LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

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LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

LE MALHEUR DU MONDE,

par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux



A LA SAINTETÉ DE DIEU SEUL EN TROIS PERSONNES.


Grand Dieu des éternités , vous êtes infiniment saint , et votre divine parole nous apprend
que personne ne peut être saint comme vous. Père éternel, vous êtes saint, parce que vous
êtes tout-puissant; et ainsi vous ne pouvez pécher; car le péché n'est pas un effet de puissance,
mais le défaut d'une vraie impuissance. O Fils bien-aimé du Père éternel, vous
êtes saint, parce que vous êtes la sagesse même, et ainsi vous ne pouvez pécher, ce qui
est la plus grande des folies. O Saint-Esprit vous êtes saint, parce que vous êtes la bonté
infinie; et le péché, qui est un mal infini, ne peut être en vous. O mon Dieu, c'est cette
vérité que vous avez répétée tant de fois dans les divines Ecritures, dans lesquelles vous
vous appelez le Dieu saint.



Mais vous voulez bien que vos créatures participent à votre sainteté. C'est pourquoi vous
appelez votre peuple une nation sainte.
(I Petr. 11, 9.) C'est ce que vous demandez d'une
manière spéciale de tous les Chrétiens, les ayant choisis pour être des saints.
Ah ! ne dites-vous pas que vous voulez qu'ils soient des saints, parce que vous êtes saint ? Malheur au monde dans sa corruption , contre lequel, dit excellemment l'un de vos serviteurs : O Dieu
incarné, vous avez tant crié, vous avez tant de fois invectivé dans vos prédications, jusqu'à
le traiter en excommunié, à le charger de malédictions, jusqu'à dire que vous n'étiez
pas de ce monde, et que ceux qui sont à vous n'en étaient pas aussi ;
jusqu'à dire que le
diable en était le prince : aussi est-ce lui qui en fait les lois tout opposées aux vôtres,
qui en invente les modes bien éloignées de votre divin esprit, qui en établit les maximes
contraires à celles de votre saint Evangile.


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

O mon Dieu, jugez-moi, pour vous parler avec votre Psalmiste, et faites le discernement
de ma cause d'avec la nation qui n'est pas sainte. Délivrez-moi de l'homme du monde injuste
et trompeur, parce que c'est vous qui êtes ma force. Ne me rejetez pas: faites luire votre
lumière et votre vérité , qui me découvre toujours les illusions et le mensonge du monde.
Je renonce pour jamais en votre divine présence, à toutes ses lois, à toutes ses modes, à
son malheureux esprit qui n'est que vanité, que volupté, que richesses. Je publie hautement
devant les anges et les hommes , que je crois fermement , sans en avoir le moindre
doute,
que les riches sont malheureux, et ceux qui vivent dans les aises et les honneurs
du siècle.
Je m'attache, avec votre divin secours , inviolablement aux maximes de
votre Evangile; et je crois sincèrement que les pauvres sont bienheureux , ceux qui sont
humiliés et qui sont dans les souffrances. O Seigneur ! à qui nous en rapporterions-nous,
n'est-ce pas vous qui avez les paroles de la vie éternelle?
Eclairez les yeux des mondains
endormis dans la mort;
détruisez l'empire du prince du monde, qu'il ne puisse plus dire
qu'il a vaincu votre peuple.
Donnez votre bénédiction à ce petit ouvrage que votre divine
providence me fait donner au public , el qui crie avec vous: Malheur au monde. Faites-lui
entendre votre voix toute-puissante par la voix faible du plus indigne de vos serviteurs, et
du dernier des hommes, afin que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive; pour
lors mon coeur se réjouira de ce que vous aurez été notre Sauveur; je vous chanterai de
saints airs, à vous qui nous comblez de vos biens, et je louerai par mes cantiques votre
nom très-haut.
Ainsi soit-il.


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

A LA SAINTETÉ DE L'IMMACULÉE VIERGE MÈRE DE DIEU.


