticanis, (sectio historica 90), 1955. Pour les publications de Bugnini visant à préparer la réforme, voir A. Bugnini, « De solemni Vigilia Paschali instauranda. Commentarium ad decretum 9 febr. 1951 », Ephemerides Liturgicae, 65 (1951), suppl. ad fasc. I (publié aussi dans la collection « Bibliotheca Ephemerides Liturgicae – sectio historica », 24) ; Id., « Il primo esperimento della Veglia Pasquale restaurata », Ephemerides Liturgicae, 66 (1952).
[6] N. Giampietro, op. cit., p. 300.
[7] A. Bugnini, La riforma liturgica, op. cit., p. 19.
[8] Ibidem.
[9] N. Giampietro, op. cit., p. 320-327. La célébration de la semaine sainte selon le rite traditionnel resta cependant possible en Terres Sainte jusqu’en l’an 2000.
[10] L. Gromier, Commentaire du Caerimoniale Episcoporum, Paris, 1959.
[11] L. Gromier, « La Semaine Sainte restaurée », Opus Dei, 2 (1962), pp. 76-90.
[12] Cf. la documentation photographique ainsi que la confirmation donnée par Mons. Bartolucci, maître de chœur, qui avait reçu l’ordre de Mons. Dante, cérémoniaire du Pape, de suivre les rites d’avant 1955 (cf. P. Cipriani, S. Carusi, « Interview de Mons. Domenico Bartolucci », Disputationes Theologicae, 2009).
[13] C. Braga, op. cit., p. 33.
[14] F. Antonelli, “La riforma liturgica della Settimana Santa: importanza, attualità, prospettive”, in La restaurazione liturgica nell’opera di Pio XII. Atti del primo Congresso Internazionale di Liturgia Pastorale, Assisi-Roma, 12-22 settembre 1956, Gênes, 1957, pp. 179-197 (cité in C. Braga, op. cit., p. 34).
On retrouve donc les Bugnini, Montini, Bea et consorts déjà à la manœuvre, avec leurs méthodes de modernistes hypocrites: le secret, le court-circuitage par leur commission de la Sacrée Congrégation des rites, la façon dont on tenait Pie XII au courant, avec des méthodes détournées des circuits classiques... Qui sait à quel point Bea a pu mentir à Pie XII ? Selon certaines personnes, la fameuse maladie de l'estomac de Papa Pacelli était tout sauf naturelle, et lesdites personnes subodorent un empoisonnement, dans le but justement de faire passer en force la réforme.

Cher M. l'Abbé, vos commentaires sont plus que vivement souhaités !!!
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gabrielle
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Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

Message par gabrielle »

Ma question peut sembler stupide, mais, je me demande si le Pape Pie XII a célébré la semaine Sainte avec ses réformes?
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Abenader
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Inscription : lun. 18 janv. 2016 14:39

Re: Les réformes liturgiques de Pie XII en 1955

Message par Abenader »

Au contraire, chère Gabrielle, c'est une question très pertinente ! Je vais essayer de faire quelques recherches de mon côté.
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