Deuxième Apparition : le Dimanche 14 février 1858.
C'était le dimanche de la Quinquagésime et des Quarante-Heures. Voici Bernadette qui, après la grand-messe, descend avec onze ou douze jeunes filles à la Grotte, emportant une bouteille d'eau bénite au cas où l'apparition serait celle d'un mauvais esprit. Elles s'agenouillent et récitent le chapelet. Bientôt la voyante s'écrie avec émotion :
"Qué yéil, qué yéil" (Elle y est ! Elle y est !)
Et Bernadette de se lever, de jeter avec hâte de l'eau bénite dans la direction du rosier en disant :
"Si vous venez de la part de Dieu, approchez..." Le beau sourire de l'Apparition tranquillise totalement l'âme de Bernadette qui se tourne vers ses compagnes en disant :
"Elle ne s'en fâche pas, au contraire, Elle approuve de la tête et sourit vers nous toutes. Plus je lui en jette, plus Elle sourit."
Et au nom sacré de Dieu, le visage de Marie s'illumina merveilleusement. A ce nom, Elle s'inclina à plusieurs reprises. Elle s'avança jusque sur le bord du rocher. Et devant l'Apparition qui resplendit d'une beauté céleste et qui est si près d'elle, Bernadette se prosterne et dit instinctivement ses Ave Maria en récitant le chapelet. Et bientôt, elle ne voit que Marie. Elle est dans l'extase qui durera une heure. "Elle semblait un ange", dit Jeanne Abadie qui était parmi les jeunes filles, "nous la croyions morte, nous la regardions et nous pleurions toutes". Et un autre témoin, Antoine Nicolau, dira : "Bernadette était à genoux, blême, les yeux très ouverts, fixés vers la niche, les mains jointes, le chapelet entre les doigts; les larmes coulaient des deux yeux; elle souriait et avait un visage plus beau que tous ceux que j'ai vus."
Elle s'avança jusque sur le bord du rocher. La Dame s'était si avancée au-devant, que ses pieds nus ne touchaient plus le rebord de la cavité.
Troisième Apparition : le Jeudi 18 février 1858.
Après avoir assisté à la messe, Bernadette descend à la Grotte vers 7 heures (par la rue de Baous (rue de la Forêt). Elle est accompagnée de Mme Millet et de Mlle Peyret. Melle Peyret tient un écritoire. Bernadette aura le bonheur de voir la Dame pendant environ une heure. Mais c'est la première fois qu'elle entendra la voix de l'Immaculée.
"Va demander à la Dame ce qu'elle veut et qu'elle le mette par écrit", avait dit Antoinette Peyret à Bernadette, en lui donnant un papier, une plume et de l'encre. Bernadette obéit.
La Dame va dire en effet ce qu'Elle veut. Elle a souri et répondu :
"Ce que j'ai à vous dire, il n'est pas besoin que je le mette par écrit."
Après s'être recueillie, l'Apparition demanda :
"Voulez-vous avoir la grâce de venir ici pendant quinze jours ?"
Bernadette n'en reviendra pas de cette politesse de la Dame à l'égard de la pauvre fille qu'elle était. Elle nous raconte :
"Elle m'a dit : vous. Elle m'a dit d'avoir la grâce de venir ! " Aussi la réponse de Bernadette fut-elle prompte, joyeuse et confiante :
"Eh ! oui, Madame, je vous le promets... si mes parents le permettent."
Et cette promesse de Bernadette lui vaut la promesse merveilleuse de Marie :
"Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l'autre."
Et Bernadette pourrait nous dire ce qu'elle disait à Antoinette Peyret : "Elle te regarde en ce moment."
Je tenais un cierge bénit que m’avait donné Mme Millet (c'est depuis ce jour-là qu'est née la coutume de porter un cierge à la Grotte)
C'est la première fois que j’entendais la voix de la Dame. J’étais étonnée d'entendre la voix de la belle Dame , de plus, Elle parlait le patois de Lourdes.
Je ne compris pas bien ce que signifiait sa parole lorsqu’Elle me dit :
« Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l'autre »
Quatrième apparition : le Vendredi 19 février 1858 - 2e jour de la quinzaine
Après la messe, vers 7 heures, nous voyons Bernadette, sa maman, sa tante Bernarde Castérot, Mme Millet et quelques autres femmes à la Grotte. Bernadette fait son beau signe de croix, qu'elle a vu faire à la Dame, et récite son chapelet. Les témoins la voient dès le troisième Ave "ravie" pendant environ une demi-heure. Ils admirent "les ondées de joie" qui passent sur sa face, "les sourires qui illuminent son visage".