Admirable Mère de Dieu, toujours Vierge, et toute immaculée en votre sainte conception,
vous êtes choisie comme le soleil, parce que vous surpassez en sainteté tous les saints,
comme le soleil en lumière tout le reste des astres. Votre sainteté entre les plus pures créatures
est incomparable, parce que si les anges et les hommes sont saints par la participation
de la sainteté de Dieu, ensuite de l'union singulière qu'ils ont eue avec lui ; comme aucune
créature ne lui a été unie si intimement que vous, aussi aucune ne vous est semblable en
sainteté; car qui des anges et des hommes peut dire à un Dieu : Vous êtes mon Fils
(Psal. II, 7), comme vous le dites en vérité. Vous êtes la cité du saint, comme parle un Prophète,
où le Seigneur a désiré d'habiter, et d'y habiter éternellement. (Psal.c.xxxi,i3.) Vous êtes son
sanctuaire qu'il a bâti comme une haute forteresse sur la terre, comme parle le Psalmiste
(Psal. LX, 4), qu'il a fondée pour durer éternellement.
Vous êtes le ciel nouveau, et la terre
nouvelle de l'Ecriture (Isa. LXV, 17), dans lesquels la justice habitera, parce que le péché
en sera banni, et que toutes les vertus y demeureront. Ciel nouveau incomparablement
plus beau, plus lumineux, plus glorieux que les autres cieux, qui n'étant pas nets en la
présence de Dieu, comme nous le dit la divine parole, vous êtes toute belle à ses yeux, et
ii ne trouve aucune tache en vous. (Cant. IV, 7.) Ciel nouveau, plus élevé au-dessus des
saints que les cieux au-dessus de la terre, qui annonce la gloire de Dieu à tous les hommes,
et qui répand sa divine lumière et les flammes de son amour de toutes parts. Vous
êtes cette terre nouvelle, que le Seigneur a bénie, dans laquelle la miséricorde et la vérité
se sont rencontrées, et la justice et la paix. (Psal. LXXXIV, 11.)
De laquelle la vérité est née,
et le salut d'Israël est sorti, lorsque le Seigneur a fait cesser la captivité de son peuple; dans
laquelle la gloire habite, dans laquelle la plaie du péché originel n'a jamais approché, ni
le mal d'aucun péché actuel, parce que le Seigneur vous a environnée comme d'un bouclier,
qu'il vous a couverte de ses épaules : ainsi vous avez toujours été juste dans toutes
vos voies, et sainte dans toutes vos actions ; ce qui a mis Jacob dans la joie, et Israël dans
l'allégresse.


O sainte cité de Dieu ! que de choses glorieuses l'on dit de vous ! C'est pour cela que mon
coeur se réjouit, et que ma langue chante de joie, prenant plus de part à tout ce qui vous
regarde, ô ma très-débonnaire Dame ! qu'à tout ce qui me touche, à mes propres intérêts.
O Vierge singulière en sainteté entre les pures créatures, qui n'avez point éprouvé la
corruption, qui n'avez jamais eu de part au monde,
j'apporte à vos pieds sacrés ce petit ouvrage
qui en fait voir le malheur, aussi bien que tous les autres qu'il a plu à la divine
Providence nous faire donner au public, ne voulant rien avoir qui ne vous soit dédié, et
entièrement consacré en l'honneur de Dieu seul, qui a fait en vous des choses si grandes.
O ma très-douce, très-miséricordieuse et très-fidèle Mère, donnez-y, s'il vous plaît, votre
sainte bénédiction, afin que le monde aveuglé par ses infidélités ouvre les yeux et
connaisse son propre malheur, qu'il se convertisse, et marche dans la voie de la vérité.

Bénissez aussi votre pauvre et indigne serviteur, délivrez-le de la contagion du siècle.
Ah ! faites, et je vous le demande par le coeur de votre Fils bien-aimé, et par votre charitable
coeur, que je ne sois point de ce monde, que je ne sois plus à moi-même, que je sois
uniquement a Dieu seul, que Jésus soit toutes choses en tout ce que je suis, pour la gloire
de la suradorable Trinité.
Ainsi soit-il.

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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

LE MALHEUR DU MONDE.


CHAPITRE PREMIER. - Ce que l'on entend par le monde.


Le monde, dont parlent les divines
Ecritures avec horreur,
n'est pas l'univers,
les éléments, la terre, ni une société civile de
personnes dans les différents
états et conditions qui s'y rencontrent.
Ce n'est pas de ce ce monde dont le Fils de Dieu assure qu'il
n'est point, ni ses disciples;
mais c'est le
monde qui vit selon la sensualité, l'orgueil
et la curiosité; c'est de ce monde dont le
Saint-Esprit nous déclare,
en la 1er Epître de
saint Jean
(c. i, v. 16 et seq.), que tout ce qui
s'y trouve est, ou concupiscence de la chair,
ou concupiscence des yeux, ou orgueil de
la vie; ce qui ne vient point du Père, dit le
saint évangéliste , car les inclinations corrompues
du corps et de l'âme qui nous portent
à user des choses avec dérèglement, ne
viennent pas de Dieu; c'est le péché qui en
est la cause.


Par ces trois concupiscences, le bien-aimé
disciple entend les trois sources de tous les
péchés, lesquels, selon la doctrine des saints,
sont
les voluptés des sens, le désir des honneurs
et la curiosité de savoir;
c'est de ce
monde dont il crie, que si quelqu'un l'aime,
la charité du Père n'est pas en lui, car son
amour et celui de Dieu ne peuvent pas compatir
ensemble.
Il ne faut pas penser à les
accorder l'un avec l'autre , ce qui fait dire à
l'apôtre (I Joan. II, 15) : N'aimez pas le
monde, ni ce qui est dans le monde;
et le
grand et puissant motif qu'il en suggère, est
que le monde passe et sa concupiscence aussi ;
qu'il périt avec ses plaisirs, que nous touchons
déjà à sa fin.
C'est un motif dont le
Saint-Esprit se sert en plusieurs lieux de
l'Ecriture pour nous déprendre de son malheureux
attachement.
Et saint Paul, animé
de cet esprit divin, a jugé qu'il était si fort
et si efficace qu'il le propose pour être
dans le monde comme si on n'y était point,

ce qui lui fait dire aux Corinthiens : Je vous
déclare, mes frères, que le temps est court, et
qu'il faut désormais que ceux qui sont mariés
vivent comme ne l'étant point ; ceux qui pleurent,
comme ne pleurant point ; ceux qui se
réjouissent, comme ne se réjouissant point;
ceux qui achètent, comme ne possédant point;
ceux qui usent de ce monde, comme n'en usant
point, parce que la figure du monde passe.

(I Cor. vii, 30 et seq )


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Ici je me sens pressé de crier avec le Prophète-
Roi : Hommes sans jugement , revenez
à vous.
Insensés, devenez enfin sages avec le
Saint-Esprit. Souvenez-vous que la mort ne
tardera guère à venir. En ce jour-là que deviendront
vos pensées, vos inclinations, vos
attaches pour le siècle? Est-ce la peine de
s'embarrasser, de s'inquiéter, de s'arrêter à
ce qui passe si vite pour ne revenir jamais?

Eh! que vous restera-t-il de ces faux
biens de la terre, de ces honneurs trompeurs,
de ces malheureux plaisirs?
Nous
mourons tous les jours, nous approchons de
notre dernière heure, et l'enchantement où
le péché nous met et dont le diable se sert
est si étrange,
que nous vivons comme si
nous ne devions jamais mourir.
Le conçoive
qui pourra; car c'est ce qui paraît inconcevable,
quand nous devrions éternellement
demeurer en la terre, on ne pourrait pas s'y
attacher davantage, et quand on ne ferait
que passer en l'autre vie pour quelques
heures, on ne pourrait pas s'en mettre moins
en peine.