La mère voyant sa fille transfigurée s'écrie : "Oh! mon Dieu, je vous en conjure, ne me l'enlevez pas." "Oh! qu'elle est belle!", entend-on dire.
Et qu'a dit Marie ? Cela semble être si peu et pourtant c'est si important dans la formation d'une âme.
"Elle m'a remerciée d'être venue." La Reine et Mère qui dit "merci" !
"Elle m'a dit que plus tard elle aurait des révélations à me faire."
Il fallait préparer Bernadette à une plus grande intimité. Tandis que les hommes ne constatent que bien tard l'importance de ce qui vient d'en haut, l'enfer le devine bien plus tôt.
Pendant que je priais, des voix m'ont appelée ; on aurait dit mille personnes en colère. C'était horrible. La voix la plus forte a crié : "Sauve-toi! Sauve-toi ! "
Mais la Dame a regardé vers le Gave en fronçant les sourcils et les voix se sont évanouies.
Cinquième apparition : le Samedi 20 février 1858 - 3e jour de la quinzaine
Avec sa mère, sa tante Basile, Bernadette descend tout de suite après la messe vers la Grotte.
Il y a cette fois une trentaine de témoins. Le matin de la cinquième apparition, Bernadette arriva à Massabielle vers 6 heures 30. Elle ne fut ni étonnée ni émue d'y trouver les personnes qui l'y attendait.
Elle se présenta avec le même air que si elle eût été simple spectatrice et elle alla s'agenouiller à sa place ordinaire. Sans faire attention aux yeux fixés sur elle, elle prit naturellement son chapelet et se mit à prier.
Le visage de la voyante, disaient des témoins, devient tout à coup si clair, si transfiguré, si éclatant, si imprégné de rayons divins que ce reflet merveilleux que nous apercevons nous donne la pleine assurance du centre lumineux que nous n'apercevons pas.
On voyait ce jour-là Bernadette comme bouleversée tantôt de joie, tantôt de crainte; son corps comme mû et attiré en avant, vers en haut; ses mains jointes, levées, tendues; son visage tout blanc et émacié; ses yeux agrandis, remplis de larmes qui coulaient sur le visage, des larmes tout autres que celles que nous versons, des larmes venant d'une douleur pure.
Quelle grâce dans les gestes, dans les inclinations de tête, dans ses saluts, dans ses sourires, dans ses regards! Ce n'était plus la fille de Louise Soubirous, mais la fille d'une mère céleste!
La Dame eut la bonté de m’apprendre mot à mot une prière pour moi toute seule.
Prière qu'elle récitera fidèlement chaque jour de sa vie sans la faire jamais connaître. Le nombre de pèlerins va d'abord s'évaluer par dizaines, puis par centaines et plus tard, par milliers.
Sixième apparition : le Dimanche 21 février 1858 - 4e jour de la quinzaine
En ce premier dimanche de Carême 1858, vers 6 heures du matin, les abords de la Grotte se remplissent de centaines de témoins. Ce dimanche-là, il y eut des gens en plus grand nombre.
Parmi eux se trouvait un groupe d'ouvriers de Lourdes ainsi qu'un médecin, le Dr Dozous, qui observe de près l'état de Bernadette pendant la demi-heure d'extase : il lui tâte le pouls, mais ne peut détecter aucune "surexcitation nerveuse".
Les événements les plus marquants sont toutefois les deux brûlures qui ne furent pas perçues par Bernadette, ni même suivies d’effets.
La première eut lieu ce même mardi 23 février 1858. Emmanuélite Estrade remarqua en effet une chose insolite et troublante pendant l’extase de la voyante : “Le cierge glissa de sa main. L’une des extrémités (celle qui était opposée à celle qui brûlait) toucha terre de sorte que le second doigt resta tout à fait sur la flamme durant plusieurs minutes. Je crus que ce pauvre doigt serait tout calciné. Je ne pouvais m’empêcher de gémir tout haut mais je n’eus pas le courage de le retirer de la flamme...”. Ce fut dans cette circonstance que je pus examiner le doigt de Bernadette. Aucune trace de brûlure ne s’y trouvait.”