Cependant répétons-le avec l'homme apostolique :
Le temps est court, la figure de ce
monde passe
(1 Cor. vii, 31); mais l'expérience
nous laisse-t-elle le lieu d'en douter?
Que reste-t-ii donc désormais, sinon que
ceux qui usent de ce monde y soient comme
n'en usant point? J'ai connu une jeune demoiselle,
riche, fille unique et de qualité,
qui étant pressée par sa mère de se marier,
qui était demeurée veuve fort jeune, peut-être
dans la pensée de faire trouver à sa fille
un parti plus avantageux , elle lui demanda
pour combien de temps elle pourrait espérer
de demeurer dans le mariage. Sa mère lui
ayant répondu que dans l'âge où elle était elle
pouvait bien demeurer dans cette condition
quarante ou cinquante ans : Ah ! ma mère,
répliqua-t-elle,
ce n'est pas la peine de se marier ;
et elle ne s'est point mariée, et ces années
sont présentement passées. Au contraire,
j'ai connu un ecclésiastique qui avait bien de
l'esprit humain, qui était d'une condition à
entrer dans les premières dignités de l'Eglise,
et qui, ayant été touché particulièrement
de Dieu, vivait d'une manière édifiante ;
mais comme la mortification du corps
et de l'esprit, qui est inséparable du véritable
Chrétien, lui était dure, le démon s'en
servit, dans la pensée qu'il lui donna qu'étant
encore jeune il aurait longtemps à souffrir.
Il adhéra aux illusions du malin esprit,
et il se relâcha beaucoup de sa manière de
vie. Il me disait qu'il avait considéré que la
vie était longue, et qu'il lui faudrait souffrir
longtemps. J'appris peu de temps après sa
mort, qui fut terrible. Le monde passe, et sa
concupiscence aussi ;
mais celui qui fait la
volonté de Dieu demeure éternellement,
parce qu'il s'attache à celui qui est éternel.


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"Ah ! ma mère, répliqua-t-elle, ce n'est pas la peine de se marier ; (...) Le monde passe, et sa
concupiscence aussi ;
mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement, parce qu'il s'attache à celui qui est éternel."
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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

C'est de ce monde et de sa concupiscence
que nous parlons dans ce petit traité, nous
laissant à l'esprit de notre bon Sauveur Jésus-
Christ, sous la protection de son immaculée
Mère Vierge, qui nous sert, par une miséricorde
inénarrable, de protectrice et de
mère continuellement en toutes choses, des
bons anges et des saints , pour en découvrir
dans sa divine lumière les malheurs.


Cependant il nous faut remarquer qu'il y
a des personnes dans le siècle qui ne sont
point de ce monde, et qu'il y en a qui en ont
tout l'esprit, et qui en sont véritablement,
quoiqu'elles en soient séparées par le cloître,
comme les personnes religieuses, ou
par la sainteté de leur état, comme les ecclésiastiques.
Combien y a-t-il eu de personnes
qui, au milieu des embarras du siècle,
ont usé du monde comme n'en usant point !

Que l'iniquité se ferme la bouche; que le
pécheur ne s'égare point en cherchant des
excuses dans ses péchés.
Les rois et les princes
sont ceux sans doute qui sont plus dans
le monde; et il y en a eu plusieurs qui y
ont été comme n'y étant point. Saint Louis
roi de France, saint Edouard roi d'Angleterre,
saint Etienne roi de Hongrie, et un
grand nombre d'autres rois, de princes et de
princesses
y ont paru comme des morts par
leur dégagement parfait, et un entier renoncement
à eux-mêmes.
On a vu un saint
Henri, empereur, grand dans le siècle par
ses victoires, par ses conquêtes, par des actions
dignes d'une éternelle mémoire, se
prosterner aux pieds d'un saint abbé, en plein
chapitre, en la présence de tous ses religieux,
lui demandant avec une humilité presque
sans exemple l'habit de la religion, étant
dans le dessein de quitter l'empire, si on lui
eût permis, pour se soumettre à un simple
moine; et cet incomparable empereur passait
les nuits en oraison, souffrait les injures
avec une patience angélique, et est demeuré
vierge avec sainte Cunégonde son
épouse, soutenu par la vertu de Nôtre-Seigneur
Jésus-Christ, et le secours de la Reine
des vierges, la très-digne Mère de Dieu, à
qui il avait une dévotion toute singulière.