Le deuxième événement eut lieu pendant l’extase du 7 avril. Ce matin-là, peu après cinq heures (on va à la grotte de plus en plus tôt) Bernadette protège d’un fort courant d’air la flamme de son cierge de ses mains, qu’elle tient en coquille. Une rumeur naît tout à coup dans la foule proche : “Mais elle se brûle ! Elle se brûle !”
Certains voient en effet, plus ou moins confusément, la flamme se frayer un chemin à travers les doigts de la voyante. Le docteur Dozous, qui se tient à la gauche de Bernadette, stoppe d’un geste impératif toute tentative d’intervention. Il est fasciné par un phénomène qui va durer une dizaine de minutes. On crie au miracle.
Le médecin n’en reste pas là. Dès que Bernadette sort de son extase, il lui prend les mains, les retourne, les essuie : aucune trace de brûlure n’y est visible. Remué, Pierre Romain Dozous dit alors à la jeune fille : “Je ne sais pas ce que tu vois, mais maintenant je sais que tu vois quelque chose !” Cet homme à la stature épaisse, au charisme impressionnant qui, trois jours plus tôt, traitait les visions de “farces” et Bernadette de “drôlette” devient à cet instant le plus ardent défenseur des événements de Massabielle.
Lors des 2ème, 4ème, 8ème et 9ème Apparitions, ont eu lieu des phénomènes de célérité. Ce mot désigne le déplacement anormalement rapide d’une personne courant en état d’extase. La marche extatique est à peu de chose près le même phénomène : le sujet ne court pas mais marche avec une vélocité extraordinaire, sans que l’on puisse être certain que ses pieds restent en contact avec le sol.
Lors de la deuxième apparition un phénomène de sur-poids s’est apparemment produit. Ce dimanche 14 février 1858, plusieurs fillettes, puis trois femmes tentent vainement de faire bouger Bernadette en extase. Antoine Nicolau, un meunier petit mais fort, est appelé en renfort. Il accourt en bras de chemise, décidé à mettre fin à ces bizarreries. Arrivé devant Bernadette il hésite, la regarde longuement :
“Bernadette était à genoux, les yeux très ouverts, arrêtés vers la niche, mains jointes, chapelet entre les doigts ; les larmes coulaient des deux yeux. Elle souriait et avait un visage beau... plus beau que tout ce que j’ai vu. J’eus peine et plaisir (à la voir ainsi) et toute la journée j’avais le cœur touché en y repensant... Je demeurai quelque temps immobile, à la regarder... Les filles étaient comme moi, se disant quelques mots l’une à l’autre ; ma mère et ma tante étaient ravies comme moi... Je regardais vers la niche mais je ne vis rien. Malgré son sourire, j’avais peine comme elle était blême.” Aidé de sa mère, de sa tante et de deux fillettes, le meunier eut beaucoup de peine à entraîner Bernadette.
Pendant la 7ème vision (mardi 23 février 1858) un cas d’insensibilité à la douleur a été observé par un témoin. Une jeune femme du nom d’Eléonore Pérard pinça fortement Bernadette (“pour voir ce que ça lui ferait”). N’obtenant pas de réaction, cette femme à l’espièglerie agressive détacha de son tablier une grosse épingle à tête noire qu’elle enfonça dans l’épaule de la petite voyante. Peine perdue : Bernadette ne broncha pas plus. Cette absence de réaction fit une forte impression sur Eléonore Pérard qui entra au couvent de Saint Vincent de Paul l’année suivante.
Bernadette doit comparaître devant une autorité civile ; il s'agit du commissaire de Police, Mr Jacomet. Qui l'intimida, essaya de la déstabiliser mais n'y arriva pas.
Auparavant, il faut savoir que le maire de la ville (M Aldophe Lacadé), le commissaire de Police (M. Jacomet) et le procureur impérial (M. Dutour) s'étaient concertés pour faire cesser le trouble de cette population qui se regroupait à la Grotte. Par contre, si le commissaire de Police ne put rien faire avec Bernadette il fit promettre à son père François Soubirous d'interdire à sa fille de ne plus aller à la Grotte.
Lors d’une de ces interminables interrogatoires, après plus de deux heures debout on m’offrit une chaise, je la repoussai vivement et dis : « Pensez-vous, je la salirais! » et je m’assieds par terre. Plus de vingt ans plus tard, je pleurais encore cet événement. Mon Dieu comme j’étais méchante.
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