Que les justes en voyant ces choses se réjouissent;
que la confusion couvre le pécheur;
que l'homme sage les observe, et
que tous ensemble nous chantions les miséricordes
du Seigneur.


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Mais d'autre part il y a des personnes séparées
du monde par leur état et par leur
profession, qui y sont bien plongées en esprit
et par leurs attachements. Un religieux
est un mauvais riche devant Dieu, qui, après
avoir fait voeu de pauvreté, a encore l'esprit
de propriété, soit en se réservant des choses
particulières; car, parmi les personnes religieuses,
tout, à l'imitation des premiers
Chrétiens, doit être mis en commun, et on
doit distribuer à chacun ce qui est nécessaire
selon son besoin. L'usage des pensions que
l'on a introduit, et qui n'entre pas entièrement
daus le commun, a reproduit un grand
relâchement dans les communautés régulières,
d'autre part fort réglées, lorsqu'on en
laisse la disposition aux particuliers. Si l'on
considère l'esprit et la vie de tous les saints
fondateurs de chaque ordre, et de tous leurs
premiers religieux, on verra quelle horreur
ils auraient eue de ce dérèglement. Certainement
saint François de Sales, dans ces
derniers temps où la concupiscence du monde
règne, quoiqu'il ait donné à ses religieuses
des constitutions d'une douceur admirable,
comme les appelle l'Eglise, a bien pensé à
remédier à ce désordre, lorsqu'il veut même
que l'on change aux religieuses leurs chapelets
de temps en temps, de peur que la propriété
ne s'y glisse. S'il ne veut pas qu'une
religieuse garde un chapelet, ce qui est d'un
prix si modique, comment aurait-il permis
de disposer d'une pension que les gens du
siècle disent être accordée pour les menus
plaisirs à des personnes qu'il a voulu porter
toutes extérieurement à une croix, pour les
faire souvenir que leur vie doit être crucifiée.

Les ecclésiastiques qui sont séparés du
monde par la sainteté de leur salut, à même
temps qu'ils reçoivent en prenant la tonsure
le saint habit de la religion du clergé, car c'est
ainsi que l'Eglise l'appelle, en conservent l'esprit,
lorsque s'étant dépouillés de l'ignominie
de l'habit séculier, c'est encore comme
l'Eglise parle, ils le portent de telle manière
qu'à peine le peut-on distinguer d'avec les
personnes séculières? Comment pourrait-on
même penser que les ecclésiastiques ne sont
pas du monde qui sont tout pleins des désirs
de ses biens temporels, de ses honneurs
et de ses faux plaisirs, après cependant
qu'ils ont déclaré au pied des autels, devant
l'évêque, et à la face de l'Eglise, qu'ils ont
pris le Seigneur pour leur portion et héritage?
Oh ! combien il y a de personnes qui,
étant séparées du monde par leur état et
profession, y demeurent d'esprit et de coeur,
y vivent et y meurent!

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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

CHAPITRE II. - Le malheur du monde dans sa malice.


On crierait peut-être à l'emportement, si
un autre que Dieu nous avait assuré que
tout le monde consiste en malice. C'est ce
que le Saint-Esprit fait dans le chapitre V de
la 1re Epître de saint Jean, Mais le même
Esprit déclare hautement par le prophète
Jérémie ( v, 1 et seq. ), que le Seigneur
cherche dans Jérusalem un homme juste
sans en pouvoir trouver. Cherchez , dit
Dieu, dans Jérusalem; allez par ses rues, regardez
et considérez dans ses places, si vous
y trouvez un homme qui fasse la justice,
c'est-à-
dire, comme l'expliquent les interprètes,
un homme dont les oeuvres soient bonnes,
qui juge sainement des choses, qui rende a
Dieu ce qui lui appartient : un homme qui
cherche la foi ou la vérité,
c'est-à-dire qui
soit vraiment fidèle, qui regarde les choses
et les pratique selon les règles de la vérité.
Mais le prophète, ne trouvant que des coeurs
endurcis, dit que c'est peut-être qu'il cherche
cet homme juste parmi le simple peuple,
qui est dans i'ignorance et sans jugement,
ce qui lui fait prendre résolution
d'aller parmi les premiers de la ville, qui
sont personnes qui ne manquent pas de lumière,
et qui savent ce qu'il faut rendre à
Dieu; et il y trouve encore plus d'iniquité.
Car il est vrai que la suffisance d'esprit et
la superbe qui règne souvent dans ces sortes
de personnes, les éloigne encore davantage
de Dieu. C'est pourquoi nous lisons dans le
chap. VII de l'Evangile de saint Jean, que les
chefs des prêtres et les pharisiens disaient
qu'il n'y avait aucun des magistrats ou des
pharisiens qui eussent cru en Notre-Seigneur,
mais seulement la populace.

Cependant c'est dans Jérusalem que le
Seigneur cherche un homme de bien ; ce
n'est pas dans un pays infidèle, c'est dans
une ville à qui il envoyait sa parole, à qui il
annonçait les règles de la justice, à un peupie
qui connaissait ses jugements, dans lequel
son nom était grand, qu'il traitait tout
d'une autre sorte que toutes les autres nations
; et néanmoins c'est ce peuple qui s'est
égaré, qui est devenu inutile, où il n'y a
personne qui fasse le bien. Cet ancien philosophe
savait quelque chose de cette vérité,
qui allait en plein midi cherchant, à
ce qu'il disait, un homme avec un flambeau
allumé, comme si le soleil avec toutes ses
brillantes clartés n'eût pas eu assez de lumières
pour lui en faire trouver un seul,
un homme vraiment raisonnable dans sa
conduite ; et de vrai, si tout l'homme consiste
à craindre Dieu et à garder ses commandements,
puisque c'est ce que la raison demande,
on en
trouvera peu qui les observent dans une exacte fidélité.


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Le monde est dans la corruption des trois
concupiscences,
de la sensualité, de l'orgueil
et de la curiosité. C'est pourquoi Babylone,
dans l'Ecriture, en est la figure.
Babylone, que le Saint-Esprit appelle dans
Isaïe ( xiii , 21 ) , dans Jérémie ( x , 22 )
la retraite des dragons ; dans l'Apocalypse
(xvii, xviii), la demeure des démons : Babylone,
dont le Saint-Esprit en lsaïe assure
que les bêtes sauvages s'y retireront, figure,
comme l'explique saint Jérôme,
des démons
qui habitent dans les âmes des mondains:
que ses maisons seront remplies de dragons,
d'autruches et de hiboux, ce qui marque
les vices et les démons différents dont
elles seront possédées; que les satyres y
feront leurs danses, et les cruelles syrènes
habiteront dans ses palais de délices ;
pour
apprendre que la vie du monde,
qui est une
vie de jeux, de divertissements et de tous
les plaisirs que l'amour du siècle invente
avec tant de soin,
est un effet de l'empire
que le démon s'acquiert sur les âmes.
Et le
Saint-Esprit prédit toutes ces choses par le
prophète de Babylone, qu'après l'avoir qualifiée
auparavant de la grande Babylone, de
la reine entre les royaumes du monde, comme
choses qui sont réservées à l'éclat du faux
honneur, des vains plaisirs, du siècle corrompu.


Les véritables disciples de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, qui mènent une vie crucifiée
avec lui, et qui ne sont point du monde,
comme il nous l'enseigne, sont citoyens avec
les saints et domestiques de Dieu; citoyens
de la même ville, de la Jérusalem céleste,
que les saints.
Mais les mondains sont citoyens
de Babylone, dans laquelle les sens
y exercent leur empire. Ils sont citoyens
du siècle, de qui l'Esprit de Dieu dit dans
Isaïe ( iii, 16 et seq. ), que les filles se
sont élevées, qu'elles ont marché la tête
haute, en faisant des signes des yeux et des
gestes des mains; qu'elles ont mesuré tous
leurs pas et étudié toutes leurs démarches,
dont le Seigneur rendra chauve leur tête,
et dont il arrachera tous leurs cheveux,
dont il leur ôtera leur chaussure magnifique,
leurs croissants d'or, leurs colliers,
leurs filets de perles, leurs brasselets, leurs
coiffes, leurs rubans de cheveux, leurs jarretières,
leurs chaînes d'or, leurs boites de
parfum, leurs pendants d'oreilles, leurs
bagues, les pierreries qui leur pendent sur
le front , leurs robes magnifiques , leurs
écharpes, leurs beaux linges, leurs poinçons
de diamants, leurs miroirs, leurs chemises de
grand prix, leurs bandeaux et leurs habillements
légers contre le chaud de l'été;
dont
l'Esprit de Dieu dit que le parfum sera
changé en puanteur, leur ceinture d'or en
une corde, leurs cheveux frisés en une tête
nue et sans cheveux, et leurs riches corps
de jupe en un cilice.


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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

C'est donc Dieu qui déclare par lui-même
le jugement qu'il fait de tous ces ornements
de la vanité du siècle, et la condamnation
qu'il en fait marque assez l'horreur qu'il en
a :
cependant c'est un mal que le monde ne
connaît point, et qui le regarde même comme
un bien ; et au lieu de le plaindre, on y
applaudit, on en a de l'estime, on le recherche,
on se le procure.



Nous l'avons dit , tout le monde est dans
la corruption des trois concupiscences, de
la sensualité, de l'orgueil et de la curiosité.
(1 Joan, ii, 16.) Nous avons expliqué ce que
l'on doit entendre par ce monde;
c'est de
l'amour de ce monde que le Saint-Esprit
déclare
dans l'Epître de saint Jacques (iv ,
4),
qu'il est une inimitié contre Dieu, et
que quiconque veut l'aimer, il se rend ennemi
de Dieu.
C'est à ce monde que le
Seigneur dit dans Isaïe ( i, 4) , Malheur
à la nation pécheresse, au peuple chargé
d'iniquité, à la race corrompue , aux enfants
méchants.
Et comme parmi les hommes la
plupart sont du monde corrompu qui ne
verra jamais Dieu,
c'est pourquoi le Fils de
Dieu nous assure qu'il y en aura peu de
sauvés.
Que les partisans du monde ne se
récrient pas ici , comme si cette vérité était
prononcée par quelque docteur, ou quelque
saint, dans un zèle emporté.
C'est Dieu lui-même
qui nous l'assure.
Que les libertins
ne disent pas: Qui est revenu de l'autre
monde, pour nous en dire des nouvelles,
et nous apprendre s'il y en a peu de sauvés ?
(Sap. ii, 5.) Voici le Fils de Dieu qui en est
venu, qui juge toutes les âmes, qui sait sans
pouvoir se tromper ce qui leur arrive. C'est
lui qui est la vérité même qui nous révèle
qu'il y a peu d'élus.
Il ne faut point se
tromper, le monde corrompu sera privé de
Dieu pour jamais.



O mal, dont l'on peut dire qu'il est l'unique
mal ! ô malheur des malheurs, et le plus
grand de tous les malheurs ! ô malheur qui
ne finira jamais ! ô malheur infini ! ô malheur
qui ne se peut comprendre ! abîme dans
lequel il faut que tout esprit se perde ! et
cependant malheur dont le monde corrompu
aura une funeste expérience pour jamais.
Oh ! quel malheur du monde en sa
malice !



A SUIVRE...
Image

"Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé
d'iniquité, à la race corrompue , aux enfants
méchants.
Et comme parmi les hommes la
plupart sont du monde corrompu qui ne
verra jamais Dieu,
c'est pourquoi le Fils de
Dieu nous assure qu'il y en aura peu de
sauvés.
Que les partisans du monde ne se
récrient pas ici , comme si cette vérité était
prononcée par quelque docteur, ou quelque
saint, dans un zèle emporté.
C'est Dieu lui-même
qui nous l'assure".
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